Gandhi [Inde]

Gandhi, La voie de la non-violence, Gallimard 2€

Mieux comprendre Gandhi

En Occident, si l’on ne connaît de l’Inde qu’un seul nom, qu’une seule figure tutélaire, qu’un seul symbole, c’est bel et bien Gandhi. Bien sûr, nous avons l’image de l’homme au rouet, de l’apôtre de la lutte pacifique, du leader charismatique dont la vie donna un film poignant voici 20 ans… Mais que sait-on vraiment de la pensée, la formation et les idéaux philosophiques de celui que Churchill appelait « le vieux fakir tout nu » ? Pas grand-chose à vrai dire… C’est pourquoi ce petit livre, recueil organisé d’extraits de ses livres, est indispensable à lire, pour mieux comprendre les origines et la portée universelle de sa pensée. Sous forme autobiographique, il y développe ses expériences et sa philosophie.

Beaucoup plus complexe qu’on ne le croit, la pensée de Gandhi ne se résume pas à une non-violence un peu « hippie », ce qui serait même un grave contresens ; et ne naît pas par hasard : elle est le fruit de la rencontre entre des origines, une éducation, et l’indignation face aux injustices.

Gandhi est né en 1869 dans une famille de la caste Banias, celle des commerçants. Ses origines seront pour beaucoup dans sa doctrine, notamment par l’influence de sa mère, une femme très pieuse, pétrie des principes du jaïnisme (ascèse, végétarisme, tolérance, respect de la vie). Sa jeunesse est paradoxale : ancré dans les traditions indiennes les plus sévères (il est marié contre son gré et celui de la mariée à seulement 13 ans ! : « J’ai beau chercher, je ne vois aucun argument d’ordre moral en faveur d’un mariage aussi ridiculement précoce » p.22), il suit néanmoins une éducation solide en Angleterre, où il devient avocat. Cette expérience anglaise, Gandhi insiste beaucoup dessus, car, en suivant ses stricts principes alimentaires et moraux dans ce milieu des universités britanniques et en fondant une société végétarienne locale, il apprend l’organisation politique.
De retour en Inde, il échoue dans sa tentative d’ouvrir un cabinet, faute de clientèle. En 1893, il part exercer sa profession en Afrique du Sud. C’est là, face à l’injustice du système racial, que naît Gandhi, l’apôtre de l’action non-violente. Il luttera beaucoup pour les droits des Indiens en Afrique du Sud et passera plusieurs fois par la case prison.

De retour en Inde, il fonde un ashram (communauté) où il prêche l’ahimsa (non-violence). Il connaît alors un grand succès. C’est là que s’arrête ce livre pour ses éléments biographiques. La suite est bien connue : lutte pour l’indépendance de l’Inde par l’action civique non-violente, la prison, les jeûnes et prises de position, jusqu’à son assassinat en 1948. A ce propos, voici ce qu’il écrivait la veille de son assassinat : « Sachez en revanche que si l’on devait m’abattre d’une balle […] et que je sois capable d’y faire face sans broncher tout en consacrant mon dernier soupir au Créateur, alors je n’aurais pas prétendu vainement être homme de Dieu. » p.119

Pour sa pensée, Gandhi développe au long de ce petit livre quelques points saillants, et ne cache pas ses erreurs et ses évolutions. Elle est caractérisée par une grande modestie et un refus de toute forme d’admiration envers lui (il déteste qu’on le surnomme « Mahatma ») ; par les principes de non-violence, mais raisonnée, et il justifie par là même certains cas d’euthanasie car elle vise à empêcher la violence de la souffrance si on ne peut la soulager ; un pacifisme très fort, idéal, mais pragmatique : Gandhi apporte son aide aux Britanniques et incite les Indiens à le faire lors de la Guerre des Boers et des deux conflits mondiaux, mais de façon positive, c'est-à-dire en ne combattant pas, mais par l’appui logistique, médical, administratif… En cela, sa ligne diffère quelque peu de celle d’un Romain Rolland, avec qui il correspondit. Le grand écrivain français est d’ailleurs la seule personne occidentale citée nommément dans tout l’ouvrage.
Sur la religion, Gandhi croit en Dieu, mais sans professer un dogme plutôt qu’un autre, même s’il est hindou par ses origines et attiré par la pensée chrétienne, il demeurera toujours attentif à toutes les métaphysiques, y compris musulmanes, ce qui lui sera reproché au moment de la partition indienne.

L’itinéraire d’un homme animé d’idéaux élevés, avec ses faiblesses et ses erreurs, et les principes qu’il a essayés modestement de mettre en œuvre, voilà ce que nous donne à lire Gandhi. Rien de plus, rien de moins. A nous de le lire et d’en faire bon usage en prenant dans sa riche pensée les éléments de respect et de non-violence et de les appliquer à nos sociétés.

Oui, les bras m' en tombent !

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