Carson McCullers

bix229 a écrit:

Sur le plan des oeuvres les plus personnelles, je mettrai aussi La balade
du café triste...

Oui !
En fait : toute son oeuvre (pas très volumineuse), sauf Reflets dans un Oeil d'or.

Viens de finir Le coeur est un chasseur solitaire mais je viens de lire ce que certains ont écrits comme quoi il faut un bon moment pour lire cet auteur, je crois que j'étais dans un periode trop optimiste (personnellement parlant bien sur et en evitant le journal tv!) pour pouvoir le lire en en ressentant toute la profondeur. Malgré tout, une très belle écriture. reste que je ne me suis pas sentie une empathie pour aucun des personnages et que j'ai refermé le livre en me disant "oué pas mal mais mais... un truc me manque" je ne sais pas quoi...

lire avec le moral, c'est bien aussi des fois !

et le truc qui manque tu le trouveras peut être à la prochaine lecture.

c'est ptet lié au côté "plusieurs personnages" ?

C'est en chacun des personnages qu'il manque quelque chose... Alors peut-être que, à force, on peut lire ça comme un manque en général ?
Enfin, je ne sais pas...
C'est vrai qu'il y a un temps pour tout, et que certains moments sont plus ou moins favorables à la lecture de certains livres.

De plus, des spécialistes de littérature américaine préfèrent Frankie Addams, mais n'étant pas un spécialiste, j'ai un très gros faible pour Le Coeur.
Quand je pense qu'elle l'a publié à 23 ans... Quand on compare avec des écrivaines "petites jeunes" japonaises, par exemple, qui écrivent sur le même thème (la solitude, le désir d'autre chose, mais quoi ?) on ne peut que constater une différence de maturité... Peut-être est-ce une question d'époque ?

Je crois qu' il y a des écrivains précoces et qui s' expriment dès leur
premier livre.
Ce n' est pas une question d' époque, mais effectivement
une question de maturité intellectuelle, alliée à une forme de sensibilité
presque pathologique.

Mais c' est exceptionnel, n' est pas Rimbaud qui veut !

Reflets dans un oeil d'or

Ses yeux d'une couleur curieuse où se mélangeaient l'ambre et le brun, exprimaient la placidité muette que l'on voit dans les yeux des animaux.

Une fois de plus j'ai lu le roman de Carson Mc Cullers juste avant de voir le film de John Huston qui était programmé sur une chaîne du cable il y a quelques jours. Et je dois avouer que le film est d'une fidélité absolue et apporte un climat onirique (avec ces filtres dorés) et érotique qui lui donne une dimension supplémentaire particulièrement inspirée. Je le recommande très vivement.



Expie a très justement suggéré la parenté avec l'univers de Tennessee Williams qui est évidente ici puisque l'action met en scène dans une sorte de Huis Clos (la base militaire) toutes les névroses qui génèrent une tension sexuelle dont l'issue ne peut qu'être explosive.

Il y a le commandant Langdon qui incarne l'hétérosexuel macho et homophobe, incapable de comprendre la féminité du jeune Anacleto qui est son contraire radical et qui aime sans mesure, d'un amour filial et platonique, l'épouse de Langdon frigide et asexuée depuis la mort de son enfant. Le capitaine Penderton (Marlon Brandon dans le film) est un obsessionnel probablement bisexuel, impuissant avec sa femme Léonore ( Elisabeth Taylor) qui est au contraire d'une féminité et d'une sensualité exacerbée, magnifiquement hystérique, et qu'il est devenu incapable de désirer.

Au milieu de ce petit monde surgit le soldat Williams qui de part sa beauté énigmatique, animale et en même temps immatérielle (il ne pourrait être qu'un fantasme dans le film qui au contraire du livre ne nous donne aucun élément biographique pour l'éclairer) catalyse tous les désirs ou les peurs puisqu'il incarne à la fois la sexualité (il est associé au cheval qui en est le symbole puis le substitut quand Penderton le cravache violemement) et la mort (l'épouse de Langdon le voit comme une menace autant mortifère que sexuelle). On retrouve encore le personnage évoqué dans Mort à Venise ou dans le Roi Roger.

Au regard doré du cheval/soldat Williams répond l'oeil d'or de l'oiseau de feu qu'évoque Anacleto. Carson Mc Cullers semble vouloir donner une dimension presque mythologique, symbolique à son drame érotique puisque le Phoenix évoque le thème de l'immortalité, de la résurrection et donc du Christ qui serait symboliquement incarné par le soldat Williams qui apparait comme une sorte de révélateur de toutes les vérités enfouies (idem dans Théorème de Pasolini)

Texte ambitieux et peut-être un peu trop symbolique justement mais il a le mérite de créer un climat étrange et des personnages captivants et opaques qui deviennent bien plus que de simples incarnations de concepts psychanalytiques.

J'ai trouvé le style assez sobre mais subtil et beaucoup plus profond qu'il n'y parait d'un premier abord.

Pour une fois je conseillerais presque plus le film que le livre mais pour 128 pages offrez vous les 2!!

Marko a écrit:

Texte ambitieux et peut-être un peu trop symbolique

pas seulement du symbolisme - mais elle aussi 'transformé' ses propres expériences - ce que j'avais recherché lors de ma lecture:

kenavo a écrit:

Je ne sais pas comment mon avis aurait été si je n'avais pas fait des recherches après que j'ai vu que Carson McCullers a dédicacé ce livre à Annemarie Schwarzenbach.
Probablement j'aurais écris une phrase comme la critique américaine lors de la sortie du film: Ici, il n'y a même pas le cheval qui est normal
Mais - j'ai lu cette dédicace et je me suis mis à la recherche de leur relation et je crois que cela a bien influencé ma lecture.
Surtout que j'avais lu la citation de Carson McCullers auprès des amis sur Annemarie Schwarzenbach: Elle avait un visage dont je savais qu'il ne me laisserait jusqu'à la fin de mes jours plus tranquille.
Une phrase semblable apparaît dans le livre.
Annemarie Schwarzenbach a dit après la sortie de ce livre qu'elle reconnaissait son amour fou pour Erika Mann dans la description de l'amour de Penderton pour le soldat Williams.
Et tout comme Penderton ne peut pas délaisser ses sentiments pour Williams, Annemarie Schwarzenbach va retourner chez Erika en Europe et Carson reste avec le coeur brisé de ce coup de foudre...

oui ce qui est intéressant c'est le mélange de réalisme (le fait divers criminel et les éléments biographiques qui le nourrissent) et de fantasmagorie. Mais le côté onirique est surtout donné par le film et sa photographie très particulière qui donne l'impression (comme il est écrit dans le livre) que la réalité semble comme contaminée par le regard (l'oeil d'or et les "réflexions") du soldat Williams. Cette idée du reflet est aussi une piste psychanalytique d'ailleurs.

Carson Mc Cullers et Tennessee Williams se connaissaient et s' appréciaient mutuellement et pour bien des raisons...

Marko a écrit:

Mais le côté onirique est surtout donné par le film et sa photographie très particulière qui donne l'impression (comme il est écrit dans le livre) que la réalité semble comme contaminée par le regard (l'oeil d'or et les "réflexions") du soldat Williams.

cela fait tellement longtemps que j'ai vu ce film.. faut que je le retrouve quelque part en DVD

kenavo a écrit:

cela fait tellement longtemps que j'ai vu ce film.. faut que je le retrouve quelque part en DVD

Tu l'as sans doute cerclé, il faut juste retrouvé à qui

Marko a écrit:

oui ce qui est intéressant c'est le mélange de réalisme (le fait divers criminel et les éléments biographiques qui le nourrissent) et de fantasmagorie. Mais le côté onirique est surtout donné par le film et sa photographie très particulière qui donne l'impression (comme il est écrit dans le livre) que la réalité semble comme contaminée par le regard (l'oeil d'or et les "réflexions") du soldat Williams. Cette idée du reflet est aussi une piste psychanalytique d'ailleurs.

Je n'ai pas (encore) vu la version "dorée" du film. Cette version, si je ne me trompe pas, a été reconstituée grâce aux témoignages des rares qui l'avaient vu à l'époque. Cette version dorée était celle voulue par le réalisateur, mais était trop coûteuse à distribuer (coût de fabrication). Ca a été un peu de boulot, paraît-il, pour retrouver la teinte exacte, car comme chacun sait, les témoins ne voient que rarement la même chose, et tant d'années s'étaient écoulées...
Le côté onirique m'a beaucoup moins frappé que toi, Marko. J'imagine que les couleurs "classiques" doivent infléchir le film vers plus de réalisme.

Pour le DVD : est-ce la version "dorée", sortie il y a quelques années, mais vraiment pas beaucoup ?

bix229 a écrit:

Carson Mc Cullers et Tennessee Williams se connaissaient et s' appréciaient mutuellement et pour bien des raisons...

Tennessee a donné des conseils à McCullers pour l'adaptation de Frankie Addams. Ils habitaient momentanément dans la même grande maison, pour travailler.
Par contre, il me semble que quand le mari de Carson s'est défenestré de la chambre de son hôtel, Tennessee se trouvait juste au-dessus.
Il avait de gros problèmes psychologiques, le mari de Carson. C'est lui qui a suggéré à Carson ce point de départ de Reflets dans un Oeil d'or, je crois aussi.

Arabella a écrit:

Tu l'as sans doute cerclé, il faut juste retrouvé à qui

non.. je ne l'ai jamais acheté.. seulement vu à la télé il y a des années

eXPie a écrit:

Pour le DVD : est-ce la version "dorée", sortie il y a quelques années, mais vraiment pas beaucoup ?

je ne savais même pas qu'il y avait d'abord la version noir et blanc! J'adore l'image dorée c'est vraiment très étrange et tellement adapté à cette histoire. Le DVD me semble difficile à trouver et je rage de ne pas l'avoir enregistré en le regardant l'autre jour.