Shirin Neshat

Women without men


Lion d'argent de la meilleure mise en scène à Venise 2009

Site du film: Ici

Ce film est dédié à la mémoire de celles et de ceux qui ont péri dans leur lutte pour la liberté et la démocratie en Iran, de la révolution constitutionnelle de 1906 au mouvement des Verts de 2009.



Le film sort donc 2 ans après sa récompense mais est déjà disponible en DVD (avec sous-titres français). Mon avis est partagé mais je le recommande.



On a d'abord le sentiment de voir s'animer tout le travail photographique que Shirin Neshat développe depuis quelques années en une sorte de synthèse utilisant l'alibi fictionnel du roman de Shahrnush Parsipur. C'est à la fois très beau plastiquement mais à la limite de la surcharge esthétisante et de la déréalisation, donnant le sentiment de contempler un univers hiératique et un peu figé, plus conceptuel que vraiment cinématographique. Cela tient davantage d'un superbe catalogue de photographies. Elle cherche clairement le réalisme magique et la distanciation poétique, et si on accepte ce principe on peut se laisser envoûter par ce récit qui ménage quelques très beaux moments.



Le contexte politique et social est celui du coup d'état de 1953 permettant au Shah d'Iran de renforcer son despotisme au moment du blocus britannique. On assiste aux mouvements civils et à leur répression. Et on accompagne le parcours de 4 femmes enfermées dans la rigidité d'un système social archaïque en mutation. Elles appartiennent à différents milieux sociaux et cherchent l'émancipation et la liberté.



Une jeune prostituée qui s'arrache à sa condition au péril de sa vie, une jeune femme destinée à un mariage arrangé et poussée au suicide (très belle scène d'introduction), une amie de cette jeune femme qui reste attachée à la tradition mais se met à explorer ce qui se passe autour d'elle, un femme de 50 ans mariée à un homme politique qui décide de se séparer en quête d'amour et pour nourrir son goût pour l'art et les cercles de réflexion. Elles se rencontrent, partagent leurs peurs et leur souffrance, et cherchent l'apaisement au contact de la nature (importance de la purification par l'eau d'une rivière ou d'un hammam, l'atmosphère édénique idéalisée d'un verger...).



La musique de Ryuichi Sakamoto est superbe (mélodies au piano ou climats synthétiques planants). On n'est pas très loin de l'atmosphère du film de Deepa Mehta, Water , mais en plus abstrait.

Le résultat est intéressant idéologiquement mais pêche probablement par excès d'une recherche plastique qui fonctionne mieux dans le réalisme magique que dans la description des événements politiques plus conventionnels. Finalement la trame du récit est un peu académique.

En salle ce doit être un plaisir des yeux et il est évidemment à voir malgré ces réserves.

On peut même s'aventurer sur youtube...

Extrait de l'introduction:

Women without Men de Shirin Neshat

Citation :

1953, sur fond de coup d'état iranien orchestré par la CIA, le destin de 4 femmes converge vers un magnifique verger synonyme pour elles d'indépendance, de réconfort et d'amitié.

Connue dans le monde entier pour son travail de photographe et de vidéaste, l'iranienne Shirin Neshat, qui a quitté son pays en 1979, se lance pour la première fois dans le long-métrage de fiction avec Women without Men, Lion d'argent au dernier Festival de Venise. Situé au moment du coup d'état militaire de 1953, le film aborde le thème de la condition féminine dans la société iranienne, sujet plus que jamais d'actualité aujourd'hui. Ce n'est pas pour autant une oeuvre politique, la recherche plastique de la réalisatrice édulcorant cet aspect dans une vision onirique et poétique, symbolisée par un verger qui ressemble à un Eden fantasmé. Sur le plan formel, Women without Men est d'une beauté à couper le souffle, accompagné par la partition musicale éthérée de Ruychi Sakamoto. Les portraits des quatre femmes censées symboliser les différentes générations et classes sociales iraniennes restent malheureusement à l'état d'ébauche et leurs rapports de solidarité face à l'autorité patriarcale n'ont qu'une dimension théorique qui se nourrit d'artifices visuels. Le film est avant tout un voyage pour esthètes, sa volonté d'être une oeuvre engagée est largement moins convaincante.

Tant pis pour les réserves...

Roja, 2012


Shirin Neshat fait partie d'une première exposition de 12 femmes photographes d'Iran et du monde arabe aux Etats-Unis

site du musée