Sapiens Une brève histoire de l'humanitéD'abord il faut bien lire le titre :
Une brève histoire de l'humanité il ne faut donc pas s'attendre à quelque chose d'universel, pas un truc objectif et "bêtement" chronologique genre Mallet Isaac, mais bien à
une histoire spécifique proposée par Y N Harari avec ce que cela implique de subjectivité, un survol général alliant vision globale et esprit de synthèse.
Cette
histoire (car cela ce lit réellement comme une histoire) nous est exposée avec un brio impressionnant, une prise de distance, dans un style fluide et accessible à tous qui n'endigue jamais ni l'érudition ni la réflexion.,La sauce est épicée par une bonne dose d'ironie, d'humour, de paradoxes pouvant aller jusqu'à la provocation. On est loin de l'avis hyper-pointu d'un spécialiste: Harari embrasse sans réserve l'histoire, bien sûr, mais aussi méta-histoire, archéologie, anthropologie, philosophie, sociologie, économie, théologie, sciences de toutes sortes et j'en passe...Ce mélange est éblouissant et détonnant, mais parfaitement maîtrise, et, c'est banal à dire, mais difficile à faire, j'aurais aimé apprendre l'histoire ainsi sur les bancs de l'école. Ce livre fait naître dans le lecteur beaucoup d'humilité, et en même temps le rend plus grand qu'il n'était.
- Citation :
- Décrire « comment » et expliquer « pourquoi », quelle différence ? Raconter « comment » signifie reconstituer la série d'événements scientifiques qui ont conduit d'un point à un autre. Expliquer « pourquoi » veut dire trouver des relations de causalité qui expliquent l'occurrence de cette série d'événements particulières, à l'exclusion de tout autre.
Peut-être les historiens sauront-ils reconnaître des inexactitudes, des contresens ou de non-sense (voire des hérésies?). Je ne sais pas et je suis incapable d'avoir une opinion là-dessus (mais il est vrai que leur avis m'intéresserait) . Mais Harari cite ses sources, expose les théories contradictoires avant de se positionner et de casser au passage un bon nombre nombre de mythes,
Voici donc l'histoire racontée par Y N Harari, et son accélération incontrôlée:
La Révolution cognitive arrive sans doute par des mutations génétiques modifiant les aptitudes de socialisation, d'adaptation au monde et de pensée créative. Les chasseurs-cueilleurs coopèrent en groupes, investissent des territoires,et l'anéantissement des autres homos en est une conséquence :
Homo sapiens, dernière espèce d'
homo apparue, est la seule à survivre à partir de -13 000.
- Citation :
- A compter de la Révolution cognitive, les récits historiques remplacent les théories biologiques en tant que principales explications du développement de l'Homo sapiens. Pour comprendre le sens du christianisme ou la Révolution française il ne suffit pas de comprendre l'interaction des gènes, des hormones et des organismes, il est nécessaire de prendre en compte également l'interaction des idées, des images et des fantasmes.
La révolution agricole (-70 000)voit la main-mise de notre homo sapiens sur les espèces végétales et les autres espèces animales, mais aussi le début de l'asservissement de l'homme par le travail.
L'unification de l'humanité amène à la définition d'une zone d'extension en Asie-Afrique-Eeurope, menée par trois grands mythes : l'argent, le pouvoir et les religions (chapitre éblouissant sur les religions)
La révolution scientifique (500) (suivie de sa petite sœur la Révolution industrielle) s'épanouit en l'Europe d'un mélange de désir de connaissance et de désir de possession, s'ancrant sur la notion de progrès. Ses deux matrices sont les Etats et le Marché (lequel est une habile combinaison de l'argent et du capitalisme, nouvelle religion). Elle amène un bouleversement complet de l'ordre social, au détriment de la communauté et de la famille, pour produire des individus aliénés.
Cette cascade révolutionnaire a-t-elle rendu l'homme plus heureux ?
- Citation :
- Le regretté Neil Armstrong, dont l'empreinte de pas demeure intacte sur la lune qu'aucun vent de balaie, fut-il plus heureux que le chasseur-cueilleur anonyme qui, voici 30 000 ans, laissa l'empreinte de sa main sur une paroi de la grotte Chauvet ? Sinon, à quoi rimait de développer l'agriculture, les cités, l'écriture, le monnayage, les empires, la science et l'industrie ?
La cinquième révolution est à venir, et donc, Harari insiste bien là-dessus, imprévisible et inimaginable. S'il ne nie pas les spectres de l'épuisement des énergies et du désastre écologique, Harari envisage comme possible, à travers une révolution cette fois-ci biologique et bionique, une simple fin de l
'homo sapiens au profit d'autres êtres : lesquels?... ils verront bien!. Sans trop de regrets, au vu de comment il s'est comporté vis-à-vis de la planète, de lui-même et des autres espèces, depuis plus de 2 millions d'années. C'est une vision qui ne fait fait le choix ni de l'optimisme ni du pessimisme, dans une espèce de voie du milieu qui permet d'échapper à la souffrance. Et l'on comprend ici pourquoi il s'agit d'une
brève histoire de l'humanité.