Nikolaj Frobenius [Norvège]

... Et moi je note "Le valet de Sade"

Mais comment cela se fait-il que vous soyez plus tentés par Le valet de Sade ?
Je vous assure que Le pornographe timide est bien meilleur...
Ahlala je soupçonne fortement que la présence de Sade dans le titre n'est pas étranger à cet engouement

Merci ! Merci ! deux auteurs très tentants pour le prix d'un, Frojbenius, merci Sentinelle et Michel Faber ! Merci Nezumi !

Son nouveau roman vient de paraître en février 2011, peut-être une occasion de découvrir cet auteur lors de la LC des pays nordiques

Citation :

Présentation de l'éditeur

Nicolaj Frobenius restitue l'univers fantastique d'Edgar Allan Poe à travers le prisme de sa relation avec le critique littéraire Rufus W. Griswold. Fasciné et peut-être même secrètement amoureux de Poe, le critique influent mènera le double jeu pervers de l'amitié et de la démolition systématique tout au long de sa vie. Parallèlement, Samuel Reynolds, esclave en cavale et ami d'enfance de Poe, se croit investi d'une mission terrifiante. Le célèbre mythe selon lequel Edgar Allan Poe serait mort avec le nom de Reynolds sur les lèvres trouve ici une effroyable origine... Dénouant les liens ambigus qui unissent ces trois destins, l'auteur du Valet de Sade signe son grand retour avec une intrigue passionnante, entre biographie romanesque et thriller psychologique.

Je vous apprendrai la peur

Le roman place au centre le grand écrivain Edgar Allan Poe, sa vie difficile et en particulier les relations conflictuelles qui l’ont opposées à l’influent critique et anthologiste Rufus W. Griswold. Ce dernier a de vivant de l’auteur dénigré son œuvre, et après sa mort n’a pas hésité à essayer de nuire à sa réputation en propageant un certain nombre de diffamations sur son compte. Le roman de Nikolaj Frobenius est corsé par un personnage imaginaire, un métis albinos, qui a quitté avec Poe la propriété de son père adoptif et qui perpétue des crimes atroces, en s’inspirant des œuvres de Poe.

A priori de bons ingrédients, entre la vie difficile d’un génie de la littérature et un roman policier. Mais malheureusement à mon avis la sauce ne prend pas. On n’apprend pas réellement grand-chose sur Poe (sauf si vraiment on en connaissait rien du tout) et la personnalité décrite par l’auteur est pour le moins sommaire, il voulait être célèbre, était alcoolique et s’est débattu dans la misère. Et il recherche dans la création artistique la beauté. Quand à Griswold c’est un puritain, qui veut défendre le monde contre le mal, et Poe c’est le mal absolu. Et c’est la raison de leur antagonisme. Et pas d’autres éléments pour poser cette opposition pendant tout le livre, pour la rendre plus complexe et intéressante.

Et du côté de l’intrigue policière il n’y en pas non plus vraiment, Frobenius place dans le roman quelque scènes bien saignantes à certains endroits, mais sans rien construire, on constate le résultat final (le cadavre torturé) et on a par la suite quelques éléments pour savoir comment c’est arrivé. Pas de montée de l’angoisse précédent l’acte, quasiment aucune information sur la victime, pas de traque du coupable, qui n’est d’ailleurs pas identifié par la police. Malgré le titre, il est difficile d’avoir le moins du monde peur, tout cela est plutôt du grand guignol, et j’ai fini par ricaner méchamment.

Et comme le style n’a rien de très excitant non plus, l’ennui s’installe très vite. Désolée, mais je ne trouve vraiment rien à sauver dans ce livre, dont le sujet était pourtant prometteur. Malgré les avis positifs d’autres Parfumés sur cet auteur, je crois que je vais définitivement le rayer de mes listes.

L'auteur me semblait pourtant prometteur après ma lecture de son second roman (Le Pornographe timide), mais il n'arrive visiblement pas à évoluer favorablement, ce qui est bien dommage. Nikolaj Frobenius me fait d'ailleurs penser à Peter Høeg, qui n'a jamais vraiment été au-delà de son premier succès (Smilla ou l'amour de la neige).
Je ne lirai probablement pas Je vous apprendrai la peur, d'autant plus que j'ai encore un très mauvais souvenir du roman L’ombre d’Edgar Poe de Matthew Pearl, qui m'avait déjà beaucoup ennuyé à l'époque. Décidément, Edgar Poe ne porte pas chance à ces auteurs...

Traiter d'un grand auteur comme Poe demande un talent presque égal au sien, et le faire alors que l'on est pas du même niveau, n'est sans doute pas une bonne idée. Je n'ai pas lu son livre sur Sade, mais j'ai l'impression que c'est le même genre de procédé, un écrivain sulfureux, à qui on adjoint un personnage imaginaire qui est censé renvoyer quelque chose sur l'oeuvre. Je me trompe peut être, mais cela pourrait être un manque d'inspiration, ou tout au moins quelque chose qui y ressemble. Il y a des auteurs comme ça, qui donnent leur meilleur dans un livre, mais qui sont incapables de maintenir le niveau. Dans ce cas, vaut mieux pas s'obstiner dans la lecture. Je suis d'ailleurs de ton avis sur Hoeg.

Le Valet de Sade

Etonnant premier roman que ce Valet de Sade. Une œuvre qui n'a pas la prétention de tout vouloir raconter mais donne au lecteur le plaisir de s'interroger, de réfléchir, de soupeser les relations fortes, antagonistes et souvent amoureuses d'un valet et de son maitre, d'un fils envers sa mère, d'un notaire vis-à-vis d'une fortune, d'une putain face à son client, d'un médecin confronté au mystère de l'anatomie.

Chaque relation mise en scène par Frobenius place les protagonistes dans un échange de connaissances, de pouvoir et de dépendance qui les menace et les construit, les malmène et leur impose sa loi.

La quête du personnage principal (Latour) est celle de la souffrance, car lui qui en est privé cherche à la saisir, la circonscrire et la sentir. Pour se faire, il va se mettre à explorer le cerveau humain, ses ramifications, les nœuds de ses hémisphères, les circonvolutions qui le forment. Et il deviendra un criminel, un assassin tiraillé entre la joie et  l'attente, désireux de comprendre, d'atteindre l'endroit d'où la douleur surgit, envahit, fait vivre. Il est donc inévitable qu'il croise au cœur de Paris, la silhouette énigmatique de Sade, dont il devient à la fois le serviteur, le double et le mentor. Car Sade est incontestablement en cette fin du XVIIIème siècle, le questionneur le plus habile de la souffrance, celle des autres et la sienne ,il en est à la fois fasciné et l'esclave, il est tout autant sa victime choisie que le bourreau fouettant les fesses de putains droguées à mort.

Car, il est important de dire que ce n'est pas le crime qui plait tant à Latour que sa compensation car cet homme a compris que la Nature s'équilibre et que pour que le monde existe il y faut autant de Bien que de Mal, autant de bourreau que de victime, et qu'une même personne peut -être selon les circonstances la verge et le réceptacle de la douleur.

La lecture est plaisante, d'autant plus que Frobenius, sans s'étaler, sans s'y complaire, offre au lecteur un aperçu passionnant de la science de l'époque, science anatomique, taxidermique, balbutiements de la phrénologie, dissection, manipulation électrique… et aussi réflexion réjouissante sur la philosophie, les rois et les dieux vacillent, le libertinage flirte avec l'idée même de liberté, d'individu et de libre-arbitre…

Bref, un livre d'une grande richesse, à la narration originale, au style alerte oscillant souvent entre une forme de cynisme gai et une empathie sans naïveté, qui laisse une grande liberté au lecteur et permet d'appréhender avec intelligence des questions fondamentales sur le Bien , le Mal, la science, le cœur, l'esprit et notre tâche d'homme.

Très réjouissant. Je compte bien sur, me procurer ce Pornographe timide qui a eu l'heur de plaire à sentinelle...

Oui, et pourtant lu il y a longtemps ! Contente de lire un avis positif sur ce roman en tout cas.