Under the Skin (Jonathan Glazer)

Under the Skin

Un motard ramasse une fille en bas d'un talus avec que son sosie lui enlève ses fringues pour les enfiler, au milieu d'un irréel fond blanc. après une space intro on est dans le concept : ça bave devant kubrick (et Lynch ? la part de gâteau au moins ?). Et la jolie fille tient le film crypto-minimaliste sur ses épaules, lèvres, yeux, hanches,...

Elle ramasse différentes formes de losers qui finissent mal... mais patience pour savoir comment. Mais et l'humanité dans tout ça ? parce qu'on sent bien un message (minimaliste ?). On quittera la (balade en camionnette en) ville et la banlieue écossaise pour sa cambrousse. Et de l'humanité on en aura un peu quand même (avec un rapport au corps, à la séduction, à l'image, une redécouverte, ...).

Un voyage à pas cher avec l'accent qui va avec, ce n'est déjà pas mal. A-t-on plus ? vraiment plus ? Je doute. Je ne me suis pas non plus enquiquiné mais c'est trop maniéré et flambiesque dans ses intentions perçues pour moi je crois.

Et ça ne donne pas forcément envie de lire le roman Sous la peau de Michel Faber dont le film est l'adaptation.

Under the Skin

Jonathan Glazer suit à la trace la démarche de Scarlett Johansson, à la fois repoussante et obsédante. La répétition vaguement désincarnée de ses gestes introduit un trouble renforcé par la vision d'une Ecosse sinistre dans son isolement. L'autre dimension essentielle du film est la bande-son de Mica Levi, qui par ses stridences développe une ambiance menaçante et enrichit chaque scène (parfois jusqu'à l'excès dans son omniprésence).

Under the Skin est très ambitieux dans la recherche d'une attention aux corps : déconnectés d'un vécu et d'un ressenti, ils semblent réagir de manière autonome, incompréhensible, incontrôlée. Johansson est l'élément perturbateur qui conduit tout ce qu'elle approche à la disparition et l'être humain devient le spectateur d'une métamorphose qu'il ne peut comprendre.
Tout comme Animal, je sors tout de même frustré par ce dispositif qui a du mal à s'animer dans la mise en scène. Le propos de Glazer est audacieux mais aussi roublard et excessivement poseur, à l'image de son rythme lancinant, hypnotique presque jusqu'à l'impasse.

animal a écrit:

Et ça ne donne pas forcément envie de lire le roman Sous la peau de Michel Faber dont le film est l'adaptation.

Peut-être, dans le film, ne reste-t-il que la trame du livre ?

mouaip. c'est possible. mais en l'état (sans un bon mot sur le livre) je n'aurais certainement pas la curiosité ou l'envie d'aller y voir de plus près.

Under the skin


Je vous trouve super tièdes sur ce très beau film qui m'a emporté de bout en bout. Comment faire un film fantastique ou de SF sans une avalanche d'effets spéciaux et avec une économie de moyens remarquable. J'aime découvrir des univers inédits sans savoir où le voyage va me conduire (je n'ai rien lu ni vu avant d'y aller). Le climat est constamment mystérieux et inquiétant dès le très beau générique de début, énigmatique et tout en suggestion graphique, qui condense en quelques plans l'idée d'un voyage intersidéral et l'appropriation de l'organisme humain (sa surface) par une entité extra-terrestre. Quelque part entre 2001 et Ghost in the shell. Cette abstraction se poursuivra tout au long du film avec une gradation vers l'étrange très progressive et souvent sidérante. Et non seulement par les visions hallucinantes du devenir de ces hommes dans une 4e dimension terrifiante mais aussi par l'utilisation des décors naturels et des scènes du quotidien qui acquièrent une étrangeté constante par la mise en scène. Je pense à ces personnages qui se débattent dans une mer déchaînée avec un enfant qui pleure d'effroi, à cette moto qui traverse des étendues désertiques, à ces paysages de forêts et de flaques d'eaux, à ces ruines au milieu de nulle part ou à ces quelques espaces urbains d'une Ecosse cafardeuse. On pense à Kubrick ou à Lynch c'est vrai à travers quelques plans, à L'Homme qui venait d'ailleurs aussi pour le côté plus quotidien ou même à Philippe Grandrieux parfois. Mais il y a un univers personnel qui m'a semblé très romantique et poétique derrière la morbidité apparente. Car cette entité découvre notre monde, l'humanité, la solidarité, la cruauté, la souffrance, la beauté et la laideur, la séduction et la répulsion jusqu'à un final cruel et superbe en même temps. Un film qui a beaucoup d'allure et qui suggère plein de petits détails subtils sous une trame a priori linéaire et minimaliste. La musique est omniprésente mais elle aussi est inédite et fascinante. Une réussite dans un genre où il n'est pas simple d'innover.

A noter que le metteur en scène avait réalisé Birth auparavant avec Nicole Kidman et ce gamin étonnant. Le point commun entre les deux étant cette façon de faire surgir l'étrangeté dans la banalité quotidienne.



P.S. Je viens de lire que certaines scènes sont filmées en caméra cachée. Lorsqu'elle aborde des passants avec sa camionnette et lorsqu'elle se promène et tombe dans la rue. L'étrangeté naissant paradoxalement du réalisme de ces scènes. Il y a vraiment un étonnant mélange de naturalisme et d'expérimentation qui en fait un film ovni hypnotique.

divisé les messages du fil "à l'affiche" pour faire un fil pour le film.

tiède oui, toujours, mais je suis au moins d'accord avec ça :

Citation :

Un film (...) qui suggère plein de petits détails subtils sous une trame a priori linéaire et minimaliste.

l'allure il y en a c'est vrai, mais en fait ça me gêne un peu dans la multiplicité des références et ce que ça entraine de convenu, d'attendu, de trop catégorique en même temps pour faire "film d'auteur".

possible que cette impression soit renforcée par le fait que dans la salle il y avait derrière moi deux jeunes qui semblaient s'être perdus dans ce ciné : "vo... tu crois que ça veut dire que c'est en anglais, pouf pouf pouf" . pas que le film crée forcément une barrière, mais un effet de genre... enfin je râle alors que finalement je préfère cet effet de genre à d'autres façon de vendre les films.

je suis une sale bête.   

Il y a toujours des références pour chaque chose mais ici j'ai plus vu du "jamais vu" que du convenu. Il y a des images très étonnantes.

Je comprends les quelques réticences. C'est vrai que ce film est ultra esthétisé, et que la trame de fond est fine alors que la forme est jusqu'au boutiste. Il est vrai, aussi, qu'on reste spectateur.
Et de tout ça, faire qu'on reste légèrement en marge. Au bord de la route.

Mais, je n'ai jamais été ennuyée. J'étais plutôt complètement hypnotisée par le rythme et la musique lancinante (je l'ai tout de même trouvé un peu long). Et absolument curieuse de savoir où on nous emmenait. Car il y a tout de même un vrai suspens dans ce film, lent, qui m'a permis de de me tenir accrochée. A presque me retrouver dans le rôle des victimes.

Visuellement, il est vraiment très beau. Aussi par son mystère.

Il est rare de trouver des films qui s'affranchissent des règles et des références auxquels ils ont du être attachés à un moment ou à un autre.

Un film à l'atmosphère glaciale, humide et sombre. La déambulation dans la ville, les longues routes de campagne, le brouillard, les vieilles maisons décrépies... Un monde pas franchement accueillant. Réaliste tout en gardant sa part d'étrangeté, et de danger.

Et j'ai eu la sensation d'une désincarnation. D'un être qui recherchait la chair perdue, la chaleur disparue.
Un film qui montre l'illusion d'être sauvé par l'amour ou l'humain. Une quête sans fin, insatiable, et finalement vouée à l'échec.


Ben moi, j'ai envie de lire le bouquin !

Vous me tentez/m'intriguez...

c'est bien fait.   

Queenie a écrit:

Et j'ai eu la sensation d'une désincarnation. D'un être qui recherchait la chair perdue, la chaleur disparue.
Un film qui montre l'illusion d'être sauvé par l'amour ou l'humain. Une quête sans fin, insatiable, et finalement vouée à l'échec.

C'est très troublant la manière dont cette entité découvre en même temps l'humanité et sa propre monstruosité. La rencontre avec l'homme au visage déformé est déterminante. Un peu anthropomorphique pour une extra-terrestre mais le récit est finalement une façon de regarder les humains sous l'angle de l'étrangeté. Je suis curieux de voir comment Michel Faber exprime tout ça. D'après la presse le roman est plus satirique et explicatif. Le film plus abstrait.

Spoiler:

Si le livre est plus explicatif, ce ne serait pas plus mal... parce que j'ai des petits doutes qui restent...

Spoiler:

Je me demande si le propos du film n'est pas aussi de révéler le côté étrange, et finalement, assez factice de l'existence ?

Et puis...
Dénoncer la solitude ?

Est-ce qu'il y a un lien avec le fait de ne s'attaquer qu'à des gens apparemment plus pauvres, plus frontaux ? Ou c'est un hasard géographique ?
Alors, ça soulève des questions, aussi, sur le rôle du social, du matériel, face à la tentation, et la perte.


Et le rapport aux yeux, et aux regards ?
(J'ai souvenir d'un plan fixe sur Nicole Kidman, dans Birth, qui assistait à un concert je crois. Dans Under the Skin, on retrouve cette fixette sur le regard. C'est troublant, et très fort, ces moments où dans les yeux s'opèrent un changement, très perceptible même en très gros plan).

Bon.
Faut que je lise le bouquin.
Et probablement que je revois ce film.
(Notamment le tout début, hyper métaphorique, et qui doit prendre réellement tout son sens une fois qu'on connaît tout le reste).

J'ai cru comprendre que dans le roman les hommes vampirisés par l'entité sont emmenés dans une sorte de ferme, ont la langue coupée, sont castrés et engraissés avant l'abattage... Sympathique!

Extrait du roman:
ICI

Michel Faber tente-t-il de dénoncer le rapport que nous avons avec les espèces animales avec cette fable où des extra-terrestres nous utilisent de la même façon?  Il faudra le lire pour le savoir...

Je dois dire que l'abstraction que propose le film me paraît plus troublante et mystérieuse. Je ne suis pas certain qu'il faille trouver une explication rationnelle à ce que font ces entités. Ou plutôt le champ d'interprétation reste plus ouvert.  On pourrait dire par exemple que leur mission est de dissoudre les corps des humains pour utiliser leur peau comme camouflage à leur colonisation (et/ou leur survie). Le générique de début suggérant qu'il s'agit d'un projet organisé et préparé à l'avance (on entend le langage humain appris progressivement).

Le film est d'abord une expérience plastique qui confronte la sidération d'installations abstraites conceptuelles (comme de l'art contemporain) et un hyperréalisme documentaire qui nous amène à regarder l'humanité dans toute son étrangeté et sa vulnérabilité (sa férocité aussi). La beauté du film est dans cette contamination réciproque de ces deux dimensions abstraite et concrète. Une véritable expérience plastique.

C'est aussi une variation sur le thème vampirique où la créature renoncerait à son immortalité.

Une parabole sur la relation/opposition/complémentarité entre beauté et monstruosité avec cette rencontre superbe et terrible avec l'homme défiguré (sa libération éphémère est très cruelle).

Une découverte via l'érotisme de la nature humaine, du corps, de la sensibilité.

Je trouve la scène sur la plage très forte. Ce qui est effrayant c'est l'indifférence devant ce qui se passe et notamment l'abandon de cet enfant qui hurle de terreur. L'humanité se ressent par le prisme de son contraire. L'entité en fait l'apprentissage.

Il doit y avoir encore plein de trucs à dire. Le film me séduit par son mélange de peur primitive, de mystère esthétique, d'expérimentation plastique et de détournement du naturalisme. C'est un objet de fascination qui me donne envie de le revoir encore et encore. Un trip quoi!

Marko a écrit:

Il doit y avoir encore plein de trucs à dire. Le film me séduit par son mélange de peur primitive, de mystère esthétique, d'expérimentation plastique et de détournement du naturalisme. C'est un objet de fascination qui me donne envie de le revoir encore et encore. Un trip quoi!

Idem.
Déroutant.
Hypnotisant.

Heyoka a écrit:

Marko a écrit:

Il doit y avoir encore plein de trucs à dire. Le film me séduit par son mélange de peur primitive, de mystère esthétique, d'expérimentation plastique et de détournement du naturalisme. C'est un objet de fascination qui me donne envie de le revoir encore et encore. Un trip quoi!

Idem.
Déroutant.
Hypnotisant.

Oui !

Mais j'ai franchement aimé. Il y a plein de choses, plein de pistes... Plein de choses que je ne comprends pas (le rôle exact des motards, qui sont de plus en plus nombreux).

J'ai bien aimé, à un moment, devant une flaque, l'homme prend Scarlett dans ses bras pour la déposer de l'autre côté ; on alors le rappel des fameuses scènes dans lesquelles Scarlett marche normalement sur cette matière si mystérieuse, dans laquelle l'homme s'enfonce...
Il doit y avoir des choses qu'on comprend mieux en revoyant le film, je suppose. C'est très esthétisant, c'est vrai, mais d'une façon originale. Ce qui est rassurant : il y a encore du neuf à faire au cinéma.