Le Palais de sucre
Pendant longtemps, Claude-Inga Barbey a publié des chroniques pleines de charme dans le quotidien suisse Le Temps, textes compilés par l'éditeur Autre Part sous le titre "Petite dépression centrée sur le jardin". Des billets d'humeur tendres et féroces, à l'image de son auteur.
Avec "Le palais de sucre", Claude Inga-Barbey aborde un domaine douloureux et sensible et elle le fait avec beaucoup de pudeur. Pendant son enfance, Kay a été victime d'inceste et a été abandonnée par une mère toxicomane. Une enfance et une adolescence malheureuses qui ont marqué Kay et lui ont valu un long séjour en clinique psychiatrique.
Aujourd'hui, elle se souvient de ses 14 ans et elle les raconte, naviguant sans cesse entre le réel (insupportable) et l'imaginaire, ce monde de fantasmes qu'elle a créé pour survivre et surmonter ses souffrances. Le lecteur doit s'accrocher pour ne pas perdre le fil de l'histoire, pour tenter de discerner ce qui est vrai de ce qui est inventé ou rêvé. La crudité de certains mots et de scènes difficiles rappelle à l'ordre quand l'esprit se surprend à vagabonder, le langage psychiatrique est là pour refroidir tout désir d'évasion.
Car il est si facile pour Kay (et pour nous) de s'évader grâce aux contes de fées, en particulier ceux d'Andersen. Pendant des mois, Kay attend, non pas le prince charmant, mais sa maman, qui va l'aimer et l'emmener dans le beau monde. La gamine idéalise une mère qui ne l'aime pas, qui la récupèrera et l'isolera à longueur de journée dans une chambre triste en compagnie de poupées. Des poupées auxquelles Kay donnera tout son amour, transférant sur ces jouets la vie qu'elle aurait aimé vivre avec sa maman. Certains passages sont émouvants, on reçoit le manque d'affection de Kay en pleine figure, on s'attache de plus en plus à cette fillette.
Des années plus tard, Kay se souvient. Pas dans l'espoir d'oublier, mais dans celui de réapprendre à vivre et cela ne m'a donné qu'une envie : la prendre par la main et la conduire vers le soleil.