Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Arthur Rimbaud

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Chamaco
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 4 Aoû 2015 - 10:37

Sigismond a écrit:

Eh bien non, je ne le crois pas. Simplement le négociant en cafés vu par le caravanier Galla à 10h du matin n'est pas le même que celui qui croise un mendiant Oromo à midi, qui correspond avec les européens dont il représente les intérêts à Harar à 15h, qui est mandé par le Négus à 17h, qui palabre de haut vol au sujet d'une livraison auprès d'un négociant venu de Somalie à 19h...


..

Merci, le négociant Raimbaud est en effet tout aussi intéressant que le poète, il est également difficilement saisissable par ses constants soucis financiers et ses dramatiques souffrances, ses écrits du Harar s'ils n'étaient pas du domaine "conventionnel" de la poèsie (mais peut on dire cela..?), n'en étaient pas loin par les drames qu'ils véhiculaient...
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 4 Aoû 2015 - 16:57

On a écrit des dizaines de livres sur Rimbaud et  chacun y va de son hypothèse. Je pense que ça va durer longtemps encore.
Certains comme celui de  Borer ou de Michon m' ont interessé. Mais j' ai cessé d' en lire, sauf peut etre pour apprendre ce que
ces auteurs projetaient d' eux-mêmes dans cette recherche.
L' homme Rimbaud continuera à alimenter sa légende, comme Van Gogh, Artaud et bien d' autres. Sans qu' on sache  qui il était
vraiment. Et comment le pourrait-on, alors qu' on n' est pas capable de savoir qui est qui parmi ceux qu' on s' imagine connaitre.

Personnellement, je préfère  lire ses poèmes, ses lettres, les témoignages de ceux qui l' ont connu, ça me fait rever, imaginer...
Je n' ai pas vraiment envie d' en savoir beaucoup plus.
Ce que j' apprends en lisant ou en relisant des poèmes  ne concerne que moi et évolue en meme temps.
Les textes ne changent pas, mais nous changeons.

"La plus belle non définition de la poésie est pour moi, celle de Roberto Juarroz.

"Parler de poésie -et la poésie elle-meme- consiste à parler de quelque chose qui ne se comprend pas.
Il n' est pas possible de définit la poésie, pas plus q' il ne l' est de définir la réalité.
Mais peut-on définir la vie, l' amour, la mort, la musique, la douleur, le reve ? Peut-on définir
quoi que ce soit ?  Ou tout se résume-t-il  finalement à une petite approche de l' insaisissable,
au reve d' une formulation de l' inaccessible ?...

Utopie des des définitions, à l' égal du mirage ancestral des noms, ces étiquettes qui
escamotent l' identité des choses...
J' écrivais voici presque vingt ans : je vis le poème comme une explosion d' etre sous le langage...
Dans cette relation entre poésie et réalité, la première condition de toute poésie
digne de  ce nom est une rupture : ouvrir l' échelle du réel."

Roberto Juarroz : Poésie et Réalité
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ArturoBandini
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 4 Aoû 2015 - 17:29

C'est aussi pour cette raison que les fils poésie sont plutôt vides. Il est plus aisé de discuter de l'homme que de la poésie en elle-même.
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 4 Aoû 2015 - 18:11

ArturoBandini a écrit:
C'est aussi pour cette raison que les fils poésie sont plutôt vides. Il est plus aisé de discuter de l'homme que de la poésie en elle-même.

C' est certain ! Mais c' est mieux ainsi. Lit qui le veut et passe à autre chose. Certains ont senti s' infléchir leur incompréhension, c'est déjà
ça...
Mon parcours en poésie a été plutôt tardif et sélectif...
Et puis la poésie est assi bien ailleurs que ce qu' on appelle d' ordinaire poésie...
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Mordicus
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 4 Aoû 2015 - 22:33


Ca tombe bien ce truc.

Discussion avec JeanMicheMoche, samedi de mariage :


Citation :
- Non mais franchement, tu devrais lire Rimbaud, c'est cool.
- Pfff, t'sais quoi. J'ai déjà vu les films, je vais pas m'taper les romans.
- Hein ?
- Ouais, ton Rambo, on connait hein.


(Là dessus, je me suis levée et j'ai bu 2 coupes de champ' d'affilée)

#TrueStory
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 4 Aoû 2015 - 22:35

t'aurais quand même tort parce que le bouquin mérite d'être lu (à mon humble et pandesque avis). le fil (pour le bouquin des bois).
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 4 Aoû 2015 - 22:51


J'vais demander aux mariés son adresse et je lui enverrai un bouquin.
De chaque.

(Genre.)
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 11 Aoû 2015 - 3:12

bix229 a écrit:

"Parler de poésie -et la poésie elle-meme- consiste à parler de quelque chose qui ne se comprend pas.
Il n' est pas possible de définit la poésie, pas plus q' il ne l' est de définir la réalité.
Ah, d'accord. Donc on s'interdit de parler de la réalité aussi  dentsblanches  ?


Dans "L'art de poésie" J-L Borges pose, justement, ce serpent de mer métaphorique de la définition impossible de la poésie équivalent à la définition impossible de la réalité.

Jorge-Luis Borges a écrit:
[...] j'ai lu avec respect le livre de Benedetto Croce sur l'esthétique, et que m'apporte Croce ? La définition suivante: que la poésie et le langage sont expression. Or s'il faut entendre par là l'expression de quelque chose, nous retombons sur le vieux problème de la forme et du fond, et si ce n'est pas l'expression d'une réalité particulière si ce n'est pas l'expression de rien, cette définition ne nous donne -en effet- rien.

Mais il en vient à ceci, qui a à voir directement avec la posture "n'en parlons donc pas":
Jorge-Luis Borges a écrit:
Par exemple, si je dois définir la poésie et que mon hésitation soit grande à ce propos, je dirai à peu près ceci: "La poésie est l'expression de la beauté par l'intermédiaire de mots combinés avec art." Cette définition peut être assez bonne pour figurer dans un dictionnaire ou un manuel, mais nous avons tous le sentiment qu'elle est plutôt faible. Heureusement il y a un fait bien plus important et de nature à nous encourager [...], la conviction que nous savons ce qu'elle est.

Ce fait, c'est précisément que nous savons ce qu'est la poésie. Nous le savons si bien que nous ne pouvons pas la définir par d'autres mots, pas plus que nous ne pouvons définir la saveur du café, la couleur rouge ou jaune, ou la signification de la colère, de l'amour, de la haine, du lever de soleil [...]. Il s'agit de réalités si profondes qu'elles ne peuvent s'exprimer qu'au moyen des symboles que tous les hommes ont en partage.

Par exemple: je me vois mal donner une définition in extenso et infaillible de ma femme et de mes enfants, mais ça ne m'empêche nullement de parler d'eux, ni de parler à eux ou avec eux, ni non plus d'avoir la conviction, mélange intuitif et déductif, de savoir qui ils sont, et plutôt pas trop confusément, est-ce un leurre ?  

Jorge-Luis Borges avance, toujours en ce sens que j'admets volontiers partager, une citation de Saint-Augustin:
Saint Augustin a écrit:
Quid est ergo tempus ? Si nemo ex me quaerat, scio; si quaerenti explicare velim, nescio. (Qu'est-ce que le temps ? Si l'on ne me pose pas la question, je sais ce qu'est le temps. Si l'on me pose la question, je ne le sais plus.)

ArturoBandini a écrit:
C'est aussi pour cette raison que les fils poésie sont plutôt vides. Il est plus aisé de discuter de l'homme que de la poésie en elle-même.

bix229 a écrit:
C' est certain ! Mais c' est mieux ainsi. Lit qui le veut et passe à autre chose. Certains ont senti s' infléchir leur incompréhension, c'est déjà
ça...
Mon parcours en poésie a été plutôt tardif et sélectif...
Et puis la poésie est assi bien ailleurs que ce qu' on appelle d' ordinaire poésie...
Tout au contraire du "mieux ainsi", ne serait-ce point fossoyer, le pire ainsi, mes bons et chers, huh ?  
C'est faire album, et non forum ! Concours de copié-collé !

En effet, flanquer, brut(alement ?) des images et des poèmes et attendre, passer à l'image ou au texte suivant, autant dire qu'il n'y a aucun infléchissement d'incompréhension à en espérer.

Un peu comme si l'on t'appelle sur ton téléphone, qu'un message automatique ne te laissant jamais en placer une déroule sa voix affinée par robotique, et raccroche à la fin:
Ton incompréhension n'est jamais infléchie, mais toujours aggravée.
En plus (ou pourtant), on t'a sollicité !

Ces interventions sont paradoxales parce que mutiques, et ont un côté encombrant et glacé, tel un iceberg dans la coque.

Aveux spontanés, qui risquent de me faire passer pour un horrible je-ne-sais-quoi - soyez assurés, cependant, de l'étendue de mon respect pour tous ceux qui postent ainsi !-:
Je ne les regarde même plus, les toiles, photos et poèmes dès que je m'aperçois, au premier coup d'œil, qu'ils ont été postés sans le plus petit mot accompagnateur.
Une sorte d'ignore-list, en somme.
Et le pire, mais on ne se refait pas, c'est que de cela je culpabilise  honte  !

Ne peut-on espérer, oh ! deux mots ! un rien ! un moins que rien ! enfin, je suppose que vous n'avez jamais envoyé une carte postale avec juste l'adresse et le timbre, même pas un "bisous !"
De grâce, a minima mettez une onomatopée et deux smileys, quoi !

Car, si je suis bien cette pratique, pourquoi ne pas juste coller le titre, voire la photo de la couverture, sur les fils des romanciers par exemple  dentsblanches  ?
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Sigismond
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 11 Aoû 2015 - 3:13

ArturoBandini a écrit:
Concernant la conversion de Rimbaud, je trouve personnellement que c'est quand même culotté de le présenter comme l'aboutissement d'une vie, sachant la vie qu'il a eue. Comme tu le dis, il a prêché le Coran, et avant il a été quand même sacrément anti-clérical.
Encore un vaste sujet !
Il faut pondérer son anti-cléricalisme de l'époque fugue au temps de la Commune de Paris par des écrits qui contrebalancent, comme ci-dessous, ouvrant la porte en grand à une possibilité de syncrétisme très personnel mais éminemment théiste.

Une saison en enfer a écrit:
Je ne me crois pas embarqué pour une noce avec Jésus-Christ pour beau-père. Je ne suis pas prisonnier de ma raison, J'ai dit: Dieu. Je veux la liberté dans le salut.

Illuminations a écrit:
Je voyais la Croix consolante. J'avais été damné...

- [i]"Ouvriers"[/i], Illuminations a écrit:
Ô l'autre monde, l'habitation bénie par le ciel et les ombrages !

Pondération aussi parce que Rimbaud, encore poète, va jusqu'à la rébellion envers des prises de position passées:
- [i]"Adieu"[/i] - Une saison en enfer a écrit:
Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan !
Ce dernier extrait, mis dans la perspective de Rimbaud post-poésie, fait vraiment sens.

Et des extraits, citations etc... qu'il conviendrait de mettre en exergue sur le point soulevé par Arturo, il y en a bien d'autres.
On ne saura jamais, jamais.
Mais il me semble que le postulat de base de Claudel n'est pas le plus approprié.

L'intelligentsia ne désirait (et peut-être est-ce toujours le cas ?) pas mieux qu'un Rimbaud messianique, à condition qu'il fût païen.
En somme, peut-être qu'on en reste, figé pour l'éternité, au Voyant majuscule.

Claudel "se la raconte" (et nous la raconte) sans doute dans un sens récupérateur (une d'entre toutes les récupérations que j'ai déjà listées dans les messages précédents). Ci-dessous une missive douteuse de quelqu'un d'autorisé mais qui ne semble jamais avoir croisé Rimbaud directement, lettre que Claudel a, de bonne foi à ce qu'il semble, amassée pour ses points de départ.
Extrait d'une lettre de Léonce Lagarde (1860-1936, premier Gouverneur de France à Obock - nord de Djibouti) à Paul Claudel (1919):
Citation :
[Rimbaud] y luttait d'une part pour la vie (quelle rude vie !) et rêvait ensuite de choses que les indigènes et les chefs musulmans de l'entourage de l'Emir ne comprenaient point...Ils le considéraient comme d'inspiration céleste, tant et si bien que des "fidèles" s'empressèrent autour de lui, suscitant les jalousies et les haines des cadits et muphtis menacés dans leurs affaires par le nouveau prophète qu'ils essayèrent, du reste, de faire tuer sur place.  

On ne voit pas de quel Emir il s'agit (peut-être un Mahdiste époque occupation du Harar par les égyptiens ?) et Ménélik n'est pas pris en compte. Que Rimbaud ait été apprécié et même particulièrement aimé par la population au Harar, qu'il n'ait jamais dévié d'un comportement juste, droit, spontanément généreux et charitable de façon discrète et désintéressée au quotidien, ces faits sont recoupés par des témoignages directs en nombre suffisant pour qu'on puisse l'agréer.

De là à le poser en "prophète...", ce qu'on ne trouve nulle part ailleurs, vous m'excuserez... Sleep !
Notons aussi ceci: autant on trouve de nombreuses situations d'embûches et de grands périls, autant une machination de type complot ourdi contre Rimbaud au Harar, si quelqu'un a, je prends, pour ma part je n'ai rien trouvé allant dans ce sens.

Toutefois:
Titillé par le point soulevé par Arturo, je suis allé jusqu'à relire le livre d'Isabelle Rimbaud, paru en 1921 et épuisé, que les éditions Manucius ont eu la bonne idée de ré-éditer en 2009 (voyez où les discussions sur "Parfum de Livres" me mènent  Laughing !).
Le livre s'appelait "Reliques" en 1921 au Mercure de France, il s'intitule aujourd'hui "Rimbaud mourant" chez Manucius.

Curieux que, dans le dédale des parutions sur Rimbaud, ce petit livre-là soit resté si longtemps inaccessible.
Souvent cité (toujours les mêmes extraits cités, au reste, ce sont donc des citations de citations reprises en boucle pendant presque un trois quart de siècle, éparses parmi les tonnes de papiers imprimés sur Rimbaud aux quatre coins du monde, sans parler des GO tartinés sur le Web, n'est-ce pas...).

Mais j'avais dû le parcourir un peu vite, ou oublier, en tous cas je n'avais pas quelques éléments intéressants en tête. D'abord, je ne me souvenais plus de la date de rencontre du calamiteux Paterne Berrichon avec Isabelle Rimbaud: c'est beaucoup plus tard, en 1897, donc on associe toujours Berrichon à Isabelle (mea culpa, je l'ai fait moi-même page précédente), alors qu'il faut, tout au contraire, nettement les dissocier.

Je ne me souvenais plus non plus que Stéphane Mallarmé avait rédigé une lettre à Mme Rimbaud mère pour recommander Paterne Berrichon (non mentionné par Wikipédia, s'il y a des contributeurs parmi vous ?), immense poète Mallarmé, mais bien peu inspiré en l'occurrence !

Durant ces quatre mois qu'elle a passée toute seule au chevet de son frère Arthur (c'est très long, quatre mois au chevet d'un malade alité, souffrant beaucoup et proche de la mort), frère qu'elle ne quittait pas, administrant elle-même les soins, pratique d'interférence plutôt courante à l'époque ("Ils sont hélas ! bien malheureux ceux qui, pour les soigner, n'ont que des infirmiers" - lettre d'Isabelle à sa mère du 4 octobre 1891), au début elle ne connaissait pas du tout -ou si peu- les écrits de son frère, ceci, qui est important, il faut le garder en mémoire !  

Pourquoi ?
Elle arrive plus tard, lorsqu'elle s'y confronte, à un regard vraiment connaisseur, savant. Elle a dû commencer à lire Rimbaud au chevet d'Arthur. 
Au passage elle confirme l'existence du fameux opus perdu (ou brûlé, par Rimbaud ?) "La chasse spirituelle", qui, selon Verlaine, contenait "les plus étranges mysticités", et elle "croit que"
Citation :
Bon nombre de morceaux composant le livre actuel des Illuminations ont dû, à l'origine, [en] faire partie.


Elle s'était d'emblée brouillée avec leur mère Vitalie, repartie derechef dans les Ardennes, et l'explication sordide semble être qu'elle devait diriger la ferme, sans doute, mais aussi et peut-être surtout qu'elle était mortifiée de ne pas avoir pu faire intégralement main basse sur le magot d'Arthur. Toujours aussi fameusement "inflexible que soixante-quinze administrations à casquettes de plomb" , la "mother" !!

Rimbaud désignera Isabelle comme légatrice universelle, et elle aura soin d'exécuter fidèlement le testament.  
Tout cela fait d'Isabelle un biographe des plus autorisés (à l'aune des milliers d'autres nettement moins autorisés, qui sévirent et sévissent encore). En sus de ces quatre mois intenses, n'a-t-elle pas, peu ou prou, tout le temps côtoyé son frère, sauf pendant onze années (1879/80 - 1891), Arthur finissait toujours par revenir au moins une bonne partie de l'hiver, quand la bise ramenait ses semelles à Roche, alias "terre-des-loups" ?

Il faut reconnaître qu'elle manie fort convenablement la plume, du coup j'ai même envie d'aller dégotter le livre de Vitalie Rimbaud (fille) décédée très jeune (en 1875 à 17 ans) - il s'agit d'un journal intime et de quelques poèmes - je ne sais pas où je vais pouvoir trouver ça  scratch .  

Elle corrobore bien des points qui "sortiront" ultérieurement, sur ses voyages et sa vie au Harar.
Par exemple, longtemps avant la lettre de Savouré à Maurevert (que je cite en bas de page 4) deux choses notées par Savouré (elle n'a pas pu l'inventer !): la maison sous-meublée: on découvre que Rimbaud fabriquait lui-même ses meubles. L'absence de lit visible, et les nuits passées à une mauvaise table de travail, écrivant: il étudiait, consignait et analysait les langues africaines qu'il rencontrait, et dont certaines ont dû être couchées par écrit pour la toute première fois par sa main.

Enfin, si l'on se met à sa place de fervente chrétienne, le mensonge est un fardeau, une salissure trop importante pour qu'elle s'adonne complaisamment à un tel péché, impliquant en direct son frère et l'église.

Non, ça ne tient pas, de sorte que:
On est très loin de la "falsificatrice bigote" en ce qui concerne Isabelle, raillée au tribunal du bistrot populaire et jusque dans les universités- son court livre (son témoignage) mérite mieux. Gardons en mémoire que la conversion de Rimbaud déplaisait, dès la première moitié du XXème (voir les sorties, de l'ordre de l'ignominieux contre Isabelle Rimbaud, lancées par des Benjamin Fondane, des André Breton, etc...).
(Peut-être est-ce toujours le cas).

Je suis plus nuancé qu'eux !
Je prends, bien sûr, la fameuse lettre du 28 octobre 1891 d'Isabelle à sa mère (celle qui a mis l'intelligentsia du XXème en fureur), et aussi les analyses littéraires d'Isabelle au sujet de son frère, éclairées par quatre mois à son chevet.
Je prends aussi le curieux délire, ou rêve éveillé, à deux voix (Isabelle et Arthur) lorsqu'il(s ?) se voi(en)t au Harar ensemble.
Je note les phases cliniques de l'évolution vers le trépas d'Arthur, telles que vécues et narrées par Isabelle.  
Je ne focalise pas sur les points de ses détracteurs, mais plutôt sur l'osmose qu'elle décrit entre elle et son frère, là, à l'en croire on peut parler de destins croisés, similaires. Même si c'est plutôt pas trop mal narré, si je devais me comporter en censeur, expurger, c'est là que j'ôterais des passages entiers.
A moins que, à moins que...aveuglés par la conversion d'Arthur, nous ne voyons pas la conversion d'Isabelle au rimbaldisme.
J'absorbe tous les éclairages divers contenus dans son livre, quitte à me réserver une possibilité de tri sélectif, mais c'est vraiment à connaitre, lire, méditer -et trier in fine- pour tout rimbaldien.

D'autres détails dans un autre message, celui-ci n'est que trop long, et surtout s'il se manifeste de l'intérêt, des questions à ce sujet !

extrait de la lettre d'Isabelle à sa mère, 28 octobre 1891 a écrit:
Quand le prêtre est sorti, il m'a dit en me regardant d'un air troublé et étrange: "votre frère a la foi, mon enfant. Que nous disiez vous donc ? Il a la foi, et je n'ai même jamais vu de foi de cette qualité !"  
Le passage nous montre encore le Rimbaud que j'évoquais au début, encore un petit peu réticent envers le clergé, mais sûrement théiste catholique-chrétien de longue date, à sa manière sans doute.

Je repousse l'idée romanesque d'une conversion totale déflagrante, ne reposant non seulement sur aucune solide fondation antérieure, et une longue introspection méditative tout au long de son existence, mais même plutôt sur l'exact opposé (enfin, vous vous ferez votre idée !).  
extrait de la lettre d'Isabelle à sa mère, 28 octobre 1891 a écrit:
Quand je suis rentrée près d'Arthur, il était très ému, mais ne pleurait pas; il était sereinement triste, comme je ne l'ai jamais vu. Il me regardait dans les yeux comme il ne m'a jamais regardée. Il a voulu que je m'approche tout près, il m'a dit: "tu es du même sang que moi: crois-tu, dis, crois-tu ?"
J'ai répondu: Je crois; d'autres plus savants que moi ont cru, croient; et puis je suis sûre à présent, j'ai la preuve, cela est !"
[...] Il m'a dit encore, avec amertume: "Oui ils disent qu'ils croient, ils font semblant d'être convertis, mais c'est pour qu'on lise ce qu'ils écrivent, c'est une spéculation !"
J'ai hésité, puis j'ai dit: "Oh ! Non, ils gagneraient bien davantage d'argent en blasphémant !"
Il me regardait toujours avec le ciel dans les yeux; moi aussi. Il a tenu à m'embrasser, puis:
"Nous pouvons bien avoir la même âme, puisque nous avons le même sang. Tu crois, alors ?"
Et j'ai répété: "Oui, je crois, il faut croire".
Alors il m'a dit: "Il faut tout préparer dans la chambre, tout ranger: il va revenir avec les sacrements. Tu vas voir, on va apporter les cierges et les dentelles: il faut mettre des linges blancs partout. Je suis donc bien malade !..."
Il était anxieux mais pas désespéré comme les autres jours et je voyais très bien qu'il désirait ardemment les sacrements, la communion surtout.  


Enfin, on doit à Isabelle la transcription, prise sous la dictée, de la dernière lettre lettre de Rimbaud, j'ose: véritable testament Villonien, appréciation qui n'engage que moi !
(NB: Si vous ne l'avez pas et ne la trouvez pas sur la Toile, je peux la copier)

Et merci pour les quelques portraits dessinés de Rimbaud, chère Isabelle !  bonjour





Pour finir sur Claudel et Rimbaud (provisoirement, je l'espère !), quelles que soient les fausses pistes tenues pour vraies, et l'instrumentalisation flagrante de sa tentative démonstratrice, ceci est remarquablement bien vu de la part de Claudel:
Claudel, via ArturoBandini a écrit:
« Je vécus, étincelle d’or, de la lumière nature ! De joie, je prenais une expression bouffonne et égarée au possible. » Une ou deux fois, la note, d’une pureté édénique, d’une douceur infinie, d’une déchirante tristesse, se fait entendre aux oreilles d’un monde abject et abruti, dans le fracas d’une littérature grossière. Et cela suffit. « J’ai brassé mon sang. Mon devoir m’est remis. » Il a fini de parler. On ne confie pas de secrets à un cœur descellé.

Quant à ceci, c'est tout bonnement exceptionnel, et je n'ai pas fini de le méditer/analyser, j'annonce que ça me prendra du temps:
Claudel, via ArturoBandini a écrit:
Rimbaud a essayé de nous faire comprendre « la méthode » de cet art nouveau qu’il inaugure et qui est vraiment une alchimie, une espèce de transmutation, une décantation spirituelle des éléments de ce monde.

Dans ce besoin de s’évader qui ne le lâche qu’à la mort, dans ce désir de « voir » qui tout enfant lui faisait écraser son oeil avec son poing (Les Poètes de sept ans), il y a bien autre chose que la vague nostalgie romantique.
« La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde. » Ce n’est pas de fuir qu’il s’agit, mais de trouver : « le lieu et la formule », « l’Éden » ; de reconquérir notre état primitif de « Fils du Soleil ». – Le matin, quand l’homme et ses souvenirs ne se sont pas réveillés en même temps, ou bien encore au cours d’une longue journée de marche sur les routes, entre l’âme et le corps assujetti à un desport rythmique se produit une solution de continuité ; une espèce d’hypnose « ouverte » s’établit, un état de réceptivité pure fort singulier.

Le langage en nous prend une valeur moins d’expression que de signe ; les mots fortuits qui montent à la surface de l’esprit, le refrain, l’obsession d’une phrase continuelle forment une espèce d’incantation qui finit par coaguler la conscience, cependant que notre miroir intime est laissé, par rapport aux choses du dehors, dans un état de sensibilité presque matérielle. Leur ombre se projette directement sur notre imagination et vire sur son iridescence. Nous sommes mis en communication.

C’est ce double état du marcheur que traduisent les Illuminations : d’une part les petits vers qui ressemblent à une ronde d’enfants et aux paroles d’un libretto, de l’autre les images désordonnées qui substituent à l’élaboration grammaticale, ainsi qu’à la logique extérieure, une espèce d’accouplement direct et métaphorique. « Je devins un opéra fabuleux. » Le poète trouve expression non plus en cherchant les mots, mais au contraire en se mettant dans un état de silence et en faisant passer sur lui la nature, les espèces sensibles « qui accrochent et tirent ». Le monde et lui-même se découvrent l’un par l’autre.

Chez ce puissant imaginatif, le mot « comme » disparaissant, l’hallucination s’installe et les deux termes de la métaphore lui paraissent presque avoir le même degré de réalité.

Le sujet "conversion" c'est aussi celui du vaste combo transcendance religieuse/Foi/spiritualité/église/Rimbaud; si, vraiment, il fallait en dire quelques mots, quitte à me poser en défonceur de portes ouvertes, je dirais qu'il me semble partir d'un théisme anti-clérical (ce qui était, dans nos contrées, bien plus répandu au XIXème qu'aujourd'hui où c'est plutôt une rareté).
Qu'il est doté de grandes, de solides connaissances théologiques, bibliques et liturgiques chrétiennes, avec, ça va de soi, des approches plus spécifiquement catholiques.

Il faut bien sûr ajouter à cela sa connaissance très en pointe du Coran.

Et se garder d'oublier celle, très mal connue alors et je vous laisse vérifier si elle l'est davantage ou à peine moins aujourd'hui, de la Tradition Orthodoxe Ethiopienne, remarquable cas d'Eglise autocéphale isolée du reste de la chrétienté pendant plus d'un millénaire...
Il devait être un des seuls Européens à avoir suffisamment de connaissances, tant linguistiques que liens de confiance, pour en appréhender autre chose que des banalités et des évidences qui sautent aux yeux.

Ajoutons qu'en tant que proche de Ménélik II et de l'Aboune il était aux premières loges (puisqu'il était à Harar lorsque Ménélik a combattu puis chassé les égyptiens) lors de la "restauration", et donc l'usage de cette langue, ainsi que, peut-être, la connaissance cette écriture liturgique Guèze, que l'on dit une des plus difficile et sophistiquée du monde (?) n'ont pas dû lui échapper (ou, au moins, n'ont pas dû manquer d'intéresser au plus haut point cet amateur avide, génial et curieux).

Avec quel résultat tout cela, sur son approche spirituelle ou de Foi ?
Nous l'ignorons, bien que nous puissions soupçonner en Rimbaud un bien passionnant et multiple spécialiste.  

Pour conclure ce long message, plutôt elliptique !:

Sur le point de la question initiale d'Arturo, (qui me semble, au final, pas si important que ça, voire plus que très secondaire à l'échelle du phénomène Rimbaud), permettez-moi une pirouette de sortie m'autorisant à ne pas m'en mêler outre mesure après ces quelques éléments, en affirmant qu'après tout, ceci est une affaire entre Dieu et Rimbaud, qui sont assez grands l'un et l'autre pour régler ça entre eux  Laughing !
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 11 Aoû 2015 - 7:28

tiens tiens Borges peut servir à ça aussi !

(va ptet falloir que je jette un œil à Rimbaud un jour)
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 11 Aoû 2015 - 7:45

Ah Sigismond, je savais que tu nous préparais un pavé! bonjour dentsblanches
Je vais lire ça avec plaisir quand je serai mieux réveillé.
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 11 Aoû 2015 - 11:04

Merci pour ce morceau d'anthologie Sigismond !
Je n'ose en dire plus en raison de mon passif en jeux de mots approximatifs et commentaires nébuleux et pourtant obscurs qui ne pourraient au final que dévaloriser ta contribution.

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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyMar 11 Aoû 2015 - 13:53

Sigismond, je te réponds pour l'instant au premier message, l'autre il faut que je le digère! content

C'est vrai qu'il y a un côté iceberg sur certains fils, qui font plus compilation de poèmes qu'autre chose.
Mais... En même temps, si le membre a pris le soin de partager un texte, sans doute que c'est quelque chose qui lui plaît/parle... Et il n'est pas forcément en mesure de dire pourquoi, d'expliquer l'indicible.
J'ai personnellement du mal à commenter des poèmes, d'une part de peur d'ânnoner des banalités, et d'autre part je suis parfois incapable d'expliquer concrètement pourquoi je suis sensible à un type de poésie.

A l'avenir, je mettrai au moins un bisou alors! bisous rire
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyJeu 13 Aoû 2015 - 5:17

Je m'aperçois qu'il y a une donnée majeure que j'ai omis de signaler à propos du rapport qu'entretient Claudel à la poésie de Rimbaud; ceci dit, elle est sans doute sue de la plupart des Parfumés:
Claudel lit les Illuminations en 1886, soit à la date de parution, plutôt confidentielle du reste (et donc du vivant de Rimbaud).
Et, à cette lecture, Claudel retrouve la foi, bascule définitivement dans le catholicisme...

Ici vous trouverez une lettre très antérieure (1871), dite du Voyant, de Rimbaud à son ami le poète Paul Demeny.

Cette lettre est la plus célèbre d'entre toutes les lettres d'Arthur. Elle contient trois poèmes très notoires (Chant de guerre parisien, Mes petites amoureuses, Accroupissements). Le fameux "Je est un autre", une des citations de Rimbaud les plus connues et commentées, en provient aussi.

Outre la conservation de cette lettre, nous devons beaucoup à Paul Demeny: si ses propres vers sont oubliés, il est passé à la postérité pour avoir gardé un exemplaire d'Une saison en enfer, sans cela cette œuvre, cruciale, véritable déflagration, ne nous serais jamais parvenue:
En effet Rimbaud a brûlé tous les autres exemplaires, mais Demeny a conservé celui qu'Arthur lui avait envoyé, malgré les injonctions de Rimbaud, et ne tenant pas la promesse qu'il lui avait faite de le détruire !
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MessageSujet: Re: Arthur Rimbaud   Arthur Rimbaud - Page 5 EmptyJeu 13 Aoû 2015 - 11:40

Très intéressant !
Sigismond a écrit:
Je m'aperçois qu'il y a une donnée majeure que j'ai omis de signaler à propos du rapport qu'entretient Claudel à la poésie de Rimbaud; ceci dit, elle est sans doute sue de la plupart des Parfumés:
J'en déduis donc : je ne savais pas donc je pue !
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