Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Carole Forget

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jack-hubert bukowski
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MessageSujet: Carole Forget   Carole Forget EmptyMar 29 Mar 2016 - 6:49

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Carole Forget est une auteure qui cultive l'anonymat. Elle a l'élégance de ne pas dévoiler son âge, comme le ferait une femme dans sa situation. En tant que poète, elle porte bien son nom. Son oeuvre s'est révélée sur le tard, j'en ai bien l'impression... il y a peu de notices biographiques qui la concernent et c'est souvent du copie-coller. Il est même difficile de retracer une bibliographie de son oeuvre. Je me réfère à l'Île pour dresser la liste :

Bibliographie de l'oeuvre de Carole Forget

- L'autre versant, 1992
- Elle habite une metropolis, 2002
- Comme si le vide avait un lieu, 2006
- La nudité ne dévoile pas une femme émue, 2008
- L'écumante, 2011
- Et le désastre, mon amour, 2013
- Le sol ralentit sous mes pas, 2013
- Noire de soleil, 2014
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jack-hubert bukowski
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MessageSujet: Re: Carole Forget   Carole Forget EmptyMar 29 Mar 2016 - 7:12

La nudité ne dévoile pas une femme émue (2008) :

N'imaginez pas que j'ai pris le livre pour son titre. J'avais repéré plusieurs titres de Carole Forget et je m'étais fait une tête sur la question. J'ai bien vu qu'elle avait publié aux Éditions du passage, ce qui est habituellement un critère de reconnaissance d'un certain raffinement littéraire. Chose certaine, je n'ai pas lu ce livre dans le métro comme je l'aurais fait dans le cas d'un livre de Dany Laferrière. La nudité ne dévoile pas une femme émue nous permet de découvrir une poétesse de grand talent. Bien sûr, nous voyons que la plume est plus classique qu'elle le serait si elle était écrite par une poétesse dans la vingtaine, mais Carole Forget livre un produit très «achevé». Ça ne l'empêche pas d'être sulfureuse à sa manière :

Carole Forget, La nudité ne dévoile pas une femme émue, 2008, Montréal : L'Hexagone, p. 13. a écrit:
si ma photographie
devient un mur
devant tes envies de dire autre chose

captif
dans les soubresauts de la nuit
tu n'as pas de distractions

ton corps se tend
jusqu'à l'inconséquence
de retenir quelqu'un sans le nommer

Carole Forget sait faire montre d'une précision dans les gestes évoqués :

Ibid., p. 19. a écrit:
la part sombre de mon corps
glisse par saccades
sur les écrans obstinés
de tes divagations

échoués ensemble
un intime péril nous engage
sans nous unir

Comme vous venez de le voir, Carole Forget excelle dans la poésie brève, même si ce n'est pas une poésie qui tend au haïku :

Ibid., p. 30. a écrit:
le jour ne se relève plus d'un éclat
je ne veux pas consentir
à l'insensé

une porte ouverte m'épuise
des murmures résonnent
peut-être les miens

les dessins les peintures
demeurent sans conséquence

Pour bien situer son projet dans le panorama littéraire :

Ibid., p. 33. a écrit:
bientôt je marcherai
dans un jardin au grand soleil
à l'épreuve des promeneurs
et de l'arbre

en attendant
une photo me prend puis me laisse
figée dans une erreur
retirée de tout

Carole Forget démontre de l'intérêt pour plusieurs thèmes, comme nous pouvons le voir ici :

Ibid., p. 42. a écrit:
le long de cet homme
la ville se dresse pêle-mêle
une fenêtre s'ouvre se ferme
tant de précautions toujours

seule une impression ne jaunit pas
un appui
contre l'évidence aveugle

Carole Forget verse dans une épuration de sa plume littéraire :

Ibid., p. 46. a écrit:
la rue coule sans nouvelles de nous

les regards se construisent à peine
notre rencontre

un événement a eu lieu
je cherche ce lieu pour le lui donner

une ville attend de naître
sous les retombées de nos désirs

Elle commence sa dernière suite poétique avec le poème suivant :

Ibid., p. 73. a écrit:
tout ce qui est arrivé
n'aura pas lieu
ne sera pas retenu
par des regards jetés

avec ce temps
au dehors
où mes pas ne se rendent plus
je me délie
retraverse chaque geste à l'envers

Carole Forget est une autre poétesse québécoise dont il faut retenir le nom, quitte à mieux l'oublier ensuite - Forget.
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MessageSujet: Re: Carole Forget   Carole Forget EmptyJeu 31 Mar 2016 - 4:26

Comme si le vide avait un lieu (2006) :

J'ai finalement fait le compte-rendu de mes lectures du recueil cité dans ce message. Carole Forget mûrissait déjà son projet de La nudité [qui] ne dévoile pas une femme émue au moment d'écrire Comme si le vide avait un lieu. Ce livre a été écrit aux éditions du passage. Quand nous connaissons le style des éditions du passage, nous comprenons mieux l'ancrage institutionnel d'une écrivaine comme Louise Warren.

Quoi qu'il en soit, nous pourrions dire que Carole Forget couve déjà en 2006 son projet à venir :

Carole Forget, Comme si le vide avait un lieu, 2006, Outremont : Les éditions du passage, p. 22. a écrit:
j'aurais aimé être là
avant mon désir
soustraire
ce qui me prolonge

telle une marche
vers la nudité

Assez intuitivement, nous pouvons percevoir l'esthétique derrière le projet de Carole Forget et l'inscription de son nom :

Ibid., p. 14. a écrit:
avant tout
avant moi avant mon nom et son reflet
il y aurait eu un regard
pour me recevoir
une ligne
où je m'efface

Tout s'invite au regard :

Ibid., p. 21. a écrit:
hors de la ligne
sommes-nous jamais

j'avance j'imagine
mon corps de femme
à sa hauteur d'homme
être le paysage de quelqu'un

Ibid., p. 32. a écrit:
je fouille
une question pliée
en deux en quatre
une soif tenace
de tout voir
en même temps

Ibid., p. 38. a écrit:
souvent
je tourne la tête
surveille
dans mon dos

pour savoir
ce qui disparaît avec moi

Carole Forget me semble être très habitée par ce qu'elle évoque. Elle donne corps à une plume qui laisse transparaître son regard :

Ibid., p. 42. a écrit:
au-dessus
de mes doutes

l'apparence seule témoigne
me franchit
de part en part

L'incertitude est esquissée avec précision :

Ibid., p. 51. a écrit:
une oscillation persiste
le pas suivant
ne suit jamais

dans un mouvement immobile

j'habite le seuil
avec précision

Il y a tant de passages qui se citent. Nous pouvons également voir des photos de Melvin Charney dans le recueil. Je vous laisse avec ce dernier «tease» :

Ibid., p. 56. a écrit:
une absence
retient les paysages
les cache
et les épuise

je suis devant
tous les états de l'apparence
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