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| Boualem Sansal [Algérie] | |
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+6mimi54 Harelde Emmanuelle Caminade moinonplus coline Eve Lyne 10 participants | |
Auteur | Message |
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Eve Lyne Sage de la littérature
Messages : 1936 Inscription le : 08/08/2008
| | | | Eve Lyne Sage de la littérature
Messages : 1936 Inscription le : 08/08/2008
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Sam 11 Avr 2009 - 10:47 | |
| HARRAGA.
Lamia, pédiatre, 35 ans, célibataire, vit seule dans la grande maison familiale algéroise. Ses parents et son frère aîné sont morts. Son jeune frère Sofiane est devenu un harraga i.e. un brûleur de routes, préférant mourir ailleurs que vivre à Alger. Le harraga est un candidat au suicide, menant une vie sans espoir, sans lumière. Au mieux il devient clandestin à l'étranger, au pire il connaît une terrible descente aux enfers. Lamia se remémore l'histoire de cette maison qui a vu défiler maints propriétaires, tous témoins d'une période historique du pays. Ces fantômes lui tiennent compagnie et font l'objet de fréquents soliloques. Elle rumine ce passé car le pays n'offre aucune autre évasion. La solitude est son univers, l'errance est sa quête.
Un jour arrive Chérifa, une mineure excentrique, désordonnée, illettrée, enceinte et envoyée par Sofiane. Partagée entre l'envie de la chasser et celle de la garder auprès d'elle, Lamia voit sa vie ordonnée bousculée, comble sa carence affective et s'ouvre enfin à la vie et à l'amour. Chérifa est avide de vivre, se cherche et fugue souvent. Jusqu'au jour où les jours et les semaines passent sans qu'elle ne réapparaisse. La séparation fait place à une absence très douloureuse pour Lamia, qui tente vainement de la retrouver.
Lamia parle du sort terrible des femmes, victimes de Dieu et encore plus des hommes qui les traitent comme des esclaves et n'hésitent pas à les punir durement : flagellation, lapidation, etc. Elle évoque ce pays sans issue, la corruption, l'immobilisme, la lenteur bureaucratique, l'inculture, mais surtout les harragas.
C'est un livre dur, qui traite donc principalement du départ des jeunes Algériens pour l'Eldorado que représente l'Europe. On y aborde aussi la fracture sociale et politique : une Algérie en proie à la montée des islamistes, où les rêves permettent uniquement de se fuir. Une histoire émouvante dans une Algérie misogyne, étouffée par l'intégrisme religieux.
Quant à l'écriture, elle est précise, détaillée, insistante, brillante. Une belle plume au service de la langue française.
Cet auteur s'adresse à tous ceux qui ont aimé le dernier livre de Yasmina Khadra "Ce que le jour doit à la nuit". Tout comme Khadra, Sansal dénonce, mais avec une plume moins noire et plus subtile.
"Ce texte est l'histoire de Lamia. Poussée par la vie dans la plus profonde des solitudes, elle se meurt comme le grain de blé mis en terre et un jour d'été miraculeux éclôt en elle la chose la plus réelle et la plus imaginaire qui soit au monde : l'amour."
"Juger est comme respirer, on ne doit jamais se départir de ce pouvoir, nous le tenons de Dieu, il est toute notre humanité, il ne faut ni le sous-traiter ni l'accorder à je ne sais quel vent, levé on ne sait comment par on ne sait qui. Au diable la tolérance quand elle rime avec lâcheté !" | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Sam 11 Avr 2009 - 17:00 | |
| Encore un auteur que je ne connais pas du tout...Je me suis tournée d'abord vers les algériennes Malikka Mokkedem, Leïla Sebbar, Assia Djebbar... | |
| | | Eve Lyne Sage de la littérature
Messages : 1936 Inscription le : 08/08/2008
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Sam 11 Avr 2009 - 18:04 | |
| - coline a écrit:
- Encore un auteur que je ne connais pas du tout...Je me suis tournée d'abord vers les algériennes Malikka Mokkedem, Leïla Sebbar, Assia Djebbar...
Je ne connais pas les deux premières que tu cites. Assia Djebbar est très agréable à lire. J'ai découvert Sansal lors de la sortie de son dernier roman qui m'a fortement impressionnée. Le parralélisme entre islamisme-intégrisme et nazisme est effrayant. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| | | | moinonplus Envolée postale
Messages : 225 Inscription le : 15/09/2009 Age : 33
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Ven 13 Nov 2009 - 21:29 | |
| Merci pour la création de ce fil ; et toutes les informations présentées. Les journalistes algériens ont souvent cité cet écrivain dans la lignée de Yasmina Khadra, pour quelques uns de ces écrits où il s’agit particulièrement du terrorisme ; je ne sais pas si ce rapprochement est possible ou pas ! Une étude objectivement comparative entre les deux écrivains me semblerait mieux souhaitable; il n’y en a pas eu. Malheureusement je n’ai pas lu cet auteur ; mais j’ai une grande envie de le lire …Un écrivain algérien dont les œuvres ne sont pas disponibles en Algérie !!! Si ce n’est pas triste ça…Enfin je me garderai de toute critique qui touche aussi le système politique, un sujet accablant dont je trouverai trop de choses à dire. J’espère réellement pouvoir découvrir ses livres un jour. | |
| | | Emmanuelle Caminade Envolée postale
Messages : 204 Inscription le : 06/11/2009 Age : 74 Localisation : Drôme provençale
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Lun 14 Mar 2011 - 14:59 | |
| "Sansal va assez loin puisqu'il compare la montée de l'islamisme à celle du nazisme, ce qui est évidemment excessif "
C'est un beau roman à la construction ingénieuse et au parti-pris narratif habile dont beaucoup de passages atteignent une simplicité bouleversante . Il aurait possédé toutes les qualités d'un grand livre à mettre d'office entre toutes les mains si certaines outrances verbales n'avaient conduit en effet Boualem Sansal à des simplifications abusives . On ne peut que regretter que cet auteur - qui aborde pourtant avec précision et finesse, sans haine ni pathos, tout ce qui a trait à l'Extermination nazie - n'ait pas su trouver les mots adéquats pour rendre compte de la complexité de "l'ordre qui prévaut" dans les cités ou en Algérie... A lire donc mais avec un certain recul critique ! N'est pas Grossman qui veut... (Dans Vie et destin roman achevé par Vassili Grossman en 1960 et publié pour la première fois en France en 1980, l'écrivain russe fait, lui, un audacieux mais totalement pertinent parallèle entre les deux totalitarismes que sont le nazisme et le bolchévisme...)
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| | | Seb Invité
| Sujet: Rue Darwin Jeu 3 Nov 2011 - 11:22 | |
| Rue Darwin est vraiment un excellent roman où Sansal me semble au sommet de son art, maîtrisant toutes les formes d'expression, tous les styles, tantôt la satire, tantôt la description lyrique, tantôt la nostalgie mélancolique.
Les critiques ont insisté sur son courage pour dénoncer la tyrannie politique et l'obscurantisme religieux - ce en quoi ils ont raison -, mais ne soulignent pas assez les qualités d'écriture. Sauf erreur, il ne figure pas dans les listes de prix littéraires alors qu'il est à des années-lumière au-dessus de tout ce que j'ai pu lire ou feuilleter de cette rentrée, même ceux qu'on qualifie de génies
Pour ma part, je pense - n'ayons pas peur des mots - que Sansal est l'un des plus grands écrivains de langue française vivants
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| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Jeu 3 Nov 2011 - 11:33 | |
| - Seb a écrit:
- Rue Darwin est vraiment un excellent roman où Sansal me semble au sommet de son art, maîtrisant toutes les formes d'expression, tous les styles, tantôt la satire, tantôt la description lyrique, tantôt la nostalgie mélancolique.
Les critiques ont insisté sur son courage pour dénoncer la tyrannie politique et l'obscurantisme religieux - ce en quoi ils ont raison -, mais ne soulignent pas assez les qualités d'écriture. Sauf erreur, il ne figure pas dans les listes de prix littéraires alors qu'il est à des années-lumière au-dessus de tout ce que j'ai pu lire ou feuilleter de cette rentrée, même ceux qu'on qualifie de génies
Pour ma part, je pense - n'ayons pas peur des mots - que Sansal est l'un des plus grands écrivains de langue française vivants
Seb ! heureux de te revoir. Mon voisin et ami pense comme toi. Il vient d'enchainer le village allemand avec cette fameuse rue Darwin. Il est dithyrambique. Sansal est sa découverte 2011 qu'il dit à la hauteur de son coup de coeur 2010 (Saramago. Ce qui est une référence). | |
| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Jeu 24 Nov 2011 - 14:22 | |
| Le Village de l’AllemandRachel et Malrich Schiller sont deux frères, nés dans le département de Sétif de mère algérienne et de père allemand à treize années d’intervalle. Leur père les a envoyé très tôt en France chez un couple d’amis afin qu’ils fassent des études. Ils ne vivent donc plus au bled avec leurs parents qu’ils n’ont plus vus depuis de nombreuses années mais en banlieue parisienne. Rachel, l’aîné a fait des études et habite un coquet pavillon avec sa femme Ophélie. Malrich, lui, n’a pas dépassé le CM2 et passe ses journées à tuer le temps avec ses copains de la cité. Les jours se suivent et se ressemblent quand un bouleversement survient à l’occasion du suicide de Rachel. Malrich se plonge alors dans la terrible lecture du journal de son frère. Journal dans lequel celui-ci explique comment leurs parents ont sauvagement été assassinés deux ans auparavant dans leur village algérien par le GIA. Il raconte également comment il a découvert dans les papiers que leur père n’avait pas détruits le lourd passé de celui-ci dans la Waffen-SS et son implication en temps qu’ingénieur chimiste au sein de plusieurs camps de concentration. Rachel, durant deux ans, a remonté la piste paternelle afin de tenter de comprendre qui était Hans Schiller. Ce roman est originalement conçu sous la forme de journaux intimes. Malrich, contrairement à son frère que son enquête a détruit, choisit de révéler la vérité et présente, chapitre après chapitre, les écrits de son frère entrecoupés de sa propre prose, de ses propres sentiments, de sa propre expérience. « Ou le Journal des frères Schiller » est d’ailleurs le sous-titre du livre. Si Rachel se contente de crier sa rage, sa haine des nazis, Malrich, lui, fait avec eux un parallèle avec les islamistes qu’il côtoie au quotidien dans sa cité et qui ont pris le pouvoir dans son pays natal pour le plus grand malheur de ses habitants. Cité et pays qu’il compare à des camps de concentration, les imams au Führer, les émirs à des Obersturmbannführers et leurs indics à des kapos. Une écriture splendide, vivante. Très riche tout en restant simple, avec une distinction marquée entre la prose de l’aîné, cultivé et le langage davantage parlé du cadet. Une écriture très agréable à lire, toujours percutante. Un livre poignant d’un écrivain que j’ai trouvé très talentueux. Mais un livre difficile (de par son thème) : plus difficile que celui de Primo Levi dont il est plusieurs fois fait référence dans les journaux des deux frères. Car si Primo Levi avait gardé une incroyable distance, un recul presque incompréhensible avec les faits relatés froidement, Rachel et Malrich hurlent leur haine et leur incommensurable douleur. Un livre bouleversant jouant beaucoup plus sur l’affect et qui ne peut laisser indifférent. Un grand livre. Et un grand auteur. Une grande découverte pour moi. | |
| | | mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Mer 28 Déc 2011 - 20:08 | |
| Rue DarwinGallimard-Août 2011 254 pages - Citation :
- Après la mort de sa mère, Yazid, le narrateur, décide de retourner rue Darwin dans le quartier Belcourt à Alger, où il a vécu son adolescence. « Le temps de déterrer les morts et de les regarder en face » est venu. Son passé est dominé par la figure de Lalla Sadia, dite Djéda, sa toute-puissante grand-mère adoptive, qui a fait fortune installée dans son fief villageois, fortune dont le point de départ fut le florissant bordel jouxtant la maison familiale. Né en 1949, Yazid a été aussitôt enlevé à sa mère prostituée, elle-même expédiée à Alger. Il passe une enfance radieuse au village, dans ce phalanstère grouillant d’enfants. Mais quand il atteint ses huit ans, sa mère parvient à l’arracher à l’emprise de la grand-mère maquerelle. C’est ainsi qu’il débarque rue Darwin, dans une famille inconnue. Il fait la connaissance de sa petite sœur Souad. D’autres frères et sœurs vont arriver par la suite, qui connaîtront des destins très divers. La guerre d’indépendance arrive, et à Alger le jeune Yazid y participe comme tant d’autres gosses, notamment en portant des messages. C’est une période tourmentée et indéchiffrable, qui va conduire ses frères et sœurs à émigrer. Ils ne pourront plus rentrer en Algérie (les garçons parce qu’ils n’ont pas fait leur service militaire, les filles parce qu’elles ont fait leurs études aux frais de l’État algérien). Le roman raconte la diaspora familiale, mais aussi l’histoire bouleversante de Daoud, un enfant de la grande maison, le préféré de Djéda, dont Yazid retrouve un jour la trace à Paris. Encore une fois, Sansal nous emporte dans un récit truculent et rageur expliquant la difficulté d’avoir deux mères : c’est le cas de Yazid, mais aussi celui de tous les Algériens… Il décrit la corruption, le « grouillement de la misère », l’absence de perspectives, la tristesse générale, l’ennui… Rue Darwin est le récit d’une inguérissable douleur identitaire, génératrice d’un chaos politique et social.
Ce qui frappe avant tout, c’est l’écriture…Il n’y a aucun doute cet homme-là, est un écorché vif ; et son stylo semble lui servir d’exutoire. Tous les maux de l’Algérie sont ici mis en exergue ; son histoire, son identité, sa religion…Boualem Sansal se met en danger, chaque fois qu’il écrit ; il dérange. Mais il n’a pas quitté le pays, malgré les persécutions, et le risque permanent de se faire arrêter. - Citation :
- « Et puis les choses sont ainsi au pays, brutales et incompréhensibles, on y vit comme on vivait dans les temps médiévaux, dans l’effroi et le grouillement de la misère, se recroqueviller dans un coin avec les siens et se regarder mourir est ce qu’il y a de plus supportable à faire. »
- Citation :
- « Mais je l’avoue , j’étais nul en religion, l’islamique s’entend, c’est la religion au pouvoir ici, j’ai toujours eu du mal avec elle, son univers impitoyable et ses maigres consolations me rebutaient tant, mais comment lui échapper, tout est entre ses mains, c’est une pieuvre qui s’insinue partout, ses aguets sont infatigables comme des fous, ils patrouillent à l’intérieur de nos têtes, fouillent nos rêves, fustigent nos manières, hurlent à la mort. »
Yazid, notre narrateur, «écrivain- narrateur», oserais-je dire tant Yazid me fait penser à Boualem, revient sur les lieux de son enfance, Rue Darwin à Alger ( là-même où a grandi Albert Camus), répondant à un appel à la mort de sa mère. Une enfance entourée de femmes, et quelles femmes !!!! Qui l’eut cru, en terre d’Islam, que le petit Yazid aurait eu pour grand-mère une mère maquerelle à l’autorité et la puissance incontestables ?Les hommes se font rares, et très petits quand ils existent ; ils sont de passage, ou disparaissent assez vite. Les femmes décident, organisent. Il ne sait pas trop d’où il vient, Yazid. Sa mère, son père….tout cela est bien flou. Ainé d’une fratrie de cinq, il est le seul à être resté après d’elle. Les autres ont tenté leur chance aux quatre coins de la planète. Un seul a mal tourné, en s’en allant dans les montagnes, un peu trop obsédé par la religion. Yazid, s’est " sacrifié " ; il est resté au pays. - Citation :
- « Je crois bien en définitive que j’ai seulement aidé maman à porter l’immense amour qu’elle vouait à ses enfants. J’ai dû sentir, à un moment ou à un autre, que ce poids était en train de l’écraser. Alors l’ai aimé mes frères et mes sœurs d’un amour de forçat, si fort que j’en ai oublié de vivre. »
Dans un va et vient permanent entre les époques, Yazid recolle un à un les morceaux d’une vie difficile, mais heureuse malgré tout. Si j’ai aimé la fluidité de l’écriture, sa sensibilité. Il a manqué, toutefois ce petit quelque chose, pour en faire, à mes yeux un grand livre ; en tout cas un livre qui marque. Ce n’est peut-être pas le meilleur d’un auteur qui mérite d’être lu. - Citation :
- « Accéder à la vérité avant l’heure ou hors du chemin qui est le sien peut être une trahison, un grand danger. »
« La guerre est finalement une sacrée machine à écourter l’enfance. » | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Sam 14 Jan 2012 - 11:06 | |
| Rue Darwin Boualem Sansal nous offre un beau roman, largement autobiographique, nourri de sa relation à l'Algérie, de son amour et de sa rage. Sorti de la douceur de l'enfance au décès de son père, Yazid est récupéré par sa grand-mère, une richissime maquerelle aux décisions totalitaires, poussant à la va-comme-je-te-pousse au milieu d'un groupe d'enfants miraculés, « échecs » des avortements des prostituées qui travaillent à son service. C'est une bande de joyeux gamins qui se serrent les coudes, espionnent les adultes, partagent des secrets, créant ainsi des liens que la distance et les années ne suffiront pas à distendre. Puis Yazid fait le choix de retourner chez sa mère, dans un quartier pauvre d'Alger, et voit son paysage peu à peu envahi par une grande fratrie. Tous ces enfants font à l'âge adulte le choix de l'exil, alors qu'il reste aux côtés de sa mère sont, sans savoir jamais vraiment trouver ses marques, écartelé entre ses deux mondes. C’est au décès de la mère qu'il parvient à démêler les secrets de son enfance. L’histoire personnelle de Yazid se déroule sur fond de l'histoire contemporaine de ce pays, ses violences et ses drames. Une très belle écriture porte ce roman tout de nostalgie et de colère, cette histoire mythique aux personnages improbables (quoique Sansal nous dise que la plupart ont bien existé). Une écriture parfois presque trop travaillée, noyant par moments le lecteur sous une accumulation censée traduire le grouillement et la violence. Dans ce petit monde d'enfants malins espionnant une maquerelle irascible, on pense par moments à Garcia Marquez, mais il manque (en effet, Mimi) un petit quelque chose pour que l'alliance du « réalisme » et du « magique » nous porte dans un pur bonheur. Excellente lecture cependant, il ne manque qu'un petit vent de folie. - Citation :
- Et voilà que toute ma vie de sédentaire taciturne et solitaire n’aura été que de mystères et rebondissements, murmures et rebondissements, une pièce de théâtre tragicomique avec des rois et des reines improbables, des royaumes pourris et incestueux, des complots à tire-larigot, les héritiers sortis des ténèbres, des frères et des sœurs par dizaines, des frais faux et des faux qui pourraient être vrais, des cousins et des cousines par centaines aussi approximatifs que fugaces, pièce qui s'est jouée sans relâche dans ma tête, tandis qu'entre deux actes, comme pour nous distraire de nos souffrances personnelles, il se déroulait alentour des révolutions sanglantes, il se confirmait que des disparitions de masse avaient bien eu lieu, dans une discrétion stupéfiante, il se découvrait des charniers, des anciens et des récents, il se commettait des meurtres à la pièce, presque anecdotiques mais qui tenait en haleine deux rues, voire un bon quart du quartier de la ville, et des misères sans fin, jour après jour, heure après heure, des tortures en accompagnement, tant physiques que psychologiques, avec en voix off, lancinante et grave, le rappel d'anciens holocaustes si gigantesques qu'on se demande effaré comment et pourquoi et de quel droit nous somme encore vivants.
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| | | mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Sam 14 Jan 2012 - 11:40 | |
| Nous avons deux approches différentes pour parler du livres, mais nous arrivons à la même conclusion. | |
| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Lun 13 Fév 2012 - 15:05 | |
| Rue Darwin
Yazid est algérien. Il vit dans un quartier populaire d’Alger. A l’occasion du décès de sa mère, morte d’un cancer du sang, il nous conte son histoire qu’il couche sur le papier. Il retourne rue Darwin dans le quartier de Belcourt où il vécut enfant. Cette plongée dans son histoire ravive des souvenirs oubliés. Narrateur et écrivain, il revient sur son enfance dans un village perdu dans la montagne, sur Djéda, sa grand-mère toute puissante, richissime, à la tête d’un clan très puissant gérant, entre autres, des maisons closes. En Algérie et à l’étranger. La grand-mère est respectée, crainte. Aimée aussi. Yazid grandit au milieu d’une armée de gamins dont Faïza l’aînée a pris la tête. Intelligente, oreilles et yeux grands ouverts, elle remarque tout, entends tout, comprends tout. D’où viennent les enfants du clan, d’où vient Yazid l’héritier. Puis c’est le drame : la mort du père bouleverse l’ordre établi. La mère s’enfuit sans laisser de trace en laissant son fils de huit ans au bled. Mère qu’il retrouve et rejoint dans la capitale. Mère entourée d’une nouvelle famille au sein de laquelle il trouve sa place d’aîné. Cet enfant écartelé entre deux familles, deux mondes que tout opposent qu’il aimerait réconcilier mais qui se disputeront l’enfant. Souvenirs d’une famille hors norme, éclatée au quatre coins de la planète. Avec en toile de fond une Algérie exsangue, meurtrie par la guerre et l’islamisme, ravagée par la corruption, Boualem Sansal navigue entre Paris, Alger et le village de montagne, fief de la famille. Il change constamment d’époque pour placer pièce après pièce, les morceaux de ce puzzle familiale. Une écriture fluide, très riche que j’ai parfois trouvée un peu pompeuse, verbeuse. Une écriture bouleversante, empreinte d’une douleur incommensurable d’un auteur écorché vif. Un de ces livres qui marque le lecteur. Un très bon moment qui confirme la très bonne impression que j’avais eu lors de la découverte de cet auteur avec le Village de l’Allemand !
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| | | mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
| Sujet: Re: Boualem Sansal [Algérie] Dim 5 Mai 2013 - 9:29 | |
| Le village de l'Allemand
Malrich et Rachel Schiller, deux frères nés en Algérie d’une mère algérienne et d’un père allemand, Hans. Deux frères envoyés par leurs parents chez le tonton Ali en banlieue parisienne pour un avenir meilleur. Deux frères au destin différend ; Rachel le lettré et éduqué, Malrich qui l’est moins et vit dans sa cité au milieu des islamistes, voit de près les ravages de l’islam des caves, mais refuse et dénonce de toute son âme cette dérive.
Ce roman, qui se base sur une histoire vraie, est construit de manière originale. Il est la confrontation du journal des deux frères Schiller. Malrich découvre celui de Rachel au moment de sa mort. Et c’est pour lui l’occasion d’aller à la découverte du passé de son père tragiquement disparu quelques années plus tôt avec sa mère victimes des années noires en Algérie, et du profond marasme dans lequel son frère est tombé alors qu’il cherchait désespérément la vérité.
Boualem Sansal confronte ici trois périodes tragiques à priori différentes mais qui au fond ont leur dénominateur commun. De la folie meurtrière nazie, à la manipulation religieuse dans les banlieues parisiennes et ses populations laissées à elles même, en passant par la vague terroriste des années 90 en Algérie, c’est pour Boualem Sansal l’occasion de dénoncer toutes les exactions humaines d’où qu’elles viennent. Il a pris le risque de rester dans son pays tout en continuant, au fil de son œuvre à s’attaquer à ce qui ronge depuis des lustres la société algérienne. L’écriture de Boualem Sansal est sensible, précise, et colle de près aux personnages qu’il met en lumière. Elle va droit au but, sait se faire percutante.
Après Rue Darwin, le village de l’Allemand me conforte à poursuivre à explorer l’œuvre de cet auteur.
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