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| Henri Bosco | |
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Auteur | Message |
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Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 11 Juin 2014 - 14:37 | |
| - Églantine a écrit:
- Si Giono réveille en nous l'animalité primitive , Bosco témoigne d'une volonté de canaliser les forces obscures en lui et autour de lui par l'esprit ....
Je partage ton enthousiasme pour cet auteur qui m'emporte à chaque fois. Un internaute sur amazon dit que lorsqu'on est ensorcelé par l'univers de Bosco on a envie de les avoir tous dans sa bibliothèque. Pour moi c'est déjà fait même s'il m'en reste 2 ou 3 à lire (et tous les autres à relire). Un autre internaute à propos de L'âne Culotte qui fera bientôt l'objet de la lecture commune: - Citation :
- En littérature, l'évasion n'est pas toujours à rechercher dans les grands romans exotiques ou les fictions médiévales-fantastiques les plus échevelées. Laissez vous entraîner par Henri Bosco dans l'un de ses cycles, celui de "Hyacinthe", que débute le présent ouvrage : d'un coup, la Provence, le Luberon vous deviennent des contrées mystérieuses, d'où s'élève le pouvoir secret des plantes et des bêtes, que l'auteur décrit avec tant de profondeur et de poésie.
Il est plus qu'urgent de débarrasser Bosco de ces étiquettes de "régionalisme" ou "scolaire/pour enfants" que certains n'ont de cesse de lui accoler. Cet écrivain trop sous-estimé manie les êtres, les songes et les sentiments avec une puissance d'évocation qui n'a rien à envier à un Montherlant au meilleur de ses Bestiaires (ce qui, jugez-en, place la barre bien haut). Emboîtez donc le pas à l'âne étrange, qui vous mènera à travers bois au domaine de son maître, l'homme qui s'est juré de recréer le Paradis sur Terre. | |
| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 11 Juin 2014 - 15:29 | |
| - Marko a écrit:
- Églantine a écrit:
- Si Giono réveille en nous l'animalité primitive , Bosco témoigne d'une volonté de canaliser les forces obscures en lui et autour de lui par l'esprit ....
Je partage ton enthousiasme pour cet auteur qui m'emporte à chaque fois. Un internaute sur amazon dit que lorsqu'on est ensorcelé par l'univers de Bosco on a envie de les avoir tous dans sa bibliothèque. Pour moi c'est déjà fait même s'il m'en reste 2 ou 3 à lire (et tous les autres à relire).
Un autre internaute à propos de L'âne Culotte qui fera bientôt l'objet de la lecture commune:
- Citation :
Il est plus qu'urgent de débarrasser Bosco de ces étiquettes de "régionalisme" ou "scolaire/pour enfants" que certains n'ont de cesse de lui accoler. Cet écrivain trop sous-estimé manie les êtres, les songes et les sentiments avec une puissance d'évocation qui n'a rien à envier à un Montherlant au meilleur de ses Bestiaires (ce qui, jugez-en, place la barre bien haut).
Oui il est déjà bien évident que je veux TOUS les avoir ! Cet écrivain me colle un peu à la peau en quelque sorte .....J'avais ressenti ça avec un autre écrivain MARLEN HAUSHOFER . Quant à l'affirmation de cet internaute , je suis complètement d'accord !!! | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 11 Juin 2014 - 16:37 | |
| Je n'arrive même pas à comprendre comment on peut faire lire L'âne Culotte à des enfants tellement ce livre est étrange et complexe. L'animal le plus important n'y est d'ailleurs pas cet âne mais un serpent! | |
| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 11 Juin 2014 - 16:55 | |
| - Marko a écrit:
- Je n'arrive même pas à comprendre comment on peut faire lire L'âne Culotte à des enfants tellement ce livre est étrange et complexe. L'animal le plus important n'y est d'ailleurs pas cet âne mais un serpent!
Hum , j'ai hâte de le lire pour m'enlever encore certains à prioris , tenaces en moi ! Dans Le mas Théotime , ce que j'ai le moins aimé , c'est l'intrigue finalement qui a pris trop d'ampleur à la fin entrainant le lecteur dans une sorte d'impatience à découvrir le dénouement , et cela au détriment d'une qualité de lecture . Son écriture est si belle et riche en réflexion que l'histoire en elle-même n'a que peu d'importance en soi . | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 11 Juin 2014 - 17:57 | |
| Marko n'en dit pas trop sur l'âne culotte laisses nous découvrir (à mon retour) Eglantine m'a déjà convaincu j'ai acheté Le Mas Théotime à un bouquiniste au marché ! allez à plus | |
| | | pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 11 Juin 2014 - 18:03 | |
| - églantine a écrit:
oyez oyez ça marche! Il faut absolument que je lise cet auteur! | |
| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| | | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 9 Juil 2014 - 22:49 | |
| Malicroix 1948 430 pages environ, huit parties inégales en taille (plutôt que chapitres), intitulées à cinq reprises d'un nom propre: Mégremut, 40 pages environ, Dromiols 90 pages environ, La Redousse 50 pages environ, Un Sortilège 40 pages environ, Balandran 45 pages environ, Un nom de cette terre 100 pages environ, Halte 45 pages environ, Malicroix 20 pages environ. Coline en parle magistralement, que commenter en évitant la redite ? - coline a écrit:
- MALICROIX
A quel genre appartient ce récit ?… Henri Bosco dit lui-même que ce n’est pas un roman : « Je n’ai écrit qu’un roman qui est Le Mas Théotime. Tout le reste participe du conte épique. Malicroix par exemple. »
Bon…nous sommes donc dans le conte épique, dans celui dont Henri Bosco a dit : « Je crois que j’ai donné à Malicroix le meilleur de moi-même. »
Un conte…Oui…Mais très éloigné du conte populaire. Un récit poétique chargé de symboles. Une poésie limpide et savoureuse, un conte envoûtant…
Martial Mégremut, à la mort de ses parents, a été élevé par ses oncles et tantes Mégremut. Il mène une vie douce et paisible au sein d’ une grande famille unie qui vit en Provence. Du côté de sa mère, une Malicroix, il connaît l’existence d’un oncle : Cornélius, un homme sauvage, farouche, presque une légende, vivant seul sur une île du Rhône. Un homme que Martial n’a jamais rencontré et sur lequel il rêve en secret.
- Spoiler:
« Son nom et le pays rude où il vivait, cet orgueil dont on le parait involontairement, donnait de la grandeur à sa figure. »
« Je me sentais de son sang par le goût de la solitude. »
« Je m’attendrissais avec les Mégremut[…] Mais resté seul, je redevenais Malicroix avec une sorte d’ivresse clandestine. »
A sa mort, n’ayant d’autre héritier, c’est à Martial que Cornélius lègue ses biens : une île dans le delta du Rhône, une maison sur l’île et un troupeau. Mais pour hériter, Martial doit vivre un temps sur l’île et se soumettre à de rudes épreuves. Trois mois d’automne et d’hiver, au cœur d’une nature impitoyable qu’il méconnaît et redoute. Seulement entouré d’un berger taciturne, Balandran, déjà tout dévoué à son oncle. Au cours de ces trois mois, Martial va découvrir peu à peu qui il est. Son authenticité, dans une fidélité à une double filiation : celle des Mégremut et celle des Malicroix.
« En demeurant ici jusqu’au bout, sans raison que puisse admettre la raison, je saurai bien si oui ou non je suis capable d’être autre que je ne suis, et plus que moi… »
C’est dans la solitude, en affrontant les éléments naturels si forts (le vent, le fleuve, les arbres…) et les hommes auxquels il doit s’opposer, que Martial se lance dans une véritable quête initiatique. Henri Bosco a dit que « le rêve est un instrument d’exploration ». Martial, dans la perception aiguë de ce qui l’entoure et de ce qu’il vit intérieurement, est dans l’attente, tendu mais serein, tous ses sens en éveil. Il est plongé dans une tension intérieure et une rêverie (grâce au feu souvent) qui lui donnent accès à son âme, à la révélation de son destin et de sa force intérieure.
Bosco nous émerveille puis il happe le lecteur en le faisant vivre et ressentir tout autant que le héros. Il y a tension mais il n’y a pas tourmente ( même au moment de l’extraordinaire tempête). Je ne sais comment dire … Le lecteur, même éloigné du héros, fait le chemin avec lui et investit son rôle. On est dans la lecture (et le récit est passionnant !) mais on est aussi dans l’expérience… Un avertissement de l'auteur nous permet de situer, plutôt vaguement, ce récit ( Bosco tient à cette appellation) dans les trois premières décennies du XIXème siècle, ce que quelques menus détails corroborent. Mais en fait, il dégage une grande intemporalité. Il s'agit d'un huis-clos. Un homme jeune (25 ans) arrive pour succéder à son grand'oncle jamais connu (voir la présentation de Coline) dans une île du delta du Rhône, en Camargue. Comme Constantin de L'âne Culotte, il n'a pas été élevé par ses parents, mais par ses grands parents (voir la vie de Bosco...). Ce n'est pas un hasard s'il arrive à la mauvaise saison naissante. Il est amené sur l'île, puis veillé et servi par un berger taciturne et efficace (Balandran), qui servait auparavant son grand'oncle Malicroix, et Balandran et Martial sont les deux seuls personnages du début de l'histoire. Entrent ensuite, quelques temps plus tard, le notaire (Dormiols), flanqué d'un curieux personnage, émanant la fausseté et l'ambigüité, un certain Oncle Rat. Dormiols se positionne assez nettement comme un anti-Malicroix, avec quelque appétit sur les terres, l'île, le troupeau. Il a barre, tant verbale que démonstrative, sur Martial. Mais lui raconte par pans entiers ce qu'il lui manquait pour la compréhension de l'histoire (frisant la légende) des Malicroix des générations juste précédentes. Il fait irruption comme s'il occupait déjà les lieux, avec son lit et tout son nécessaire à dormir, grotesque sans doute, bien que le ridicule ne soit pas traduit par l'ambiance qui règne. Il révèle la teneur du testament, Martial doit ne pas quitter l'île de trois mois pour que la succession lui revienne. Martial rassure le notaire (va habilement dans son sens) en laissant entendre que dans quinze jours il sera reparti... Là commencent de fortes pages, où les éléments naturels (pluie, vent, fleuve, arbres, faune sauvage...) sont décrits non pas lyriquement, mais leur intériorité, je dirais comportementale quitte à vous faire sourire, du moins en ce qui concerne le vent, la pluie, le fleuve... (vous avez des extraits de la tempête postés par Coline en page 5 de ce fil, illustratifs). Et un moment abasourdissant, la neige sur l'île, et le coup de folie de Martial, qui s'avère fondateur d'une relation renouvelée avec Balandran (c'est encore plus inouï, plus fort que la tempête comme passage). On pourrait croire, au début, que l'île est un bateau posé sur le fleuve (hostile, animal, terrifiant, bien sûr très vivant, le fleuve, dans l'esprit de Martial). Et donc qu'il s'embarque pour trois mois de croisière immobile, un rien sans doute ennuyeuse, embedded - c'est le prix à payer pour le testament... Ou encore que cette épreuve est une claustration volontaire, un sale temps de peine à écouler... Mais pas du tout. Tout faux. D'ailleurs Martial dément Marguerite Yourcenar dans sa célèbre affirmation: "On ne peut attendre d'un prisonnier qu'il ne fasse pas le tour de sa geôle". Martial ne se rue pas à la découverte de l'île, qui conserve, jusqu'au bout du dernier chapitre, du moins peut-on le croire, des parties inconnues pour Martial, qu'il n'a pas explorées. C'est donc bien qu'il n'est pas venu vivre une claustration de l'ordre de peine privative de liberté... Cette solitude n'est pas non plus érémitique, puisque l'ermite va au désert, ou en forêt, en montagne, dans des contrées en tous cas peu finies, si ce n'est par les propres "limes", les confins que l'ermite s'impose plus ou moins. Elle serait davantage monastique, avec une Règle, liée à une mystique, et un rituel des lieux ordonnancés, par la force de l'habitude, par Balandran, qui serait non pas le prieur, mais le frère convers subalterne, seul survivant-dépositaire qui connaisse la liturgie des heures... Sauf que cette (piètre) comparaison s'arrête là, restitue certes l'ambiance mystico-tellurique, mais pas du tout le paganisme splendide qui affleure à pleines pages (très antiques sans doute les références, à quelles sources Bosco est-il aller puiser ?). Entre Martial et le berger mutique, qui ne parle que pour la nécessité et jamais pour l'échange, Martial et les lieux, le chien, le feu, le lit, la table (le décor est nu à La Redousse - murs chaulés, du plus simple appareil, un âtre, une table, pas un livre...), on assiste à une nouvelle naissance. Le Mégremut devient-il Malicroix, tout en restant Martial, et comment ? La suite de son séjour est toute intériorité, et je dois dire que l'écriture de Bosco est de première force dans l'exploration intérieure. Des petits riens des propos du héros (c'est écrit au "je" narratif, celui de Martial) qui véhiculent la traduction de la déprise du langage qui était le sien et l'adaptation à celui de Balandran, probablement celui de feu Malicroix. Un tour de maître de Bosco. Et puis, il y a ces sept huttes, qui constituent avec la demeure de La Redousse et un modeste appontement le seul bâti de l'île. Sept huttes disséminées, comme une constellation astrologique. L'accord des différents états par lesquels passe Martial - ses langueurs comme ses joies - tout est tempéré, lissé par le rapport au lieu, prégnant, le fait d'en apprivoiser les codes, d'en apprendre le s'y comporter, le savoir-être (un Malicroix ?). On découvre le clan des éleveurs taurins (les Rambard) et l'opposition vis-à-vis des éleveurs ovins, nobles de surcroît (les Malicroix). Apparaît le personnage du passeur-aveugle, ainsi qu'une jeune fille (qui se fait dénommer Anne-Madeleine...si, comme moi, vous sortez de la lecture de L'âne-culotte...) qui veille sur Martial malade et très faible, et qui veille aussi sur l'île, et sur Balandran, encore plus malade et absent de l'île. Oncle Rat se dévoile. Martial, sur les indications de Balandran, trouve le codicille et s'embarque pour une nouvelle épreuve. A l'occasion d'un séjour printanier, il revoit sa famille, et déjà sa nouvelle vie est inscrite en lui, là encore j'ai admiré l'habileté de Bosco, pour nous avoir fait éprouver ce très intime glissement progressif vers un Martial autre, comme si nous connaissions le Martial "Mégremut" et que nous puissions jauger... Quel art faut-il, pour le faire sonner comme une évidence, en peu de mots... Mais ne dérapons pas; déjà trop dit sur l'histoire elle-même - laissons la fin intacte - on ressent des accents baroques à ce final, confidence (mais ne le répétez pas): victime de quelque hallucination auditive sans doute, j'ai cru entendre jouer Purcell en en tournant les pages ! | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 9 Juil 2014 - 23:25 | |
| - Sigismond a écrit:
On pourrait croire, au début, que l'île est un bateau posé sur le fleuve (hostile, animal, terrifiant, bien sûr très vivant, le fleuve, dans l'esprit de Martial). Et donc qu'il s'embarque pour trois mois de croisière immobile, un rien sans doute ennuyeuse, embedded - c'est le prix à payer pour le testament... Ou encore que cette épreuve est une claustration volontaire, un sale temps de peine à écouler... Il peut être utile de savoir que Malicroix est un hommage revendiqué à l'oeuvre de Joseph Conrad que Bosco admirait énormément. Il l'avait découvert avec sa trilogie "Enfance", "Au coeur des ténèbres " et "Au bout du rouleau". Malicroix étant une transposition très personnelle et libre de ce dernier volet. Voici quelques commentaires qu'il a pu faire à propos de cette influence sur Malicroix. Il n'avait pas l'expérience de la mer de Conrad mais il se trouvait des affinités avec le Rhône qu'il se sentait davantage capable de décrire: - Henri Bosco a écrit:
- Il a beaucoup marqué mon oeuvre. J'ai rêvé d'être le Conrad de la littérature française. Savez-vous que j'ai fait Malicroix à cause de lui?
Je suis un peu compliqué, mais mon livre est simple. Il se lit comme une histoire, comme une aventure. Mais il est rempli de symboles. Seulement, je n'ai pas conçu ces symboles à l'avance. Ils sont sortis au moment où il fallait pour prendre leur place.
C'est une oeuvre qui m'a bouleversé. Il y a la poésie de la mer là-dedans, il y a l'exotique. Il y a la personnalité de Conrad derrière, une personnalité étrange. J'ai toujours aimé la mer. Nous (les Bosco) avons du sel dans le sang. Nous sommes une race qui est née au bord de la mer. Sabinus, c'était Thomas Bosco, dit Bras-de-fer. Il a existé.
Je me suis dit, "Au lieu d'essayer de faire le Conrad de la mer, tu feras le Conrad de l'eau douce, du Rhône." Et j'ai écrit Malicroix. C'est le transfert de la mer au Rhône. Je suis né là, sur ses bords, et j'en ai eu peur toute ma vie.
Il y a le diable. Il s'appelle Dromiols. C'est un Malicroix aussi mais c'est un bâtard, tandis que Mégremut c'est un Malicroix par la filiation du Sacrement. Le côté divin de l'union intervient. C'est pour cela que Mégremut triomphe à la fin.
(Anne-Madeleine) C'est une Malicroix, par la main gauche également. Ce Malicroix, il faisait des enfants partout, comme les seigneurs de ce temps. Et c'est pourquoi les deux se réunissent à la fin, pour fonder une race. C'est l'amour qui les réunit.
Dans Malicroix il y a le passeur aveugle; c'est lui (le vieux marin Whalley de "Au bout du rouleau"). Malicroix est donc l'ambition violente et forte de faire quelque chose d'épique dont j'avais besoin, et ensuite l'intrusion, toujours en passant par Conrad, d'un personnage de Conrad.
Il y a sur la rive un calvaire avec un crucifix. C'est là où la barque de Mégremut va aboutir. Et au dernier moment c'est elle qui lui jette une corde pour l'aider à arriver au rivage. Or, au pied de ce calvaire il y a le taureau blanc qui a été enterré, Mithras, l'union pour un Provençal du Paganisme et du Christianisme. En traversant le Rhône comme il l'a fait, simplement soutenu par une espèce de courage impersonnel, il arrive à la rive. Là il retrouve la récompense de l'amour. parce que cette femme l'aime et il l'aime, et il aborde sous la figure de Dieu. C'est une ascèse: il a accompli une ascèse. Voilà Malicroix. Et pendant ce temps, on lit la Messe au milieu du fleuve. On est dans une atmosphère de divinité a la fois chrétienne et païenne. Cela ne nous gêne pas, nous Provençaux. Il n'y a pas de sacrilège.
Alors cet homme chétif fait quelque chose d'héroïque. il traverse le Rhône sans savoir mener une barque, il arrive au bout. A partir de ce moment là il devient un Malicroix, il devient une espèce de héros. C'est le réveil de la goutte de sang.
C'est une oeuvre humaine, de portée universelle, mais qui a un support et une atmosphère régionaux. Par exemple, Malicroix, ce n'est pas une chose régionaliste. Ça se passe sur le Rhône, mais ça pourrait se passer sous les Chutes du Niagara.
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| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 10 Juil 2014 - 0:35 | |
| C' est interessant cet interet et cette admiratition pour Conrad... J' y penserai en lisant Malicroix ! | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 10 Juil 2014 - 8:40 | |
| merci Marko pour ce passage de Bosco.
je reviendrai plus tard à Bosco ! (j'ai déjà le Mas Théotime sur ma PAL) j'y ajouterai Malicroix | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 10 Juil 2014 - 14:57 | |
| Merci, Marko ! Mithra, mais bien sûr, la voilà la référence paganiste, comment ai-je pu ne pas y penser ! Avec votre permission, un petit retour sur le langage et le devenir (devenir Malicroix en étant Mégremut ?), la transmutation (plutôt que la métamorphose) de Martial, si finement écrite, le rôle de Balandran, un petit extrait vaut mieux qu'un long laïus: - pris dans les dernières pages de la partie \"La Redousse" a écrit:
- J'en fus contrarié. Les évènements, les objets, les êtres étaient devenus inégaux à ma singulière position. Sans doute s'étaient-ils mués en apparences raisonnables pour me faciliter l'accès aux démarches prochaines du départ. Il fallait que tout me parût naturel et banal, pour que je pusse tout quitter. Plus ce jour (jusqu'à ce jour si follement étrange) deviendrait prosaïque, et moins j'en laisserais les rives avec le regret d'en partir. Rapetissé jusqu'à ma petitesse, il perdait le prestige de la démesure, et dès lors, confondu à moi, il rentrerait dans les formes humaines, sans difficulté.
[...]
Mais je ne pus pas m'endormir. Je regardais le feu, et, devant le foyer, la dalle vide d'où j'avais chassé Bréquillet. Le feu brûlait toujours paisiblement. Rien n'était changé dans la pièce. La cruche en cuivre, le sucrier blanc, le chandelier luisaient toujours avec indifférence. Et je continuais à rester calme, raisonnable, accordé aux objets concrets de la maison. Mais déjà je savais que mon destin avait tourné et que je ne partirais pas. - Début de la partie \"Un Sortilège" a écrit:
- Il arrive que les grandes décisions ne se prennent pas, mais se forment d'elles-mêmes. Le débat du pour et du contre pèse peu en regard de cet obscur cheminement. L'acte de la volonté dure ne se détache pas de nos hésitations, pour les trancher. On ne s'aperçoit pas qu'on a pris un parti, mais on fait tous les gestes qu'il comporte, insensiblement. On s'engage ainsi, par l'action la plus modeste, dans un mouvement d'actes simples et naturels qui se précisent peu à peu. Quand cette précision nous est devenue claire, tout est décidé.
Le jour se leva, et je n'avais pris aucune décision. Rien, en moi, n'avait dit: "il faut rester". Cette formule de nécessité n'était probablement pas nécessaire. Elle eût marqué une séparation trop nette entre mes actes de la veille et ceux du lendemain, indiqué un effort et le commencement d'une vie nouvelle. Or, je passais d'un jour à l'autre sans aucune peine; je ne commençais pas; je continuais, et le plus naturellement du monde, je veux dire: sans émotion au moment du passage et sans dessein pour cet avenir inquiétant qui m'attendait. La journée était claire et simple. Elle le resta jusqu'au soir. Balandran remplit son office, le chien aussi. Pas un regard d'étonnement, d'attente, et peu de mots: ceux de la vie utile.
Dernière édition par Sigismond le Jeu 10 Juil 2014 - 17:13, édité 4 fois | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 10 Juil 2014 - 16:58 | |
| - partie \"Un Sortilège" a écrit:
- J'avançais cependant en moi, et, au monde extérieur maintenant invisible, se substituait peu à peu un autre monde que je percevais. Il semblait émaner de moi, s'y construire et recomposer, sur les réalités qui m'étaient devenues inaccessibles, un double intérieur de ces choses dont le vertige de la neige m'avait séparé.
Mais de la neige immatérielle qui maintenant tombait en moi, comme autour de moi tombait la vraie neige, un paysage commençait à naître de grands bois cristallisés aux ramures cassantes, buissons fragiles et halliers bleuâtres, sentiers de verre qui luisaient, dans une île de pure neige. Incompréhensible fantôme, je traversais des clairières givrées, d'où partaient des chemins qui n'aboutissaient nulle part et j'errais au milieu de cette île mentale autant que dans l'île réelle mais lentement comme il convient au pays de la neige et du silence. Car ces constructions délicates n'avaient pu se former et ne pouvaient se soutenir que par les vertus du silence. Elles étaient si merveilleuses, mais si frêles, qu'à chaque instant j'appréhendais qu'elles fussent détruites par un simple son. Je savais qu'en ce monde imaginaire (mais l'était-il ?) j'errais en quête d'un refuge. - partie \"Balandran" a écrit:
- J'éprouvais le tourment de l'idée fixe, le regret déchirant de l'acte inachevé; mais idée et acte sans noms, car nul message ne les désignait expressément, qui eût peut-être élucidé cette confusion de deux âmes.
Par bonheur, ces moments de trouble rêverie étaient brefs. J'évitais de m'y attarder. L'exercice, le froid, la compagnie de Balandran, toujours à l'ouvrage, m'aidaient à vivre sainement. Je n'étais pas seul. On fendait du bois à grands coups de hache, près des huttes. On l'empilait. J'ai de bon bras, et le goût du mouvement. Rien de tel pour contenir l'âme dans les limites d'une vie précise, rassurante, celle où l'esprit s'ajuste au corps, où il se tient dans la pensée et dont la pensée bouge lentement autour d'une méditation utile. J'admirais Balandran de s'y renfermer sans effort, car je le jugeais peu enclin à se complaire dans les vaines songeries. Il emplissait ses interminables silences, non point d'images évasives, mais d'une seule et progressive réflexion. C'était sa façon de rêver: une pensée saisie à l'aube et conduite sans défaillance jusqu'à l'entrée dans le sommeil, la paix de la nuit, l'oubli de soi-même. De là, peut-être, la valeur que prenaient les objets en sa présence. On les voyait. Dans ses mains rien ne passait inaperçu. Une hache était une hache: avec son acier rugueux au taillant vif et son manche poli de chêne veiné. Il faisait, de l'invisibilité passer à l'existence, le plat de bois, la fourchette banale, rien qu'en les touchant. Avec ces désirs, ces idées, que sont la faim, la soif, le besoin d'éclairage, il créait la table, le verre et la lampe de cuivre jaune. J'eusse, moi, inventé peut-être le repas, la boisson, la flamme... Lui, il tirait ces corps réels d'une étendue secrète où mon inattention ne permettait pas de pénétrer. C'est matériellement qu'il touchait sa pensée. Il prenait ses idées, ses sentiments, ses sensations, familièrement dans la main, et, de ces êtres si fuyants, il détachait de petites figures dures et denses, lourdes et luisantes, chargées d'une puissance magique. Ses moindres mots, le plus vulgaire de ses gestes, prenaient une force étrange et un sens allusif qui mettaient en branle l'imagination. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Henri Bosco Ven 11 Juil 2014 - 1:05 | |
| - Sigismond a écrit:
Malicroix 1948 Coline en parle magistralement, que commenter en évitant la redite ? Ces mots, longtemps après avoir posté le commentaire, me font plaisir. Comme quoi rien ucu ne se perd tout à fait! Merci Sigismond. - Sigismond a écrit:
- confidence (mais ne le répétez pas): victime de quelque hallucination auditive sans doute, j'ai cru entendre jouer Purcell en en tournant les pages !
Bosco et Purcell...tiens tiens...demain, j'essaie! | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Henri Bosco Lun 21 Juil 2014 - 0:02 | |
| Le TrestoulasHenri Bosco a écrit Le Trestoulas entre Le Sanglier et L'âne Culotte. C'est donc une oeuvre encore jeune mais où l'on retrouve déjà tous les éléments qui vont apparaître dans les romans et récits suivants. L'histoire est assez courte et étonnamment pleine d'humour et de suspens (la fin est un vrai thriller!). Il est allé ensuite vers plus d'épure, d'abstraction et de mystère. On commence avec une ambiance de village assez pittoresque autour d'une rivalité entre propriétaires terriens qui se disputent Le Trestoulas (une petite bergerie à flanc de montagne) et le contrôle d'une fontaine sur la place principale (inspirée de celle de Cucuron). Puis on découvre peu à peu les secrets sous-terrains du Trestoulas qui donnent lieu à de très belles et étranges séquences où il est question d'un lac et d'une divinité ancestrale en forme de Sanglier sculptée à même la roche. Il y a également deux personnages féminins énigmatiques qui anticipent Hyacinthe ou d'autres esprits des eaux et de la terre. Et une servante pleine de gouaille qui est vraiment un personnage très drôle. Le final est trépidant et n'oublie pas de rejoindre discrètement la dimension de la fable. Le symbolisme y est présent mais beaucoup plus lisible et immédiat qu'ultérieurement. Une bonne entrée en matière pour qui voudrait découvrir Bosco sans s'attaquer à ses oeuvres les plus complexes. | |
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