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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Sam 3 Oct 2015 - 0:50
Citation :
lutte contre un flot scriptural semblant sortir d'une lance à incendie à pleine pression
Je connaissais pas Huglo, merci ! Le personnage a l’air intéressant, et le poème me plaît. Les deux dernières lignes, surtout, sont étourdissantes. Est-ce que tout le recueil présente cette vision presque sexualisée du rapport à la terre ?
ArturoBandini Sage de la littérature
Messages : 2748 Inscription le : 05/03/2015 Age : 38 Localisation : Aix-en-Provence
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Sam 3 Oct 2015 - 11:01
Sigismond a écrit:
Spoiler:
NB: je note en revanche un frémissement, un accueil positif pour Renée Vivien, si personne n'entreprend d'ouvrir son topic, je risque m'en charger dans quelques temps .
Après ce spoiler, tu n'as plus aucune excuse pour ne pas te lancer!
Invité Invité
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Sam 3 Oct 2015 - 11:03
bix229 a écrit:
C' était aussi un témoin attentif de son siècle, un homme cultivé, bon connaisseur de la Chine. Si tu ne l' as pas lu, L' ami qui venait de l' an mil. - Gallimard/L' Un et l' autre.
Merci Bix, je note! Cela m'intéresse!
Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Dim 4 Oct 2015 - 7:56
Vous prendrez bien un peu d'Olivier Larronde, avec sa forme n'évacuant pas totalement la rime, et les vives tensions expressives, servies par des vocables de choix, des sonorités contrastées chaudes/froides, et des images hallucinatoires ?
Damier
Midi ma bouche un verbe haut Et nuit pour l'air sous son empire N'est baiser aux clartés si chaud Qu'il étouffe un noir qu'elle expire.
Baiser ! l'étincelle à ta peau Faste panthère ou le chat pire D'un œil trouant ta peau drapeau Du noir que lumière désire.
À midi qui viole, torée Ma nuit te promené-je écrin Hermétique et riant sans frein.
Par la seule ortie pénétrée A saveur d'étoile or ne crains Du jour l'assiégeant visage : Mes yeux couleur du paysage.
(dans le recueil Rien voilà l'ordre)
ArturoBandini Sage de la littérature
Messages : 2748 Inscription le : 05/03/2015 Age : 38 Localisation : Aix-en-Provence
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Ven 23 Oct 2015 - 17:27
Le Confiteor de l'artiste
Que les fins de journées d’automne sont pénétrantes ! Ah ! pénétrantes jusqu’à la douleur ! car il est de certaines sensations délicieuses dont le vague n’exclut pas l’intensité ; et il n’est pas de pointe plus acérée que celle de l’Infini. Grand délice que celui de noyer son regard dans l’immensité du ciel et de la mer ! Solitude, silence, incomparable chasteté de l’azur ! une petite voile frissonnante à l’horizon, et qui, par sa petitesse et son isolement, imite mon irrémédiable existence, mélodie monotone de la houle, toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car, dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vite !) ; elles pensent, dis-je, mais musicalement et pittoresquement, sans arguties, sans syllogismes, sans déductions. Toutefois, ces pensées, qu’elles sortent de moi ou s’élancent des choses, deviennent bientôt trop intenses. L’énergie dans la volupté crée un malaise et une souffrance positive. Mes nerfs trop tendus ne donnent plus que des vibrations criardes et douloureuses. Et maintenant la profondeur du ciel me consterne ; sa limpidité m’exaspère. L’insensibilité de la mer, l’immuabilité du spectacle, me révoltent... Ah ! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau ? Nature, enchanteresse sans pitié, rivale toujours victorieuse, laisse-moi ! Cesse de tenter mes désirs et mon orgueil ! L’étude du beau est un duel où l’artiste crie de frayeur avant d’être vaincu.
Charles Baudelaire, Le spleen de Paris.
Ah l'éternelle torture de la création artistique. Merci Charles de nous avoir laissé cet héritage inestimable. Et en plus, il est de saison ce poème.
ArturoBandini Sage de la littérature
Messages : 2748 Inscription le : 05/03/2015 Age : 38 Localisation : Aix-en-Provence
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Lun 26 Oct 2015 - 20:14
Je découvre Tristan Corbière, un des poètes maudits présentés par Verlaine (avec Mallarmé, Rimbaud, Villiers de l'Isle-Adam et Desbordes-Valmore). Son recueil les amours jaunes me plaît bien. Je le trouve très bon lorsqu'il utilise les hexasyllabes, cela correspond bien à sa poésie caustique et virevoltante.
Bohème de chic
Ne m'offrez pas un trône ! A moi tout seul je fris, Drôle, en ma sauce jaune De chic et de mépris.
Que les bottes vernies Pleuvent du paradis, Avec des parapluies... Moi, va-nu-pieds, j'en ris !
- Plate époque râpée, Où chacun a du bien ; Où, cuistre sans épée , Le vaurien ne vaut rien !
Papa, - pou, mais honnête, - M'a laissé quelques sous, Dont j'ai fait quelque dette, Pour me payer des poux !
Son habit, mis en perce, M'a fait de beaux haillons Que le soleil traverse ; Mes trous sont des rayons.
Dans mon chapeau, la lune Brille à travers les trous, Bête et vierge comme une Pièce de cent sous !
- Gentilhomme !... à trois queues : Mon nom mal ramassé Se perd à bien des lieues Au diable du passé !
Mon blason, - pas bégueule, Est, comme moi, faquin : - Nous bandons à la gueule, Fond troué d'arlequin. -
Je pose aux devantures Où je lis ; - DÉFENDU DE POSER DES ORDURES - Roide comme un pendu !
Et me plante sans gène Dans le plat du hasard, Comme un couteau sans gaine Dans un plat d'èpinard.
Je lève haut la cuisse Au bornes que je voi : Potence, pavé, suisse, Fille, priape ou roi !
Quand, sans tambour ni flûte, Un servile estafier Au violon me culbute, Je me sens libre et fier !...
Et je laisse la vie Pleuvoir sans me mouiller, En attendant l'envie De me faire empailler.
- Je dors sous ma calotte, La calotte des cieux ; Et l'étoile pâlotte Clignote entre mes yeux,
Ma Muse est grise ou blonde... Je l'aime et ne sais pas ; Elle est à tout le monde... Mais - moi seul - je la bats !
A moi ma Chair.de.poule ! A toi ! Suis-je pas beau, Quand mon baiser te roule A cru dans mon manteau !
Je ris comme une folle Et sens mal aux cheveux, Quant ta chair fraîche colle Contre mon cuir lépreux !
jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Lun 9 Nov 2015 - 6:03
Coupdecoeur... disons plutôt des retrouvailles avec les poètes psychédéliques du Québec : Lucien Francoeur, Denis Vanier, Josée Yvon, Jean-Paul Daoust, Bernard Pozier, et cie.
Voici donc un extrait deLost AngelesdeBernard Pozier (1982) dans une édition rétro de L'Hexagone :
Citation :
«Vine Street»
entre chair et fer assis dans l'autobus comme une vieille en bigoudis dans une laundrette de village à ruminer sa culture de centre d'achats
et la ville électrophone trace à l'aiguille des sillons dans la chair
monstreusement amoureusement et perdument (p. 32)
Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Ven 27 Nov 2015 - 20:10
Pierre Eliane, moine Carmélite, qui a déjà mis en musique les grands mystiques du Carmel (oui, Jean de La Croix...) sort un album (intitulé les chansons du pauvre Jonas) entièrement composé de poèmes du poète Turc Soufi du XIIIème Yunus Emre (dont je m'aperçois qu'il na pas son fil sur Parfums...).
Ce poème Où que je cherche comme échantillon, je vous conseille le très beau poème d'Emre aussi étranger que moi, même album.
Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Mer 16 Déc 2015 - 2:53
Ah ! Vincent La Soudière ! (placez ici un soupir d'aise, un sourire marqué mais fermé, le tout suivi d'une profonde aspiration nasale d'air, les yeux au plafond)
Qui a crié ? est un exemple parmi tant d'autres de ses exercices difficiles de poésie en prose, qui lui valaient la considération amicale et littéraire d'un Cioran, d'un Michaux, une écriture toute en élans extérieurs, sidéraux, [malgré], et cela peut paraître un paradoxe, un biotope tout en résonances intérieures, nécessaire à l'éclosion poétique.
Vincent La Soudière a écrit:
« On écrit des poèmes sans le vouloir, au-delà des remparts du désespoir. Dans l’effulgence de quelque transcendance… » (correspondance)
Comme Vincent La Soudière envisageait ses lecteurs au nombre de quinze (dont, comme dit, Michaux et Cioran), il y a sans doute quelque transgression à partager sur la Toile l'un de ses textes: qu'on veuille bien me pardonner...
Qui a crié ?
« Ma bien-aimée est noire » comme la nuit, mais sa beauté resplendit comme douze étoiles. Mille clartés qui ont dissipé la ténèbre intenable.
Qui a crié ? J’ai entendu un cri aussi sonore que mille bracelets s’entrechoquant. La beauté de ce cri surpasse toute musique ; la beauté de ce cri résonne comme mille « oui » qui traversent les astres, transpercent les grandes ténèbres, trouvent la nuit universelle et, à force d’être proférés, l’inclinent contre leur épaule et de toute angoisse guérit l’univers même.
J’ai entendu un cri long de plusieurs nuits sans jours, long comme une viole de douceur inconcevable.
Qui a crié à travers les domaines interdits ? Qui a crié, nu à la face des astres ? Qui a crié, qui m’a trouvé ? Tapi, tout petit, dans l’antre du léopard ? Qui s’est élevé au-dessus de la voûte océane ? Qui m’a pris dans son cri et m’a mené en un lieu aux faces ineffables, planté hors du jour et de la nuit ?
Que ce cri soit béni et me tienne soumis dans ses échos d’or fin ! Que ce cri fasse de moi son prisonnier et veuille me garder en sûreté au-delà de la dernière nébuleuse, tout proche et tout loin ; aussi lisse, aussi doux que la peau de ma bien-aimée.
Alors que ce cri n’ait pas de fin, ô bouche inexprimable ; continue de me porter sur tes ailes. O cri ! Approche de moi ce qui n’a pas encore de nom ! Sous cette livrée sonore, je veux indéfiniment Te vénérer. »
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Mer 16 Déc 2015 - 7:14
ça ça me botte plus que d'autres choses. vertus de la simplicité ?
(merci pour le partage).
jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Lun 28 Déc 2015 - 12:42
Je diffracte la poésie en deux extraits, l'un d'Amour ambulancedePatrice Desbiens et l'autre deClo la gitanedeLucien Francoeur. Il s'agit de deux poètes qui prennent ancrage dans l'univers de la contre-culture.
Citation :
«Bilan provisoire»
Descendre en ville
Le coeur pesant comme un blues et l'atmosphère chargée comme un douze.
Arrêter de penser. Arrêter de danser.
Tomber.
La ville est un fourneau. La lune est la lumière du fourneau.
Les voitures sont des créatures sans futur.
Nous sommes des caricatures entre le papier carbone de la nuit et la page blanche du jour.
Patrice Desbiens, Amor ambulancia. Amour ambulance, p. 86.
Citation :
«Conversation amoureuse II»
La gitane me demande À mots voilés Si j'ai vu ses yeux Qu'elle a perdus
Elle raconte tout à la fois À l'emporte-langue Puis la donne au chat
Enfin me fixe immobile Mais sans répondre
Moi non plus mon amour
Lucien Francoeur, Clo la gitane. Poèmes d'amour, p. 48.
Je profite de l'occasion pour dire que le non-conducteur automobile en moi jubile. Puis, sans le savoir, peut-être que j'ai repris des motifs poétiques alors que Lucien Francoeur les avait déjà utilisés. Qu'importe, tout est dans le regard et le traitement de la poésie rendue à son état propre.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Lun 28 Déc 2015 - 12:53
jack-hubert bukowski a écrit:
le non-conducteur automobile en moi jubile
au risque de faire de la peine à Hubert ?
jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Lun 28 Déc 2015 - 12:58
Jack Kerouac ne conduisait pas non plus. Donc voilà l'un des paradoxes de ma position, moi qui fais de la marche rapide.
jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Mar 5 Jan 2016 - 18:23
Poésie, poésie, je n'ai que ce mot à la bouche. Et je l'assume.
Je vous ai parlé dePierre Peuchmaurd dans un autre fil... Parfaits dommages et autres achèvements a été publié à la maison d'édition de poésie surréaliste montréalaise L'Oie de Cravan. Je consens à dire qu'il y a quelques affinités de vues que j'échange avec les poètes surréalistes mais qu'à l'instar deFrancis Ponge et Antonin Artaud, je redoute les effets d'école. Claude Gauvreau et Maxime Catellier ont été référencés dans mes démarches d'atelier. Je suis plus adepte de flâneries dans ma démarche de marcheur urbain que surréaliste et je suis plus styliste que praticien d'une école en particulier. En cela, j'assume ma connivence avec Francis Ponge.
Revenons à nos moutons. Pierre Peuchmaurd est le Robert Marteau ou encore Patrick Straramde notre époque. J'ai bien l'impression que la maison d'édition l'a bien pressenti dans les projets esthétiques québécois. Je tiens à faire une fleur sur ce fil et lui faire honneur pour représenter ce qu'est un coupdecoeur poétique. Henri Michaux est un digne représentant de ce fil. J'espère susciter quelques étincelles en vous pour vous aider à suivre quelques pistes de lectures nouvelles :
Citation :
«Elle viendra par le poumon gauche»
Elle viendra par le poumon gauche D'abord ce sera plus chaud et ça irradiera, je dirai que ça ira. Ce sera comme la neige - je déteste la neige - comme une gorgée de café quand le coeur n'en veut pas. Et puis je refuserai. De quelle taille, le refus? Et les choses, quelle durée? Plus qu'une rose, moins qu'une rose? C'est comme ça qu'on compte quand il y a cette écume, tout ce joli sang rose qui vous remonte aux lèvres. On compte en oiseaux, en cerceaux sur le pré, en ruisseaux dans l'été et en éternités. On compte sur les doigts des femmes et les cheveux des bêtes qui ne tombent jamais dans le lavabo, on compte sur le beau temps qui vous ouvre la gorge. Elles, comme on va mourir, elles nous ouvrent leurs robes - on y compte. Et comme on va partir, elles nous laissent leur adresse et le soir les emporte et on va dans les bois où il y a l'hôpital.
(Il y a une magnifique illustration à la page 35. Juste pour ça, ça vaut la peine de se procurer le recueil.)
Pierre Peuchmaurd, Parfaits dommages et autres achèvements, 2007, Montréal : L'Oie de Cravan, p. 33-34.
Diogène Envolée postale
Messages : 226 Inscription le : 25/11/2015 Age : 36 Localisation : Londres
Sujet: Re: Coup de coeur et bar de la poésie Mer 20 Jan 2016 - 16:05
Un poème d'Hugues Rebell, un poète malheureusement peu connu qui a pourtant écrit des merveilles
"Garde ta beauté, tendre amie dont l’élégante nonchalance m’est si douce.
Ne prête point l’oreille à ce tumulte de grotesques qui, n’étant d’aucun sexe, veulent des droits et des devoirs égaux pour l’homme et pour la femme.
La Beauté du monde est dans la variété et l’inégalité ; sache-le bien : il n’y a rien d’égal, il n’y a rien de semblable.
Laisse ces êtres qui ne savent plus charmer essayer de dominer ; laisse-les devenir docteur ou député, artiste ou savant : la force leur manque autant que la Grâce.
Parce qu’elles ont voulu se mettre en dehors de la nature, parce qu’elles n’ont pas senti la grandeur de la femme, qu’elles soient l’être incomplet qu’elles ont rêvé, qu’elles deviennent ce monstre : le bas bleu !
Ô souveraine, ô dominatrice, ô déesse !
Toi qui nous gouvernes
Par la toute-puissance de ton sourire et de tes larmes,
Et caches tes pouvoirs dans ton geste et ta caresse,
Que je te sacre de ton nom glorieux : Ô Femme !"
(…)
Hugues Rebell, Chants de la Pluie et du Soleil, XCI