Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Yannis Ritsos

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coline
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MessageSujet: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 1 Jan 2010 - 19:46

Yannis Ritsos Yannis10

Yannis Ritsos est né en 1909 à Monemvassia (Grèce).

Cadet d'une famille noble de propriétaires terriens, Yannis Ritsos est marqué à douze ans par les ravages dans sa famille: ruine économique, mort précoce de la mère et du frère aîné, internement du père souffrant de troubles mentaux.

« L’ombre de mon père était grande ; elle ombrageait toute la maison
fermait les portes et les fenêtres du haut jusqu’en bas »


Il passe lui-même quatre ans (1927-1931) dans un sanatorium pour soigner une tuberculose.
Ces événements tragiques marquent son œuvre.

Les lectures le décident à devenir poète et révolutionnaire.

Proche depuis 1931 du Parti communiste de Grèce, Yannis Ritsos se mêle activement à l'action politique durant les années d'occupation, puis pendant la guerre civile, puis durant les années de la dictature .

Solidaire de tous ceux qui luttèrent pour la liberté et contre les occupations successives, ouvertement hostile au régime des Colonels, Yannis Ritsos paya son engagement de multiples arrestations et internements dans divers camps et bagnes répartis sur le territoire grec, et vécut assigné à résidence jusqu'en 1974, date à laquelle il retrouva son entière liberté.

« Vieilli d’une jeunesse sans fin qui n’arrivait pas à vieillir », Yannis Ritsos mourut du sida le 12 novembre 1990 dans le plus grand dénuement.

Peu de livres de Yannis Ritsos semblent disponibles en français. Parmi ceux-ci, on peut citer :
- Tard, bien tard dans la nuit, Le Temps des cerises, 1995
- Grécité, Fata Morgana, 2000
- Le Mur dans le miroir, Poésie/Gallimard, 2001
- Temps pierreux, Ypsilon, 2008
- Erotika, ErosOnyx, 2009
- Pierres, répétitions, grilles, Ypsilon 2009

"L'œuvre de Yannis Ritsos est une mosaïque vivante, indissociable du parcours personnel de son auteur. Toute sa vie, son histoire sont intimement liés à celle de la Grèce elle-même. Mais au-delà du poète martyr, il faut voir en cet auteur le porte-parole d'un peuple tout entier dont les vicissitudes trouvaient à travers le génie de sa plume une expression vibrante."
(Serge Den Broucke : Yannis Ritsos le parcours du témoin).


Dernière édition par coline le Ven 1 Jan 2010 - 19:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 1 Jan 2010 - 19:49

Proche depuis 1931 du Parti communiste de Grèce, Yannis Ritsos se mêle activement à l'action politique durant les années d'occupation.

« Tu te souviens de ce matin-là ? Un grand bateau étranger
entrait dans le port.
Le capitaine de vaisseau étranger sur la passerelle ôtait
sa casquette
et saluait…
Nous saluions nous aussi, nous épelions les lettres étrangères
Sur les larges flancs du bateau comme si nous lisions le
Mot je t’aime.

Nous ne sommes pas redescendus depuis à la mer.
Le port a été bombardé. Il n’en est rien resté. »

(Veille)

« Des soldats vont courent visent tombent.
En face les autres courent visent tombent. Le sang coule
Sur la neige dans la boue sous la terre. De grands fleuves
Des fleuves rouges descendent des montagnes. On les
Entend la nuit. »

(Le Dernier Siècle)

« Ainsi potences, canons et faux,
sang sur les murs, sang sur nos seuils, sang sur le chemin.
Sang la terre, l’eau, la lumière, les arbres
Sang l’aube sur la route
Sang la nuit dans le lit
Sang l’air. »

(Veille)
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 1 Jan 2010 - 19:50

Pendant la guerre civile, Yannis Ritsos s'engage dans la lutte contre la droite fasciste, ce qui lui vaut de passer quatre ans en détention dans divers camps de "rééducation": Limnos, Ayios Efstratios, Macronissos. Malgré cela, il réalisera une importante production à cette époque.
De 1948 à 1952 il se trouve en exil dans différentes îles et après son retour il publie une pléthore de recueils, dans lesquels sont consignées toutes ces dures expériences.

« Autour de chaque regard le fil de fer barbelé
autour de notre cœur le fil de fer barbelé
autour de l’espoir le fil de fer barbelé. Très froid cette
année. »

(Déplacements)

« Et tout d’un coup tout s’est éloigné- visages, arbres,
et la mer,
objets, événements, la poésie- loin, plus loin,
sur une rive de l’autre côté. »

(Pierres)

« Archanges collés au mur, Les soixante-dix Martyrs remontant la pente à la corvée
de Makronissos. »

(Gloire cerclée)
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 1 Jan 2010 - 19:53

Durant les années de la dictature Yannis Ritsos connaît de nouveau les camps et ensuite l'isolement.
Entre 1967 et 1971, la junte militaire qui a pris le pouvoir par un coup d'Etat, le déporte de nouveau à Yaros et Léros, et l'assigne plus tard à résidence à Samos, ce qui ne l'empêche pas d'enrichir encore sa vaste œuvre et de prolonger l'inspiration de l'antiquité grecque:
- Perséphone (1965-1970)
- Agamemnon (1966-1970)
- Ismène (1966-1971)
- Ajax (1967-1969)
- Chrysothemis (1967-1970)
Tous furent écrits sur les îles de sa déportation.

- Hélène (1970-1972)
- Le retour d'Iphigénie (1971-1972)
- Phèdre (1974-1975).
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 1 Jan 2010 - 19:55

Yannis Ritsos est un poète pléthorique dans sa production.

Les dernières années, sans abandonner les longs poèmes synthétiques, Ritsos semble préférer les poèmes courts et denses.
Avant, ses longs poèmes additionnent impressions et images.

Lyrique, il est aussi le poète de l’infini des petites choses, innombrables, témoins muets de l'existence quotidienne, événements infimes qui font notre existence.
Il faut les dire, il faut parler, l’écriture est un combat : “Car la tragédie peut vivre aussi dans des meubles ordinaires, chaises, fauteuils, avec des choses ordinaires, mouchoirs, encriers, livres journaux, casseroles”, a écrit Antoine Vitez à propos de Ritsos.

« j'insiste ; je ne rends pas les armes ; j'ai dit : le champ de marguerites par un matin de printemps avec les cloches sur les collines
j'ai dit : le parapluie rose, renversé, ouvert, plein de lumière dans les épis
j'ai dit : baiser, pain, raisin, poitrine, ancre, femme, liberté
j'ai dit aux morts : attendez ; rien ne finit…
“J'insiste”, “je résiste”



« les meubles
vieillissent sans résistance et gardent toujours leur place
dans la maison,
ils ont une expression de douce modestie-
et le bras du fauteuil, quand il arrive que l’atteigne
parfois, par les fenêtres exposées au Levant,
un rai de soleil, est comme une main véritable, lasse,
recourbée avec gratitude sur la hanche du monde. »

(Sous l’ombre de la montagne)


Derrière des choses simples je me cache, pour que vous me
trouviez ;
si vous ne me trouvez pas, vous trouverez les choses,
vous toucherez ce que ma main a touché,
les traces de nos mains se joindront l’une à l’autre.
La lune du mois d’août brille dans la cuisine
comme un pot étamé (pour la seule cause que j’ai dite)
elle éclaire la maison vide et le silence agenouillé de la maison –
le silence est toujours agenouillé.
Chaque mot est un départ
pour une rencontre – annulée souvent –
et c’est un mot vrai seulement quand, pour cette rencontre, il insiste.

(Parenthèse)


Dernière édition par coline le Sam 2 Jan 2010 - 0:11, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 1 Jan 2010 - 19:56

Son attachement à l’espace grec, à la "grécité" détentrice de la mémoire historique imprégnera toute son œuvre.

Grécité, publié seulement en 1954 (mis en musique par Theodorakis en 1966), est un hymne bouleversant au sol bafoué de la Grèce

« Ici le ciel ne diminue pas un instant la flamme de nos yeux
Ici le soleil prend sur lui la moitié du poids de pierre que
Nous soulevons toujours sur notre dos.
Ici chaque porte possède un nom taillé à la hache depuis près
De trois mille ans. »

« Et plus tard nous nous assiérons sur la pierre pour
déchiffrer leur cœur
comme si nous déchiffrions pour la première fois
l’histoire du monde. »

(Grécité)
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 1 Jan 2010 - 19:59

Plusieurs œuvres de Yannis Ritsos ont été mises en musique par Mikis Théodorakis :

- "Dix-huit chansons de la patrie amère" (1973) écrites (presque toutes) en un seul jour au camp de Léros.
- Le long poème Épitaphe, écrit en 1936, exploite la forme de la poésie populaire traditionnelle et donne en une langue simple un émouvant message de fraternité. La musique de Theodorakis en fera en 1960 le détonateur de la révolution culturelle en Grèce. Epitaphios a été publiquement brûlé.
- Des extraits de Symphonie du printemps (1938), La Marche de l'Océan (1940) constituent la base de la Septième Symphonie de Theodorakis (1983-1984), dénommée précisément "Symphonie du printemps ». Un extrait de La Dame des vignes y sera aussi intégré.
- Les Voisinages du monde (1949-1951), sera à la base d'une autre composition de Theodorakis.
- Grécité (publié seulement en 1954) fut mis en musique par Theodorakis en 1966.

Pour écouter:
Epitaphios
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyDim 3 Jan 2010 - 16:03

AGAMEMNON

« Impréparé, oui – je ne peux pas- impréparé au seuil de l’action, absolument étranger en face de la prédestination que les autres m’ont faite. Comment est-il possible que les autres dominent peu à peu notre destinée, nous l’imposent, et nous que nous l’acceptions ? Comment est-il possible qu’avec les fils si rares de quelques moments de nous ils tissent notre temps tout entier, rugueux et obscur, jeté comme un voile de notre tête jusqu’à nos pieds, couvrant tout entier notre visage et nos mains où ils ont déposé un couteau ?
Et comment est-il possible que notre destinée l’accepte, qu’elle se retire et nous regarde comme une étrangère, muette et sévère ?"

Yannis Ritsos

On le sait, Yannis Ritsos relie la barbarie du XXième siècle en Europe avec la violence des hommes dans la tragédie antique.

Ecrit en déportation, Agamemnon est un long monologue .
Il s’agit du retour victorieux d’Agamemnon après la guerre de Troie.
Il parle à sa femme Clytemnestre :

« Je t’en supplie, donne-leur l’ordre de se taire. Qu’est-ce
qu’ils ont encore à crier ?
Qui applaudissent-ils ? Pourquoi ces vivats ? Est-ce leurs
Bourreaux qu’ils acclament ? Est-ce leurs morts ?
Ou est-ce pour s’assurer qu’ils ont des mains et qu’ils
Peuvent encore les frapper,
Ou qu’ils ont encore de la voix pour pouvoir s’entendre
Crier ? »


" -à certains moments je n'osais plus
toucher au pain- le pain était rouge."


"Personne ne veut mourir, aussi fatigué soit-il."

"Comment avons-nous pu laisser passer les heures, stupidement
préoccupés
de nous assurer une place dans la vision des autres. Pas une
seconde à nous pour voir, parmi tant de ces grands étés,
l'ombre d'un oiseau sur les épis- une petite trirème
sur tout l'or de la mer;- peut-être avec elle serions-nous
partis
vers des bonheurs tacites, pour des conquêtes plus
illustres. Nous ne l'avons pas fait."


"Il m'arrive de croire
que tout n'a eu lieu que pour que je m'en souvienne un jour
ou plus encore, peut-être, pour que j'en découvre l'immortelle vanité."


"Tant d'années ont passé- nous avonsdésappris; nous
avons oublié. Comme si le corps
(pas seulement l'âme) avait perdu cette vieille assurance
qui était la sienne: celle de l'être
dense et debout dans sa propre joie d'exister et d'être vu.
Maintenant
il voit seulement ( méfiant et vieilli) avec d'autres yeux
la beauté confiante et nouvelle d'un monde qui ne lui
appartient plus."





(Rappelons que Clytemnestre va assassiner Agamemnon car celui-ci a sacrifié sa fille Iphigénie pour la mer soit favorable au départ des bateaux Grecs vers Troie)

Yannis Ritsos Iphig110
The Murder of Agamemnon
Pierre Narcisse Guerin (1774 - 1833)
Louvre, Paris
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyDim 3 Jan 2010 - 23:35

Le retour d'Iphigénie (1971-1972)

Ce long poème douloureux fut écrit par Yannis Ritsos emprisonné sous la dictature des colonels en Grèce.
Le poème est inspiré de sa propre histoire, et aussi de sa sœur Loula.
Pour parler des persécutions dont ils furent victimes, il parle de l’errance et des persécutions subies par les deux derniers Atrides : Iphigénie et son frère Oreste .

Yannis Ritsos reprend l’histoire écrite par Euripide :Iphigénie en Tauride. A la fin… Et lui donne une suite.
Le frère et la sœur sont de retour chez eux à Argos …
Iphigénie parle et Oreste l’écoute…Elle parle de leur enfance, du jour où elle fut sacrifiée, de l’exil, de la guerre…
Ils ont tout subi. Il leur faut maintenant créer un avenir…

« Pendant mes années d’exil, cela me soulageait un peu de
savoir
qu’ils me croyaient morte ; qu’ici, j’étais restée
une petite fille immuable, la même qu’à l’heure de ma
mort, tandis qu’au fond de moi
je grandissais différemment et librement, sans âge et
hors du temps
Peut-être la gloire de ma mort m’a-t-elle aidée à mieux
Affronter
Ma propre vie, et notre mort inéluctable. Cet instant
Devenu légendaire était en même temps ma liberté et
Mon esclavage. »


« Peut-être nous deux qui savons qu’il n’existe pas au
monde de consolation,
peut-être nous deux, pour cela justement (et ne fût-ce que séparément)
arriverons-nous à consoler de nouveau et même à être consolés. »



NB :

Le roi Agamemnon avait cru sacrifier sa fille Iphigénie pour que les vents lui soient favorables au départ pour la guerre de Troie.
Pour cela, il avait été assassiné par sa femme Clytemnestre. , au retour de la guerre.
Leur fils Oreste, devant venger son père, a tué sa mère Clytemnestre.
L’histoire des Atrides paraît close.
Mais en réalité, Iphigénie avait été sauvée par Artémis, elle avait échappé à son destin et s’était réfugiée en Tauride, une île sauvage où elle vivait en prêtresse chargée de sacrifier les Grecs qui accostaient.
Le jour où son frère Oreste aborde, i est fait prisonnier.
Heureusement ils se reconnaissent. Le drame n’aura pas lieu. Ils s’évadent.
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 8 Jan 2010 - 16:52

ISMENE

Ismène, l’autre fille d’Œdipe, est beaucoup moins célèbre que sa sœur Antigone. Son destin ne fit pas d’elle une grande héroïne. Elle est la survivante de la famille des Labdacides, « une famille exterminée » par sa folie guerrière qu’Ismène ici dénonce tout en poésie, en douceur :

« Souvent les femmes, à de tels moments,
prennent les statues dans leurs bras, les embrassent
sur leur bouche de pierre.
- elles rêvent
qu’elles passent la nuit avec elles. S’il vous est arrivé
jamais de voir les lèvres
des statues humides, c’est de la salive des femmes délaissées. »


La famille des Labdacides fut maudite, « les morts emplissaient la maison ».

« Les morts, vous le savez, prennent toujours beaucoup de place- aussi petits et
insignifiants soient-ils,
ils grandissent d’un coup et remplissent toute la maison.
On n’a bientôt plus
un seul coin à soi. »


Ismène ne s’est pas sacrifiée comme Antigone pour s’opposer aux lois violentes des hommes. Elle parle de sa sœur et donne la vision qu’elle avait d’elle, plus fragile que forte.

« Si elle avait vécu, oh sûrement, ils l’auraient haïe. Sa seule idée, c’était mourir. Et maintenant je dis : sachant
qu’il n’y avait pas moyen de l’empêcher, plutôt que
d’accepter la mort
jour après jour, telle qu’elle est, pour prix d’une vieillesse
ingrate et stérile, elle préféra
aller à sa rencontre, la provoquer même, au nom
d’une grandeur d’âme insolente et trompeuse, et faisant
de la peur
qu’elle avait d’elle-même et de vivre un héroïsme, en
déguisant
sa propre mort, inéluctable, en une immortalité facile,
oui, oui, facile, malgré tout son aveuglant éclat.
Comment a-t-elle pu supporter mon dieu,
Elle qu’un rien faisait se mettre en colère tant elle avait
Peur, elle toujours terrorisée
Devant la nourriture, devant la lumière, devant les couleurs,
Devant l’eau fraîche et nue ? »



«La malheureuse fille avait peur de la chair et peur du péché -quel péché ? - est-ce donc un péché que de vivre en accord avec son désir ? Jamais ma soeur n'avait été aussi belle que morte. (…). Ainsi maquillée, ainsi parée, elle offrait une étrange ressemblance avec moi. (…). Maintenant elle avait renoncé à ses décisions terribles, à ses lignes de conduites morales, à tous ces préjugés et ces ambitions masculines idiotes ».

Ismène, elle, a choisi la vie. Elle s’en explique et nous touche.

« Les œillets avaient fleuri. Le jet d’eau était là plus loin[…] et nous déjeunâmes sous les arbres. Il commençait à faire chaud. Je mis un œillet dans mes cheveux. Le pain avait un goût de vivre. »

Yannis Ritsos nous présente Ismène dans une longue méditation, alors qu’elle va bientôt mourir. On ne l’a jamais autant entendu parler!
Elle revoit et évoque de façon sensuelle son enfance et sa vie.

« J’aimais surtout les vendanges, quand tout sentait
bon le raisin pressé,
la maison, l’air et l’eau, les habits, les fenêtres. Je regardais
les pieds de ceux qui écrasaient le raisin, rouges, tout rouges,
comme recouverts de sang dans ce combat tout pacifique
qui ne manquait pas d’une belle sauvagerie. Et je disais à ma mère :
« il faudrait que leurs femmes leur lèchent les pieds,
que tant de bon jus n’ait pas coulé en vain. Et ma mère riait. »



Ismène est un monologue, un magnifique poème d’une trentaine de pages adressé à un jeune officier de la garde, fils d’un ancien fermier de Thèbes venu lui rendre visite.

« Je me demande parfois si nous ne sommes pas nés simplement
pour admettre une bonne fois le fait que
nous allons mourir. Et pourtant, dans l’intervalle
de ce dilemme injuste, il y a notre vie. »



Superbe! aime
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyJeu 28 Jan 2010 - 19:14

Dans Le Magazine Littéraire (février) il y a (presque) une page entière qui parle de Ritsos, en particulier de son Journal de déportation
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 29 Jan 2010 - 0:23

kenavo a écrit:
Dans Le Magazine Littéraire (février) il y a (presque) une page entière qui parle de Ritsos, en particulier de son Journal de déportation

Ah! ça m'intéresse... content
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 26 Fév 2010 - 22:58

coline a écrit:
kenavo a écrit:
Dans Le Magazine Littéraire (février) il y a (presque) une page entière qui parle de Ritsos, en particulier de son Journal de déportation

Ah! ça m'intéresse... content

Les textes de Ritsos sont une preuve exemplaire de la vocation de la parole poétique à opposer à la violence de l’histoire une résistance par l’esprit, en témoignant des humiliations subies et en réaffirmant, contre celles-ci, la dignité inaliénable de l’homme.
(J.Yves Masson – Magazine Littéraire – février 2009)
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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyJeu 13 Mai 2010 - 19:49

Yannis Ritsos Zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzztissotjames002jpp



Jours calmes et peuplés d’arbres.
Elle te sied, cette petite brise autour de tes lèvres.
Elle te sied, cette fleur que tu regardes.
Ainsi, ce ne sont pas mensonges que la mer,
le coucher de soleil,
et cette barque qui vogue dans la roseraie du soir
et ayant uniquement à son bord
une fille à la guitare affligée.
Laisse-moi saisir les rames
comme si je saisissais
deux rayons pourpres oubliés.

Toile "Jeune femme dans une barque", de James Tissot



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MessageSujet: Re: Yannis Ritsos   Yannis Ritsos EmptyVen 14 Mai 2010 - 0:07

J'ai vu récemment le texte Quand vient l'étranger mis en scène par la Compagnie Les Allogènes.
Un texte admirable comme tous ceux que je connais de Yannis Ritsos.
Un Étranger à des obsèques. Des portes qui s'ouvrent à la vie.

« Quand vient l'étranger » a été écrit en 1958, et Valérie Vivier (Compagnie Les Allogènes)en a choisi la traduction d'Antoine Vitez parue en 67.
Morsqu'il l'écrit, Yannis Ritsos est déjà célèbre dans son pays et persécuté par son gouvernement. Jusqu'à la fin de sa vie et même au-delà, il devra combattre ceux qui voulaient le faire penser autrement.
« C'est avant tout un texte qui parle de nos vies à tous, de comment elles peuvent résonner différemment quand "l'autre" nous regarde, nous écoute ».
(Valérie Vivier)

Un village pleure un disparu, et voit ce moment funèbre glisser, à l'arrivée de l'Etranger, vers la beauté du dehors, de la nature, des fruits, des insectes et des ruisseaux.
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