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| Mats Wägeus [Suède] | |
| | Auteur | Message |
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Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Mats Wägeus [Suède] Mar 11 Déc 2007 - 13:54 | |
| Le Matricule des Anges: - Citation :
- Né en 1948, Mats Wägeus, qui étudia le cinéma et l'économie, a écrit avec Scène de chasse en blanc, publié en France pour la première fois en 1990 aux Presses de la Renaissance, un livre rare, dans une langue travaillée entre froideur, densité et sensualité. Il apparaît pourtant difficile de rendre perceptible tout l'indicible que cherche à dire ce roman dans une simple histoire de chasse. Ce livre est un monde à lui seul, une traversée physique menée jusqu'au bout, là où l'homme touche à l'inhumain et en fait toute la logique, d'abord hermétique et cryptée, d'une grâce. Paradoxalement, tout y vient avec lenteur et dans une rapidité à couper le souffle. Les premières pages campent, comme au ralenti, le lieu où trois hommes, Henrik, Gregor et le narrateur, vont durant quelques jours habiter : nous nous retrouvons dans la posture de l'hôte voyeur.
Il a publié trois romans et un recueil de nouvelles. je n'ai pas pu trouver de photo de cet auteur pour le moment. | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Mats Wägeus [Suède] Mar 11 Déc 2007 - 14:02 | |
| "Scène de chasse en blanc" La littérature scandinave recèle nombre de surprises: certaines sont excellentes, d'autres un peu moins. "Scène de chasse en blanc", présenté par la quatrième de couverture comme étant "un livre d'une beauté glaçante, à l'effrayante logique, soutenu par une langue, un style savants, d'une extrême rigueur" est situé entre les deux: je ne peux pas dire que j'ai aimé mais je ne peux pas affirmer, non plus, que j'ai détesté! Je suis allée au bout de la lecture car malgré tout, l'histoire est prenante, sans être vraiment enthousiasmée. Pourtant, l'argument littéraire est intéressant: trois hommes, trois copains, trois chasseurs, Henrik, Gregor et le narrateur, font un séjour en forêt pour pratiquer leur sport favori, la chasse. Tout se passe au mieux mais rapidement, l'ambiance se gâte: le gibier se fait rare et nos chasseurs se retrouvent sans traque à effectuer. Or le désir, irrépressible, de chasser demeure et les taraude au plus haut point. Une idée germe dans leur esprit: puisqu'il n'y a guère de gibier à chasser, pourquoi ne pas se traquer les uns les autres! Le roman prend alors une ampleur terrifiante, la beauté forestière devient glaçante et étouffante en même temps. La mystique de la chasse à l'homme est à son comble et entraîne les acteurs jusqu'au bout de la logique, terrible, de leur jeu. Mats Wägeus réussit de superbes descriptions de la forêt, des clairières, des marécages, des champs: "A contre-jour l'avoine folle paraissait tumescente, trempée comme elle l'était de grosses gouttes d'eau, là surtout où la tige s'en ramifiait ou alors à la surface duveteuse de ses épis facettés, où l'oeil s'égarait dans des jeux de lumière. Les herbes qui, un instant, avaient semblé fermement amarrées à la terre pouvaient aussitôt après, dans le jour plus clair, offrir l'impression de voguer sans attaches. En cette apesanteur, elles glissaient par à-coups, horizontalement, dans l'espace, telles des libellules dont les ailes brillent au soleil. Avant que la rosée ne se soit évaporée, le sol nous a paru près de se désagréger. La végétation a pâli, laissé voir ses nervures, comme sur une planche d'herbier à "strates" amovibles. Mais comme sur les champs s'étendait la menace de l'anéantissement, les dernières gouttes de rosée ont été libérées, rendant à la terre ses couleurs." (p 108) Il décrit également, les traditions ancestrales reproduites par ces trois chasseurs: le respect du gibier abattu lors de son dépeçage puis dans le soin apporté à sa préparation culinaire...rien n'est jeté ni gaspillé. Les trois hommes ont des rituels tant dans le transport du gibier tué que dans sa préparation. Ils récitent le Bénédicité puis est instauré le silence de la première dégustation, les conversations naissent seulement lorsque le plat passe pour la deuxième fois. Mats Wäger introduit la famille des chasseurs grâce à leurs discussions: "Nous éprouvions le besoin de parler de nos familles. Peut-être nous semblait-il les avoir négligées, et trop nous occuper de notre affaire. Nous avons parlé de l'art qu'il y a à procéder à une répartition équitable de ses grâces, en sorte que nul n'éprouve sentiment de délaissement, mais nous étions d'avis que des intérêts naïfs, impliquaient fatalement une forme ou une autre de perte de temps. Gregor considérait que le goût de la chasse avait pour origine le souci qu'on a des siens. Chaque bête abattue en fournissait la preuve. Par là il était possible de donner poids de viande à tels sentiments d'affection. L'amour qu'on avait de ses proches était chose qui se pesait en kilos et en hectos. Nous avons en riant constaté que nos familles prenaient de plus en plus d'importance à nos yeux, à mesure que la chasse se prolongeait. Mais bien que ce soit là un sujet de plaisanteries, et que nous ne le prenions pas tout à fait au sérieux, nous sommes tombés d'accord pour admettre que la chasse était un acte d'amour, à l'origine; et de même que les actes d'amour qui servaient à quelque chose et qui voulaient se répéter, il fallait qu'on y retrouve un plaisir personnel. Il en allait de même de la chasse et de l'amour: la natalité se maintenait non sous la loi du devoir mais sous celle du plaisir." (p 68 et 69) Wägeus annonce la folie qui guette ces hommes ivres de gibier par de subtiles touches, elles n'ont l'air de rien mais elles en disent long sur ce qui va suivre: "Henrik, qui n'avait pas cru que Gregor allait céder à sa folie chasseresse, a perdu son sang-froid. Le bassin, avec ses grenouilles, était un endroit où vous guidait de temps à autre un besoin de recueillement. Il devait nécessairement être tenu pour une zone franche. Désormais rien ne prouvait qu'y reviennent les grenouilles, et un risque existait que le bassin s'envase. La chose avancerait d'abord de façon insensible, tandis que croissait le nombre des micro-organismes. L'eau se faisant plus trouble et prenant peu à peu consistance de gelée, Gregor ne tarderait pas à comprendre lui-même que tout était perdu." (p 86) Peu à peu une évidence apparaît, accompagnée d'un sentiment de frayeur: "Nous avions de la peine à trouver un sens à la vie, tant que nous n'avions pas de gibier à portée." (p 87) et la décision est prise de se chasser les uns les autres. La spirale, à la fois mystique et infernale, est déroulée "Qui était chassé - à l'inverse de ce que soutenait Henrik - se trouvait fort conscient des dangers que révélait toute forme d'action. La menace de la mort n'était pas en elle-même perçue comme essentielle, car les idées de qui tenait le rôle de gibier avaient secrètement - sous l'effet de ce qu'il y a d'angoissant à se cacher - subi une altération. La mort semblait alors un moyen de s'affranchir de cette tension nerveuse, et ne présentait en rien le caractère d'une défaite. Sans doute celui qui, en ce cas, tenait lieu de gibier se riait-il alors de ses camarades de chasse, dont les actes avaient encore le désir pour loi." (p 121 et 122) La chasse devient une expression de la soif du spirituel tapie au fond de ces hommes qui, malgré le vernis de la civilisation, vont sombrer dans l'obscur partie de l'âme humaine. Les cartouches sont partagées et sont en nombre limité, cinq chacun. Gregor est le premier blessé, à l'épaule, et au lieu de se retirer du jeu infernal, s'embarque encore plus avant dans la chasse à trois! L'intensité dramatique augmente d'un cran lorsque Henrik est tué. Wägeus monte aussi d'un cran l'horreur de la situation en mettant des images et des références subtiles et froides sur la scène, très particulière, du tableau de chasse "Gregor est demeuré à genoux près du corps jusqu'au moment où, tandis que je détournais les yeux, il l'a embrassé. Longtemps il a ensuite examiné sa prise. C'est de la sorte qu'il était convenu de traiter l'homme tué par balle - en gibier abattu -. La chasse devait entre autres nous insuffler dans l'âme un sentiment de fierté, et dissiper l'angoisse qui pouvait naître de ce que votre proie avait été naguère de vos amis. Que la chance vous sourie: voilà ce que le droit coutumier de la chasse faisait passer en prmeière ligne, et en quoi l'on voyait le testament verbal, une fois souscrit par la victime, en faveur de qui peut-être lui porterait le coup fatal. C'était un devoir pour le chasseur que de jouir de sa proie en de telles circonstances, et de passer en revue sans plus de vanité que de vains apitoiements les épisodes qui venaient d'être heureusement couronnés." (p 182) Le style glaçant de Mats Wägeus peint des scènes de chasse fascinantes et épouvantables, difficiles à supporter parfois. Il sait que la folie de l'homme peut mener ce dernier jusqu'à une quête de l'extase: celle de tirer et tuer le gibier choisi, son congénère, son double. "Scène de chasse en blanc" est un bal diabolique, une course cruelle qui ne peut s'achever que dans la disparition définitive des protagonistes. Le point de non- retour est atteint lorsque la famille devient une entité floue, lointaine comparée à la perspective d'une chasse extatique. Le tout mené avec rythme certes, mais aussi avec une lenteur délibérée lorsque le spectacle de la Nature apporte une respiration, une accalmie dans l'anchaînement des actes. Malgré un récit abrupt et terrifiant, Mats Wägeus offre à son lecteur des instants de pure poésie...la neige en forêt prend une dimension esthétique intense: "La neige récemment tombée présentait au regard de nouveaux jeux de lumière. Elle était d'autre texture, de cristaux plus grossiers, et avivant par là l'éclat qui, entre les arbres, enflammait de bleu et de jaune les particules de givre balancées dans les airs, comme si une fine poussière mêlant topaze et saphir, passant par la lucarne de quelque échoppe d'orfèvre, était partie au bois." (p 198). Un auteur suédois à découvrir et à lire: son écriture et l'utilisation d'une langue recherchée, stylistiquement irréprochable et délicieusement désuète parfois (grâce à un excellent travail de traduction) , mérite que le lecteur s'attarde sur son univers particulier mais ô combien étonnant! | |
| | | domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
| Sujet: Re: Mats Wägeus [Suède] Ven 14 Déc 2007 - 21:19 | |
| En tout cas, que tu l'ai aimé ou pas, ce que tu en dis le rend assez énigmatique pour qu'on ai envie de le découvrir | |
| | | Burlybunch Agilité postale
Messages : 870 Inscription le : 29/09/2007 Localisation : Ci et là
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| Sujet: Re: Mats Wägeus [Suède] | |
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| | | | Mats Wägeus [Suède] | |
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