Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Carson McCullers

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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyMar 22 Avr 2008 - 22:36

Reflets est excessif, donc moins touchant, et moins déprimant que Le Coeur est un chasseur solitaire (dont le titre n'a pas été trouvé par Carson, mais par son éditeur, il s'agit d'un fragment de vers d'un poème de William Sharp - le vers entier étant "But my heart is a lonely hunter that hunts on a lonely hill" - dont on peut par exemple trouver le texte sur http://www.themediadrome.com/content/poetry/sharp_lonely_hunter.htm ) ou l'Horloge sans Aiguilles (roman vraiment déprimant).
En plus, le thème de base de Reflets a été fourni par son mari, je crois, c'est peut-être moins personnel.

Je suis d'accord, Carver aussi est parfois - souvent - déprimant. On pourrait également ajouter Cheever à ta liste, Bix, pour rester dans les nouvelles américaines. Mais Carson ("Un grand petit maître", avait écrit un journaleux dans le Monde) est peut-être plus universelle, non ? La petite ville est universelle, la banlieue américaine avec son alcoolisme sans doute moins.
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MessageSujet: Carson Mc Cullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyMer 23 Avr 2008 - 2:02

D'accord, ExPie, Carson Mc Cullers est plus universelle...

As tu lu la biographie que lui consacre Jacques Tournier ? La vie de Carson,
un roman de ... Fitzgerald !
Un incroyable mélo : son mari, sa maladie atroce...
Cheever ? Je ne l'oublie pas non plus.
colibri
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyMer 23 Avr 2008 - 7:12

Je n'ai lu que la bio de Josyanne Savigneau.
Je suppose que c'est la même histoire, mais le style est sans doute différent, c'est plus Tennessee Williams que Fitzgerald, sous sa plume.
Ah, le mari de Carson, un roman à lui tout seul...
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kenavo
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyMer 23 Avr 2008 - 16:34

eXPie a écrit:
Je suis d'accord, Carver aussi est parfois - souvent - déprimant. On pourrait également ajouter Cheever à ta liste, Bix, pour rester dans les nouvelles américaines.
Et je pense que Richard Yates figure aussi très bien dans cette liste Wink
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MessageSujet: Carson Mc Cullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyMer 23 Avr 2008 - 18:04

Oui ExPie les histoires d'amour finissent mal en général, et souvent, quand les deux membres d'un couple veulent devenir écrivains. Comme pour Fitzgerald ou Carson McCullers.

Ils étaient en concurrence sur le meme terrain, et forcément il y en a un qui est meilleur ou qui est reconnu par le public et -ou- la critique, et c'est ressenti comme un échec personnel. C'est humain...
On peut ajouter que ces gens n'ont jamais été très équilibrés, et si on ajoute l'alcool...

Ceci dit, je souhaite bonne chance à Paul Auster et à madame. J'ai oublié son nom.
colibri
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptySam 3 Mai 2008 - 19:21

Le cœur est un chasseur solitaire est le premier roman de Carson McCullers, écrit entre ses 19 et 22 ans aux alentours des années 1940.

Nous sommes dans une petite ville du sud des Etats-Unis, dans les années 1930. Nous accompagnons cinq habitants de la ville : Mike, une toute jeune adolescente pauvre adorant écouter Mozart à la radio en se cachant dans la cour obscure des voisins ; Jake Blount le rouge, révolutionnaire socialiste et ivrogne venu d’on ne sait où ; Copeland, un médecin noir qui a tout sacrifier à son idéal, à savoir trouver les moyens d'éclairer la communauté noire ; Biff Brannon, le propriétaire d'un restaurant minable, homme généreux qui se prend d’affection pour tous les laissés pour compte ; Singer, un sourd-muet autour duquel gravitent tous les personnages.

N’attendez pas de ce roman une histoire construite de manière « traditionnelle » ! Vous n’y trouverez aucune intrigue ou que sais-je encore : nous sommes essentiellement dans le ressenti, la tragédie, l’errance des sentiments et les non-dits.

Car si ce roman dénonce la pauvreté et les inégalités sociales et raciales du Sud des Etats-Unis des années 30, il est avant tout un roman sur la solitude, la désespérance, la frustration, la difficulté de communiquer et le besoin d’amour. Les personnages ne font que se croiser sans cesse sans jamais vraiment se rencontrer. Et ce n’est sans doute pas par hasard si chacun d’eux croit avoir rencontré l’âme sœur en Singer, l’homme sourd-muet qui ne parle pas et qui lit sur les lèvres, l’homme qui les regarde avec courtoisie sans jamais les contredire. Qui mieux que lui pouvait leur offrir ce semblant de miroir bienveillant de leur être ?

Un beau roman sur la difficulté de vivre, sans concession et âpre, mais il faut s’accrocher à la lecture, qui n’est pas toujours facile de par sa construction et les thèmes abordés.
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sousmarin
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptySam 3 Mai 2008 - 20:30

Il faut se rappeler le contexte de l’époque lorsqu’on lit ce livre…dans les années 40, notamment au sein des états du sud, l’esclavage était encore ouvertement défendu par bon nombre de « citoyens » et pour la plupart des autres, être pro esclavagiste restait admissible comme opinion.
Cet esprit « séparatiste » reste encore de mise actuellement, de façon plus détournée et politiquement correct, par le communautarisme.

L’histoire en fait se nourrit de ce contexte communément admis et l’explose …en nous narrant l’histoire d’un endroit où l’on écoute les désabusés, où l’on ne sélectionne pas à l’entrée, même pécuniairement, McCullers nous montre que bien souvent ce que l’on perçoit comme une différence n’est qu’une réaction…mais également que l’absence de réaction n’est pas une absence de différence…qu’il faudrait prendre notre expérience comme une base d’information plutôt que comme la vérité.

Bien sûr, McCullers le dit mieux que moi et de façon moins didactique, elle le suggère tout en finesse pour le rendre même accessible à la plupart des américains sudistes de l’époque en le prêtant à des exclus…elle met le vers dans le fruit en leur faisant croire qu’il n’est pas pour eux…

Il faut s’imaginer américain le temps de lire ce livre pour le savourer pleinement ; quoi qu’avec notre nouveau président, notre contexte s’approche du leur…
Plus qu’un roman, c’est un plaidoyer humaniste et presque un projet politique.
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptySam 3 Mai 2008 - 20:46

Le cœur est un chasseur solitaire est effectivement totalement ancré dans son époque et sa géographie mais paradoxalement, j'ai envie de dire qu'il est tout aussi intemporel qu'universel.
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sousmarin
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyLun 5 Mai 2008 - 1:16

sentinelle a écrit:
Le cœur est un chasseur solitaire est effectivement totalement ancré dans son époque et sa géographie mais paradoxalement, j'ai envie de dire qu'il est tout aussi intemporel qu'universel.
Il prend tout son sens dans l’Amérique sudiste...

eXPie a écrit:
Reflets est excessif, donc moins touchant, et moins déprimant que Le Coeur est un chasseur solitaire ... l'Horloge sans Aiguilles (roman vraiment déprimant).
Je ne trouve pas ces 2 romans si déprimants que ça…à leur façon, il célèbrent la vie même s’ils n’édulcorent pas ses défauts.
J’aime beaucoup la fin de l'Horloge sans Aiguilles (pourquoi avec un s ?):
Citation :
Mais la vie se retirait de lui et, dans l’acte de mourir, la vie prenait une simplicité, une rigueur que Malone ne lui avaient jamais connues. L’élan, la vitalité avaient disparu et ne semblaient plus désirables. Le dessin seul émergeait…
Néanmoins, il désirait quelque chose, car il dit :
« Je voudrais un peu d’eau glacée, sans glace.»
Mais, avant que Martha ait eu le temps d’apporter l’eau, lentement, doucement, sans angoisse ni lutte, la vie s’était retirée de J. T. Malone. Il avait cessé d’être. Et Mme Malone, qui se tenait près du lit, le verre plein à la main, crut entendre un soupir.
Reflets touche moins en général parce qu’il expose l’amour passionnel, absolu, inconditionnel et finalement destructeur (alors que ce mythe est célébré depuis la nuit des temps comme le « bonheur »)…la probabilité que cet amour existe de manière réciproque entre 2 personnes étant très faible, on peut le qualifier d’excessif en tant que tel mais sa narration ne fait que refléter ce fait, l’histoire n’est pas en elle-même excessive.
L’excès dans ce cas est instinctif, il n’est pas volontaire mais subit…il vient du ventre (pas du bas-ventre), des sens ou de l’inconscient…
On applaudit rarement ceux qui détruisent les mythes…et contrairement à Le cœur est un chasseur solitaire, elle y va carrément, surfant sur sa vague de popularité…


Une petite citation de la dame pour terminer ce post :
Citation :
Il n’existe rien qui ne vous fasse plus prendre conscience des aléas de la vie qu’une chanson incomplète. Ou qu’un vieux carnet d’adresses.
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MessageSujet: Reflets dans un oeil d'or   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyDim 11 Mai 2008 - 10:24

Reflets dans un oeil d'or

Reflets dans un oeil d'or (1941) est le second roman de Carson McCullers, écrit à l’âge de vingt-neuf ans, après son premier roman Le Coeur est un chasseur solitaire (1940).

Nous sommes dans le Sud, à un poste militaire américain. Nous savons qu’un meurtre a été commis il y a quelques années : le Capitaine Penderton a donné la mort au jeune soldat Williams, qu’il avait trouvé une nuit au chevet du lit de sa femme endormie, la trop belle et sensuelle Léonore Penderton.

Carson McCullers revient sur les lieux du crime et nous présente tous les acteurs de ce drame en gestation.
Léonore Penderton, délaissée sexuellement par son mari, est la maîtresse du Commandant Langdon. L’épouse du Commandant Langdon, Alison Langdon, est une jeune femme en dépression depuis le décès de leur petite fille. Au bord de la folie, elle demeure une énigme pour son époux qui s’en éloigne chaque jour davantage. Alison Langdon trouve refuge auprès de l’attention bienveillante prodiguée par Anacleto, un jeune philippin asexué recueilli par Alison, devenu depuis domestique de la maison, qui tient d’ailleurs plus de l’homme de compagnie qu’autre chose.

Si Alison est folle de douleur en découvrant l’infidélité de son époux, il n’en est pas de même du Capitaine Penderton, homme complexé, étriqué, impuissant et rigide qui n’assume pas ses tendances homosexuelles et qui fantasme avant toute chose sur les amants de son épouse.

Ajoutons à ces joyeux lurons Oiseau de Feu, l’étalon fougueux de Léonore, symbole de la sexualité et de la virilité dans toute sa splendeur.

Voilà le décor planté, une sorte de huit clos étouffant propice à la tragédie et au drame passionnel. Incommunicabilité, solitude, isolement, refoulement, sexualité non assumée (le capitaine Penderton) ou exacerbée (Léonore Penderton), pulsions dévastatrices et mortifères, non-dits, nous sommes bien dans un roman de Carson McCullers.

Mais contrairement à son premier roman Le Coeur est un chasseur solitaire, les protagonistes de cette histoire ne sont pas du tout attachants, que du contraire !
Personne ne semble trouver grâce aux yeux de l’auteure, qui nous les présente tous avec leurs petites manies détestables, leur lâcheté, leur perversité, leur petitesse. Même la troublante, lascive et très sensuelle Léonore Penderton en prend pour son grade ; elle est également décrite comme une femme castratrice et peu intelligente si pas franchement idiote par Carson McCullers (l’auteure aurait-elle quelques comptes à régler avec sa propre féminité ? Comme si toute sexualité épanouie ne pouvait qu’être le fruit d’une animalité assumée).

Ce roman est très freudien par l’omniprésence des pulsions sexuelles contrariées, infécondes, sans oublier la cohorte des mécanismes défensifs des uns et des autres, les multiples relations triangulaires, le refoulement des pulsions et le retour du refoulé ravageur et délétère.
Jusqu’au nom du jeune philippin recueilli par Alison !
Pour les non férus de la psychanalyse, sachez que son prénom Anacleto renvoie au terme Anaclitisme (vient du grec « s’appuyer sur »), qui caractérise les relations d’une personne fragilisée qui n’a pas dépassé la phase de séparation (cas d’Alison qui n’a jamais fait le deuil de sa petite fille décédée) et qui éprouvera toujours le besoin de s’appuyer sur l’autre pour dépasser cette angoisse. Jamais prénom n’aura été si bien porté par un personnage dans un roman ;-)

Le roman Reflets dans un oeil d'or a été porté à l'écran par John Huston et interprété par Elisabeth Taylor et Marlon Brando. J’avoue n’avoir jamais pu regarder le film jusqu’au bout, trouvant les acteurs irritants au possible. Trop d’hystérie dans ce film adapté par John Huston, qui aurait peu se contenter d’adapter fidèlement le roman mais qui, au contraire, en rajoute encore un peu plus. Je me souviens notamment de cette scène où Léonore Penderton (jouée par Elisabeth Taylor) fouette son époux le capitaine Penderton (joué par Marlon Brando) pour le châtier (le castrer) d’avoir malmené son bel étalon « Oiseau de Feu ». J’ai trouvé cette scène ridicule dans son excessivité et son côté trop démonstratif mais bon, c’est mon avis et je le partage, sans pour autant vouloir froisser ceux qui ont aimé le film ;-)

J’ai préféré nettement le roman au film, plus subtil dans le propos et qui dépasse de loin le roman passionnel classique en se posant comme un véritable kaléidoscope des impulsions et comportement humains : il décrit avant tout les meurtrissures de l’âme.
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptySam 17 Mai 2008 - 17:33

Je continue dans ma découverte de Carson McCullers (merci sousm' pour l'ouverture de ce fil Wink ) avec Frankie Addams.

Citation :
« C’est arrivé au cours de cet été si vert qu’on en devenait fou. Frankie avait douze ans. Elle n’était membre de rien, cet été-là. Elle ne faisait pas partie d’aucun club, ni de quoi que ce soit au monde. Elle se sentait sans aucune attache, et elle rôdait autour des portes, et elle avait peur. »
C’est ainsi que début ce très beau roman de Carson McCullers.

Frankie Addams, grande godiche aux jambes de sauterelle, a douze ans, l’âge ingrat au possible : ce n’est plus l’âge de jouer avec les petits ni celui de s’endormir dans la chambre de papa mais ce n’est pas non plus celui de rejoindre les membres du club des grandes filles. Pour Frankie Addams, la vie se résume à cette angoisse de n’être membre de rien, de ne pas se sentir relier au monde, à cette peur de grandir trop vite :

Citation :
« Elle était debout devant le miroir, et elle se sentait effrayée. Cet été-là était pour elle l’été de la peur – et parmi toutes ses peurs, il y en avait une qu’on pouvait calculer mathématiquement, en posant sur une table un papier et un crayon. Cet été-là, elle avait douze ans et dix mois. Elle mesurait un mètre soixante-six, et chaussait du quarante. Depuis l’an dernier, selon sa propre estimation, elle avait grandi de dix centimètres. Déjà les horribles petites gosses qui jouaient dans la rue cet été-là lui criaient à tue-tête : « Est-ce qu’il fait froid, là-haut ». Et les réflexions des grandes personnes lui donnaient des secousses dans les talons. Si elle était destinée à grandir jusqu’à dix-huit ans, cela durerait encore cinq ans et deux mois. Donc, d’après ses calculs mathématiques, si elle ne trouvait d’ici là aucun moyen de s’arrêter, elle finirait par mesurer deux mètres soixante-quatorze. Et qu’est-ce que c’était qu’une personne qui mesurait deux mètres soixante-quatorze ? C’était un phénomène de foire. »
Elle veut partir, s’en aller, filer en Amérique du Sud, à Hollywood ou à New York, au point de préparer plusieurs fois sa valise tout en étant incapable de choisir entre ces trois destinations. Alors elle se contente de rôder dans la cuisine en compagnie de la cuisinière noire Bérénice et son petit cousin.

Rôder et ruminer dans cette cuisine alors qu’elle veut découvrir le monde, mais le monde, qu’est-ce donc ? Quelque chose d’immense, de fissuré, de si mal ajusté ! Comment trouver sa place dans ce monde lorsqu’on a tellement de mal à se trouver soi-même, lorsque tout ce que l’on voit ou tout ce que l’on entend a quelque chose d’inachevé ? Et elle sent un poids terrible dans sa poitrine : elle devient quelqu’un qui traîne, qui n’arrête pas de manger, qui n’a pas le droit d’exister. Impression que tout a disparu et qu’on l’a laissée seule au monde.

Jusqu’au jour où elle apprend que son frère va se marier avec Janice.
Ce mariage est peut-être l’occasion rêvée de n’être plus seule au monde : ils pourraient être tous deux son « nous » à elle, elle pourrait les suivre après la cérémonie, voyager en leur compagnie, devenir membre de leur mariage, être ensemble tout en étant soi-même.
Faire enfin partie du grand tout : savourer le bonheur d’accéder à un nous, de se sentir relier aux autres et relier à elle-même.


Oui mais…

Drame de la désillusion, du monde séparé de soi, potentiellement hostile et source d’anxiété, Carson McCullers nous retrace cette traversée du désert qui conduit de l’enfance à l’âge adulte avec beaucoup de finesse.

Je laisse la dernière parole à Bérénice, la cuisinière noire de la maison de Frankie :

Citation :
« Tous on est comme des prisonniers. On vient au monde dans un endroit ou dans un autre, et on ne sait pas pourquoi. Mais on est quand même prisonniers. Toi, tu es née Frankie. John Henry, il est né John Henry. Et peut-être qu'on voudrait s'évader et être libre. Mais on a beau faire, toujours on reste prisonnier. Moi je suis moi et toi, tu es toi, et lui il est lui. Chacun de nous est comme prisonnier de lui-même. »
A noter : « Frankie Addams » est le roman à partir duquel fut librement adapté sous le titre de « L’effrontée » le film joué par Charlotte Gainsbourg et réalisé par Claude Miller en 1985.
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyLun 2 Juin 2008 - 14:13

Illuminations et nuits blanches

carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 Illumi10

« Le cœur de Carson était souvent solitaire et se montrait chasseur infatigable pour ceux à qui elle voulait l’offrir, mais une telle lumière irradiait de ce cœur qu’elle en effaçait les coins d’ombre. »
Tennessee Williams

Ainsi commence la présentation de « Illuminations et nuits blanches », qui se divise essentiellement en trois chapitres.

Le premier chapitre revient sur son autobiographie inachevée, dictée quelques jours avant sa mort, en 1967. Le titre « Illuminations et nuits blanches » faisant référence à l’enchaînement de bonheurs et de souffrances qui ont marqué sa vie. Pourquoi cette autobiographie à l’approche de sa mort ?

Citation :
« Les prochaines générations d’étudiants auront peut-être envie de savoir pourquoi j’ai fait telle ou telle chose, et j’ai envie de la savoir, moi aussi. J’ai été reconnue comme un écrivain presque du jour au lendemain. J’étais trop jeune pour comprendre ce qui m’arrivait et les responsabilités qu’entraînait cette reconnaissance. J’en ai éprouvé une sorte d’effroi sacré qui, associé à mes maladies, m’a pratiquement détruite. En me rappelant les conséquences que provoque le succès et en les racontant aux générations à venir, j’aiderai peut-être de futurs artistes à mieux le supporter. »

Carson décide donc de raconter sa vie avec ses mots à elle (on ne retrouvera donc pas dans cette autobiographie son talent et sa griffe en tant qu’écrivain qui ont fait sa renommée).
L’auteur de la préface, Carlos L. Dews, nous met toutefois en garde : il semblerait que Carson n’ait pas pu s’empêcher de formuler des distorsions et de fausses déclarations, donnant lieu à un texte d’une parfaite franchise et d’une surprenant inexactitude. « Elle savait d’instinct ce qui était trop important pour être romancé et ce qui laissait libre cours à son imagination. »

Le deuxième chapitre concerne la correspondance échangée avec Reeves, à cette époque divorcé de Carson. Après deux années d’absence et de silence, Reeves reprend contact avec elle peu après son engagement en tant que Rangers sur le front qui fait rage en Europe dans les années 44-45. Ces lettres sont le témoignage des liens étroits les unissant : Reeves y parle de son quotidien et de son amour pour Carson. S’amorcera ainsi petit à petit une réconciliation qui aboutira à un second mariage, peu concluant et aussi destructeur que le premier. Reeves se suicidera d’ailleurs quelques temps après cette seconde séparation.

Cette partie m’a le moins enthousiasmée ; échanges intimes où je n’avais pas ma place, impressions de voyeurisme, ennui aussi, j’ai rapidement délaissé ce chapitre pour passer au suivant.

Le troisième chapitre rassemble trois nouvelles inédites où elle exprime sa solidarité avec le peuple noir. Richard Wright disait qu’elle était le seul écrivain blanc à être capable d’écrire sur les Noirs. Ces courtes nouvelles, les dernières que Carson aient écrites avant sa mort, étaient assurément ce qu’il y avait de mieux à lire concernant ce livre.

En conclusion, « Illuminations et nuits blanches » est destiné avant tout aux fans de l’auteure.
Le fait que son œuvre romanesque emprunte beaucoup à son vécu et ses expériences personnelles donne forcément envie d’en savoir plus sur sa vie, ses relations amoureuses, ses amis, ses dépendances… mais au fil de ma lecture, cette curiosité me semblait de plus en plus superflue. Je préfère avant tout découvrir Carson McCullers par le biais de ses romans et nouvelles.
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyVen 20 Juin 2008 - 17:09

Frankie Addams

Frankie a douze ans, et vit un été où tout semble compliqué. Son grand frère se marie, personne ne semble s'interesser à elle.

C'est un livre très subtile sur le basculement dans l'adolescence, beaucoup moins sombre que Le coeur est un chasser solitaire, sans être pour autant moins subtile. Carson McCullers a un incroyable talent pour saisir le moindre frémissement, la moindre sensation, le plus petit malaise ou doute, Frankie comme tous les autres personnages sont tellement réels, si finement saisis, rien de facile ni de schématique, des êtres de chair et de sang.

Une très belle lecture.
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyVen 20 Juin 2008 - 18:12

Arabella a écrit:
Carson McCullers a un incroyable talent pour saisir le moindre frémissement, la moindre sensation, le plus petit malaise ou doute, Frankie comme tous les autres personnages sont tellement réels, si finement saisis, rien de facile ni de schématique, des êtres de chair et de sang.

Une très belle lecture.
Tu me donnes envie de la re-découvrir - et puisque je me suis entretemps permis d'acheter un livre d'elle en anglais - je suis curieuse de découvrir une 'autre voix' de Carson McCullers Wink
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MessageSujet: Carson Mc Cullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 EmptyLun 30 Juin 2008 - 17:46

Quand on aime un écrivain, ce qu'il écrit sur lui ou sur les autres, sur
l'écrture et ses sources d'inspiration ne peut nous laisser indifférent.
Par exemple Carson Mc Cullers écrit dans Un reve qui s'épanouit : notes sur l'écriture :

"L' isolement moral, voilà ce qui sous-tend la plupart des thèmes que je traite.Ce fut presque l'unique thème de mon premier livre -Le coeur est un chasseur solitaire-, et il se retrouve
dans tous ceux que j'ai écrits depuis, d'une façon ou d'une autre.
L'amour, spécialement l'amour pour une personne incapable de le rendre
ou de le recevoir, est l'élément déterminant à partir duquel j'échaffaude
les personnages incongrus de mes romans -des gens dont l'incapacité
physique symbolise leur incapacité spirituelle à aimer ou à accepter d'etre
aimé-, leur isolement moral."

Ou encore :

"J'ai travaillé pendant une année entière sur Le coeur est un chasseur
solitaire sans comprendre ce que je faisais.
Chaque personnage parlait à un personnage central, mais pourquoi, je
l'ignorais.
J'étais sur le point de décider qu'il ne sagissait pas d'un roman et que j'allais découper mon texte en nouvelles. En meme temps, à cette pensée,
j'éprouvais la sensation corporelle de la mutilation, et j'étais au désespoir.
Cela faisait 5 heures que je travaillais, et je sortis prendre l'air.
Soudain, tandis que je traversais une rue, il me vint à l'esprit que Harry
Minowitz, le personnage à qui tous les autres s'adressaient, était un homme singulier, un sourd-muet, et immédiatement, je le prénommai
John Singer.
Je tenais le projet complet du livre et, pour la première fois, je m'attelai
de toute mon ame à la rédaction du Coeur est un chasseur solitaire."

Il ne suffisait pas de penser cela, il fallait une Carson Mc Cullers pour en
faire un beau livre.bonjour
colibri
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MessageSujet: Re: Carson McCullers   carson mc cullers - Carson McCullers - Page 3 Empty

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