Ogawa Yôko

shanidar a écrit:

bon, j'ai tellement aimé son recueil de nouvelles La grossese-Les abeilles-La piscine et tellement survolé Hôtel Iris que je ne sais pas vraiment pas quoi poursuivre mais Cristallisations secrètes me semblent plutôt bien pour poursuivre avec cette auteure...

La traductrice avait écrit : "Pour ce titre, il n'y a pas vraiment d'explication [du fait qu'il y ait eu tant de temps avant la publication], si ce n'est que l'histoire est longue et triste, donc pour des éditeurs, pas très vendable. Mais je suis têtue et obstinée. Et pour moi, c'est le livre fondateur de toute l'oeuvre de Yoko Ogawa. Et le plus important."

eXPie a écrit:

shanidar a écrit:

bon, j'ai tellement aimé son recueil de nouvelles La grossese-Les abeilles-La piscine et tellement survolé Hôtel Iris que je ne sais pas vraiment pas quoi poursuivre mais Cristallisations secrètes me semblent plutôt bien pour poursuivre avec cette auteure...

La traductrice avait écrit : "Pour ce titre, il n'y a pas vraiment d'explication [du fait qu'il y ait eu tant de temps avant la publication], si ce n'est que l'histoire est longue et triste, donc pour des éditeurs, pas très vendable. Mais je suis têtue et obstinée. Et pour moi, c'est le livre fondateur de toute l'oeuvre de Yoko Ogawa. Et le plus important."

ce qui (bien sur) me donne d'autant plus envie. Merci eXPie ! [Yoko Ogawa pour moi, c'est la lame d'un poignard qui pénètre un corps et qui ne fait pas mal, qui ne fait pas saigner, qui ne donne aucune alarme et puis soudain, une main tourne la lame dans la plaie et le sang gicle, la douleur surgit, impérative, illicite, incoercible et l'histoire s'achève dans ce bain de sang/sentiment inattendu.]

eXPie a écrit:

Oui, c'est vraiment un bon livre ; c'est curieux de penser que Cristallisation secrète a mis beaucoup de temps pour être publié chez nous ; il date de 1994 et n'a été publié qu'en 2009. J'ai cru comprendre que l'éditeur pensait qu'il était trop sombre, qu'il attirerait moins les lecteurs que ses autres livres.
C'est vrai que même si on sent que c'est du Ogawa, il est quand même différent, j'ai failli dire "plus consistant". Plus de personnages, une atmosphère lourde...

Alors ce serait peut être le livre pour me réconcilier avec cet auteur que j'avais presque décidé d'abandonner ?

Arabella a écrit:

eXPie a écrit:

Oui, c'est vraiment un bon livre ; c'est curieux de penser que Cristallisation secrète a mis beaucoup de temps pour être publié chez nous ; il date de 1994 et n'a été publié qu'en 2009. J'ai cru comprendre que l'éditeur pensait qu'il était trop sombre, qu'il attirerait moins les lecteurs que ses autres livres.
C'est vrai que même si on sent que c'est du Ogawa, il est quand même différent, j'ai failli dire "plus consistant". Plus de personnages, une atmosphère lourde...

Alors ce serait peut être le livre pour me réconcilier avec cet auteur que j'avais presque décidé d'abandonner ?

Je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit pour toi, mais peut-être, qui sait ? Il est un peu à part (même si on a les thèmes ogawaiens : la disparition, etc.). Mais il y a plus de personnages, d'événements, de menaces que dans les autres, il me semble. (et je ne me formaliserais bien sûr pas d'une critique dévastatrice )

Ta circonspection freine un peu mon élan. Je verrais. Si je tombe dessus dans une bibliothèque sans l'avoir voulu. Mais j'ai constaté que ce genre de choses arrivent.

Arabella a écrit:

Ta circonspection freine un peu mon élan. Je verrais. Si je tombe dessus dans une bibliothèque sans l'avoir voulu. Mais j'ai constaté que ce genre de choses arrivent.

Tu liras une superbe critique de Shanidar, et tu n'auras plus d'autre choix moral que de le lire !

D'autant plus qu'elle n'a pas aimé Hôtel Iris. Cela donne de la crédibilité à un avis positif.

Arabella a écrit:

D'autant plus qu'elle n'a pas aimé Hôtel Iris. Cela donne de la crédibilité à un avis positif.

On ne peut effectivement pas dire que c'était le meilleur Ogawa... Elle avait fait de la surenchère, été trop explicite alors que là où elle est bien, c'est quand elle suggère.
D'ailleurs, elle a dû bien se rendre compte qu'elle était arrivée dans une impasse, qu'elle avait dit tout ce qu'elle avait à dire dans cette veine : elle a changé de "genre", on n'a plus eu de trucs vraiment tordus...

Cela dit j'avais encore moins aimé La formule préférée du professeur, qui est justement dans un genre différent et qui est postérieur. Je crois que j'aimais encore mieux ses trucs tordus.

Arabella a écrit:

Cela dit j'avais encore moins aimé La formule préférée du professeur, qui est justement dans un genre différent et qui est postérieur. Je crois que j'aimais encore mieux ses trucs tordus.

Oui, moi aussi, mais Cristallisation secrètes date en fait de la même année que L'Annulaire, donc avant qu'elle arrête son style tordu.

Je ne pensais pas, avant la lecture de Cristallisation, qu'elle écrivait en même temps des livres quand même bien différents. Comme quoi, la parution sélective de la part d'un éditeur, qui va décider de ce qui devra paraître ou non selon ce qu'il pense être le goût des lecteurs, peut vraiment nous induire en erreur... Imaginons qu'un écrivain ait deux styles très différents, mais que l'éditeur français décide qu'un seul de ses styles a un vrai potentiel commercial, on ignorera toujours l'autre, et même jusqu'au fait qu'il existe...

-La lecture des otages-



Cela faisait longtemps que je n'avais lu Yoko Ogawa (ni tout autre auteur japonais d'ailleurs) et j'ai retrouvé le plaisir de cette écriture si particulière, fine et souple, qui nous embarque dans des situations étranges à partir de circonstances plutôt banales.

Tous ces otages, reliés par une destinée tragique, n'ont à priori rien en commun si ce n'est une évidente solitude (l'employée de la biscuiterie, le vieillard et ses peluches, la voisine qui prépare son consommé ou le lanceur de javelot, etc) un côté à la fois curieux et légèrement passif qui les rend spectateur, parfois acteur, mais toujours au gré d' évènements ponctuels, pas forcément extraordinaires, disons bizarres (les peluches invendables du vieillard, les amis de la salle B etc) avec souvent un rituel (le classement des lettres de l'alphabet dans la première nouvelle, la grand mère qui vient soutenir son petits fils lors des matchs de base ball)

Cela procure un envoûtement indéfinissable, on est pris par ces drôles d'intrigues qui n'en sont pas vraiment, et on se laisse charmer par le talent de conteuse d'Ogawa, tout en cherchant à comprendre le but final de la chose, à assembler les indices s'il y en a. Destinée? Liens avec la mort? Certains en ont mais pas tous, alors sans doute le côté sacré de ces rituels? cette sorte de compassion muette qui se crée entre eux? Possible, l'univers de l'auteure est si opaque qu'on reste dans le flou mais il s'en dégage nettement une impression de sérénité, d'osmose avec les éléments extérieurs (surtout visible dans le lanceur de javelot) plus forte que le drame qui suivra, et c'est peut-être celà qu'a voulu transmettre l'auteure...

Un livre difficile à recommander tant il est spécial, mais que j'ai bien aimé, pour sa poésie et la grâce qui le traversent.

La petite pièce hexagonale

Citation :

Dans les vestiaires d'une piscine, une jeune femme est soudain attirée par une inconnue pourtant banale, effacée et silencieuse. Quelques jours plus tard, elle croise à nouveau l'inconnue qui marche dans la rue accompagnée d'une vieille dame et, fascinée, elle les suit à travers la ville jusqu'à une loge de gardien au milieu d'un parc. A l'intérieur, les deux femmes sont assises sur des chaises, elles semblent attendre leur tour. La plus âgée se lève, entre dans une haute armoire hexagonale : la petite pièce à raconter...

Etrange et obsédante, cette courte histoire fait appel à la poésie et à l'imaginaire pour évoquer les mystères de l'introspection, de la confession et de la psychanalyse.

Un très court roman (ou longue nouvelle) qui permet d’entrer dans l’univers étrange et envoûtant de Yôko Ogawa. Pas vraiment mon préféré à ce jour, je vous conseillerai plus volontiers « L'Annulaire » ou « Le Musée du silence » mais si vous ne connaissez pas encore la plume de l’auteur et l’atmosphère très particulière de ses récits, « La petite pièce hexagonale » peut être une bonne mise en bouche avant de poursuivre avec d’autres romans plus percutants et plus dérangeants de la romancière.

En mars 2013 sortira le nouveau Ogawa. Il devait s'appeler Un chat dans les bras il nage avec l'éléphante, joli titre bien énigmatique ; maintenant il se nomme Le petit joueur d'échecs.
Recueil de nouvelles ou roman, je ne sais pas, mais il devrait faire dans les 300 pages.

Waou

J'ai hâte.

Le petit joueur d’échecs

Citation :

Présentation de l’éditeur
Un petit garçon né avec les lèvres scellées vit aujourd’hui avec un léger duvet sur la bouche, une hypersensibilité à tout déplacement d’air. Après la disparition de sa mère, il passe de longs moments sur la terrasse d’un grand magasin, là où serait morte l’éléphante Indira. On dit que ce bel animal, mascotte d’un lancement promotionnel, devint un jour trop gros pour quitter les lieux.
Un matin, cet enfant solitaire découvre le corps d’un homme noyé dans le bleu d’une piscine. Et c’est en cherchant à savoir qui était ce malheureux que le gamin rencontre un gardien d’usine, un être obèse installé dans un autobus immobile et magique. Dès lors se dessinent entre eux une confiance quasi filiale, une relation toute familiale, un désir de legs, une envie d’héritage.
L’homme, passionné par les échecs, va faire du gamin son héritier de coeur, il va lui enseigner la stratégie du jeu, tout un art auquel le jeune garçon ajoute une spécificité : il joue tel un aveugle, sans voir son adversaire, sans voir les pions…
Retrouvant dans ce livre le motif du vieillard et de l’enfant, celui du lien issu d’une passion partagée, Yôko Ogawa poursuit l’exploration du sensible pour interroger, tel un écho silencieux, l’attachement à ceux qu’on aime, éternel.

Pour lire ce roman, je ne pense pas qu’on doit connaître quoi que ce soit du jeu d’échecs. Mais il faut être conscient que cela en parle beaucoup et du coup pour l’apprécier, faudra peut-être avoir un peu d’intérêt pour « Le jeu des Rois »

Yoko Ogawa est connue de créer des mondes tout à fait particuliers, bien à elle. Dans le temps il y avait plus de détails « répugnants » (pas autant pour les lecteurs fans), ces dernières années elle a changé ses histoires pour puiser dans des eaux plus douces.

Le petit joueur d’échecs fait certainement partie de ceux-là. Sans qu’il lui manque des idées originales (au contraire) pour ‘assaisonner’ sa trame d’histoire.
On rencontre un éventail de personnages tout à fait à part et le destin du petit garçon va rester imprimé dans la mémoire de chaque lecteur qui est partant pour entamer une bonne partie d’échecs… qui n’est d’autre que de la poésie, selon Yoko Ogawa.

Il ne savait pas au juste ce qu’était la poésie, mais si l’on qualifiait le poème le calme qui s’élevant des transcriptions d’Alekhine comme une brume matinale, la délicatesse d’un pétale qui tremble sous la brise, un éclair fulgurant, les ondulations du vent rugissant à travers la steppe, la solitude de la lune se découpant dans l’obscurité, alors il était persuadé que ce qu’on appelait poésie était un magnifique joyeau. Chaque coup d’Alekhine formait un vers qui s’incrustait profondément en son cœur.