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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 10160 Inscription le : 03/06/2009 Age : 66 Localisation : Sous l'aile d'un ange
Sujet: Re: Arnaud Desplechin Jeu 12 Sep 2013 - 21:41
Jimmy P.
Citation :
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Jimmy Picard, un Indien Blackfoot ayant combattu en France, est admis à l’hôpital militaire de Topeka, au Kansas, un établissement spécialisé dans les maladies du cerveau. Jimmy Picard souffre de nombreux troubles : vertiges, cécité temporaire, perte d’audition... En l’absence de causes physiologiques, le diagnostic qui s’impose est la schizophrénie. La direction de l’hôpital décide toutefois de prendre l’avis d’un ethnologue et psychanalyste français, spécialiste des cultures amérindiennes, Georges Devereux.
L'évocation des traumatismes causés par la guerre et leur cure psychanalytique est un sujet passionnant mais est-il véritablement cinématographique ? Arnaud Desplechin prend d'énormes risques en centrant Jimmy P. sur le rapport exclusif qui s'établit entre deux hommes : le grand blessé de l'âme et le praticien qui est loin d'être reconnu dans sa profession. De cette relation entre deux individus a priori aux antipodes et que le cinéaste étudie avec une minutie extrême naîtra une complicité ineffaçable. Reste que le film semble parfois scolaire, ou plutôt universitaire, dans son récit en privilégiant une abondance de dialogues que l'on pourra trouver étouffante. C'est un parti pris et Desplechin met tout son art à tenter de rendre palpitant cet échange entre le malade et son médecin. Et force est de constater qu'il y arrive assez souvent. Benicio del Toro est prodigieux, ce qui ne constitue pas une surprise, Amalric se tirant honorablement d'un rôle compliqué de psy excentrique et marginal, affublé d'un accent franco-roumain qui n'est pas toujours heureux.
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Arnaud Desplechin Sam 21 Sep 2013 - 22:55
Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des plaines)
J'ai beaucoup aimé le propos. La diction très lente, très appuyée, et l'extrême sobriété de la mise en scène fragilisent certains moments (notamment dans les flash-backs) mais la démarche est assumée par Desplechin et la parole comme thérapie devient la clef d'un enjeu personnel. La volonté de chercher un apaisement, une sérénité est toujours soulignée et apporte au film une confiance soutenue par la remarquable interprétation de Del Toro et Amalric (proche du cabotinage tout en trouvant un ton juste). La violence d'un traumatisme est acceptée puis éloignée et permet à nouveau d'envisager l'avenir, d'enrichir sa perception de l'autre en osant affronter ses fragilités et ses blessures.
Dernière édition par Avadoro le Mer 25 Sep 2013 - 8:29, édité 1 fois
L'évocation des traumatismes causés par la guerre et leur cure psychanalytique est un sujet passionnant mais est-il véritablement cinématographique ? Arnaud Desplechin prend d'énormes risques en centrant Jimmy P. sur le rapport exclusif qui s'établit entre deux hommes
Voilà. Il me semble que le problème réside là dedans. Desplechin a encore choisi un thème sortant de l'ordinaire et c'est tout à son honneur. Ceci étant, j'avoue que sur grand écran le résultat n'est pas percutant. Un peu trop académique, trop sage ou démonstratif. Il y a quelque chose dans ce genre qui plombe passablement l'ensemble, en tout cas qui l'empêche de s'élever. On reste comme de bons élèves appliqués à suivre leurs dialogues et les prestations des acteurs (celle de Benicio del Toro étant largement supérieure à celle d'Almaric, qui cabotine un max) ce n'est pas inintéressant mais je me suis trouvée à la fin noyée sous le déluge de mots. Un sujet original, et pourquoi pas, mais rien de transcendant pour moi cependant (En bref, vous avez compris, je me suis ennuyée)
PS: Almaric me porte pas mal sur les nerfs à vrai dire.(Et ici avec cet accent effroyable, il est pire) Ca n'a pas joué dans le bon sens...
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Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Arnaud Desplechin Mer 25 Sep 2013 - 8:35
Amalric traduit bien à mon avis, avec excès, l'exubérance et l'impulsivité de la personnalité de Devereux à la croisée des disciplines (ethnologie, anthropologie, psychanalyse). Il y a aussi la volonté d'esquisser un portrait du thérapeute en miroir de celui de Jimmy, tant Devereux considère que l'analyse ne peut se construire qu'à partir de ses propres réactions et observations. Entre la violence du contexte et du passé et la lente démarche entamée par les deux hommes, j'ai en tout cas trouvé le film constamment intéressant. Mais il est vrai que le sujet me passionne sur le papier.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Arnaud Desplechin Sam 23 Mai 2015 - 19:21
Beau film les 3 souvenirs ... Et la révélation d'un jeune comédien épatant. Je développerai plus tard.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Arnaud Desplechin Dim 24 Mai 2015 - 18:22
Ces 3 souvenirs se veulent une sorte de préquelle de "Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle)" qui prendrait la forme d'un voyage proustien et joycien dans la mémoire du personnage de Paul Dédalus en même temps que dans la filmographie de Desplechin puisqu'on retrouve des personnages ou situations qui évoquent un certain nombre de films antérieurs.
Le résultat est comme d'habitude à la fois agaçant, stimulant, follement romanesque et en même temps distancié mais aussi presque anachronique dans son style nouveau roman qui fait penser à Truffaut. J'ai pas mal résisté au début puis progressivement j'ai été séduit par ces deux adolescents qui parlent de façon très littéraire (dialogues formidables d'intelligence, d'humour, de gravité) et qui vivent une histoire d'amour racontée mille fois mais jamais vraiment comme Desplechin nous la propose. C'est un peu Charles et Odette ou Marcel et Gilberte transposés dans les années 60. Le jeune acteur notamment est formidable. On le reverra certainement à l'avenir.
J'ai été moins convaincu par cette histoire de double identité et de Russie qui vient de la Sentinelle. Je m'y suis même assoupi. Mais l'essentiel de ce film se joue dans cette relation passionnelle adolescente et son écho douloureux à l'âge adulte. Le tout sur des chants de Hugo Wolf ou Stravinsky. Belle bande son de Gréoire Hetzel qui suit les circonvolutions de la mémoire. Un peu de pop aussi bien sûr.
Un bon moment qui me réconcilie avec un cinéaste que je n'arrive jamais à aimer complètement. L'adolescence lui va bien.
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Arnaud Desplechin Lun 25 Mai 2015 - 1:18
2 chants sacrés de Stravinsky d'après Hugo Wolf:
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: Arnaud Desplechin Mar 26 Mai 2015 - 23:06
Trois souvenirs de ma jeunesse
J'ai aussi apprécié ce nouveau film d'Arnaud Desplechin, en forme de retour aux sources et d'hommage cinéphilique. La structure du scénario semble d'abord inutilement complexe, avant de faire apparaitre, par le thème du double et de l'identité, un miroir du passé. Ces vestiges d'une vie sont remis bout à bout tel un puzzle, avec au centre de brefs moments d'états de grâce.
Quentin Dolmaire est en effet convaincant, dans son aisance à s'approprier un texte et dans sa capacité à cerner les nuances de son rôle, parfois proche d'une caricature sans jamais tomber dans ce piège. Lou Roy-Lecollinet est plus transparente tout en parvenant à exprimer, sur quelques scènes, la fébrilité et le caractère insaisissable d'une icône. L'héritage de Truffaut est évident et souvent émouvant, sans représenter une surcharge : la voix-off et les échanges épistolaires m'ont particulièrement rappelé Les deux anglaises et le continent, dans l'évocation de tourments relationnels et la perception d'un doute infini.
ArenSor Main aguerrie
Messages : 516 Inscription le : 16/11/2014
Sujet: Re: Arnaud Desplechin Dim 31 Mai 2015 - 19:57
Particulièrement séduit par ce dernier Desplechin. Le cinéaste s'interroge sur une de ses préoccupations essentielles : l'identité d'un individu (jeu du double a qui il a donné le passeport), ses changements de caractère au fil des ans, différent mais toujours fondamentalement le même. J'ai particulièrement apprécié la dernière partie au cours de laquelle, cet amour, se révèle l'Amour même, malgré les erreurs et glorioles de son vécu (nous étions jeunes !), brûlant toujours du même feu dévorant. Magistral