Amos Oz [Israël]

Je suis assez contente de ne pas être la seule à avoir "osé" dire que ce livre était incontournable.....

Et quels que soient les contre-arguments sus-cités, tout à fait recevables d'ailleurs, il me semble, que nous avons , encore , le droit de dire d'un livre qu'il est incontournable ( à nos yeux , il va de soi) sans être obligée de se faire remettre en place, et de devoir baisser le nez tel un gamin pris en faute le doigt dans le pot de confiture ( parce que le doigt dans le pot de confiture..... et bien, c'est vachement bon aussi  , même si ce n'est pas "moral"  )

Et bien puisqu'on en est au doigt dans le pot de confiture, j'abandonne le terrain...j'aurais peur de m'engluer.

Une petite cuiller de confiture!
J'ai moi aussi bien du mal avec les termes d'incontournable, indispensable ( cf les lectures de Fitzgerald récemment).
Et c'est justement parce que Une histoire d'amour et de ténèbres est une vision subjective , forcément, sa propre histoire et celle de sa famille , écrite par un écrivain- et un homme- que j'admirais  beaucoup , que j'ai tant aimé. Cela m'a d'ailleurs entrainée vers des lectures moins subjectives, pour tenter d'y voir plus clair, comme L'histoire du sionisme de Walter Laqueur, ou même quelque chose de très intéressant, Les Juifs, le monde et l'argent de Jacques Attali. Que je n'aurais jamais abordées sans Amos Oz!

Marie a écrit:

Une petite cuiller de confiture!
J'ai moi aussi bien du mal avec les termes d'incontournable, indispensable ( cf les lectures de Fitzgerald récemment).
Et c'est justement parce que Une histoire d'amour et de ténèbres est une vision subjective , forcément, sa propre histoire et celle de sa famille , écrite par un écrivain- et un homme- que j'admirais  beaucoup , que j'ai tant aimé. Cela m'a d'ailleurs entrainée vers des lectures moins subjectives, pour tenter d'y voir plus clair, comme L'histoire du sionisme de Walter Laqueur, ou même quelque chose de très intéressant, Les Juifs, le monde et l'argent de Jacques Attali. Que je n'aurais jamais abordées sans Amos Oz!

Merci de ces quelques pistes, Marie

Entre amis



« Entre amis » est l’histoire du kibboutz Yikhat au cœur de l’aridité israélienne. Nous sommes dans les années 50 et la petite communauté semble fonctionner en vase clos. Une sorte d’autarcie au sein de laquelle on naît, on vit, on travaille, on se fréquente, s’épouse et meurt. Le kibboutz, c’est l’utopie marxiste, la vie communautaire dans laquelle la propriété n’est rien. Les couples se font et se défont. Les enfants nés sont réunis dans la maison des enfants et veillés par tous comme la vraie richesse du groupe.

Les décisions sont prisent en commun et discutées par un comité. Comité omniscient et omnipotent.

Les fleurs sont partout grâce au jardinier Tsvi Provisor, passionné par les mauvaises nouvelles. L’électricité est assurée par Nahum Asherov dont la fille, étudiante, s’est mise en couple avec un quinquagénaire, intellectuel et despotique.

Les personnages défilent tout au long de ces huit nouvelles. Nouvelles qui se mêlent en un tout pour constituer un roman à part entière. Les personnages se croisent, leur destin influence ceux de leurs comparses. Amos Oz décrit une communauté fragile dans laquelle l’intérêt particulier n’a pas totalement disparu. Tous les privilèges non plus : l’égalité n’est qu’un mot.

C’est donc aux faits et gestes du kibboutz que le lecteur assiste sur fond de conflit israélo-arabe. Ententes, mésententes, conflits. Petits arrangements en tout genre. Le tout conté fort simplement par un grand écrivain que je découvre à l’occasion de cette lecture. Une sobriété, une sincérité qui m’ont séduit.

Très belle lecture. Oz est un magicien !

Entre amis

Un recueil de 8 nouvelles. Qui se passent dans un kibboutz, chaque nouvelle a un habitant du lieu comme centre de gravité. Un kibboutz à un moment où l’on sent que l’esprit de fondation n’est plus complètement là, que les personnes qui l’habitent sont en train de remettre en question les principes fondateurs, où l’on anticipe peut être le fin de cette façon de vivre. Mais ce n’est pas l’essentiel. Qui sont les êtres. Et ceux-là auraient pu exister ailleurs, à une autre époque. Et se poser quand même les mêmes questions, vivrent les même douleurs, les mêmes déchirements, les mêmes solitudes. Et avoir les mêmes consolations.

Amos Oz trace en quelques traits précis le portrait de ses personnages. Pathétiques et attachants. Sans sentimentalisme ni pathos. Un peu comme une épure. C’est d’une grande force et densité. Tout est dit en peu de pages, sans mots inutiles. Chaque phrase fait sens et laisse une trace. Du grand art.

Je n'ai jamais lu Amos Oz mais ce que tu en dis Arabella donne envie (la lecture de La Tour d'Ezra de Koestler m'ayant rabibochée avec la littérature 'israélienne') il est possible que je vienne faire un tour et que j'Oz !!...

C'est pour moi un auteur exceptionnel, avec un talent des plus protéiforme, sur les quatre livres de lui que j'ai lu, aucun ne ressemblait aux autres. Même s'il se situe dans un contexte géographique et historique donné, il a une portée universelle.

Ailleurs peut-être

Ailleurs peut-être est le premier roman (après un recueil de nouvelles) publié en 1966 par Amos Oz.

Il y raconte le quotidien de la vie dans un kibboutz, avec ce que cela entraîne de répétitions, de longues journées identiques, de luttes et de rêves en expansion.

On sait que Amos Oz est arrivé dans un kibboutz après le décès de sa mère, à l'âge de 15 ans et qu'il a vécu plus de trente ans dans cette idéologie communautaire, socialiste et kolkhozienne. Il s'est donc servi de ce qu'il avait sous les yeux tous les jours pour raconter une histoire dont on devine qu'elle est à la fois un peu de sa vie réelle et un peu de sa vie fantasmée. Surtout, on retient la grande probité d'un auteur qui ne cache pas les failles d'un système fragile (vivant grâce au bon vouloir de chacun), ni ses richesses infinies, ni ce qui tient cette communauté à l'affût de tout : la médisance. Mais attention, dès les premières pages, le narrateur nous invite à réfléchir sur la médisance, ce moyen de savoir tout sur tous, de propager les nouvelles et de pouvoir ainsi protéger la communauté des attaques intérieures comme extérieures. Car les visiteurs et les touristes de passage n'hésitent jamais à pointer du doigt les défaillances d'un système qui se veut totalement égalitaire et fermé sur lui-même. En effet rares sont ceux qui peuvent échapper au kibboutz et à son emprise, mais en même temps le kibboutz est une formidable protection.

La lucidité d'Amos Oz permet donc au lecteur de voir les deux faces de la mise en commun des avoirs, des savoirs et du pouvoir. Formidable utopie sur laquelle je me penche avec avidité, souffrant comme les autres du manque de solitude infligée par la vie communautaire mais prenant exemple sur la solidarité, l'ouverture d'esprit et le respect des libertés accordées à chacun. Car rien n'est simple, ni fluide dans ce kibboutz qui voit un homme trompé puis quitté par sa femme, élever ses deux enfants dans le respect de la décision de l'autre, lui-même finissant par prendre une maîtresse, ce qui précipitera sa fille dans les bras d'un homme marié et bien plus âgé. En 350 pages qui ne manquent pas de charme Oz nous raconte ces évènements et l'absolu respect de la communauté au regard de tous ces bouleversements. Ni jugement, ni mise à l'écart, mais tentative de compréhension, entraide, écoute et main tendue. La médisance qui raconte tout à parfois du bon.

Cependant, j'avoue ne pas avoir très bien saisi certains choix des acteurs du 'drame'. Pourquoi Eva quitte-t-elle un mari et deux enfants qu'elle aime ? Pour suivre un cousin auquel elle était destinée et qu'elle doit protéger, voire sauver !?! Alors que le rite, le religieux, la foi, n'apparaissent que de manière très invisible dans ce roman, il semble ici que la réponse soit du côté de la pénitence et même peut-être du côté d'un certain masochisme lié à une culpabilité aliénante. Je ne sais pas comment le dire autrement mais la faculté des personnages à baisser le front, à endurer le pire, à accepter la fuite, la honte, l'avilissement sont des notions qui échappent en partie à mes propres fondements moraux (je n'ai pas tendance à tendre l'autre joue pour rester dans la thématique religieuse). C'est pourquoi, certains passages me sont restés obscurs et pourquoi certaines réactions m'ont attristée.

Mais cela n'enlève rien au très grand plaisir que j'ai eu à découvrir Amos Oz, son humanité, sa grande ouverture d'esprit, sa capacité à dire le petit en chacun, le minuscule et à l'élever au rang d'étoile. Certes il s'agit d'un premier roman, avec ce que cela implique de longueurs et d'envie (visible) de bien écrire mais on passe vite sur ces rares et attachants défauts pour découvrir ce monde étrange et fascinant du kibboutz.

Merci Arabella d'avoir mis cet auteur à l'honneur.

Je suis contente que ta lecture t'ait plu. Je n'ai pas encore lu ce roman, un jour sans doute, il me reste encore pas mal de livres de cet auteur à découvrir.

Arabella a écrit:

Je suis contente que ta lecture t'ait plu. Je n'ai pas encore lu ce roman, un jour sans doute, il me reste encore pas mal de livres de cet auteur à découvrir.

Une lecture que j'ai aussi apprécié parce qu'elle fait écho à certains propos écrits ou tenus par Koestler (dans la 13ème tribu) et Zeev Sternhell (membre fondateur tout comme Amos Oz du mouvement La paix maintenant) sur les nouvelles générations de juifs nés en Israël. Ces générations qui n'ont pas connu l'exil, qui n'ont pas eu à construire un pays, une démocratie, une nouvelle nation, qui sont aussi sans doute moins religieux que ne le furent leurs parents et qui donnent l'image d'une possible volonté d'apaisement avec leurs voisins.

Je compte donc poursuivre ma rencontre avec l'univers d'Amos Oz pour ce qu'il dit aussi de la vie d'un pays particulier.

Conscient de l’enjeu de sa parole en tant que romancier et écrivain en Israël, « un pays où le Premier ministre invite souvent un poète ou un écrivain pour un tête-à-tête privé, tard dans la nuit, afin de discuter d’un grave problème de conscience », Amos Oz traite les mots comme des grenades.


Le chapitre qui donne son titre à ce regroupement d’essais est représentatif de la tension qui existe entre le mot et la réalité : combien de réalités auraient pu être évitées si elles n’avaient pas été suscitées par l’invention, qui prend forme à cause du Verbe ? Amos Oz parle de ce qu’il connaît : l’antisémitisme, c’est la peur véhiculée dans les mots, c’est la matérialisation de la peur choisie d’abord par hasard, ou par similitude, puis renforcée par l’habitude dans un cercle vicieux à l’enroulement de plus en plus frénétique. C’est pourquoi Amos Oz ne délie pas la littérature (en hébreu, le mot « fiction » n’existe pas mais il existe le mot savant « bidayon » dérivé de « bidaya » qui signifie « fausseté ») de la politique, car c’est en imprégnant la conscience de nouvelles conceptions que les précédentes pourront être dépassées. Amos Oz sait qu’il tient une position ambivalente : comment ne pas croire qu’il joue à son tour le rôle du prêcheur s’entourant des plus beaux atours alors qu’il cherche peut-être, comme ses précédents, à permettre la réalisation de ses seuls et uniques desseins ? Pour s’en prévenir du mieux que possible, il bascule souvent d’une position à l’autre, se glissant dans les cerveaux de tous les partisans possibles, jugeant nulles les unes et les autres des idées arrêtées pour mieux glorifier un scepticisme faisant honneur au bon sens. Cette petite histoire résume sa position critique :


« Dans une ancienne légende hassidique, un rabbin est chargé de juger deux plaideurs qui réclament la même chèvre. Il décrète que les deux requérants ont raison. Plus tard, de retour chez lui, il entend sa femme déclarer que c’est impossible : comment peuvent-ils être tous les deux dans leur droit s’ils réclament la même chèvre. Le rabbin réfléchit un moment et dit : « Tu sais, chère épouse, toi aussi tu as raison. » »


Et c’est aussi l’esprit du kibboutz qui l’a enveloppé et qui fait l’objet de nombreux passages de son essai. L’idéologie communautaire permettrait une justice fraternelle et à visage humain –en parlant de ces petites cellules de vie quotidienne, Amos Oz nous parle également de l’avenir possible de l’humanité entière. Son expérience semble si riche et instructive qu’on aimerait pouvoir connaître également le kibboutz, tout en craignant le caractère d’absolutisme qu’Amos Oz ne cesse jamais de décrire.


Une explication du titre retenu pour dénomination du livre avec cette accroche :

Citation :

« Ma grand-mère est morte de propreté. Arrivée de Pologne à Jérusalem, par une éclatante journée de l’été 1933, elle lança un regard terrifié aux marchés, aux allées, aux habitants, et décréta : « L’Orient est plein de microbes ». »

En fait, le problème semble plutôt être celui de la concordance entre vérité et fait, métaphore et image. Une image peut être aussi réelle qu’un fait. L’imagination peut sinon tuer, au moins transformer la réalité. Un exemple ? Israël aurait suscité les attentes les plus utopiques à cause d’un poème de Bialik (Ode à un oiseau) : « Le pays du printemps éternel » :

Citation :

« Des phrases comme « la Terre promise » ou « le pays où coulent le lait et le miel » ont poussé beaucoup de gens à changer de vie. »

Amos Oz insiste donc particulièrement sur la continuité qui existe entre parole et acte, littérature et réalité :

Citation :

« Tout est réel. Le conteur et l’érudit ne diffèrent pas par leur manière d’aborder les faits, la réalité, la vérité, la certitude, mais, précisément, par leur rapport aux mots.

Ces réflexions vont de pair avec des considérations religieuses et sociétales modernes :

Citation :

« Un enfant qui a grandi en Israël, où l’on veut tout le temps tuer son père ou son grand-père, se posera cette morbide question juive : « Qu’est-ce qui ne va pas chez moi, pourquoi tout le monde me hait ? » Et il en arrivera à l’une de ces deux réponses morbides –ou bien il dira : « On veut me tuer parce que je suis le meilleur, je suis sain et je suis pur », ou bien « On veut me tuer parce que je suis de la merde, alors mieux vaut que je change d’identité. » C’étaient les deux réponses des Juifs au XIXe siècle. Le sionisme a apporté une troisième réponse complexe. Oui, les salauds qui veulent vous assassiner sont de vrais salauds, mais en même temps il faut vous transformer. »

Et si Israël était un accomplissement vivant de la littérature ? Amos Oz en parle d'une façon qui n'exclut pas cette possibilité...

Citation :

« Nous désirons deux choses simples. La paix et l’excitation. Seulement nous ne pouvons les acquérir ensemble. La littérature est le seul lieu où elles se rencontrent. »

*photo de Bruce Wrighton

Kashima a écrit:

« Nous sommes venus avec des socs de charrue. Ils nous ont accueillis l’épée au poing. »(68)
La vie dans le kibboutz de Metsoudat-Ram, à la frontière jordanienne, est l’objet de ce livre.

Harelde a écrit:

Entre amis

« Entre amis » est l’histoire du kibboutz Yikhat au cœur de l’aridité israélienne.

shanidar a écrit:

Ailleurs peut-être

Ailleurs peut-être est le premier roman (après un recueil de nouvelles) publié en 1966 par Amos Oz.

Il y raconte le quotidien de la vie dans un kibboutz, avec ce que cela entraîne de répétitions, de longues journées identiques, de luttes et de rêves en expansion.

J'aimerais lire un de ces trois livres pour mieux comprendre et connaître les kibboutz... ce mode de vie me semble très intéressant et un essai de compromis pour "s'intégrer sans subir la désintégration" même si ça ne semble pas très réussi, en l'occurence.

tom léo a écrit:

C`est un peu par hasard que je suis tombe sur un petit livre en espagnol d`Amos Oz (Contro el fanatismo) que j`ai pris sans reflechir pour pratiquer un peu l`espagnol. Il doit bien s`agir

Comment guerir un fanatique

Celui-ci aussi me tente beaucoup !

Arabella a écrit:

Désolée, mais Livre Incontournable, et en plus Histoire, cela me gêne toujours. Tout cela a un petit côté Obligation Morale de lire. Et aurait tendance à me rebuter. J'ai mis ainsi des années et des années à me lancer dans Soljenitsyne par exemple qui avait ce genre d'étiquette aussi. Et je ne suis pas la seule, rien qu'à voir ce que tu écris Shanidar.  

Je n'étais pas très emballée non plus pour lire Amos Oz pour les mêmes raisons, mais finalement j'ai découvert bien plus dans ses livres qu'une seule injonction morale ou des considérations politiques et historiques.

colimasson a écrit:

J'aimerais lire un de ces trois livres pour mieux comprendre et connaître les kibboutz... ce mode de vie me semble très intéressant et un essai de compromis pour "s'intégrer sans subir la désintégration" même si ça ne semble pas très réussi, en l'occurence.

Si le sujet t'intéresses je te recommande aussi La Tour d'Ezra de Koestler qui retrace les premiers pas des jeunes colons juifs construisant un kibboutz.

Et pour ce qui est de la problématique 'réussite' de l'utopie des kibboutz, je me souviens d'un commentaire d'Elie Barnavi (lors d'une Marche de l'histoire sur Fr. Inter) expliquant que, assez rapidement, la vie dans les kibboutz a connu deux grosses difficultés : d'abord que les enfants soient séparés de leurs parents et vivent entre eux la plupart du temps, ensuite que les postes importants soient raflés par quelques hommes désireux de commander la communauté (allant à l'encontre des préceptes de partage des biens et des pouvoirs). Ce qui d'ailleurs va à l'encontre des propos tenus par Amos Oz dans le livre que j'ai lu et dans lequel il expliquait que la plupart du temps chaque année la personne désignée pour gérer l'ensemble du kibboutz se trouvait bien embêtée à l'idée de cette responsabilité (d'où peut-être la possibilité pour certains de 's'emparer' d'un pouvoir dont personne ne voulait...?).