Karen Russell

Bien tentant Arabella. Je note son nom!

Swamplandia

La famille Bigtree tient dans les marais de Floride, à force de serrage de coudes, un improbable parc d'attraction autour des crocodiles, avec comme clou du spectacle le numéro de la mère, Hilola, qui plonge divinement dans la fosse aux bestioles. Les enfants y voient un paradis idyllique quand tout est ringard et bricolé, mais l'esprit d'enfance va vite s'envoler quand Hilola meurt d'un cancer à 36 ans. C'est le Monde de l'Obscur, un parc d'attraction voisin, un vrai, avec exploitation touristique, technique de communication et emplois précaires, qui va achever leurs derniers rêves . Chacun suit un parcours initiatique qui lui est propre, trivial ou onirique .

J'ai adoré la première partie, ce monde qui se délite, cette effroyable tristesse de l'abandon qui ne veut pas se dire, ce ciment parti qui ne permet plus à l'amour de croire en lui-même. Je me suis vite ennuyée ensuite, dans la quête désespérée de chacun pour croire encore la perte impossible, cet enchaînement d'épreuves, car je n'y ai plus vu l'humour, qui laissait la place à quelque chose de plus laborieusement irrationnel. Je comptais sur la fin pour me réconcilier avec Swamplania, je l'ai trouvée d'une frustrante banalité.

Non, il n'y a aucun humour dans la deuxième partie, c'est la perte, le passage douloureux à autre chose. Enfin, si un peu dans le Monde de l'Obscur. Et l'irrationnel est une tentation, compréhensible, face à un vécu difficile, mais y croire amène encore plus de problèmes et de douleurs, et le retour au réel se fait, accepté d'une manière ou une autre. Et le souvenir, idéalisé, peut nourrir le futur. La fin est inévitable, sinon ce serait l'irrationnel.

Ca doit être (en partie) ça le problème. la première partie ne m' a pas du tout préparée à être réceptive au tragique. Et je n'ai pas été réceptive non plus à la bonne fin : je n'avais pas du tout envie qu'ils deviennent des gens comme les autres , que leurs épreuves n'aient servi qu'à ça.

Il faut que je la lise...

Ah! je savais bien qu'n avis négatif attisait les envies!

Merci topocl de d'être dévoué pour le lire et pour en dire du mal.

Je ne suis pas d'accord avec l'idée qu'ils deviennent des gens comme les autres à la fin du livre. Peut être en apparence, leur manière de vivre devient plus celle de tout le monde (vivre en ville, aller à l'école etc). Mais ce n'est pas le plus essentiel, au fond ils n'ont pas changé de manière de penser, de valeurs. Leur enfance, pleine de rêves et de magie, les a construit pour la vie, et je leur fait confiance, ils vont évoluer de manière à rapprocher leur vie de leurs rêves.
On le voit un peu avec Kiwi, même si ses débuts au Monde de l'Obscur sont cauchemardesques, déjà il ne baisse pas les bras, ce qu'il vit ne le démolit pas, puis il décroche la formation pour devenir pilote. Et il suit des cours qui pourront lui permettre de réaliser à un moment où un autre son projet de faire des études. Pas aussi rapidement et glorieusement qu'il imaginait, mais quand même d'atteindre son objectif, tout en composant avec le monde tel qu'il est, sans se renier.

Arabella a écrit:

Merci topocl de d'être dévoué pour le lire et pour en dire du mal.

Le but n'était pas d'en dire du mal. Si je m'y suis remise une deuxième fois , c'est que j'avais envie de l'aimer.Et je n'ai pas fait que dire du mal..

Tout bien réfléchi, il fallait le prendre comme un conte, ce qui doit transformer l'ennui poétique en envoûtement, et rend légitime l'opposition noirceur/innocence.
Je ne l'ai pas compris au cours de ma lecture, trompée par le début, qui fait croire à un roman familial américain discrètement décalé.

J'ai bien compris que tu l'avais lu dans un état d'esprit positif, juste une tentative de plaisanterie ratée.

En tous les cas je te remercie de cette discussion, de prendre le temps de réfléchir à un livre qui t'as pas passionné. Je trouve importante ta dernière remarque, même si plutôt que conte, je dirais récit initiatique. Le passage de l'enfance à l'âge adulte dans beaucoup de cultures, est marqué par des rites de passage, avec des étapes, des épreuves, et on est dans quelque chose de cet ordre pour les enfants Bigtree. Le rappel à plusieurs reprises des premiers habitants indiens du pays n'est pas anodin. Le voyage d'Ava dans les marais est sans doute la partie la plus explicite dans ce sens.
Il ne faut pas prendre ce livre en effet uniquement au premier degré, de façon réaliste. Même si la première partie peut créer l'impression que. Mais pour ma part je trouve que c'est le talent le l'auteur, de changer de dimension. J'aime bien être surprise et amenée ailleurs que je ne le pensais. Mais du coup, on réalise après, à quel point même la première partie, était remplie de symboles et métaphores, annonciateurs, même si indécodables à ce moment-là. Et je sais qu'il faudra que je relise ce livre, avec une autre lecture dès le début.

Je l'ai commandé, je verrai bien.

topocl a écrit:

Et je n'ai pas fait que dire du mal..

J'allais le dire. Tu fais comme moi tu pèses le pour et le contre! (peut-être moi aussi une tentative de plaisanterie râtée!)

Etrange roman dont le sujet ne manque ni d'originalité ni de charme.
L'écriture est parfaite, très maîtrisée et c'est finalement grâce à son talent que l'auteur m'a embarquée jusqu'au bout dans cette histoire hallucinante à laquelle on a du mal à croire tout de même.

Mais je crois que le propos de l'auteur n'est pas là.
Croire ou pas à tous les événements qui se succèdent, peu importe, on se laisse emporter dans ces marais regorgeant d'alligators qui sont les premiers personnages de ce roman.

Mais à force de volonté d'aborder de vastes sujets (les politiques calamiteuses de drainage dans les Everglades, la perte d' un être cher, les persécutions d'indiens ou d'esclaves affranchis, la consommation touristique et notamment le pouvoir factice des parcs d'attraction aux USA, la magie, la perte de l'enfance comme le dit justement Arabella et je m'arrêterai là car il y en a d'autres), je trouve personnellement qu'on perd un peu le fil de l'histoire ou plutôt, on a du mal à voir quel but poursuit l'auteur, quel est finalement son message.

Ce que je retiens avant tout c'est cette formidable description des marais et de cette contrée inhospitalière, qui, par contraste avec une civilisation très policée, retient cette famille coûte que coûte dans cet univers et ce parc si singulier.
Là l'auteur est époustouflant, et j'aurais aimé y rester, comme Ava et sa formidable et si attachante petite Seth rouge.

Roman que je garderai en mémoire malgré mes quelques réserves, c'est un auteur à suivre asssurément.

vous pensez que ça peut marcher pour un panda ces marais et ces alligators ?