Matt RuffNé en 1965, Matt Ruff a grandi à New-York où il a bénéficié d'un casting de professeurs prestigieux comme Franck McCourt et Allison Lurie.
Il aime se frotter à des genres divers et a déjà publié trois romans très différents : Un requin sous la lune (roman de SF, 2004), La Proie des âmes (2005) et Bad Monkeys. Matt Ruff vit aujourd'hui à Seattle.
Bad Monkeys(2008)
Une jeune femme, Jane Charlotte, est arrêtée par la police pour un meurtre qu'elle vient de commettre. Interrogée par les inspecteurs, elle se lance dans une explication invraisemblable : elle ferait partie d'une organisation secrète, dont le but est d'éliminer les êtres malfaisants (baptisés "Bad Monkeys") qui ont échappés à la justice officielle.
Emettant des doutes sur la santé mentale de la jeune femme, les policiers l'envoie dans un hôpital psychiatrique où elle interrogée par le Dr Vale. Jane Charlotte se lance alors dans un long récit - le contenu du roman - en revenant sur son enfance, son adolescence et les événements qui l'ont conduite à rejoindre les rangs de l'organisation. Mais ses propos correspondent-ils vraiment à la réalité ou tout cela n'est-il qu'un vaste fantasme issu d'un traumatisme vécu durant son adolescence ? Difficile de trancher, d'autant qu'au fil du récit, l'histoire se met à devenir de plus en plus incroyable...
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Bad Monkeys est le genre de roman qui suscite en moi un sentiment ambivalent, avant même de l'avoir lu : d'un côté, j'aime assez les romans ludiques qui manipulent le lecteur et le font gamberger, de l'autre je me méfie de ces mêmes romans de type thriller tortueux promis à un destin de best-seller car ils sentent un peu trop le bouquin fabriqué.
En effet, au début, on croit se trouver devant un thriller banal comme le cinéma hollywodien en connaît tant : la prévenue menottée en uniforme orange dans une pièce toute blanche, le psychiatre qui l'interroge, le duel verbal, le meurtre, etc... Pas vraiment de quoi m'intéresser à première vue et je ressens déjà l'envie de refermer le livre. Mais peu à peu, l'histoire finit par intriguer et le temps de réaliser ce qui se passe, on en est déjà à la page 100.
C'est que le roman de Matt Ruff se distingue des thrillers formantés par une tendance au délire surréaliste auquel les premiers chapitres ne prépare pas et qui va s'accentuant. C'est sans doute cet aspect-là de
Bad Monkeys qui m'a poussé à aller jusqu'au bout (j'ai une faiblesse naturelle pour les romans dérangés !)
Pour apprécier ce roman, je l'ai dit, il faut avoir un esprit ludique, aimer se plonger dans un labyrinthe narratif tel une souris blanche qui grapille des indices chemin faisant pour trouver la sortie. Ce qui demande une certaine attention (il vaut mieux le lire assez vite).
On a beaucoup cité Philip K. Dick propos de
Bad Monkeys. Ce n'est pas faux, même si ce n'est pas de la SF.
On y retrouve en effet, comme chez l'auteur californien, un goût - et un talent - pour la manipulation et la relativé des faits qui y sont racontés (faut-il ou non croire croire à ce que nous dit le personnage ?), la folie, la perte des repères, et une bonne dose d'excentricité que les auteurs de polars n'ont pas.
Le lecteur de SF, par contre, habitué à ce thème, ne sera pas surpris et, il faut quand même l'avouer, se dira qu'on a fait mieux dans le genre, que le roman de Matt Ruff utilise pas mal d'artifices pour en arriver à son fameux coup de théâtre final pas aussi imprévisible que cela.
Malgré tout, il faut saluer un savoir-faire évident, de bonnes idées, des personnages bien dessinés, et un vrai talent pour suggérer un ambiance déliquescente de fin du monde.
De quoi passer un bon moment de lecture et se dire que, malgré ses défauts, ce Matt Ruff est un auteur à ne pas perdre de vue.