Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

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 François Mauriac

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Roderick Usher
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyJeu 29 Oct 2009 - 11:52

Je viens de commencer Le sagouin de Mauriac et c'est tout sauf statique, le style est dépouillé, sec, d'une violence extraordinaire, on a l'impression de se prendre des baffes a chaque début de phrase, j'en dirais plus quand je l'aurais finis mais une chose est sur, je lirais d'autre roman de cet écrivain.
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odrey
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyVen 30 Oct 2009 - 11:14

Ha oui, il faut lire Thérèse Deysquéroux si ce n'est déjà fait. Formidable ! enthousiaste
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eXPie
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyMar 7 Fév 2012 - 8:09

Entendu chez Dumayet.

Dumayet :
- Des romans que vous aimez, des livres que vous aimez, vous dites qu'ils sont habitables, vous pouvez me dire ce que vous entendez par là ?

Mauriac :
- Eh bien, j'entends par là... je trouve que ça a pour moi une très grande signification. Je me demande souvent si les livres que mes cadets aiment - je pense à l'Ulysse, par exemple, de Joyce -, si l'ayant lu, ils y reviennent souvent. J'appelle une oeuvre habitable une oeuvre comme celle de Balzac, ou de Dickens, ou de Proust dans laquelle j'entre, je sors.
Aujourd'hui, je suis septuagénaire, eh bien je peux dire que depuis quarante ans, et même depuis cinquante ans, j'habite Balzac, et... j'habite Dickens, et j'habite Dostoievski, et j'habite Tolstoï... D'ailleurs, j'y entre et j'en sors tout le temps. Je prends un Balzac à chaque instant, à chaque instant je prends un Balzac. Et j'ouvre, je prends Proust à chaque instant, eh bien je me demande... il y a des livres que mes cadets aiment et que j'aime aussi... Mais par exemple, j'aime profondément Kafka. Mais ses livres, je les ai lus une fois, mais plutôt crever que d'y rentrer ! Je n'ai jamais envie de recommencer un cauchemard, vous comprenez. Moi, j'ai une peur terrible des cauchemards. Ça ne m'empêche pas d'aimer profondément Kafka, son journal, oui, ses lettres, oui, tout ce qui est lui, oui, mais ses romans que j'admire, je les ai lus une fois, et je n'y reviendrai jamais, vous comprenez.
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyMar 7 Fév 2012 - 11:13

eXPie,
merci pour cet extrait d'une interview de Mauriac. Je suis d'accord avec lui sauf en ce qui concerne Kafka. Voici un auteur dont je reprends régulièrement les écrits, pas seulement les romans, les nouvelles mais aussi le journal, la correspondance. Et en ce qui concerne l’aspect cauchemardesque des écrits de Franz Kafka, les reportages des journalistes sont, hélas, souvent pire de nos jours.
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Constance
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyMar 7 Fév 2012 - 20:38

Victor Hugo a écrit:
Je viens de commencer Le sagouin de Mauriac et c'est tout sauf statique, le style est dépouillé, sec, d'une violence extraordinaire, on a l'impression de se prendre des baffes a chaque début de phrase, j'en dirais plus quand je l'aurais finis mais une chose est sur, je lirais d'autre roman de cet écrivain.


Le style tranchant, les dialogues justes et vifs font de cette sombre nouvelle un chef d'oeuvre de concision.

Néanmoins, bien que l'histoire de cet enfant né d'un amour ancillaire m'ait émue, je n'ai pas été surprise par la fin imprégnée d'une morale catho rédemptrice, en parfaite adéquation avec l'esprit Mauriac.


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Bédoulène
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyMar 7 Fév 2012 - 22:29

dans ma jeunesse, j'avais lu plusieurs livres, mais je n'ai vraiment apprécié que le Noeud de vipères et Thérèse Desqueyroux ; à cause justement à cause du rapport catho moralisateur, d' un sentiment d'enfermement ; mais mes lectures sont trop lointaines.
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Sigismond
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyMer 16 Avr 2014 - 19:22

eXPie a écrit:
Thérèse Desqueyroux.
Spoiler:
Ah, Mauriac...

 Lu trop tôt, entendez trop jeune, dans un lieu géographique trop proche de l'oeuvre, bouquins lus à contre-coeur, tout à l'urgence à s'en débarrasser, pour pouvoir pondre deux vanités aux adultes qui en parlaient, se mettre en toute morgue sur un pied d'égalité avec eux, et avec un air entendu, ou plutôt l'air des sous-entendus, masque à vacuité (sous-entendre, n'est-ce pas, quand on ne sait pas...).
 
Phrases parcourues mais non soupesées, livres trop vite refermés ("c'est fait !"), parfois avec la jubilation soupirante, celle que procure la libération d'une tâche scolaire encombrante, tendant sur la corvée, un fardeau ôté dans le cahier de textes, ouvrages déglutis mais pas digérés, il fallait une chape de béton plombée et plus de trente ans de dépôt au fond des mers pour envisager ré-ouvrir...


Thérèse Desqueyroux (1927)

 Criminelle par ennui, par renoncement à sa vie, parce qu'elle ne sait pas mais refuse. Mauriac est, au cours des années 20, fasciné par ces êtres hors norme que sont les meurtrières et plus particulièrement les empoisonneuses.
 En 1925, Mauriac demande à son frère Pierre (éminent professeur de médecine, qui a joué un rôle dans la partie expertise de cette instruction) des documents sur le procès de Blanche Canaby qui, en mai 1906, avait été acquittée devant les assises de Bordeaux d’une tentative d’empoisonnement sur son mari, mais condamnée, plus légèrement, les charges encourues étant bien moindres, pour falsification d’ordonnance - ce qui n'est pas sans semer le doute dans les esprits quant à sa culpabilité éventuelle d'empoisonneuse.

 C'est là le synopsis, ou plus exactement le point de départ du roman, sauf que Thérèse bénéficie d'un non-lieu.
Préface a écrit:
Adolescent, je me souviens d'avoir aperçu, dans une salle étouffante d'assises, livrée aux avocats moins féroces que les dames empanachées, ta petite figure blanche et sans lèvres.  

Mauriac "remettra ça" en 1933 à l'occasion du procès de Violette Nozières, peut-être la plus célèbre empoisonneuse jugée en France au XXème, qu'il chronique comme journaliste. Mais Thérèse Desqueyroux, le livre, était alors paru.

Alors oui, la place aux platanes où sort Thérèse, son père et l'avocat "par une porte dérobée du Palais de Justice" est encore visible, et, pour ainsi dire, telle quelle plus d'un siècle plus tard, platanes compris.    

Alors oui, Villandraut, Louchats, Budos, Le Nizan, Bazas (la sous-préfecture nommée "B." dans le roman), l'océan de pins et le plat relief qu'il arrête, les brandes, les palombières, les métairies, les airials (Malagar, le domaine de Mauriac, non nommé, le sol si sableux qu'on peut en effet y marcher en toutes saisons en petites chaussures quelques minutes après la pluie, fût une averse diluvienne).

 Alors oui, les miques et la roumadjade...

 Voilà, une certaine acuité des lieux, des mets, des accents (les dialogues, je les ai naturellement lus avec l'accent qu'ils suggèrent) - voilà qui sonne familier, ou proche, mais aussi assez intemporel. Voilà pour le cadre.

Pour le reste, comme c'est souvent mis en évidence: Flaubert et Madame Bovary ("c'est moi !"), Mauriac et Thérèse Desqueyroux...Oui, ça se tient...

La jeune femme qui compte à peine quand son propre père vient la chercher au tribunal, et s'entretient tout au long du trajet avec l'avocat, elle restant en-dehors, à distance réglementaire (superbement narré, ce passage, ce qui s'appelle faire entrer de plain-pied le lecteur dans un roman).

Et que dire des "barreaux vivants d'une famille" ? Tout Thérèse y est, en trois mots. Thérèse, orpheline de mère, négligée si ce n'est écartée par son père, ou même méprisée (il fait montre de misogynie outrancière)  -caricature de bourgeois radical athée arriviste, réussissant en affaires et animal politique. Mais cent pour cent d'accord avec l'autre partie, la belle-famille au catholicisme affiché, sur l'un des seuls points de l'Evangile qu'on les voit appliquer à la lettre: "Malheur à celui par qui le scandale arrive": Qu'en a pensé le quasi-janséniste Mauriac, tandis qu'il esquissait ces traits-là ? Qui lui faisait le plus horreur, parmi les personnages sortis de sa plume ? Ce n'est pas Thérèse (s'en explique-t'il assez ?), c'est sûr...

Jean Azévédo, Anne jeune, viennent apporter de la fraîcheur mais tout tombe en quelques phrases, mais... je trouve Mauriac brûlant de violence, parfois, en quelques mots d'aspect innocents et de toute banalité prononcés par Jean à Thérèse dans une cabane, qui était aussi lieu de mémoire de l'amitié et de l'insouciance de la jeunesse d'Anne et de Thérèse.

Après, dans cet anti-polar, il n'y a pas meurtre, mais tentative - et les mobiles sont aussi obscurs à Thérèse qu'à Bernard - Thérèse ne sait pas, au fond - elle repousse - que se soit sa vie de mère, sa vie conjugale, Argelouse, Saint-Clair (bien qu'elle soit terrienne et propriétaire terrienne au fond d'elle-même, une des rares valeurs dont elle soit sûre).

Thérèse agnostique (ou peut-être  qui croit ne pas croire, subtile d'ambigüité, voir la sortie dominicale à la messe, la seule qui lui reste, voir sa façon d'épier le nouveau curé et de vouloir savoir, la gangue des convenances - comment elle se retient de ne pas aller à la messe en semaine pour ne pas passer pour une convertie, ce qui ferait jaser, toujours le poids de la peur du scandale, qui seul semble mener les actes dans ce roman: Et si Mauriac était bien plus anticonformiste qu'on ne le soupçonne d'ordinaire - et que ne le soupçonnent certains d'entre les Parfumés qui sont intervenus sur ce fil ?).

Thérèse déboussolée, désemparée, sans trop savoir ce qu'elle voudrait, ce à quoi elle aspire. Thérèse qui se paye de rêveries, de claustration, de jeûnes, de manque à la toilette, qui se claquemure (notez qu'elle y est, certes, forcée, mais elle amplifie cela) et s'alite -il y a sûrement un ailleurs, qu'incarnerait la ville, Jean Azévédo, bref, l'inconnu, ce lieu où l'on se figure l'herbe plus verte...

L'explication finale est avortée, Bernard repart vers son train. Et mon Mauriac, qui la laisse là, Thérèse, tandis que Bernard repart vers son biotope, sa lande, sur un trottoir parisien - phrase finale: "puis, ayant gagné la rue, marcha au hasard". Et nous aussi, il nous laisse là. Non-lieu ? Pour le jugement du romancier aussi, ça ne fait pas de doute.
 
Pour le lecteur, nous sommes plantés là, comme un pin anonyme en sable parmi les pins non dénombrables, ou comme une inconnue dans la foule de la grande ville, anonyme parmi les non dénombrables...
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyJeu 17 Avr 2014 - 10:03

Un livre que j'ai lu plusieurs fois et dans lequel je trouve toujours une nourriture nouvelle et quelle ambiance, cette terre, cette femme, ce silence partout !
merci Sigismond de me remettre en mémoire ce très beau livre !
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyDim 20 Avr 2014 - 1:38

La fin de la nuit (1935)

  C'est donc la suite de Thérèse Desqueyroux; suite sans doute inachevée, Mauriac le dit clairement en préface, il a déchiré les pages "rédemptrices" laissant le personnage à ce fatal non-sens de l'empoisonneuse-empoisonnée - voir l'extrait en fin de message:: "pendant des années, elle n'avait pas eu conscience que c'était là le rythme de son destin".

 Sorte de paria, sa vie parisienne, bien qu'oisive et bourgeoise, aisée, est un claque-murage qui vaut "les barreaux vivants" dont il était question dans Thérèse. Une vie dénuée de perspectives, ou de cheminements, solitaire à la futilité même pas remarquable, et qui semble trouver un but nouveau grâce à l'irruption inopinée de sa fille Marie.
 Il y aurait toute une étude psychologique à faire (mais peut-être ce travail a-t'il été déjà mené par quelque thésard ou quelque exégète ?) sur le rapport mère-fille de l'empoisonneuse Thérèse, dont la mère est morte en couches en la mettant au monde...en tous cas le trait de Mauriac est fin, subtil et sonne juste  bonjour .
  D'autant plus juste et subtil qu'on sait, tout au long de ces deux livres, Thérèse capable de faire le bien, potentiellement beaucoup de bien...

 En fait, sans trop raconter, Marie a besoin de Thérèse pour ses projets d'avenir (elle veut l'épouser, lui est rétif) avec Georges Filhot. Mais la séduction de la mère opère davantage que celle de la fille, ce qui constitue un empoisonnement de plus, sans compter une joute verbale secondaire avec le meilleur ami de Georges...

 Brisés à son contact, ces jeunes gens ! Mais la plus atteinte est Thérèse, qui sombre dans une paranoïa aigüe. Sa folie est un poison de plus, qui sourd en elle. Le retour à Argelouse et Saint-Clair, orchestré par Marie suite à une nouvelle apparition inopinée à Paris (procédé littéraire de la répétition d'une scène qui "décoince" la situation), pour jouer un va-tout alors que la rupture est consommée selon Georges, et que Thérèse est bien compromise dans le fait que la situation est irrémédiable.

 L'univers parisien dépeint par Mauriac est davantage encore claustrant, et huis-clos, que l'univers de la grande-lande tel qu'il l'esquisse, ce qui n'est pas peu dire. Il y a une Thérèse en chacun de nous, en tous cas c'est ce qu'on peut ressortir de l'échange crucial Georges-Thérèse dans l'appartement de celle-ci, le soir où ils renoncent à une aventure commune. Ce qui ajoute un poids, je dirais de nocivité, un pouvoir de nuisance sur autrui, intrinsèque à la condition humaine. Et dont l'usage, comme c'est souligné par Mauriac, ne relève pas nécessairement des lois pénales, quelque chose de parfaitement admis en humanité. Ou en anti-humanité ?

En extrait, va pour la scène dont Mauriac lui-même souligne la portée en préface, insérée dans le chapitre-clef (le VII):
chapitre VII a écrit:
Elle s'était rassise sur la chaise basse, et, d'un geste machinal, écartait ses cheveux de son front trop vaste, découvrait ses grandes oreilles pâles, mais cette fois elle ne le faisait pas exprès et c'est pourquoi peut-être Georges la voyait enfin: une figure terrible, et ces vieilles mains, qui, quinze années plus tôt, avaient essayé de donner la mort et dont, ce soir encore, il venait de subir l'étreinte. En vérité, il n'en croyait pas ses yeux; il négligeait ces apparences pour rejoindre l'être inconnu qui l'avait enchanté. C'était elle, c'était toujours elle et pourtant ce n'était plus elle cette femme dont il écoutait d'un air stupide la profonde défense. Non, elle n'avait pas voulu lui faire de mal. Jamais elle n'avait eu la volonté de nuire. Elle disait qu'elle s'était débattue, qu'elle se débattrait jusqu'à son dernier souffle; qu'autant de fois qu'il l'avait fallu, elle remonterait la pente jusqu'au nouveau point de rechute, comme si elle n'avait rien d'autre à faire au monde: s'arracher à un bas-fonds et y reglisser, et se reprendre indéfiniment; pendant des années, elle n'avait pas eu conscience que c'était là le rythme de son destin. Mais maintenant voici qu'elle est sortie de cette nuit.  
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyDim 20 Avr 2014 - 7:58

Je viens de découvrir tes deux derniers posts, Sigismond, et j'ai beaucoup apprécié. J'avais seulement lu "Thérère..." et pas encore "La fin de la nuit", mais je suis reconnaissant de lire ton parcours de lecteur de Mauriac. Je pense aussi que certains auteurs sont mis dans un coin, et on n'aperçoit même plus un coté nouveau, voir même "révolutionnaire" de leut écriture. Et on lit des fois à un certain âge - parce qu'il faut bien pouvoir en parler, et contredire des ainés? - pesant d'avoir compris, mais...

D'accord, je pense pas d'avoir tout compris, évidemment. Mais on pressent quelque chose!

Merci pour tes commentaires!
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyLun 28 Avr 2014 - 10:24

Le Nœud de vipères (1932, Grasset)
mauriac - François Mauriac - Page 2 $(KGrHqZ,!i!E-y8FpQF+BP+En442RQ~~60_35

 En 280 pages environ, divisées en deux parties pour un total de vingt chapitres, le parcours d'un homme de soixante-huit ans, Louis, qui sent sa fin proche (il est cardiaque, et, même si la ficelle littéraire tient plutôt du gros cordage, ce n'est pas un hasard du tout si Mauriac a voulu camper sa défaillance, sa maladie qui va l'emporter...du côté du coeur !), et qui est en butte, si ce n'est en lutte ouverte, avec sa famille, qu'il cherche à déshériter.

 Ecrit au "je" (même sur la fin, après son trépas, lorsqu'on change de scripteur). Une forme littéraire choisie, qui s'avère très adéquate, performante: Elle oscille entre la lettre, et le journal intime, et des morceaux d'envolées de prétoire, de plaidoiries. Du coup l'ensemble sonne très vivant, soutenu.

 J'ajoute que le cadre "géographique" du roman m'est familier et même très familier, il me faut juste faire l'effort de l'imaginer un siècle plus tôt: Bordeaux (allées de Tourny, Boulevards), la campagne de l'entre-deux-mers du côté de Barsac et Sauternes, Luchon (les allées d'Etigny et le Grand Hôtel Saccaron, la Vallée du Lys), Arcachon, Paris (Montparnasse, Rue Bréa, Saint Germain des Prés...). J'aime imaginer, recréer le cadre, c'est un des avantages de la lecture par rapport à la réception d'images ou par rapport au théâtre; toutefois lire en laissant se dérouler un cadre familier possède son indiscutable confort, j'avoue  Cool  !

Louis se peint assez volontiers comme un monstre froid. Une mère aimante et dévouée à l'extrême ne le rattache pas aux sentiments. Toujours un peu à l'écart des autres (quelques pages magnifiques, conseillées, sur Louis jeune vu par lui-même), blessé, animal scolaire puis animal professionnel, un bonheur d'amant puis conjugal d'une grande brièveté; une carrière d'avocat majeure (un grand du barreau), avec en corollaire une activité de grand propriétaire terrien et d'hommes d'affaires et de finance très avisée.
 
 Au soir de ses jours, il est donc à la tête d'un beau magot, une grosse fortune, et cherche par tous les moyens que son esprit d'avare et d'homme d'action efficace peut, légalement, mettre à sa disposition. Pas en reste, son épouse et sa descendance font bloc contre lui et conspirent...

Et puis il y a le poids de la structure familiale, dans la grande bourgeoisie d'alors, il faut se remémorer qu'en ce temps les familles n'éclataient pas, tout s'étouffait.

Sinon la problématique posée, qui est celle de la caritas et de la vanité, du grand néant de l'activité humaine, si brillante, au sens de professionnellement réussie fût-elle, opposée à la mort en juge de paix dépouillant tout cela pour la nudité du grand néant, est actuelle - à vrai dire, elle est intemporelle.

La dimension psychologique et le soin descriptif proviennent bien de l'orfèvrerie Mauriac, à l'exception d'une scène parisienne, de très faible vraisemblance (mais nécessaire à l'édification du roman, ça ne fait pas de doute) ainsi que les climats (on étouffe ou on se noie toujours).

 Soucieux de ne pas trop déshabiller la trame, et c'est un roman qui m'inspire au point que je pourrais céder à l"inondation sans difficulté, je vous laisse au teaser laissé par Mauriac en avertissement (je m'aperçois que Mauriac aime présenter lui-même au lecteur ses ouvrages), espérant donner envie:

Citation :
(...) Non, ce n'était pas l'argent que cet avare chérissait, ce n'était pas de vengeance que ce furieux avait faim. L'objet véritable de son amour, vous le connaîtrez si vous avez la force et le courage d'entendre cet homme jusqu'au dernier aveu que la mort interrompt...

 A toutes fins utiles, ci-joint un pdf sur Le Nœud de vipères, avec lequel je ne tombe que partiellement d'accord: mais de cela, à moins que d'autres Parfumés ne lisent ce livre et souhaitent échanger, ou à moins d'une lecture commune, il sera difficile d'en parler dans le cadre d'un seul message de forum, à l'évidence ça va déborder une étude du Nœud de vipères par André Durand.



Extrait, chapitre XI (le dernier de la première partie) a écrit:
Tu ne me connaissais pas, tu ne savais pas qui j'étais. Les pages que tu viens de lire, m'ont-elles rendu à tes yeux moins horrible ? Tu vois pourtant qu'il existe en moi une touche secrète, celle qu'éveillait Marie, rien qu'en se blottissant dans mes bras, et aussi le petit Luc, le dimanche, lorsqu'au retour de la messe; il s'asseyait sur le banc devant la maison, et regardait la prairie.
 Oh ! Ne crois pas surtout que je me fasse de moi-même une idée trop haute. Je connais mon coeur, ce coeur, ce noeud de vipères: étouffé sous elles, saturé de leur venin, il continue de battre au-dessous de ce grouillement. Ce noeud de vipères qu'il est impossible de dénouer, qu'il faudrait trancher d'un coup de couteau, d'un coup de glaive: Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive.
(NB: italique dans le texte pour la célèbre citation finale).
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyLun 28 Avr 2014 - 11:24

Sigismond a écrit:
Soucieux de ne pas trop déshabiller la trame, et c'est un roman qui m'inspire au point que je pourrais céder à l"inondation sans difficulté, je vous laisse au teaser laissé par Mauriac en avertissement (je m'aperçois que Mauriac aime présenter lui-même au lecteur ses ouvrages), espérant donner envie:

Citation :
(...) Non, ce n'était pas l'argent que cet avare chérissait, ce n'était pas de vengeance que ce furieux avait faim. L'objet véritable de son amour, vous le connaîtrez si vous avez la force et le courage d'entendre cet homme jusqu'au dernier aveu que la mort interrompt...

Il est dans ma LAL ! Je vais me laisser tenter un de ces jours...[/quote]
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyLun 28 Avr 2014 - 11:32

Je pense mettre Thérèse Desqueyroux assez rapidement dans ma PAL , après lecture de ce fil .
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyLun 28 Avr 2014 - 12:15

Ah oui, Le nœud de vipères est vraiment un roman magistral. Pour l'instant c'est mon Mauriac préféré (devant Thérèse).

On est carrément pas loin du chef-d’œuvre, je crois.

En fait, j'ai rarement lu un roman écrit sous forme de "journal intime" aussi réussi. Mauriac est très fort dans ce registre, l'exploite magnifiquement. Il est impossible de lâcher ce livre. Une histoire familiale terrible. Plus noir, tu meurs. Mais en même temps c'est très jouissif, et même par moments (si je me souviens bien) assez délectable... Ce Louis est détestable au départ mais inoubliable, russe sur les bords...

Mais je ne m'en souviens qu'en partie, et donc j'ai très envie de le relire un jour.
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MessageSujet: Re: François Mauriac   mauriac - François Mauriac - Page 2 EmptyJeu 15 Mai 2014 - 15:49

Un adolescent d'autrefois (1969)

 
En 1969, Mauriac est installé au fauteuil numéro 22 de l'Académie Française depuis...trente-six ans.
En 1969, Mauriac a été couronné par le Nobel de Littérature depuis...dix-sept ans.
En 1969, Mauriac n'a plus écrit de roman depuis...quinze ans.
En 1969, Mauriac a publié son premier roman recevant quelque succès national depuis...cinquante-six ans.
En 1969, Mauriac est dans sa quatre-vingt-quatrième année.
En 1969, Mauriac et à l'abri du besoin financier pour lui et les siens, et n'est certainement pas tenu à pisser copie pour croûter.
En 1969, son fils Claude est déjà installé dans la carrière des lettres, depuis belle lurette, et son fils Jean fourbit sa plume et ne tardera pas à éclore au grand jour de la renommée: le témoin familial a passé, il est entre d'autres mains.
En 1969, Mauriac n'a plus guère de comptes à régler avec les tout derniers adversaires littéraires qu'il a et qui vivent encore.
En 1969, les oeuvres romanesques complètes de Mauriac sont depuis longtemps compilées et publiées, et même ses oeuvres complètes tout court.
En 1969, ses biographes, mémorialistes (dont lui-même) et compilateurs de souvenirs ont déjà publié son parcours, considéré comme achevé, terminé.
En 1969, sa nécro est déjà prête à être publiée dans la totalité des rédactions des médias français, et sans doute dans un nombre importants de médias étrangers.
En 1969, la déflagration soixante-huitarde suivant celle, dans sa partie, du Nouveau Roman fait considérer son oeuvre comme digne des rayonnages de paléontologie romancière.
Durant l'été et le début de l'automne 1968, il se colle pourtant au travail, et mieux, entreprend la suite d'Un adolescent d'autrefois dès 1969:
Maltaverne, roman inachevé, montre le héros " adolescent d'autrefois" (Alain Gajac) soixante ou soixante-dix ans plus tard, devenu vieillard, après un bond prodigieux et silencieux au-dessus du siècle.

 Alors, oeuvre de vieillesse, comme il existe des "oeuvres de jeunesse" ?  Il sait qu'on jaugera le bouquin à l'aune de la "performance de vieillard", voire même que cela éclipsera peut-être le contenu:
 Est-ce une dernière prise de risque, pour se donner un frisson ?
 
S'il faut croire l'auteur, ce n'est même pas ça: il écrit, dans son bloc-notes: "ce dernier roman, c'est à moi-même qu'il s'adresse: je me chante à moi-même un air d'autrefois".
 
 En fait de craintes, et il en a sûrement eu, bien qu'amorties par le recul dû au grand-âge. Ne serait-ce que de signer un roman indigne de Mauriac, indigne de ses romans précédents. Et il n'en fut rien. La louange fut unanime, et c'est une sacrée surprise, parce que provenant d'une critique littéraire bouillonnante et éprise de neuf, humant l'air du temps, bref une critique littéraire qui avait pourtant radicalement "passé à autre chose". Sans conteste, cet "adolescent d'autrefois", c'est bel et bien du Mauriac, et du Mauriac d'un bon millésime, avec l'intimité dans la profondeur dramatique et la construction soutenue, sans failles.

Cet "adolescent d'autrefois" est très largement autobiographique. Les lieux (le spatio-temporel) est tout ce qu'il y a de plus familier pour le lecteur de Mauriac: la grande-lande, ses pins, ses chênes, ses métairies, ses cours d'eau, ses hameaux, ses bourgades. C'est Bordeaux. Et puis Paris. Les années ? 1902-1907 (avec un petit flash-back en 1899). Tout ce qu'il y a de plus habituel chez Mauriac.

 J'ai aimé ce livre, et temporise avant d'en ouvrir un autre, j'ai besoin d'y revenir un peu, de le fouiller encore, de nourrir mes propres réflexions. Pour le synopsis et le corpus proprement dit (et les personnages campés), je préfère ne rien en dire pour l'instant attentif  honte , ce qui vous donne une présentation du roman très tronquée.
 
 Mais n'hésitez pas, d'une part à le lire, d'autre part à me lancer et me relancer , si vous avez des questions ayant trait à ce livre, pour savoir vers où vous allez si vous l'ouvrez, ou si, l'ayant lu, vous voulez qu'on en discute, etc, etc...
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