Eugène Green

Vu le Fils de Joseph. Je suis d'accord avec Marko. C'est un très beau film, même si c'est probablement pas mon préféré du réalisateur (le super appart de la femme célibataire qui travaille à temps partiel à l'hôpital, ça me fait rêver - certes, on ne demande pas de réalisme dans ce genre de film).

Mais c'est bien dommage que ma vision du film ait été pas mal gâchée par une classe d'ado qui était venue alors que ce type de cinéma, ça n'était visiblement pas leur kif. Ça gloussait lorsque les acteurs faisaient des liaisons inhabituelles, ça murmurait sans cesse ("blablablablablablablabla" ; qu'est-ce qu'ils peuvent avoir à se dire sans cesse ? Peuvent-ils se taire pendant ne serait-ce que cinq minutes ?) et ça murmurait plus fort pour couvrir la musique dans la scène de l'église...

Dommage en effet. Mais peut être que derrière les ricanements de surprise (c'est un cinema qui déroute toujours un peu au départ, même les plus grands) le film se fera un petit chemin chez certains d'entre eux. Une invitation à regarder le monde avec curiosité et générosité. On y voit un ado fermé et révolté s'ouvrir au contact de ceux qui sont "frais" et "bons" et qui lui ouvrent les portes de l'art comme au temps des humanités. C'est un conte moral au meilleur sens du terme. D'ailleurs les frères Dardenne produisent, ce n'est pas par hasard.

Le Fils de Joseph

J'ai aussi beaucoup aimé ce nouveau film d'Eugène Green. Il est en effet plus accessible dans son récit, entre un portrait d'adolescence et une intrigue aux accents presque policiers. L'inspiration biblique se dévoile aussi avec une certaine évidence, mais cet univers conserve une singularité fascinante et poignante. Les postures apparemment figées, la parole et la tension des visages forment un registre expressif au service d'une fragilité. Green interroge sans cesse la difficulté d'établir et de consolider des liens affectifs, et des barrières sont peu à peu abaissées vers un un nouvel équilibre, une plus grande sérénité.

La description du milieu de l'édition est à la fois hilarante et implacable, se rapprochant par moments de l'excès de certaines séquences dans Le Pont des Arts. Il y a certes quelques facilités et raccourcis, mais la présence de Mathieu Amalric est indispensable pour esquisser un antagonisme et favoriser l'ouverture sensible de la seconde partie du film.

Comme souvent chez Green, la voix et la musique offrent la possibilité d'une révélation intime, par la découverte d'une beauté qui semblait jusqu'alors inaccessible. Le moment passé dans l'église est un temps de suspension, de grâce et la tonalité de la mise en scène marque ensuite par son optimisme et sa générosité, jusqu'à un épilogue qui laisse à chacun la possibilité de trouver sa place.

Le fils de Joseph

Vincent, fils de Marie, mère célibataire est de plus en plus taraudé par le désir de connaître son père. Il finit par forcer le secrétaire de sa mère pour apprendre la vérité. Qui ne l'enchante pas, mais heureusement, il fait connaissance de Joseph, le frère de son père...

Il se dégage toujours une mystérieuse magie des films d'Eugène Green. Entre la beauté des images, de la musique, entre le jeu hiératique des acteurs, à la diction châtiée, qui peut sembler bien peu naturelle, mais qui donne une poésie folle. Et une vision positive et humaniste du monde et des êtres humains.

J'ai été moins sensibles à l'aspect satire de la société littéraire parisienne, qui tourne un peu trop à la farce et au convenu. Mais même si ce film n'est pas mon préféré d'Eugène Green, le charme a encore une fois opéré pour moi.

J'espère déjà le suivant....