| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
|
| Le Manuscrit trouvé à Saragosse | |
| | Auteur | Message |
---|
K Main aguerrie
Messages : 352 Inscription le : 30/11/2007 Age : 51 Localisation : Belgique
| Sujet: Le Manuscrit trouvé à Saragosse Jeu 26 Juin 2008 - 14:22 | |
| Le Manuscrit trouvé à Saragossede Wojciech Has (1965) Je n'avais pas encore eu l'occasion de découvrir ce classique (ce chef-d'oeuvre !) de l'histoire du cinéma. Une lacune dont je viens de mesurer toute l'étendue cette semaine. Le film du cinéaste polonais Wojciech Has, sorti en 1965, est l'adaptation de l'énorme roman à tiroirs de son compatriote Jan Potocki, Le Manuscrit trouvé à Saragosse datant de 1797 (pour la première version du moins). Cet chef-d'oeuvre de la littérature du XVIIIè siècle - écrit directement en français - mélange allègrement tous les genres connus à l'époque : aventure picaresque, fantastique, gothisme, contes philosophiques, libertinage, vaudeville, histoires de brigand, et bien d'autres. En tout, plus de cent histoires différentes qui s'entremêlent autour d'un fil conducteur : les errances d'un jeune capitaine au service du Roi d'Espagne dans l'étrange contrée montagneuse de la Sierra Morena. Le foisonnement du roman permet de le comparer aux Milles et Une Nuits ou au Décameron de Boccace, dont il partage l'envergure et le souci de raconter une multitude d'histoires édifiantes. Bref, un monument de la littérature. Mais venons-en au film de Has, puisque nous sommes dans la rubrique cinéma. Le film représentait déjà une tâche dantesque comme on peut s'en rendre compte après cette (petite) présentation du roman de Potocki, qu'on l'ai lu ou non. D'un matériau à la fois consistant (voir indigeste) et à la structure complexe où il était facile de se perdre, Has a apparement su trouver le meilleur chemin pour garder l'essentiel de l'oeuvre écrite, ramenant ainsi son film à une durée raisonnable de trois heures. Il n'en fallait pas moins pour raconter les aventures d'Alphonse Von Worden aux prises avec tant de féeries et de maléfices. L'histoire se présente en fait comme un récit initiatique où, perdu entre rêve et réalité (de fait, le spectateur comme le héros ne sait jamais très bien où s'arrête l'un et où commence l'autre), Von Worden devra subir une série d'épeuves mais aussi tirer profit des enseignements que recèlent les récits, enchâssés comme des poupées russes, que lui racontent les divers personnages qu'il croise tout au long d'un périple qui n'est pas tant géographique - le jeune homme semble tourner en rond durant tout le film - que mental, fantasmagorique. La fascination du film de Has tient autant de sa structure labyrinthique que de ses images à la beauté vénéneuse où nous passons, au détour d'un couloir, de l'intérieur rustique et rudimentaire d'une vieille auberge abandonnée à celui de la chambre d'un palais mauresque où attendent de lascives princesses, pour ensuite nous envoyer au pied d'un sinistre gibet où gigotent deux pendus. Et ainsi de suite... C'est que Le Manuscrit trouvé à Saragosse se joue de l'espace comme de la temporalité, avec l'effronterie propre aux rêves, superbement indifférent à devoir rendre des comptes à une réalité/rationnalité dont il n'a que faire. Pour autant - car ce film décidémment bien insolent cultive aussi le paradoxe - il ne faudrait pas y voir un fatras de visions sans queue ni tête destiné à épater l'amateur de grossiers artifices. Comme je l'ai déjà dit, tout ce tourbillon d'images et d'histoires oniriques ou plus triviales (il n'y a pas ici de contradiction entre les deux) est la substance d'un cheminement qui, s'il emprunte des voies détournées, n'en reste pas moins riche de sens et même d'une (certaine) logique. De ce point de vue, Le Manuscrit trouvé à Saragosse serait très proche de l'ésotérisme (on y trouve d'ailleurs un personnage de cabaliste), s'il n'avait aussi à coeur d'ironiser sur cette discipline trop pompeuse et de lui apprendre l'humilité en la faisant voisiner avec le vaudeville, voir la farce (voir à ce sujet les récits de toute la seconde partie). Quand un film conjugue tant d'intelligence, d'humour, d'émerveillement, de lucidité, de verve stylistique, que dire d'autre sinon qu'il s'agit d'une oeuvre-somme mais réalisée pourtant avec une telle absence de prétention, une légèreté de bon aloi, qu'elle ne peut que susciter la sympathie autant que l'admiration. J'ajouterai pu ajouter que l'histoire du film de Has - tout comme celle du manuscrit de Potocki - (une version tronquée de 152 minutes à l'époque de sa sortie, puis de 120 minutes rebaptisée Adventures of the Nobleman dont on peut imaginer le triste résultat issu d'un tel charcutage, avant qu'un certain Martin Scorcese - grand admirateur du film - ne parviennent à en restituer la version intégrale présentée dans le DVD) a des allures de saga. Mais c'est une autre histoire (une de plus !) | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Le Manuscrit trouvé à Saragosse Jeu 26 Juin 2008 - 15:58 | |
| Je n'ai encore jamais eu l'occassion de voir ce film... Merci d'en parler ici. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Le Manuscrit trouvé à Saragosse Jeu 26 Juin 2008 - 17:16 | |
| Cela fait une éternité que je veux voir ce film, j'aime beaucoup le roman, il est disponible à la médiathèque, je veux absolument profiter des vacances pour le voir cet été. Merci pour ce fil. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Le manuscrit trouvé à Saragosse Jeu 26 Juin 2008 - 17:30 | |
| Le livre est un grand livre, à mutiples dimensions, multiples facettes. A la fois érudit et très agréable à lire. Il faut éviter l'édition de poche cheez Folio, qui est une escroquerie, la traductrice se permettant de dire ce qu'elle avait jugé nécessaire de garder et d'écarter. PS. Je n'ai pas vu le film non plus... | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Le Manuscrit trouvé à Saragosse Dim 13 Juil 2008 - 19:36 | |
| Je viens de visionner ce film, et je n'ai pas été deçue. Comme le dit très justement K, Has a réussi à tirer du livre d'une façon très judicieuse les élèments pour constituer une oeuvre cohérente. Chaque détail est particulièrement soigné, que ce soit décors, costumes, images splendides, jeu des acteurs absolument parfait, et dialogues étincelant. Un très beau voyage dans le pays de l'imaginaire, une féerie quelque peu diabolique et véneneuse, mais tellement délectable.
Tout cela me donne furieusement envie de relire le livre.... | |
| | | Burlybunch Agilité postale
Messages : 870 Inscription le : 29/09/2007 Localisation : Ci et là
| Sujet: Re: Le Manuscrit trouvé à Saragosse Lun 15 Fév 2010 - 18:03 | |
| Le Noeud Couland ( Pętla, 105 mn, 1957) Le noeud coulant est le premier long métrage réalisé par Wojciech Has. Le film s'ouvre sur la chambre de Kuba Kowalski un matin à huit heure. On ne sait pas encore qui il est, et ne le découvrons que confusément à travers les quelques minces détails auxquels le metteur en scène nous laisse nous accrocher, la décoration d'une chambre/atelier, les bribes de conversations abrégées etc.. Au fond, à huit heures, ce matin, Kuba Kowalski n'a plus rien en propre, plus d'identité. Il est alcoolique. Mais ce matin sera le dernier qu'il vivra ainsi. A huit heures arrive sa fiancée, Krystyna. Elle n'en peut plus, ne supporte plus ce qu'il est devenu. A 18 heures ce soir, il l'accompagnera à l'hôpital et commencera un traitement, basé autour de ces fameuses pillules, les antabus. Krystyna s'en va - Kuba a devant lui une dizaine d'heure à l'attendre, d'un côté résolu et fier de cette décision, de l'autre appeuré à l'idée de passer ces dix heures seul. Il quitte donc sa chambre et descend en ville... A huit heure le lendemain matin, Krystyna reviendra une dernière fois. Film magistral, au propos assez simple, mais porté par un regard d'une noirceur et d'une force bouleversantes. Un jeu très fin sur le temps, l'identité et le regard, le regard froid et catégorique de la ville sur l'individu rongé par 10 ans d'addiction, le regard humaniste de la caméra - tantôt l'intime capture d'un regard, d'une détresse, tantôt plus pudique, détournant l'indiscrétion par des jeux de miroirs. Je le redis, ce premier pas est magistral, et d'un ton si différent de celui du Manuscrit (1965) ou de la Clepsydre (1973) - deux seuls films de Has que je connaissais à ce jour. J'aimerais encore vous donner l'envie d'aller vous perdre dans la Clepsydre, adaptation du Sanatorium... de Schulz, mais n'ai pas de mots. C'est symboliquement inépuisable et visuellement unique (seulement pour se situer, le parti pris est à deux pas du Satyricon de Fellini et du Stalker de Tarkovski). Quelques mots en plus ici: Culture.pl | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Le Manuscrit trouvé à Saragosse | |
| |
| | | | Le Manuscrit trouvé à Saragosse | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|