Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Alexandre Soljenitsyne [Russie]

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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyDim 17 Aoû 2008 - 15:28

Goulag
par Tomasz Kizny
Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 A_w06n10
(Balland, 2003, 495 p., -co-éditeurs : Acropole et Géo)
Citation :
550 photographies - d'archives ou contemporaines - exceptionnelles, constituant un nouveau témoignage irréfutable sur les atrocités du goulag, des îles Solovki à la Kolyma en passant par le chantier du Belomorkanal.

Outre de nombreux documents photographiques d'archives portant témoignage de la vie dans les camps de 1923 aux années 1960, Tomasz Kizny apporte ses propres photographies, posant sur ces sites désormais en ruines et sur leurs populations hétéroclites un regard d'une étonnante profondeur et d'une rare humanité. Il a également rassemblé, dans une vaste collection, des documents historiques d'origines diverses, provenant d'anciens détenus ou administrateurs du Goulag, d'archives privées, mais aussi d'archives conservées par les administrations de l'ex-Union soviétique.>Bibliomonde
J'ai eu l'occasion il y a peu de feuilleter les pages de ce "beau livre" qui se présente tel un album photographique; riche iconographie, documents d'une grande émotion. Je me demande d'ailleurs s'il ne s'agit pas du document rassemblant le plus d'archives sur le système concentrationnaire soviétique.
J'ai été stupéfaite d'y voir une carte de l'Union soviétique marquée des différents points de détention depuis l'Ouest jusqu'à l'Est. J'avais toujours imaginé "Le" goulag, tel un lieu unique, situé aux fins fonds de l'étendue sibérienne.
Je ne parviens pas à trouver une carte équivalente en ligne.
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyDim 15 Mai 2011 - 18:18

Le pavillon des cancéreux (1968) d’Alexandre Soljenitsyne

Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 XY240

Ce livre tiré de l’expérience de Soljenitsyne est en partie autobiographique. Au début de la déstalinisation, en 1955, Soljenitsyne est exilé au Kazakhstan après huit ans de goulag et il apprend qu’il est atteint d’un cancer, dont il se remettra miraculeusement.
Dix ans plus tard, Soljenitsyne commence à rédiger Le pavillon des cancéreux dans lequel il relate son expérience à travers un éventail de personnages issus de milieux variés et aux conditions sociales différentes, afin de de peindre le tableau social de ces années de la déstalinisation.

Sur 700 pages, sans aucun parti pris, Soljenitsyne nous laisse le temps de nous attacher aux personnages et de nous faire les spectateurs des débats idéologiques entre communistes chevronnés et victimes des goulags, entre l’infirmière totalement dévouée à son métier et celle, plus naïve, qui écoute son cœur avant de se tourner vers les rudiments de son apprentissage en médecine.

Cette foule bigarrée se retrouve finalement dans le pavillon des cancéreux, où toute trace de différence est abolie. Ici, chacun est empêtré dans une situation identique : la lutte contre le cancer. La vie ralentit, rythmée seulement par les séances de radiation, les rendez-vous avec les médecins, les visites des proches et les discussions avec les autres malades.

« Il avait fallu la petite boule dure d’une tumeur inattendue, insensée, parfaitement inutile, pour qu’on l’entraînât ici, comme un poisson à l’hameçon, et qu’on le jetât sur ce lit de fer étroit, pitoyable avec sa toile métallique grinçante et son matelas efflanqué. Il lui avait suffi de se changer, sous l’escalier, de dire adieu à sa femme et à son fils, et de monter dans cette chambre pour que toute sa vie d’avant, harmonieuse, réfléchie, se fermât, comme une porte qui claque, supplantée brusquement par une autre vie, si abominable qu’elle lui faisait plus peur encore que sa tumeur même. Il ne lui était plus loisible désormais de poser les yeux sur quoi que ce fût d’agréable, d’apaisant ; il lui fallait contempler huit malheureux, devenus ses égaux, semble-t-il, huit malades en pyjamas blancs et roses déjà passablement défraîchis et usés, rapiécés ici, déchirés là, trop petits pour l’un, trop grands pour l’autre. »

Ce livre me parle tout particulièrement, puisqu’il relate l’expérience de l’enfermement, sans jamais tomber dans la facilité de l’apitoiement ou dans le bonheur naïf d’une promesse de guérison inéluctable.

« Cet automne-là, j’ai appris que l’homme peut franchir le trait qui le sépare de la mort tout en restant dans un corps encore vivant. Il y a encore en vous, quelque part, du sang qui coule mais, psychologiquement, vous êtes déjà passé par la préparation qui précède la mort et vous avez déjà vécu la mort elle-même. Tout ce que vous voyez autour de vous, vous le voyez déjà comme depuis la tombe, sans passion, et vous avez beau ne pas vous mettre au nombre des chrétiens, et même parfois vous situer à l’opposé, voilà que vous vous apercevez tout à coup que vous avez bel et bien pardonné à ceux qui vous avaient offensé et que vous n’avez plus de haine pour ceux qui vous ont persécuté. Tout vous est devenu égal, voilà tout ; il n’y a plus en vous d’élan pour réparer quoi que ce soit ; vous n’avez aucun regret. Je dirai même que l’on est dans un état d’équilibre, un état naturel, comme les arbres, comme les pierres. Maintenant, on m’a tiré de cet état, mais je ne sais pas si je dois m’en réjouir ou non. Toutes les passions vont revenir, les mauvaises comme les bonnes. »

« Rabinovitch était un malade qui venait à la consultation ; il en était au moins à sa deux centième séance ; chacune d’elle lui était pénible et il sentait que chaque dizaine d’irradiations le rapprochait moins de la guérison que de la mort. Là où il vivait, dans son appartement, dans sa maison, dans sa ville, personne ne le comprenait : tous ces gens bien portants couraient du matin au soir, pensant Dieu sait quels succès ou à quels échecs, qui leur paraissaient très importants. Même sa famille en avait assez de lui. Il n’y avait qu’ici, sur le petit perron du dispensaire anticancéreux qu’on l’écoutât pendant des heures et que l’on compatît à son sort ; chaque malade en effet comprenait ce que cela veut dire lorsque le trigone souple du cartilage thyroïdal s’est complètement durci et que tous les endroits irradiés portent des cicatrices considérablement épaissies… »

Soljenitsyne nous permet d’effectuer une formidable traversée de la psychologie de chacun de ses personnages. Leurs sentiments et leurs contradictions sont analysés avec une acuité perçante. Soljenitsyne fait preuve d’une humanité remarquable et ne dévalorise jamais ses personnages, leurs travers, vices et mensonges étant toujours les conséquences regrettables d’une lutte qu’ils n’arrivent pas à mener dans l’objectif de donner un sens à leur vie. Malgré tout ce qui leur tombe sur les épaules, malgré le sentiment d’immense injustice que peut leur inspirer cette succession d’évènements nauséabonds qui a formé leur vie depuis leur naissance jusqu’à l’éclosion de leur cancer, l’espoir n’est jamais bien loin, et ce message est d’autant plus fort qu’il jaillit au cœur de ce lieu morbide qu’est le pavillon des cancéreux.

« Ce n’est pas le niveau de vie qui fait le bonheur des hommes mais bien la liaison des cœurs et notre point de vue sur notre vie. Or l’un et l’autre sont toujours en notre pouvoir, et l’homme est toujours heureux s’il le veut, et personne ne peut l’en empêcher. »

« Eh bien, voilà ce que c’est que le socialisme moral : ne pas lancer les hommes à la poursuite du bonheur car le bonheur c’est encore une idole du commerce, mais leur proposer comme but la bienveillance mutuelle. Heureux, l’animal qui déchiquette sa proie l’est aussi, tandis qu’il n’y a que les hommes qui puissent être bienveillants les uns envers les autres. Et c’est là ce que l’homme peut viser de plus haut. »

L’espoir, chez Kostoglotov par exemple, se cristallise entièrement dans la journée qui lui permettra enfin de retrouver sa liberté, à l’extérieur de la clinique. Après un moment d’ivresse, Kostoglotov redécouvre la réalité du monde extérieur, tel qu’il l’avait abandonné, et toute l’absurdité de son existence, ni meilleure dans la maladie, ni meilleure dans la bonne santé, se révèle à lui.

« Les poules ont beau savoir que chacune d’elles aura le couteau en travers de la gorge, elles n’en continuent pas moins à glousser et à grattouiller pour trouver leur nourriture. Et on peut bien en prendre une pour l’égorger, ça n’empêchera pas les autres de grattouiller. »

Une pensée de Soljenitsyne qui s’applique admirablement au contenu du Pavillon des cancéreux :

Citation :
« C’est terrible à penser, mais alors toutes nos vies sacrifiées, nos vies boiteuses, et toutes ces explosions de nos désaccords, les gémissements des fusillés et les larmes des épouses –est-ce que tout cela aussi sera oublié tout à fait ? est-ce que tout cela aussi donnera la même beauté éternelle et achevée ? »
Alexandre Soljenitsyne dans Etudes et Histoires minuscules

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MessageSujet: La maison de Matriona   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyVen 3 Juin 2011 - 14:23

La maison de Matriona

Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 Maison11 - Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 97822210
(ed. Julliard) (ed. pavillons poche)

Trois nouvelles sont réunies dans ce recueil.
Trois nouvelles qui plongent dans le monde russe pendant la guerre, ou juste après, ou entre deux. Mais, en tout cas, avec toujours cette présence constante de la mort, de la disparition, de la pauvreté, du patriotisme (mis à mal, souvent).

Il fait froid, gris, humide dans ces nouvelles. Il y a de grandes injustices, et une confrontation au système administratif qui pourrait remettre en question tout le système national, s'il n'y avait cette pression constante du pouvoir, cette peur de passer pour traitre face à l'envie de crier son malheur.

Les personnages sont tous forts et faibles en même temps. Prisonniers de leur peur, inquiétés par la masse populaire, et osant "râler", aller contre, s'imposer. Et surtout : survivant malgré tout.

Dans la maison de Matriona : c'est un jeune professeur qui s'installe chez une vieille femme. Son mari a disparu à la guerre. Elle vit dans une grande pauvreté, mais trouve toujours de l'énergie pour aider les membres de sa famille, ou ses amis. Seulement... le peu qu'elle a, on veut lui prendre. Comme une sorte de malédiction, qu'elle va affronter silencieusement, fatalement.


Dans L'inconnu de Krétchétovka : c'est un soldat, affecté à la régulation du trafic des chemins de fer militaires, qui se morfond dans son coin, rêvant de servir sa patrie, d'aller au front pour lutter contre les allemands.
Il essaye de vivre selon des principes moraux strictes, mais le monde extérieur met à mal son intégrité. Et exploite aussi sa bonté.
Mais lorsqu'il sera confronté à un vrai problème, il saura prendre les choses en main... avec toutes les conséquences psychologiques de culpabilité que ça fait naître.

Dans Pour le bien de la cause : Un établissement scolaire technique est trop petit, et trop délabré pour accueillir comme il faut tous ses étudiants. Quelques fonds débloqués ne suffisent pas pour construire un nouveau bâtiment, du coup, ils se mettent tous au travail : après quelques longs mois, les étudiants et les professeurs parviennent alors à créer un lieu où ils pourront travailler correctement.
Seulement, le jour où ils attendent le dernier papier leur donnant accès à leur nouvel établissement, ils apprennent que celui-ci est offert à un organisme de recherche mystérieux.


Soljenitsyne parvient toujours à donner une épaisseur à laquelle on ne s'attendait pas forcément à ses personnages. Ils semblent, au début, suivre le cours des choses, ne pas s'offusquer ou se rebeller. Suivre le règlement. Et puis, il y a des failles, un passé, quelque chose qui les a déjà meurtrit une fois, et leur a peut-être aussi donné la force de réagir aujourd'hui.
Et on les suit, avec une empathie réelle. On aimerait qu'ils se sortent des magouilles du système.
Soljenitsyne pose en quelques pages une critique piquante du système communiste.
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyMer 8 Juin 2011 - 13:20

Petit extrait de La maison de Matriona

Citation :
"Je n'arrive pas à comprendre, Matriona Vassiliévna, quel lien de parenté a cet Anton avec vous ?
- C'est le fils de mon beau-père", répondit assez sèchement Matriona et elle s'en fut traire sa chèvre.
A la réflexion, je compris que ce vieillard noir si obstiné était le propre frère de son mari disparu à la guerre.
Et la longue soirée s'acheva, Matriona ne revenait plus à cette conversation. Ce n'est que tard le soir, alors que le vieil homme m'était complètement sorti de la tête et que je travaillais dans le silence de l'izba, troublé par le seul froufrou des cafards et le tic-tac de la pendule, que Matriona dit soudain de son coin sombre :
"Autrefois, Ignatitch, j'ai bien failli l'épouser."
J'avais oublié jusqu'à l'existence de Matriona, sa présence, je ne l'entendais pas, mais elle dit cela dans le noir avec tant d'émotion qu'on eût cru que ce vieil homme la poursuivait encore de ses assiduités.
Il était visible que toute la soirée n'avait pas pensé à autre chose.
Elle s'était levée de son pauvre lit de chiffons et venait lentement à moi comme si elle suivait ses paroles. Je me rejetai sur le dossier de ma chaise et pour la première fois je vis Matriona d'une toute autre manière.
Il n'y avait pas de lampe au plafond de notre grande pièce envahie de ficus comme d'une forêt. Le cercle de lumière de ma lampe de bureau ne tombait que sur les cahiers, et il y avait dans toute la salle, lorsque mes yeux se détachaient de la lumière, une sorte de pénombre rosée.
"C'est lui d'abord qui m'avait fait la cour... avant Efime... Lui, c'est l'aîné... J'avais dix-neuf ans, Faddéï, vingt-trois... C'est dans cette maison-ci qu'ils habitaient alors. C'était leur maison. C'est leur père qui l'avait construite."
Malgré moi, je regardai alentour. Tout à coup, cette vieille maison grise, pourrissante, à travers la peau vert blême de ses tapisseries sous lesquelles couraient des souris, m'apparut toute neuve, avec ses rondins rabotés qui n'avaient pas encore eu le temps de noircir et répandaient une joyeuse odeur de résine.
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyMer 29 Juin 2011 - 21:14

Une journée d'Ivan Denissovitch

La publication de l’ouvrage, bien qu’autorisée par le régime, a eu un fort retentissement, et pour cause, Soljenitsyne, y parle du Goulag, le système concentrationnaire où le régime communiste déportait ses opposants de toute sorte.

Ce livre se mérite ; il faut savoir prendre le temps et son temps pour l’apprécier mais surtout pour l’apprivoiser. Ce n’est pas tant le style qui est difficile, que le facteur temps qui serait presque un personnage à lui tout seul ; le lecteur rentre dans une autre dimension ; tout se passe à l’échelle de la journée. Alors forcément, cela laisse le temps aux choses et aux personnages.
En effet, sans être compliqué, Soljénitsyne est fidèle au " style russe ", riche en détails, en petits rien insignifiants qui demande une lecture attentive, une concentration maximum. L’effort vaut la peine. Soljénitsyne avec des mots simples, sobres parvient traduire l’ambiance concentrationnaire du Goulag, des conditions de travail, des difficultés et humiliations en tout genre que les prisonniers subissent.
Ce livre met en évidence le fatalisme, trait de caractère très russe. On ne sent pas de révolte parmi les personnages, seulement que es choses sont comme cela et qu’il faut les accepter comme elles viennent.
Et dans cet univers lourd, difficile, froid, l’humour n’est pas en reste.

« Le travail, c’est comme un bâton, ça a deux bouts ; quand on travaille pour des hommes, on en met un coup ; quand c’est pour des cons, on fait semblant. »

« Une journée de passée. Sans un seul nuage. Presque de bonheur. Des journées comme ça, dans sa peine, il y en avait, d'un bout à l'autre, trois mille six cent cinquante-trois. Les trois de rallonge, c'était la faute aux années bissextiles. »


Soljenitsyne, après avoir été interdit, emprisonné, banni de son pays, a été réhabilité. Désormais son œuvre est étudié des lycéens russes. J’ai hâte de lire d’autres de ses œuvres, avec notamment l’imposant archipel du Goulag.


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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyJeu 30 Juin 2011 - 21:20

J'ai lu ce livre très récemment moi aussi, mais je compte revenir dessus car, comme tu le fais bien remarquer, il faut être totalement disponible pour profiter pleinement de ses propos.
Pour ma part, j'étais dans une période un peu distraite et j'ai loupé quelques passages certainement très importants pour la compréhension globale de l'histoire...

Ton commentaire me motive à me replonger dedans rapidement ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyMer 7 Déc 2011 - 11:40

Une journée d’Ivan Denissovitch (1962)

Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 0-une_10

Après le Pavillon des cancéreux, lourd pavé qui s’attachait à décrire chacun de ses personnages dans le moindre détail de ses pensées, grande a été ma surprise de partager une journée avec Ivan Denissovitch.
Une journée et une centaine de pages devront suffire au lecteur pour s’imprégner de l’univers concentrationnaire des goulags au début des années 1950. A la fresque magnifique et humaine qui s’attardait à détailler les cancéreux du pavillon, ici prévaut l’économie des mots, la distanciation, comme une certaine forme de crainte de l’émotion et du sentiment.
Ivan Denissovitch est projeté sur le devant de la scène sans que nous ne sachions rien de lui, et après une journée passée en sa compagnie, partageant son quotidien de froid glacial, de famine, de fatigue et de maladie, nous n’en saurons toujours pas davantage (ou si peu) sur son passé ni sur ses valeurs, sur tout ce qui aurait pu le concerner en tant qu’être humain fait d’histoires et de sentiments. Est-ce parce que l’individu est écrasé dans le Goulag que Soljenitsyne refuse de lui donner la moindre singularité ? Les seules caractéristiques qui différencient les prisonniers les uns des autres concernent leurs aptitudes à la survie et à la débrouillardise. Rien à voir avec le Pavillon des cancéreux, qui donnait au moins le droit à ses malades de revendiquer leur passé et leurs sentiments.
Pour autant que ce style froid et impersonnel traduise à merveille l’inhumanité des Goulags, il m’a rendu ce livre beaucoup plus difficile d’accès que le Pavillon des cancéreux. On a parfois l’impression de lire le planning d’une journée, et même si cette journée est quelque peu particulière puisqu’elle se déroule dans un Goulag, les efforts requis pour ne pas décrocher sont très importants. Et si je suis restée de marbre sur la durée de ma lecture, j’ai toutefois été surprise de me sentir mal à l’aise en tournant la dernière page. La résignation d’Ivan Denissovitch est telle qu’elle ne laisse aucun espoir à l’humanité. La conclusion de ce livre est d’un pessimisme rare et d’autant plus fort qu’il jaillit d’un style journalistique qui tente a priori de rester parfaitement neutre.

Il faut donc du courage pour entrer dans ce livre, mais il en a fallu certainement davantage à Soljenitsyne pour revenir sur son expérience dans les Goulags. Finalement, le prix à payer pour que tout lecteur puisse s’en imprégner à son tour n’est pas si élevé que ça…

« Choukhov releva la tête et fit : « Oh ! ». Le ciel était d’un pur ! Et le soleil y avait grimpé, presque en haut de sa course. C’était merveilleux comme le travail fait passer le temps. Choukhov l’avait remarqué qui sait des fois : les journées, au camp, ça file sans qu’on s’en aperçoive. C’est le total de la peine qui n’a jamais l’air de bouger, comme si ça n’arrivait pas à raccourcir. »



J'ai trouvé la préface de Jean Cathala très pertinente. Deux extraits:


Citation :
« La parabole politique, pourtant, sautait aux yeux. Cette société concentrationnaire, royaume du vol et de la bêtise, où le service des « Loisirs culturels » a pour fonction de censurer les lettres, et que régissent des lois si « parfaites » qu’elles ne se peuvent pas toujours appliquer, cette société ubuesque où la joie suprême consiste dans un travail qui ne sert à rien et où l’on traite en ennemi son compagnon de chaîne, alors qu’on se sent obscurément solidaire du bourreau, une telle société en évoque irrésistiblement une autre. Et ce chantier de forçats, appelé la « Cité du socialisme », où, avant que de construire, il faut d’abord s’enfermer derrière des barbelés, est symbole si éclatant qu’on se demande même comment cela a pu être imprimé en URSS. En bref, le bagne n’est, pour Soljenitsyne, que le reflet caricatural de la société soviétique, et Choukhov, l’homme du peuple qui a compris l’incarnation d’une majorité silencieuse refusant la société qu’elle subit. »

Citation :
« A première vue, Choukhov semble représenter la solution païenne au problème du salut. Il ne croit guère en Dieu, et son dieu, en tout cas, ne s’occupe pas des affaires humaines. Sans illusions sur les hommes, il n’attend rien de la liberté –l’autre monde d’ici bas-, et l’idée d’un monde de l’au-delà lui paraît ridicule. Son pessimisme est absolu. Mais il a tiré de ces prémisses de désespoir une morale rigoureuse : survivre (marauder des soupes au cuisinier ou rendre des services aux copains, qui le remboursent en nourriture) ; accomplir sa tâcher (maçonner en conscience, même sachant que cela ne sert à rien) ; et, surtout, lutter contre soi-même pour demeurer un homme (ne pas quémander les mégots des « riches », ni « licher » les fonds d’écuelle). Il ne renonce pas : il assume. »

Et n'empêche, ce livre, c'est un traité d'épicurisme ! Ou comment réaliser que les choses les plus simples (se nourrir quand on a faim, se reposer quand est fatigué, se réchauffer quand il fait froid...) sont les meilleures...

"Le poisson, ç’avait beau être surtout de l’arête, la chair, émiettée par trop de cuisson, ne tenant plus guère qu’à la tête et à la queue, Choukhov raclait les carcasses naines, tant qu’il n’y reste plus bribe ni écaille, après quoi il les mastiquait à pleines dents, suçait à refus et recrachait sur la table. Le poisson, n’importe lequel, il n’en laissait jamais rien : ni nageoires, ni queue, et pas même les yeux, du moins quand ils étaient restés à leur place, vu que si, détachés en bouillant, ils nageaient dans l’écuelle, il ne pouvait pas avaler ces grosses boules."

« C’était merveille à n’y pas croire, que rester à ne rien faire de cinq bonnes minutes dans cette pièce si propre, si tranquille, et que la grosse ampoule éclairait si fort. Quand il eût bien regardé les murs (où il n’y avait rien à voir), Choukhov regarda sa veste où le matricule de la poitrine s’effaçait (il faudrait la faire rafraîchir, crainte d’écoper) puis se caressa les joues avec la main que le thermomètre lui laissait libre. »

« Dans les camps, que de fois Choukhov s’était rappelé comme on mangeait, dans le temps, à la campagne, des pommes de terre à pleines poêles, la kacha à même la marmite et, encore plus avant, avant les kolkhozes, de la viande, par tranches entières, et quelles tranches, sans compter le lait, qu’on lampait à s’en faire péter les boyaux du ventre. Or, dans les camps, Choukhov avait compris que c’était mal agir. On aurait dû manger en y pensant, en pensant seulement à ce qu’on mangeait, comme il faisait, en détachant de tous petits morceaux avec ses dents, en se les promenant sous la langue, et en les suçant avec le dedans des joues, de sorte qu’on ne perde rien de ce bon pain noir humide et qui sentait si bon. »

« Maintenant, Choukhov va souper. D’abord, il boit et reboit le liquide. C’est chaud. Ca s’épand par tout le corps (ce que votre dedans palpitait d’attente !) Et c’est d’un bon ! Ca dure juste un clin d’œil, mais c’est pour ce clin d’œil que vit un zek. »
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyVen 16 Déc 2011 - 23:54

Vu un article intéressant dans le New York Books Review sur un nouveau livre publié en anglais de l'auteur russe. Apparemment des nouvelles, jugées par le recenseur dans la plupart "intéressantes" et bonnes, datant de la période américaine, sans faire partie de la Roue Rouge:

"Apricot Jam and Other Stories"

Product Description
This is a brilliant new collection of stories from the Nobel Prize-winning author, available for the first time in English. Written in the years between Solzhenitsyn's return from exile to Russia in 1994, and his death in 2008, they confirm the author's position as not only a visionary political commentator but also as a true literary giant. APRICOT JAM AND OTHER STORIES presents a series of astonishing portraits of a Soviet and Russian life across the twentieth century. In 'The New Generation', a professor promotes a student purely out of good will. Years later, the same professor finds himself arrested and, in a striking twist of fate, his student becomes his interrogator. In 'Nastenka', two young women with the same name lead routine, ordered lives - until the Revolution exacts radical change on them both. Through their unforgettable cast of military commanders, imprisoned activists and displaced families, these stories play out the moral dilemmas and ideological conflicts that defined the century. The most eloquent and acclaimed opponent of government oppression, Solzhenitsyn was awarded the Nobel Prize in Literature in 1970, and his work continues to receive international acclaim.
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyJeu 23 Aoû 2012 - 15:54

Réflexions sur la révolution de Février

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Ce livre est une analyse et une mise en perspective historiques de la révolution russe de février 1917. Soljénitsyne y définit la nature de cette rupture historique, en narre le déroulement, pour ensuite en dégager les causes et le sens. Mais peut-on vraiment utiliser le terme révolution ? L’auteur démontre tout au long de ses réflexions qu’il s’agit en fait plus d’une déliquescence du pouvoir que d’une révolution à proprement parler. Le pouvoir du tsar s’est ainsi évanoui en quelques jours seulement, sous la pression conjointe du mouvement libéral et de l’agitation ouvrière à Petrograd. Et Soljénitsyne de citer Melgounov (journaliste et historien russe du début du XXe siècle) : « Le succès d’une révolution, comme l’a montré toute l’expérience historique, dépend moins de la force de l’explosion que de la faiblesse de la résistance. » Difficile en effet de croire que l’empereur Nicolas II et son frère cadet Alexandrovitch Michel aient accepté d’abdiquer si rapidement, sans opposer de réelle résistance à ce qui n’était, au 1er mars 1917, qu’une rébellion parcellaire et géographiquement très limitée. Soljénitsyne nous explique ici dans quelle mesure les aspirations au changement ont pu balayer si rapidement le régime tsariste, pour être aussitôt rattrapée par l’idéologie soviétique. Victoire présumée d’un réformisme socialo-libéral, la révolution de Février 1917 constitue en fin de compte une simple accélération du temps politique russe, telle une parenthèse qui, en se détournant du l’absolutisme tsariste, annonce presque aussitôt les prémices d’un totalitarisme nouveau. Si Nicolas II n’a jamais su s’entourer de conseillers et de personnes de valeur, le tableau du gouvernement provisoire de février 1917 n’est guère plus reluisant, lui qui réunit politiciens inexpérimentés et opportunistes incompétents. Préoccupés par une guerre qui dure depuis trois ans, les acteurs politiques russes ignorent alors qu’ils seront bientôt touchés par une guerre civile sanglante. Jamais ils n’ont pris en compte les aspirations réelles du peuple, celles de la paysannerie et du prolétariat naissant. Lâché par son haut commandement militaire, le tsar s’est réfugié dans la voie de l’immobilisme, attitude qui sonna le glas de tout espoir de réconciliation nationale.

Réflexions sur la révolution de Février est un livre qui se démarque par la justesse et la profondeur de son analyse historique. Sa lecture requiert un minimum de connaissances sur la situation de la Russie au début du XXe siècle, si tant est qu’on veuille appréhender pleinement l’analyse de l’auteur.
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyDim 14 Avr 2013 - 14:39

La confiture d'abricot et d'autres récits

Neuf nouvelles, de quelques dizaines de pages. Centrées sur des personnages, dans la tourmente de l'histoire. La révolution russe, la seconde guerre mondiale, mais aussi dans certaines les transformations politiques liées à la fin de l'URSS. La plupart du temps l'individu broyé par des mécanismes qui lui échappent.

Une écriture maîtrisée, une grande puissance d'évocation, des thématiques puisées dans le réel le plus brûlant, avec l'art d'en saisir l'essentiel. Une capacité à articuler le collectif, sociologique, historique à l'individuel, au vécu intime. En un mot on retrouve dans ces nouvelles tout ce qui fait le grand art de Soljenitsyne. Après, comme dans tout ensemble de nouvelles, il y en a que l'on trouve supérieures à d'autres. J'avoue avoir été un petit déçue par les trois premières, que j'ai trouvé un peu systématiques, peut être un peu induit par la forme de la nouvelles et sa durée réduite, ne donnant du coup qu'un seul point de vue. Mais ce sentiment de déception s'est vite dissipé avec les nouvelles suivantes, d'autant plus que certaines revenaient à des événements évoqués dans les premières, mais d'un autre point de vue, d'où le retour du plus complexe et nuancé.

Nous avons dans ce livre, un panorama de la société russe pendant presque un siècle, d'une justesse et pertinence exceptionnelles. Et une galerie de personnages universels d'une richesse fabuleuse.
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyDim 8 Sep 2013 - 20:57

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- Une journée d'Ivan Denissovitch (Один день Ивана Денисовича, 1962). Traduction de Jean Cathala. 189 pages 10/18.

Dans sa préface, Jean Cathala explique comment ce texte a pu être publié en URSS, "la seule liberté vraiment respectée en U.R.S.S. étant celle d'interdire." (page 11) Il dit à quel point ce texte a marqué : en effet, les survivants des camps ne parlaient quasiment pas de ce qui leur était arrivé. "De toutes les expériences, en effet, l'expérience concentrationnaire est la moins communicable." (page 11).
"Ivan Dennissovitch déchire d'un coup ces ténèbres. À travers le camp de la steppe kazakhe où Choukhov vit sa journée, c'est la vie de tous les camps qui devient, pour tous, réalité concrète.Parce que l'un d'eux a osé en parler, les réchappés savent qu'il n'y a plus désormais d'innommable. Parce qu'ils sentent que les autres peuvent maintenant comprendre, les langues se délient." (pages 14-15).

Le livre n'est pas écrit comme un règlement de comptes.
"L'auteur y repousse la tentation de l'autobiographie comme celle de la revanche. Le vécu de onze ans de captivité, qui lui a permis de raconter dix-sept heures de la vie d'un captif, il le projette dans un « autrui » fabriqué de toutes pièces : le bagnard Ivan Denissovitch Choukhov, meneur de jeu qui ne garde aucune trace de son créateur, ni par le milieu social, ni par son passé, et dont la vision des choses, les réflexions, la langue même restent, d'un bout à l'autre du livre, sans une seule fausse note, celles d'un paysan de la Russie centrale. Derrière ce truchement, Soljenitsyne disparaît. Totalement. [...]
De surcroît, Soljenitsyne s'est imposé d'éliminer tout ce qui pourrait distraire de l'essentiel. Le cachot qui tue, les évadés qu'on abat, le fouet du lieutenant sadique fourniraient matière à des développements percutants : ils ne sont évoqués que par allusions. L'horreur du camp, telle que l'a conçue l'auteur, c'est un interminable quotidien ; il faut donc retrancher toute horreur, même vraie, qui accroche ; il faut qu'il ne se passe rien dans une journée sans histoire et « presque de bonheur ».
" (page 16)
Pour raconter l'histoire, Soljenitsyne a recouru au skaz "le récit à la troisième personne, mais tout entier conté dans le langage propre au protagoniste". (page 18)

La journée commence.
Citation :
"A cinq heures du matin, comme tous les matins, on sonne le réveil : à coups de marteau contre le rail devant la baraque de l'administration. De l'autre côté du carreau tartiné de deux doigts de glace, ça tintait à peine et s'arrêta vite : par des froids pareils, le surveillant n'avait pas le coeur à carillonner. [...]
Il ne dormait jamais une seconde de trop, Choukhov : toujours debout, sitôt le réveil sonné, ce qui lui donnait une heure et demie de temps devant soi d'ici au rassemblement, du temps à soi, pas à l'administration, et, au camp, qui connaît la vie peut toujours profiter de ce répit : pour coudre à quelqu'un un étui à mitaines dans de la vieille doublure ; pour apporter ses valienki [bottes de feutre] - secs et au lit - à un riche de votre brigade, histoire que le gars n'ait pas à tournailler nu-pieds tant qu'il ne les a point retrouvés dans le tas ; pour trotter d'un magasinier l'autre, voir s'ils n'ont pas besoin d'un coup de main ou de balai [...]" (page 25)
Choukhov ne quémande pas, il tâche de rendre des services. Il ne sera pas perdant.
Il se souvient de la leçon de son premier brigadier :
Citation :
"- Ici, les gars, c'est la loi de la taïga. N'empêche que, même ici, on peut vivre. Ce qui ne fait jamais de vieux os au camp, c'est le licheur d'écuelles, le pilier d'infirmerie et celui qui va moucharder chez le Parrain." (page 26).
Il faut sans cesse faire attention. Il suffit d'un rien, de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, et c'est la corvée, ou bien pire. Là, Choukhov a échappé au pire et ne doit que laver des planchers. Il va chercher de l'eau.
Citation :
"La margelle avait un si beau manteau de glace que le seau se coulait à peine dans le trou, et la corde était raide comme un piquet.
Le seau fumait quand Choukhov rentra au corps de garde. Il ne sentait plus ses mains. Pour les réchauffer, il les plongea dans l'eau froide." (pages 32-33).
On découvre donc la vie quotidienne au camp, l'organisation, les rapports de force, et l'obsession pour la nourriture, la débrouillardise dont il faut faire preuve pour pouvoir manger du solide.
Citation :
"A cause qu'il ne fait pas chaud dans le réfectoire, la plupart mangent le bonnet sur la tête, mais posément, en cherchant, sous les feuilles de chou noir, la bouillie de petits poissons pourrissants dont on recrache les arêtes sur la table. Lorsque ça fait un gros tas et que la brigade suivante va s'attabler, on les balaie d'un revers de sa main, et elles s'en vont craquer sous les bottes.
Mais on ne crache jamais les arêtes directement sur le plancher : c'est malpoli." (page 36).
Citation :
"La soupe ne varie pas d'un jour à l'autre : tout dépend du légume stocké pour l'hiver. L'année d'avant, c'était de la carotte salée, et de septembre à juin, on s'était tapé de la soupe aux carottes. Cette saison, on a du chou noir. Le bon temps pour le ventre, c'est juin : les légumes finis, vous avez du gruau à la place. Le pire, c'est juillet : le hachis d'orties bouilli." (page 37).
Les riches reçoivent des colis de nourriture. Mais il faut donner à tant de monde pour pouvoir en profiter, et obtenir des avantages, comme celui de rester au chaud pendant que les autres travaillent...

Ivan Denissovitch est en camp depuis si longtemps qu'il ne comprend plus les lettres qu'il reçoit : la société soviétique évolue, et lui-même n'a rien à dire...
Citation :
"A l'heure qu'il est, on trouve plus à causer avec Kildigs le Letton qu'avec sa famille." (page 63).
Retrouvons Ivan Denissovitch au travail, avec sa brigade.
Citation :
"À ce moment, on apporta un baquet de neige à fondre pour le mortier, et quelqu'un annonça qu'il était déjà midi.
- Pour sûr, fit Choukhov : le soleil est d'aplomb.
- Si le soleil est d'aplomb, fit le commandant, il n'est pas midi, mais une heure.
Ça épata Choukhov :
- Pourquoi ? Tous les vieux te le diront : c'est à midi que le soleil est à son plus haut.
- Oui, fit le commandant. Mais, depuis, il y a eu un décret ; le soleil, maintenant, atteint sa hauteur maximum à une heure.
- Pas possible ? De qui qu'il est ce décret ?
- Du pouvoir soviétique." (page 85).
On va donc suivre Ivan Denissovitch Choukhov tout le long de sa journée. Il devra faire preuve d'une attention constante, de débrouillardise, toujours bien surveiller ce qui se passe, anticiper.
Il est condamné à dix ans. Mais qui sait si on ne va pas lui rajouter dix ans de rab, une fois arrivé à la fin de sa peine ?
Citation :
"Des journées, comme ça, dans sa peine, il y en avait, d'un bout à l'autre, trois mille six cent cinquante-trois.
Les trois de rallonge, c'était la faute aux années bissextiles." (page 189).
Un livre très fort.


Dernière édition par eXPie le Dim 8 Sep 2013 - 21:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyDim 8 Sep 2013 - 20:57

Quelques photos.

Soljenitsyne avec sa première femme, en 1941 :
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Soljenistyne pendant la guerre :
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Les camps.
En 1946 :
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1953 :
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Après son expulsion d'URSS ; ici avec Heinrich Böll (qui l'a aidé), en 1974 :
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MessageSujet: Re: Alexandre Soljenitsyne [Russie]   Alexandre Soljenitsyne [Russie] - Page 3 EmptyMer 11 Sep 2013 - 20:50

Merci pour ta contribution et les photos.
Ça fait du bien aussi de relire des passages de ce livre.
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