Hubert Haddad

J'ai lu il y a quelque temps "l'univers". Si l'idée d'un livre-roman-dictionnaire paraissait séduisante, la réalisation est absolument décevante. Je me suis ennuyée et finalement j'ai arrêté de lire à la lettre m. Ce curieux mélange de connaissances astronomiques extrêmement pointues (Quel sens ont-elles sinon celui de nous donner le tournis ?), de réflexions sur l'identité de l'homme par rapport à sa mémoire (la partie la plus intéressante) et de divaguations libidineuses ne m'a pas convaincu du tout. Ce qui explique que nous n'en ayons pas entendu parler de ce livre davantage malgré un bon sujet... Absolument impossible de comparer ce roman avec ceux de Borges, il est à un niveau bien inférieur !

Cachemire a écrit:

J'ai lu il y a quelque temps "l'univers". Si l'idée d'un livre-roman-dictionnaire paraissait séduisante, la réalisation est absolument décevante. Je me suis ennuyée et finalement j'ai arrêté de lire à la lettre m. Ce curieux mélange de connaissances astronomiques extrêmement pointues (Quel sens ont-elles sinon celui de nous donner le tournis ?), de réflexions sur l'identité de l'homme par rapport à sa mémoire (la partie la plus intéressante) et de divaguations libidineuses ne m'a pas convaincu du tout. Ce qui explique que nous n'en ayons pas entendu parler de ce livre davantage malgré un bon sujet... Absolument impossible de comparer ce roman avec ceux de Borges, il est à un niveau bien inférieur !

Je parlais surtout de son oeuvre en général et de son style. Les admirateurs d'Haddad sont aussi un peu réservés sur L'Univers à qui on reproche d'être souvent hermétique. Palestine est beaucoup plus abordable et proche d'un certain réalisme. Par contre "Un rêve de glace" était un conte macabre plus proche d'un Hedayat avec un style hallucinatoire. Pour l'instant j'ai lu ces 2 romans et quelques nouvelles (le recueil Mirabilia). Et j'espère en découvrir davantage.

En tout cas la presse aime L'univers:

Citation :

« Un livre fou, inventif, féerique » (Olivier Le Naire L’Express), dans le plus pur imaginaire de la littérature.

« Un de ces livres monstres qui résistent, qu’on reprend, qui finissent par exercer une fascination profonde et durable. Une de ces œuvres écrites pour l’avenir. » Bernard Fauconnier, le Magazine littéraire

« Hubert Haddad n’en est pas à son coup d’essai, ce qui ne l’empêche pas, avec l’Univers, de faire un coup de maître. » Les Inrockuptibles

« Qui n’a pas lu Hubert Haddad ignore l’un des écrivains français les plus féconds et les plus talentueux d’aujourd’hui. » Jacques de Decker, Le Soir.

merci à Chappy et Bibliomane pour leurs commentaires.

à la lecture de ce qui suit je ne peux que m'intéresser à cet écrivain.

L'avis de Cachemire (que je partagerai peut-être après avoir lu "L'Univers" dont ce que j'en ai feuilleté pourrait facilement paraître rébarbatif), comme tous les avis contradictoires qu'on peut lire sur n'importe quelle oeuvre même parmi les plus importantes, me fait penser à cette phrase d'Hubert Haddad sur l'intertextualité qui implique qu'on nourrit souvent une lecture de ses propres références en la dévalorisant ou en la surévaluant:

« Écrire et lire s'enlacent si intimement qu'on ne fait le plus souvent que relire les bribes d'une bibliothèque idéale en écrivant et, inversement, le lecteur en action réécrit le texte qu'il déchiffre à travers sa psyché, son histoire consciente et oubliée, ces dernières éclairées de tout ce qu'il a pu engranger de mélodies et de signification. La page que je lis est comme amplifiée d'innombrables lectures à travers moi. Cette intertextualité joue autant chez le lecteur, dans le silence ou à l'écoute, que pour l'auteur aux prises avec ses influences avouées, contrariées ou combattues: une orchestration infinie accompagne le soliste en quête de singularité, et
celle-ci, reprise au creux d'une lecture solitaire, avoue les mille accords en palimpseste. On songe bien sûr à Borges, au Livre absolu face à un Lecteur impersonnel, comme deux miroirs se renvoyant des profondeurs
aveugles. » Hubert Haddad

Marko a écrit:

L'avis de Cachemire (que je partagerai peut-être après avoir lu "L'Univers" dont ce que j'en ai feuilleté pourrait facilement paraître rébarbatif)

j'ai lu ce livre pas comme un roman.. parfois quelques pages.. quelques 'définitions'.. de temps en temps..
c'est ainsi que j'ai aimé

Palestine.

J’ai trouvé ce livre complexe. J’ai largement préféré Le collaborateur de Bethléem de Matt Rees qui traite lui aussi de l’impasse que représente le conflit israélo-palestinien et qui est certainement beaucoup plus accessible à toute personne non-spécialiste du conflit israélo-palestinien.

Spoiler:

Cette conversion m’a énormément dérangée tant elle semble peu réaliste en un si court laps de temps… ou alors le roman aurait mérité un développement beaucoup plus long pour expliquer ce basculement dans le camp adverse... Exception faite si l'auteur voulait dénoncer l'absurdité de ce conflit, les victimes se trouvant dans les deux camps.

Par contre, Haddad dresse le portrait très réaliste de deux êtres perdus pour la vie : Cham qui pense que pour aimer il faut être mort et Falastin qui se demande si aimer ce n’est pas mourir.

Un livre à lire avec attention, en prenant son temps, sinon on risque de passer à côté de l’histoire.
Le point fort de ce livre est de mettre en exergue un conflit qui n’en finit pas de détruire des vies et qui semble pour l’instant insoluble.

Eve Lyne a écrit:

Palestine.

Spoiler:

Tu en révèles peut-être un peu trop pour ceux qui voudraient découvrir cette histoire en te lisant... Par contre tu n'évoques pas son style qui, au-delà de l'histoire racontée, donne une tonalité très particulière au roman. La séquence de son enlèvement puis tout ce qui se passe autour de lui s'effectue comme dans un rêve éveillé dont les descriptions sont fascinantes. Il y a des paysages, des personnages, des climats qui prennent beaucoup de relief. Et je pense que c'est ce que j'aime chez cet auteur. Ce récit sur le conflit israélo-palestinien n'est qu'un prétexte. C'est un sensoriel qui utilise le langage de manière très singulière.

Marko a écrit:

Eve Lyne a écrit:

Palestine.

Spoiler:

Tu en révèles peut-être un peu trop pour ceux qui voudraient découvrir cette histoire en te lisant... Par contre tu n'évoques pas son style qui, au-delà de l'histoire racontée, donne une tonalité très particulière au roman. La séquence de son enlèvement puis tout ce qui se passe autour de lui s'effectue comme dans un rêve éveillé dont les descriptions sont fascinantes. Il y a des paysages, des personnages, des climats qui prennent beaucoup de relief. Et je pense que c'est ce que j'aime chez cet auteur. Ce récit sur le conflit israélo-palestinien n'est qu'un prétexte. C'est un sensoriel qui utilise le langage de manière très singulière.

Je n'ai pas particulièrement apprécié le style de Haddad, exception faite du début qui rend bien compte de la rapidité des événements, de la force du destin qui peut modifier le parcours de chacun à tout instant, et ceci même à quelques minutes près. Un bus raté et c'est une vie qui bascule.

J'ai aimé le portrait de Falaistin et la raison donnée à son anorexie. Là c'était criant de vérité pour moi qui ai vécu cet enfer.

Citation :

Les années ont éloigné d’elle toute forme d’espérance ou d’intérêt. Sans rien montrer, pour ne pas souffrir, elle s’est endurcie jusqu’au détachement, avec une désinvolture alerte, presque inhumaine. La plus grande violence est celle qu’on s’inflige. Délibérément, depuis sa douzième année, à force d’ascèse ingénue, elle n’est plus de ce monde. L’état d’apesanteur totale auquel elle aspire se confondrait assez avec la grâce des martyrs…

J'étais sans cesse dans la comparaison avec Matt Rees qui a une écriture totalement différente, plus "réaliste", avec un sens premier avant tout, ce qui n'est pas le cas de Haddad ici. Il faudrait que je fasse une relecture pour mieux apprécier cet écrit et la véritable portée symbolique. Ce n'est pas un livre aussi facile d'approche qu'il semble l'être.

Quant à en dévoiler trop sur la trame, je pense au contraire qu'il est nécessaire d'attirer l'attention sur ces deux parties au conflit : les musulmans et les juifs. J'ai parfois dû relire pour savoir qui était qui, juif ou musulman.

Eve Lyne a écrit:

J'ai aimé le portrait de Falaistin et la raison donnée à son anorexie. Là c'était criant de vérité pour moi qui ai vécu cet enfer.

Très beau personnage effectivement.

Un extrait de "Palestine" où Cham se retrouve entre vie et mort:

La fraîcheur du sol traverse la toile enroulée sur sa face. Ses mains nouées frottent une matière poudreuse mêlée de résidus ligneux, ossements ou noeuds de planches putréfiées. Une senteur d'épices, girofle, cannelle, atténue l'odeur âcre de l'étoffe et celle plus douceureuse du sang vicié qui émane de son corps. A bout de forces, coeur et membres rompus, il s'abandonne et perd conscience. L'imagerie cérébrale s'effiloche en plans fixes: pierres grises, oliviers noirs, débris de remparts, cortèges de mules, vignes étagées... Quelle vie tremble derrière la vie? Hébron, Jéricho, Jaffa, Jérusalem - les noms des villes résonnent obscurément. Un poids l'écrase; il s'enfonce dans la lourdeur inconnue. Ses paupières crissent comme des criquets. Plus rien ne sépare les entrailles du visage, la moelle des os de l'épiderme. Un lac miroite au désert, mirage de larmes dans l'orbite d'un crâne. Sa mère inatteignable est comme la douleur qui le tue.
Il ne transpire plus. Quelque chose se déchiquette et s'éparpille autour d'une vague souvenance. Plus un bruit bientôt, même le pouls cesse son feulement temporal. Une odeur de brûlé monte de ses hardes; cependant, il grelotte. La glace s'insinue des pieds vers le ventre. La soif est trop cruelle. Un froissement d'étincelles remplace la mémoire. Lunes et soleils tourbillonnent sur ses lèvres. Sommeil de l'agonie? La nuit doit être entière. Hormis ce picotement au bout des doigts, tout sentiment l'a quitté. Il n'entend pas l'orage qui s'abat, longtemps après les bombes. L'absence ne se nomme ni ne s'esquisse jamais. A peine les ténèbres désignées, c'est l'oeil qui cligne. La lame la plus fine tranche entre l'instant nouveau et l'oubli sans fond. D'un coup le néant ravale les milliards d'années et recrache au hasard un soupir de résurrection.

Une interview d'Hubert Haddad à propos de Palestine: Ici

Citation :

Dans les premières minutes de cette émission, François-Pierre Nizery prend le soin de relater l’histoire de ce Prix des Cinq Continents qui mérite d’être plus largement connue du public.

Palestine, d’Hubert Haddad, Prix des Cinq Continents 2008, est un roman fascinant à plus d’un titre, l’un de ces rares romans dont le lecteur sort différent. Différent parce qu’on y apprend à voir autrement, avec un autre imaginaire, avec d’autres sensations, avec une autre parole, cette chose dont on entend parler presque tous les jours dans la presse et sur les écrans du monde entier, avec toute notre impuissance de spectateur lointain, avec toutes les questions sans réponse qui l’accompagne : le conflit israélo-palestinien.

Hubert Haddad nous plonge au cœur (au sens presque physique du terme, pas au sens abstrait) de ce conflit, qui n’est pas le seul sur la planète mais peut-être celui qui remonte le plus loin dans le temps et qui est si chargé de symboles qu’il semble concentrer tous les déchirements du monde. Deux peuples si proches (géographiquement mais pas seulement) semblant irréconciliables et vivant en permanence sous de terribles menaces, mais vivants, vivant une vie sur laquelle Hubert Haddad verse une goutte d’humain qui change notre regard.

La traversée du miroir

Hubert Haddad nous fait toucher le réel, le pire même, mais d’une façon telle que le pire semble suspendu par la langue du poète. Ne reste à terre que l’humain, l’amour, rendant le passage d’un camp à l’autre presque simple et si évident. Un soldat israélien est assommé dans une embuscade. Sous le choc, il perd la mémoire. Recueilli par une famille palestinienne, il devient palestinien. C’est la traversée du miroir, dit Hubert Haddad. Cela devient surtout pour son lecteur une incroyable cohabitation de l’enfer et du paradis, mais un enfer discret, présent mais en suspens. Miracle de la poésie, qui habite toutes les pages de ce roman !

Au cours de cet entretien, Hubert Haddad revient avec pudeur et émotion sur ce qui l’a poussé à s’immerger à ce point au cœur d’un conflit humain si enraciné dans la chair de ses protagonistes, le questionnement intérieur qu’il porte en lui dans sa propre chair, par ses racines. Il s’explique sur le double processus par lequel il se met dans la peau d’un personnage qui lui-même se met dans la peau d’un autre personnage, et en quoi cette traversée de deux miroirs a changé sa vision du conflit israélo-palestinien. Il s’adresse enfin à tous ceux qui œuvrent sur le terrain pour venir en aide aux gens qui en souffrent, directement ou indirectement, en leur recommandant surtout de ne pas s’enfermer dans une vision manichéiste de la situation. Un message très actuel et porteur de sens, et même d’espérance.

Mieux connaître Hubert Haddad

Hubert Haddad porte en lui une pluralité d’identités peu commune. Il porte en lui la Méditerranée dans ce qu’elle a de plus riche et de plus authentique. Il est français, né en 1947 d’un père tunisien, qui à l’époque était tailleur de pierre, et d’une mère d’origine algérienne. Ses racines judéo-berbères l’ont accompagné tout au long de son chemin de vie et d’écriture. Sa bibliographie est déjà impressionnante puisqu’elle contient environ 55 titres, des romans, des récits, des nouvelles, des essais, des pièces de théâtre, des poèmes. Son premier roman, Un Rêve de glace, a été publié chez Albin Michel en 1974 puis chez Zulma, son éditeur actuel, en 2006. Dans Oholiba des songes, paru aux éditions La Table Ronde en 1989, puis chez Zulma en 2007, plane déjà l’ombre du conflit du Proche-Orient, cette ombre que l’on retrouve dans Palestine, le roman qui lui a valu le Prix des Cinq Continents en 2008 et le prix Louis Barthou, décerné en 2008 par l’Académie française.

Je viens de lire Palestine.

J'ai beaucoup aimé, j'ai été très touchée par cette histoire et par la belle écriture.

Evelyne a écrit:

Citation :

Un livre à lire avec attention, en prenant son temps, sinon on risque de passer à côté de l’histoire.

C'est vrai que j'ai lu très lentement les 150 pages. C'est le livre qui impose son rythme.
En tout ca Evelyne, je note l'auteur que tu cites car le sujet m'intéresse.

PALESTINE

Depuis 2008 je crois où ce roman est sorti, je m’étais promis de le lire…Et puis, et puis, je repoussais…Le sujet sans doute…Il ne m’est jamais facile de lire des romans sur la guerre…Tout arrive !...Et les Parfumés qui ont parlé rn bien de ce livre m’ont convaincue. Je les en remercie. Ce roman est excellent.

« Palestine » se déroule en Cisjordanie, entre la Ligne Verte et la « ceinture de sécurité » en construction, au sud d'Hebron, entre des villages arabes et la colonie de Ber Schov. Une des zones les plus sensibles du conflit.

Le héros s’appelle Cham. C’est un jeune soldat israélien qui s’apprête, au début du roman, à partir en permission. Un supérieur lui demande de faire une dernière ronde avec un adjudant.
Survient l’attaque, l’adjudant est tué, Cham est blessé et pris en otage par le groupe palestinien qui a mené l'attaque. Commando en déroute…Cham est saisi par la fièvre et tombe dans le coma. Il est abandonné.
Lorsqu’il reprend connaissance, il est amnésique. Il a été hébergé et soigné par deux femmes palestiniennes : la jeune Falastìn, une rebelle, et sa mère aveugle, Asmahane.
Tout le monde est persuadé que Cham est un combattant palestinien…Mieux !...Il ressemble au frère aimé et disparu de Falastin. Ce dernier, Nessim, est parti un jour en ville pour étudier et depuis nul ne le sait ce qui lui est advenu: est-il emprisonné ? A-t-il été tué ?
Les deux femmes vont donner à Cham l’identité de Nessim. Il devient Palestinien et va partager le risque et la peur du quotidien dans la Cisjordanie occupée.


Roman de guerre écrit dans une langue très littéraire, souvent poétique, avec des personnages remarquables, notamment les deux femmes…
Savant dosage de dure réalité et de sentiments.
Ici, dans cette terre où « les champs d’oliviers ont un tremblement argenté évoquant une source répandue à l’infini »., ici sous la violence et la menace de la mort, on est solidaire, on aime… “Aimer, aimer ? Aimer n'est-ce pas mourir ? »

J'inscrirai un autre ouvrage de Hubert Haddad dans mes projetsde lecture...J'ai fait avec Palestine la découverte d'un auteur qui m'a convaincue...

coline a écrit:

J'inscrirai un autre ouvrage de Hubert Haddad sans mes projets de lecture...J'ai fait avec Palestine la découverte d'un auteur qui m'a convaincue...

J'y reviendrai avec "Géométrie d'un rêve". Avec un titre pareil!

Marko a écrit:

coline a écrit:

J'inscrirai un autre ouvrage de Hubert Haddad sans mes projetsde lecture...J'ai fair avec Palestine la découverte d'un auteur qui m'a convaincue...

J'y reviendrai avec "Géométrie d'un rêve". Avec un titre pareil!

Ohlala...Je tape n'importe quoi ...Avec mes touches qui n'ont plus de lettres apparentes!...Est-ce que tu veux bien me corriger dans ma citation?...