Hubert Haddad

kenavo a écrit:

coline a écrit:

Découverte pour moi d'un texte, d'un tableau...et d'une collection qui me semble particulièrement intéressante! Super!

depuis que Marko en a parlé, ce livre se trouve dans mon panier... et les autres livres de cette collection semblent aussi intéressants...

On pourrait faire une lecture commune thématique où chacun en choisirait un...

kenavo a écrit:

coline a écrit:

Découverte pour moi d'un texte, d'un tableau...et d'une collection qui me semble particulièrement intéressante! Super!

depuis que Marko en a parlé, ce livre se trouve dans mon panier... et les autres livres de cette collection semblent aussi intéressants...

Marko a écrit:

On pourrait faire une lecture commune thématique où chacun en choisirait un...

Dans la liste, j'ai même repéré un Sylvie Germain!


Joachim Patinir, Paysage avec Saint Christophe

Marko a écrit:

kenavo a écrit:

coline a écrit:

Découverte pour moi d'un texte, d'un tableau...et d'une collection qui me semble particulièrement intéressante! Super!

depuis que Marko en a parlé, ce livre se trouve dans mon panier... et les autres livres de cette collection semblent aussi intéressants...

On pourrait faire une lecture commune thématique où chacun en choisirait un...

Alors j'ouvre un fil lecture commune?

Marko a écrit:

Alors j'ouvre un fil lecture commune?

Oui.

Marko a écrit:

Haddad présentant son roman autobiographique que je viens de commencer: Le camp du bandit mauresque (clic)

J'aime cette idée que le style est comme "un pas de danse pour s'en sortir". Très sympathique cet écrivain.

Il a été à l'école de la rue...pour arriver au grand style, à la langue poétique, à l'imagination et à l'érudition qui le caractérisent, je ne sais pas quel fut son parcours d'études, s'il en a eu un, je n'ai rien trouvé à ce sujet.

Agenda Hubert Haddad

03/05/13 Hubert Haddad à Saint-Brieuc pour la remise du Prix Louis Guilloux
Hubert Haddad sera à Saint-Brieuc du 3 au 5 mai à l'occasion de la remise du Prix Louis Guilloux, dont il est le lauréat pour Le Peintre d'éventail.
Il recevra son Prix le vendredi 3 mai à 18h à l'Hôtel du département et participera à une rencontre animée par Yvon le Men le samedi 4 mai à 16h au Théâtre de la Passerelle.
Retrouvez tout le programme des 30 ans du Prix Louis Guilloux sur le site du département des Côtes d'Armor.

Est-ce qu'un Parfumé pourrait nous servir d'envoyé spécial? Ce serait génial!

Géométrie d’un rêve

« Personne n’a aimé comme j’ai aimé. Pourtant il y eut d’autres femmes. J’ai vécu d’autres matins après la nuit de Londres. C’est avec une sombre joie que je brûlerai mes manuscrits pour vivre à nouveau un pareil amour, pour trahir Fedora dans la folle pensée d’elle. Et pour tout recommencer sans mémoire. (…). J’ai tout perdu avec Fedora. »

Un texte onirique, foisonnant et baroque.
On pourrait parler du journal d’un écrivain insomniaque qui s’est exilé par chagrin d’amour dans un manoir en Bretagne. La Bretagne la plus sauvage, celle des landes, des vents, des rochers, des tempêtes.
« Pour la première fois de ma vie, j’écris sans projet d’être lu, simplement pour garder le fil, et ne pas perdre la raison (serait-il trop tard, ma solitude est-elle irréversible ?). »
Mais écrivant chaque jour pour survivre à sa blessure d’amour, il ne fait pas simplement le récit de ses journées. Il mêle ses souvenirs, les rêves qui l’assaillent, ses pensées et ses réflexions, l’imaginaire et le réel, le hasard enrichissant des rencontres, l’Art, l’Histoire, à ce qui pourrait être des débuts de plusieurs romans.

Ce livre est extrêmement dense et passionnant, écrit dans une langue subtile, riche, souvent poétique.

« Ici, à Ker Lann, le vent parle on dirait. Il me rappelle d'une voix connue la longue histoire de mes errements. J'ai tout perdu avec Fedora. Ma solitude est telle que je dois prendre garde à bien clore portes et fenêtres. Le soir, une peur d'enfant me vient avec la pression des rêves. C'est une sorte d'infirmité que l'impossibilité de distinguer les vivants des morts dès que les paupières se ferment. A mon âge, l'accumulation des cendres ne laisse plus guère luire les braises que dans le profond sommeil. Mais je pressens un incendie à chaque réveil brusque. L'insomnie n'éclaire pas la nuit de flammes : dix fois, je me relève d'un suaire pour observer le croisement des phares sur la pointe d'Ar-Grill et le gouffre du large, si proche de l'oubli, au-delà des récifs et des îles de la Fée. »

Oublier Fedora est mission impossible peut-être, mais le temps qu’il passe ici, cherchant à retrouver le fil de cette histoire, à tenter d'en comprendre les mystères, amène aussi le narrateur à mettre en mots ce qu’il appelle « ses errements », d’hier à aujourd’hui.
Une vie complexe de passions les plus folles, de sentiments à vif, amour ou haine exacerbés par le deuil ou l’abandon.

« Si j’étais fou, je dirais que j’héberge un spectre. Plus vraisemblable est l’inverse, toutefois.»

Dans cette vie, plusieurs femmes. « Un cœur de femme aura toujours battu sous mes pattes de mouches. » :
- sa mère, qui mourut en le mettant au monde.
- sa grand-mère singulière, l’étrange et merveilleuse Elzaïde, une "encyclopédie" qui « entreprit son instruction onirique» et qui fut à l’origine de sa vocation d’écrivain.
"Plus tard, je me souviendrais d'avoir vécu avec une Shéhérazade vieillie qui aurait bien voulu enrayer par ses histoires le mouvement fatal de la réalité."
- sa belle-mère, Else, une espionne allemande
- sa demie-sœur Elisabeth
- Amaya, son premier amour, fille et sœur de yakusa persécutée par son frère, rencontrée à Kyoto lors d’une année d’études.-
- Fédora, la sensuelle et mystérieuse soprano lyrique qui se donnait à lui le jour mais se refusait la nuit. A le rendre fou.
- Lavinia la bibliothécaire du village breton, descendante du Maître de Lassis, un peintre de génie anéanti par la guerre. Lavinia est héritière et détentrice du seul tableau qui ait échappé à l’incendie de son château de Fortbrune par les nazis, château voisin du manoir, un tableau qui obsède et subjugue le narrateur lorsqu’il le voit enfin :
« Les polyèdres bleus entrecroisés tournoyaient sur eux-mêmes avec une fausse lenteur et tout l’arrière-plan s’éclairait dans ce mouvement stellaire de scènes réalistes d’une précision folle : c’est ma vie entière qui surgissait par limpides efflorescences de ces profondeurs. »
- la « lectrice cannibale », Blandine Feuillure de La Gourancière, qui rédige un travail sur la vie de l’écrivain et son œuvre, fouillant dans son passé et s’invitant au manoir.
- La femme de l’horticulteur, rendue folle et désespérée par la mort de son enfant, qui vient s’offrir à lui…

Il sera aussi terriblement question du père, du "veuf" , du "gendarme" haïssant son fils et haï par lui.

C’est beaucoup penserez-vous ?...Non, c’est envoûtant et magnifique!
Mais peut-être ne faut-il pas aborder l’œuvre de Hubert Haddad avec cette "débordante "Géométrie d’un rêve…Plutôt avec Palestine, ou des nouvelles, ou Le peintre d’éventail…

J'ai largement préféré Opium Poppy à Palestine. Et je me délecte du peintre d'éventail

Encore un commentaire qui donne bien envie ! Merci Coline !

Le peintre d'éventail

Atôra, petite bourgade perdue ; une pension tenue par Dame Hison.
Matabei Reien, qui y trouve refuge pour changer de vie.
Un vieux jardinier Osaki Tanaka, qui peint des éventails…

Ainsi la vie s’écoule dans ce havre de paix, au milieu d’une nature omniprésente, et que le lecteur peut effleurer du bout de ses doigts. Il règne l’harmonie, la douceur, la beauté. Le temps semble s’être arrêté sur cet endroit sublime ; jusqu’au jour où …
Il y a une grâce dans cette écriture, que l’on serait parfois tentée de se retirer à tout petits pas ; pour ne rien effleurer, ne rien perturber.
Mais il est impossible de renoncer à tant de délicatesse. La finesse et la précision presque chirurgicale à décrire autant la beauté et l’harmonie que le désastre et la nature violée par les éléments est à couper le souffle.
Ce livre se déguste davantage qu’il ne se lit parce qu’il est plus une œuvre d’art qu’un roman. Il enchante, émerveille, enveloppe le lecteur dans un cocon, l’isole de la laideur du monde pour mieux l’y replonger avec tact et retenue. Du grand art…

mimi54 a écrit:

Le peintre d'éventail

Ce livre se déguste davantage qu’il ne se lit parce qu’il est plus une œuvre d’art qu’un roman. Il enchante, émerveille, enveloppe le lecteur dans un cocon, l’isole de la laideur du monde pour mieux l’y replonger avec tact et retenue. Du grand art…

Finalement tu n'es peut-être pas aussi réfractaire que tu le penses à l'univers poétique...
Et c'est bien un roman tout de même!

Le peintre d'éventail

Extrait

"Depuis sa chambre, en ouvrant cloisons et rideaux, le jardin s’étendait de plain-pied. Le petit homme sans âge du chalet noir, au secret du précieux labyrinthe végétal, faisait office de jardinier. Chaque jour, il consacrait quelques heures aux arrangements de lys, de dahlias ou de chrysantèmes, entre les rives moussues du bassin et les haies vives. On le voyait grimper sur un escabeau pour tailler les branches de prunus ou de camélias, drainer entre les pierres sculptées un ruisselet qu’alimentait une fontaine au bruit léger de cascade, ratisser le gravier blanc des allées.
Quand il ne jardinait pas, le vieil homme retournait à son atelier et des odeurs de laques et d’essence se mêlaient aux parfums de la terre. Le soir, sous l’ombre du châtaignier, la baraque s’éclairait avant la nuit. On distinguait alors plus nettement l’habitant penché sur une table basse, à manier divers ustensiles. A tout moment, il soulevait un éventail de sa main gauche pour le contempler dans la lumière artificielle.
Depuis sa chambre, Matabei considérait avec une profonde émotion les gestes du peintre. Une sérénité d’un autre siècle émanait de ce globe de clarté au sein duquel un éventail assombri s’agitait de temps à autre comme l’aile d’un papillon de nuit. Il se souvenait avoir connu pareille grâce devant d’immenses toiles, autrefois, quand il s’immergeait dans les couleurs sans pensée aucune, seulement habité par un prodige d’harmonies indéchiffrables."