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| Léonora Miano [Cameroun] | |
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Auteur | Message |
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coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Léonora Miano [Cameroun] Mar 13 Fév 2007 - 18:51 | |
| Léonora Miano: notes biographiques. Camerounaise née à Douala en 1973, Léonora Miano est venue en France à l’âge de dix-huit ans. Elle vit depuis à Paris. Elle a étudié les Lettres Anglo-Américaines, d'abord à Valenciennes, puis à Nanterre. C'est à l'âge de huit ans qu'elle écrit ses premières poésies, et le roman vient à l'adolescence. Léonora Miano attendra longtemps, avant de proposer ses textes à des éditeurs. Le temps d'avoir le sentiment de posséder une écriture personnelle, qui contienne son tempérament et qui restitue sa musique intérieure. Alors qu'elle a écrit en moyenne un roman par an depuis ses seize ans, ce n'est qu'à trente ans qu'elle commence à songer à se faire publier, s'estimant enfin prête. Elle a fait irruption sur la scène littéraire française l'année dernière avec L'Intérieur de la nuit. Roman salué par la critique et plébiscité par les lecteurs. Plusieurs prix lui ont été attribués : Les lauriers verts de la forêt des livres, Révélation 2005 Le Prix Louis Guilloux 2006 Le Prix Montalembert du premier roman de femme 2006 Le Prix Réné Fallet 2006 Le Prix Bernard Palissy 2006 Il fut aussi classé meilleur premier roman français pour l’année 2005 par le magazine Lire, et a fait aussi partie des 10 finalistes de l’édition 2006 du Prix des Cinq Continents de la Francophonie. Avec Contours du jour qui vient, son deuxième roman édité, elle continue l'œuvre qu'elle consacre à l'Afrique . Léonora Miano a reçu cette année le Prix Goncourt des lycéens avec Contours du jour qui vient. En Afrique équatoriale, un pays dévasté par la guerre. Une petite fille le fuit, chassée par sa mère, folle. Un chemin semé des pires embûches...et puis le passage de l'ombre à la lumière... Je n'ai pas encore lu ce livre mais son premier, L'intérieur de la nuit, m'avait beaucoup marquée. Léonora Miano (dont c'est le premier livre) vient du Cameroun et vit en France depuis 1991. Elle dresse dans ce roman un tableau de l'Afrique avec ses codes, ses rites, ses croyances, ses démons. (quatrième de couverture) J'ai trouvé un grand intérêt aux questions sans complaisance qu'elle pose tout à la fin du livre à l'Afrique. C'est un premier roman, il est loin d'être parfait c'est certain. Irrégulier selon les passages. Je crois ce cruel récit inoubliable. Et Leonora Miano écrit et raconte plutôt bien. Le problème qu'elle soulève , elle-même Africaine, est un point de départ pour une réflexion et une remise en question nécessaire des traditions barbares vivaces en Afrique. Je vous en livre quelques passages...
Dernière édition par le Mar 13 Fév 2007 - 19:01, édité 3 fois | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Mar 13 Fév 2007 - 18:54 | |
| Extrait de "L'intérieur de la nuit"
"De son point de vue, la vie entière des Africains se passait à échapper à la mort. Ils ne semblaient même pas se rendre compte qu'elle les environnait. Elle était dans les cours d'eau au fond desquels prolifèrent des vers. Ces derniers causaient des ulcères qui rongeaient la chair des enfants. Elle était dans l'eau de boisson, dans les mares qui stagnaient aux abords des habitations, envoyant des nuées de moustiques couvrir le monde à la nuit tombée. La mort était partout dans la misère insalubre de l'Afrique. La mort était partout dans l'ignorance des populations. Et la mort était dans les traditions. Dans ces comportements nécrophiles qui impliquaient souvent la conservation des crânes des trépassés. Dans les pratiques de sorcellerie, où des potions étaient fabriquées avec de la poudre d'ossements humains. Dans certains rituels qui pouvaient parfois finir en bains de sang, et personne ne s'émouvait outre mesure devant le décès de cette femme qui n'avait pas été suffisamment endurante, suffisamment femme, pour retenir les flots de sang répandus lors de son excision. La mort avait fait de l'Afrique son royaume. Il suffisait de voir les nuées de mouches qui couvraient de leur oimbre des territoires entiers pour ne pas en douter, la mouche étant gardienne de la mort. Il semblait cependant à Ayané que l'être africain qui méprisait cette mort multiforme, dansant et riant sur son dos, courbait l'échine devant elle sitôt qu'elle s'incarnait dans des chefs. Elle prenait forme humaine, tenait le chasse-mouches, arborait la chéchia en peau de panthère et sévissait tout son soûl."
(Ayané, dans le livre est une jeune fille qui est allée étudier en France et qui revient dans son village victime de guerre fratricide). | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Mar 13 Fév 2007 - 18:54 | |
| Extrait de "L'intérieur de la nuit""
...Cela lui fit penser qu'il y avait seulement quelques heures, des enfants du même âge avaient été arrachés à leurs mères, et entraînés sur des chemins de déchirures irréversibles. On les avait laissé partir, parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire, et on n'avait même pas pleuré, parce que ce n'était plus la peine. Peut-être une larme avait-elle échappé au port de reine, à la majesté imposée aux femmes par leur statut de mères et de gardiennes du foyer. Mais cette larme, personne ne l'avait vue. La femme qui l'avait versée n'avait permis à ses yeux de la distiller que dans la solitude de sa case, et il n'y avait eu qu'uneseule et unique larme. Pas de ces sanglots que le vent eût emmené partout avec lui pour les déposer devant la porte d'une commère, pour que les autres se missent à dire qu'elle n'était pas une vraie femme. Nulle faiblesse n'était admise et nulle grâce faite aux femmes dans leur vie terrestre. Pour la dignité, le droit de paraître et de siéger parmi celles de sa classe d'âge, cette femme avait serré son coeur, et une seule petite larme au coin de l'oeil, dans la solitude de sa case, s'en était écoulée. Elle ne s'était même pas imaginé qu'au même moment, d'autres coeurs livraient aussi, dans des cases proches et semblables, leurs extraits de souffrance muette. Celle qui avait à peine pleuré s'était seulement dit que tout sur la terre était la volonté de Nyambey. Il avait tout créé: le bien et le mal. Il avait créé les enfants, mais aussi les hommes qui les avaient enlevés."
(Les enfants dont il est question ont été pris pour devenir des enfants soldats) | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Mar 13 Fév 2007 - 18:56 | |
| Un autre extrait de L'intérieur de la nuit (c'est Ayané qui parle)
"- Maintenant, il suffit! Je le dis et le redis. Suffit de faire semblant, de toujours accuser les autres. Ils ont leurs torts, et leurs mains sont souillées du sang dont ils se sont abreuvés. Mais quoi qu'ils aient pu faire, et quelles qu'aient pu être les manipulations ourdies par eux contre nous, ils ne peuvent porter les crimes qui sont les nôtres. Pouvons-nous continuer à prétendre quedes millions de nos fils nous furent arrachés, sans la moindre complicité sur place? Confessons la faute! Prenons-en notre part. Je le dis et le redis! Il est temps de reconnaître que nous avons participé à notre saignée...Si nous n'admettons pas les noirceurs du passé, saurons-nous nous défaire de celles qui nous étreignent encore si vigoureusement? Voici ce jour nos fils en route pour la guerre. Voici qu'une fois de plus, et sans prendre la mer, ils sont privés d'amour et de lumière. Tandis que nous quémandons la culpabilité de l'Occident, à qui nos enfants demanderont-ils réparation?" | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Ven 23 Mar 2007 - 20:01 | |
| Contours du jour qui vient
Prix Goncourt des Lycéens 2006
L’action se passe dans un pays africain imaginaire, le Mboasu , ressemblant à des pays africains que l’on connaît. Le Mboasu vient de subir une guerre. Il est exsangue : aux prises avec la corruption et la misère aussi bien morale que matérielle. La population en est désemparée.
« Un enfant peut devenir le pire ennemi de ses parents même sans le savoir ». Les parents peuvent le chasser l’accusant d’être à la source de leur malheur. C’est ce qui arrive à la petite Musango (paix). Sa mère la chasse de chez elle après l’avoir battue sous les yeux des voisins. Musango n’a que 9 ans. Son père qui la chérissait et la gâtait est mort sans épouser sa mère. La famille du défunt n’a pas voulu les accepter. Comme folle de douleur, la mère accuse l’enfant d'avoir le mauvais oeil et la maltraite. Musango qui n’en peut plus un jour s’en va, seule à travers le pays livré au chaos.
Elle tombera aux mains de trafiquants, puis de proxénètes qui agissent dans le cadre d’une secte religieuse. « La gloire de l’homme telle que professée en ces lieux réclame la totale soumission des femmes et que cette soumission passe par une mort qui ne dit pas son nom. C’est pour cela qu’elles ont été créées, pour être des cadavres vivants ».
Musango erre de difficultés en difficultés et trois ans après trouve la force morale pour retourner auprès de cette mère à laquelle elle pense sans cesse et qu’elle aime. Tout au long du roman, elle s’adresse à elle.
Ce livre est extrêmement poignant car on est confronté à tout ce qu’endure seule la fillette. Ce qu’il dit est à la fois très beau et terriblement cruel. Dans les premières pages, j’ai cru devoir renoncer. Comme j’avais cru devoir renoncer à la lecture de L’intérieur de la nuit où, dans un passage, il est question du sacrifice d’un jeune garçon... Je sortais de « la douceur angevine » du livre de Michèle Desbordes, La Demande et je me suis retrouvée d’emblée confrontée à la violence inouïe faite à cette petite Musango par sa propre mère. J’en ai eu le cœur déchiré jusqu’au bout du livre. Parce que cette enfant n’a aucun désir de revanche, elle n’est qu’amour pour cette mère que l’on découvre fragile. Elle surmonte, elle est l’espoir…et pour elle comme pour l’Afrique se dessinent « Les contours du jour qui vient » et qui sera peut-être meilleur…
Ce roman très bien écrit dénonce les sévices subis par les enfants, la condition des femmes, la misère, la violence , la lâcheté collective. Avec force et poésie, Léonora Miano évoque une fois de plus les excès et les aberrations de l’Afrique. Elle nous donne son regard sur l’Afrique, à la fois tendre et sans concessions. | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Ven 23 Mar 2007 - 20:02 | |
| Contours du jour qui vient
Critique d’Edmonde Charles-Roux : « Elle n’aime ni la compassion, ni la pitié. Ce qu'elle montre est parfois sauvage, dur. C’est rare de ne pas jouer sur la corde sensible. C’est un livre remarquable. On voit dans ce livre l’extraordinaire relation entre une mère et sa fille. Il y a un éloge de la force du lien. Il n’y a rien de plus fort, il peut tout endurer, quelque soit l’horreur. Il y a une forme de sauvagerie, une bestialité qui m’a émue aux larmes ». | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Ven 23 Mar 2007 - 20:03 | |
| Contours du jour qui vient: interviewde l'auteur.
« Pour moi, Musango est l'incarnation d'une génération d'enfants africains livrés à eux-mêmes, qui doivent se construire sans modèle et qui vont devoir trouver en eux les ressources pour se projeter dans l'avenir. Cette maman en crise qui chasse son enfant est une image d'une Afrique à la dérive, qui ne sait plus quel avenir proposer à sa jeunesse et qui ne sait plus aimer ses petits, très simplement. En général, je ne veux jamais écrire un roman, je veux toujours écrire une chanson. Ce roman est donc composé comme une pièce musicale, avec des mouvements différents ; chacun symbolise une étape du parcours du personnage principal, cette petite fille, Musango. La première partie que je nomme «Prélude» est la partie où elle prend conscience de sa situation. Le premier mouvement qui s'appelle «Volition» est la partie où elle décide de se prendre en main. Ensuite, il y a un interlude qui s'appelle «Résilience», où Musango apprend le pardon, dans un parcours très intérieur, apprend à abandonner son ressentiment et à essayer de découvrir un peu l'histoire de cette maman pour mieux la comprendre. Le deuxième mouvement s'appelle «Génération» : c'est la partie où elle accouche d'elle-même, en quelque sorte. Et la coda s'appelle «Licence» : c'est le droit qu'elle se donne d'avoir une existence propre à elle. Le nom de Musango signifie paix dans ma langue maternelle qui est le douala du Cameroun. Je pense, en effet, que c'est ce dont l'Afrique a le plus besoin, mais pas seulement de paix en ce qui concerne la situation politique des pays ; c'est la paix à l'intérieur des personnes, c'est-à-dire que, à mes yeux, il est temps d'abandonner le ressentiment qu'on peut avoir vis-à-vis de notre passé de colonisés, pour essayer de définir les contours d'un futur un peu plus acceptable » | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Ven 23 Mar 2007 - 20:04 | |
| J'ai lu plusieurs "billets" sur les blogs à son sujet. Et lire tes commentaires ne font que conforter mon impression: il faut que je lise ce roman! | |
| | | coline Parfum livresque
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| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Ven 23 Mar 2007 - 20:05 | |
| Contours du jour qui vient
Extraits:
« Il n'est que des ombres alentour, c'est à toi que je pense. Non pas qu'il fasse nuit, et que les vivants aient soudain épousé les couleurs du moment. Il aurait pu en être ainsi, si le temps prenait encore la peine de se fractionner en intervalles réguliers : secondes, minutes, heures, jours, semaines... Mais le temps lui-même s'est lassé de ce découpage. Le temps a bien vu comme nous toutes, comme moi, que pareil décompte ne faisait pas sens. Pas ici où nous sommes. Qu'il y ait un matin ou qu'il y ait une nuit, tout est semblable. Il n'est plus que des ombres alentour, je suis l'une d'elles, et c'est à toi que je pense. La dernière fois que nous nous sommes vues, tu m'avais attachée sur mon lit. Tu m'avais rossée de toutes tes forces avant de convoquer nos voisins, afin qu'ils voient ce que tu comptais faire de cet esprit malin qui vivait sous ton toit et se disait ta fille. Ils attendaient déjà sur le pas de la porte, attirés par mes cris. Ce n'était pas pour me porter secours qu'ils étaient là. Ils ne venaient jamais en aide à quiconque, se contentant de faire des commentaires en attendant les pompiers, la police, une ambulance, cependant qu'une femme battue ou un accidenté de la route se vidait de son sang. Ils parlaient de la vilaine blessure, là sur le front. Sûr qu'on ne pourrait pas exposer le corps, lors de la veillée mortuaire. Enfin, ils s'y rendraient quand même. S'il n'y avait pas de corps à voir, s'ils ne pouvaient observer le moindre détail du costume du défunt ou la qualité de son maquillage, il y aurait au moins quelque chose à se mettre sous la dent. Au sens propre : la famille servirait un repas. Au sens figuré : les pleureuses, la chorale, la mine éplorée des proches, tout cela assurerait un spectacle. Et si c'était raté, on y serait allé pour pouvoir répandre la nouvelle dans tout Sombé, qu'untel ne savait pas vivre. Qu'aux funérailles d'un des siens passé dans l'autre monde neuf jours auparavant, il n'y avait eu que de la bière chaude et une veuve qui faisait sa mijaurée, au lieu de se rouler par terre comme son chagrin le commandait. Encore une qui se prenait pour une Blanche, refusant de salir ses vêtements sur la terre de ses ancêtres. Tu les as appelés. Puisqu'ils étaient déjà devant le portail, ils n'ont eu qu'à entrer. »
« Lorsque tu t’es saisie de la dame-jeanne de pétrole que nous gardions pour allumer les lampes-tempête au cours des trop nombreuses coupures d’électricité, la vieille Sésé s’est approchée. Elle a retenu ton bras. Tous, ils t’avaient vue me garnir les oreilles, les narines et le sexe de papier journal, afin que le feu prenne plus vite. Mes bras étaient attachés à la tête du lit. Tu m’avais sanglé les jambes après les avoir écartées. J’étais nue et ma peau portait encore les marques laissées par les bambous. » | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Ven 23 Mar 2007 - 20:07 | |
| Contours du jour qui vient: interview de l'auteur.
" En réalité le roman est très métaphorique, même s'il part d'une question de société qui est très connue notamment au Congo : la situation des enfants dits sorciers, et donc chassés de chez eux par leur propre famille - souvent des familles démunies qui trouvent ce prétexte-là. En réalité, pour moi ce n'est pas l'histoire d'une petite fille; d'ailleurs on s'aperçoit que le roman n'est pas écrit à hauteur d'enfant. Elle ne parle pas comme une enfant, parce que c'est un personnage que j'ai investi de l'expérience d'une génération entière d'enfants trop tôt écartés de l'enfance et devant se construire sur une terre qui leur est devenue trop dure. Ce parcours d'acceptation et de pardon qu'elle fait vers sa mère, c'est une manière de dire que cette maman Afrique, puisque en fait la mère incarne une société africaine tellement dévalorisée à ses propres yeux qu'elle ne peut pas aimer ses enfants, donc cette Afrique qui nous a parfois déçus, qui n'a pas toujours su assumer son indépendance, cette Afrique-là restera néanmoins la seule et unique mère. Donc on ne va pas lui cracher dessus, on va essayer de réparer ses erreurs, et de la veiller quand même. Si elle n'a pas pu donner d'exemple, peut-être que le contre-exemple qu'elle a donné a finalement la même valeur. Elle a quand même appris quelque chose au travers de ses erreurs". | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Jeu 31 Jan 2008 - 18:47 | |
| J'ai eu la belle surprise de constater tout à l'heure que vient de sortir un nouveau roman de Léonora Miano. Tels des astres éteints
Présentation de l'éditeur:
Dans l'intra muros d'une grande ville d'Europe, vivent Amok, Shrapnel et Amandla. Alors qu'Amok et Shrapnel sont nés en Afrique, Amandla a grandi dans un territoire d'outre-mer. Trois parcours différents, une même couleur de peau, parfois embarrassante, lorsque l'Afrique, la Terre Mère, a des allures de continent déchu. Une couleur qui emprisonne et influence leur rapport au monde. Tandis qu'Amandla, l'icône rasta, s'enflamme pour une histoire glorieuse où le peuple noir descend des pharaons d'Egypte, Amok, l'écorché vif, étouffe sous cette couleur si lourde de sens. Quant à Shrapnel, le prince des villes qui rêve d'un peuple noir uni de l'Afrique aux Amériques, il a du mal à savoir où il en est depuis qu'il est tombé amoureux d'une blonde aux yeux bleus...Entre révolte, fierté et mal de vivre, est-il possible de surmonter une identité si envahissante pour se révéler à soi-même ? | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Lun 18 Fév 2008 - 21:21 | |
| J'étais en train de lire Contours du jour qui vient, et je n'ai pas pu aller plus loin. Musango était libre et tombe sur un couple. La femme se fait violemment agresser par son compagnon et est laissée sur le trottoir. Personne n'intervient, à part un homme qui s'arrête pour lui demander si elle a de l'argent, sinon personne n'acceptera de la soigner. Elle est abandonnée, seule Musango l'accompagne au bout de cette nuit qui la verra mourir. J'ai abandonné effrayé par la noirceur du sujet, par le manque de perspective pour Musango, par les sévices sexuels et moraux que subissent ces femmes sans avenir... pourtant le style me plaisait, l'histoire de Musango était une véritable plongée dans l'effroi et l'horreur... Mais sa volonté de vivre sa vie persistait... Puis ce meurtre qui arrive au moment où elle retrouve sa liberté m'a poussé hors du roman. Des passages poétiques et des moments forts. Je garde le début en mémoire et je le reprendrai plus tard, lorsque j'aurais l'esprit plus léger. - Citation :
- ...Ils devraient savoir qu'on ne peut se développer lorsqu'on s'arrime ainsi au jour qui fuit, au lieu de songer à celui qui vient.On ne peut rien bâtir lorsqu'on est inapte à envisager le futur. Nous sommes rétifs à cet exercice. Nous ne voulons régler que les affaires courantes. Oppressés par leur nombre et par leur urgence, il ne nous reste plus qu'à risquer nos vies pour aller faire l'Europe...
Je commence aujourd'hui Les disparus.. Autres sujets noirs.
Dernière édition par Steven le Dim 26 Avr 2009 - 16:52, édité 1 fois | |
| | | Steven Zen littéraire
Messages : 4499 Inscription le : 26/09/2007 Age : 52 Localisation : Saint-Sever (Landes)
| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Lun 18 Fév 2008 - 21:24 | |
| - coline a écrit:
- Contours du jour qui vient: interview de l'auteur.
" En réalité le roman est très métaphorique, même s'il part d'une question de société qui est très connue notamment au Congo : la situation des enfants dits sorciers, et donc chassés de chez eux par leur propre famille - souvent des familles démunies qui trouvent ce prétexte-là. En réalité, pour moi ce n'est pas l'histoire d'une petite fille; d'ailleurs on s'aperçoit que le roman n'est pas écrit à hauteur d'enfant. Elle ne parle pas comme une enfant, parce que c'est un personnage que j'ai investi de l'expérience d'une génération entière d'enfants trop tôt écartés de l'enfance et devant se construire sur une terre qui leur est devenue trop dure. Ce parcours d'acceptation et de pardon qu'elle fait vers sa mère, c'est une manière de dire que cette maman Afrique, puisque en fait la mère incarne une société africaine tellement dévalorisée à ses propres yeux qu'elle ne peut pas aimer ses enfants, donc cette Afrique qui nous a parfois déçus, qui n'a pas toujours su assumer son indépendance, cette Afrique-là restera néanmoins la seule et unique mère. Donc on ne va pas lui cracher dessus, on va essayer de réparer ses erreurs, et de la veiller quand même. Si elle n'a pas pu donner d'exemple, peut-être que le contre-exemple qu'elle a donné a finalement la même valeur. Elle a quand même appris quelque chose au travers de ses erreurs". C'est frappant dans le roman, la maturité des propos de Musango, ce regard d'adulte qu'elle pose sur ses misères... Frappant et dérangeant. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Ven 31 Oct 2008 - 22:03 | |
| Tels des astres éteints Trois parcours de vie, trois personnes perdues, à la recherche d'une place dans le monde. Deux jeunes hommes africains Amok et Shrapnel, et une jeune femme née dans un territoire d'outre mer. Amok est issu d'un milieu très favorisé, qui lui a garanti des conditions de vie très priviliégiés, en complète opposition avec la misère de son pays d'origine, et qui lui a permis d'obtenir une bourse pour alller étudier en Europe dans des conditions comfortables. Il a rejetté ce milieu, est resté en Europe en vivant dans des conditions matérielles difficiles. Sharpnel lui, vient d'un milieu pauvre, il a du venir clandestinement en Europe, et même si ses conditions de vie ont fini par s'améliorer, il se donne comme objectif la promotion de peuple noir. Amandla, quand à elle rêve une Afrique qu'elle n'a pas connue, elle veut s'y installer et pense que tous les Noirs devraient le faire, pour lui donner une nouvelle vie, un nouvel élan. Léonoara Miano nous parle de l'identité difficile de ses personnages, entre les souvenirs de la colonisation, de l'esclavage, les aspirations à la reconnaissance, le repli identitaire et le désir d'une réalisation individuelle. Le monde qu'elle dépeint est très sombre, une sorte de monde crépusculaire en décomposition. C'est incontestablement un livre intéressant, ces personnages sont riches et pas manichéen, j'ai néanmoins trouvé des longueurs et des répétitions, il n'y avait pas de progression romanesque à proprement dite, même finalement assez peu d'évolution dans les personnages. Il faut dire que j'avais lu juste avant Saison de la migration vers le Nord de Tayeb Salih, sur des thématiques voisines, et ce dernier livre m'avait très fortement impressionné, et je n'ai pas retrouvé la même densité et les mêmes qualités littéraires chez Léonora Miano. | |
| | | pagesapages Envolée postale
Messages : 235 Inscription le : 15/03/2009 Age : 62 Localisation : Franche Comté
| Sujet: Re: Léonora Miano [Cameroun] Dim 26 Avr 2009 - 16:44 | |
| Je viens de finir Soulfood équatoriale ! MIAM !!! Extrait : « Le voici. Là, sous mes mains qui cherchent, dans le placard de la cuisine, le gros galet plat et sa petite pierre ronde. Une pierre dense et solide. Elle sert à écraser, une fois posés sur le galet, les ingrédients de la sauce qui me ramènera chez moi. Je la laisse épouser parfaitement le creux de ma main. Aussitôt, j’entends le clapotis de l’eau sur les rochers. Le chant des pêcheurs qui rapportent une moisson de soles à braiser pour les fines cuisinières de la côte. »Dans Soulfood équatoriale se trouvent des recettes et des ingrédients extraordinaires. Mais on aurait tort de croire qu’il ne s’agirait que de nourriture. C’est d’identité qu’il est question, ainsi que d’héritage, de racines profondes plantées en Léonora Miano, auteure camerounaise, née en terre d’écrevisses, que des étrangers baptisèrent d’abord Rio dos Camarõs, puis « Camarones. Cameroons. Kamerun. Cameroun ».« Lorsque les crabes achetés vivants tomberont dans la casserole où tout le reste aura achevé de cuire, je sais que je ferai plus qu’assouvir une simple fringale en m’asseyant à table. Je prendrai tout mon sens. »Léonora Miano offre treize textes où la nourriture dévoile qui sont ceux qui la mangent. Par exemple, dans la cinquième nouvelle : Florence demande à ses deux prétendants de lui préparer son plat préféré, le solo. Elle décidera, après l’avoir goûté, qui aura sa préférence. Le premier candidat accompagne son solo d’une sauce lourde : « C’était la sauce d’un homme qui voulait vous river au sol, limiter vos mouvements. Son amour ne pouvait qu’être inquiet, et Florence ne voulait pas passer son temps à le rassurer. »Le second amoureux ajoute à sa préparation une demi-aubergine. « C’était un choix risqué. Les nginge – car tel était le nom sawa de ces aubergines africaines connues pour leur saveur puissante – étaient loin d’être appréciées de tous. Chercher à conquérir une femme en lui proposant leur amertume, c’était avoir l’audace de ne pas lui promettre plus qu’on ne pouvait offrir. »Dans la collection Exquis d’écrivain, Nil éditions propose une bibliothèque gourmande, et l’objet-livre qui en résulte est d’un charme indéniable. Élégant, autant que l’écriture de Léonora Miano est précise et imagée. Musicale ? Forcément. Ne serait-ce qu’à cause de la présence du “jazz”… Encore que ce nom, à Douala, n’a pas le sens que nous lui donnons habituellement : « Le jazz, c’est ça : des haricots rouges en sauce. Avec ou sans viande.
Le pain chargé de haricots en sauce porte, quant à lui le nom de saxophone. Il réclame un placement hautement stratégique des doigts, pour éviter qu’il ne se désagrège sous l’effet de la chaleur et de l’huile contenue dans la sauce. […] Arriver au bout d’un saxophone, sans en perdre une miette et sans que les haricots filent vers le sol, requiert une maîtrise accessible aux seuls pratiquants assidus. Cela ne vient pas tout seul. Les saxophonistes les plus brillants se salissent à peine les lèvres. »Soulfood équatoriale est un livre court, à la fois révélateur et dépaysant. Avec acuité, Léonora Miano saisit “en cuisine” le fonctionnement d’une société, d’un état d’esprit. Et, cerise sur le gâteau, la lire donne faim de nouvelles saveurs, de ndole, de mwanja moto et de gari aux crevettes ! MIAM MIAM !!! | |
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