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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 14255 Inscription le : 05/03/2008 Age : 64 Localisation : à l'ouest
Sujet: Re: Julie Otsuka Jeu 23 Mai 2013 - 19:56
Merci pour ton com Kannskia, je suis contente qu'il t'ait plu, même si je n'en doutais pas trop
Invité Invité
Sujet: Re: Julie Otsuka Jeu 23 Mai 2013 - 20:01
Chaque nouvelle personne lisant et étant touchée par ce livre me fait très plaisir!
Merci pour ton analyse et la citation Kannskia!
Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
Sujet: Re: Julie Otsuka Sam 29 Juin 2013 - 18:23
Certaines n'avaient jamais vu la mer
Vous avez déjà exprimé tout ce que ce court roman a d'original et de réussi sur un thème peu connu et qui prend ici beaucoup de relief avec une étonnante économie de moyens. J'ai imaginé durant toute ma lecture l'adaptation théâtrale qu'on pourrait en faire. Un nous collectif qui décline autant de variantes possibles d'une même destinée en un mouvement de flux puis de reflux. Des objets quotidiens et symboliques (d'une culture, d'une vie) qui jalonnent le récit et laissent une dernière trace au moment où ces femmes et enfants disparaissent (le dernier chapitre est très émouvant dans cette description d'un effacement). La limite de cet exercice de style est peut-être dans le caractère un peu prévisible des différentes étapes de cette migration puis de la déportation en prenant le risque de lasser (notamment dans la partie la plus "historique" répétitive). Un peu systématique aussi le manichéisme entre l'innocence et la pureté de ces femmes et la cruauté de ce qui les attend. Elles sont forcément dignes et résignées face à une destinée implacable et cruelle. Mais on est devant une réalité historique qui tend vers la tragédie antique et non pas dans la psychologie. L'ensemble se lit d'une traite avec beaucoup de fluidité. Je lirai son premier roman forcément.
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Julie Otsuka Sam 29 Juin 2013 - 18:44
Marko a écrit:
Certaines n'avaient jamais vu la mer
Vous avez déjà exprimé tout ce que ce court roman a d'original et de réussi sur un thème peu connu et qui prend ici beaucoup de relief avec une étonnante économie de moyens. J'ai imaginé durant toute ma lecture l'adaptation théâtrale qu'on pourrait en faire. Un nous collectif qui décline autant de variantes possibles d'une même destinée en un mouvement de flux puis de reflux...
Voilà qui m'intéresse...D'ailleurs je l'ai commandé...
GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
Sujet: Re: Julie Otsuka Sam 29 Juin 2013 - 20:09
Sujet intéressant ... Je crois avoir déjà vu un film sur un sujet similaire ... Désolé si c'est déjà paru dans ce fil ... Et hop dans la LAL !
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Julie Otsuka Ven 5 Juil 2013 - 21:34
Marko a écrit:
Certaines n'avaient jamais vu la mer J'ai imaginé durant toute ma lecture l'adaptation théâtrale qu'on pourrait en faire. [...] La limite de cet exercice de style est peut-être dans le caractère un peu prévisible des différentes étapes de cette migration puis de la déportation en prenant le risque de lasser (notamment dans la partie la plus "historique" répétitive).
C'est ce que je ressens à le lire et c'est un peu rhédibitoire...
Je reprends donc maintenant ma lecture sans essayer d'imaginer sans cesse ce qu'on pourrait en faire sur scène. Merci toutefois de cette piste de réflexion.
Je découvre avec intérêt ce pan de l'Histoire américaine, japonaise aussi.
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Julie Otsuka Dim 14 Juil 2013 - 20:58
Certaines n’avaient jamais vu la mer
Le sujet de ce roman a été précisé ci-dessus, je n’y reviendrai donc pas . Je viens simplement apporter les motifs qui ont fait pour moi de ce roman une œuvre forte et marquante.
Je dois être honnête, je ne connaissais pas le drame historique évoqué. En lui-même il est suffisamment horrible pour toucher droit au cœur le lecteur, et d’autant plus horrible qu’il a si peu fait de bruit, et pendant si longtemps. Injustice !
Le courage et la résignation de ces femmes japonaises exilées me bouleversent. Leur force est venue peut-être de ce que Julie Otsukaa essayé de traduire à travers la forme qu’elle a choisi pour parler d’elles. Le NOUS pour donner voix à ces femmes effacées de l’Histoire donne une puissance incroyable aux récits de leurs malheurs. La puissance des chœurs antiques pour des récits qui s’élèvent sans pathos, constituant une sorte de destin commun fait de l’addition de misères individuelles, souffertes et tues.
Je sens bien qu’on pourrait reprocher la trop grande visibilité d’un procédé de style, et l’ennui qu’il peut générer à la lecture. Mais j’ai adoré ce choix, et je le loue car il me semble très efficace, porté magnifiquement jusqu’au bout du roman, ou presque. Presque car le dernier chapitre nous prend par surprise comme un bouquet final.
Le roman n’a pas volé son Prix Fémina 2012.
J’ajouterai qu’il m’a procuré en plus un intérêt pour la période de l’Histoire auquel il se réfère. J’ai passé des heures en recherche pour répondre à mes interrogations et je me suis mise à relire juste après, une seconde fois, le roman. Merci à ceux qui m’ont donné envie de faire cette lecture.
Invité Invité
Sujet: Re: Julie Otsuka Dim 14 Juil 2013 - 21:34
Merci pour ton commentaire! Alors j'imagine que tu vas lire sans tarder Quand l'empereur était un dieu?
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Julie Otsuka Dim 14 Juil 2013 - 21:42
nezumi a écrit:
Merci pour ton commentaire! Alors j'imagine que tu vas lire sans tarder Quand l'empereur était un dieu?
Je le lirai, c'est sûr!
Cassiopée Main aguerrie
Messages : 347 Inscription le : 28/07/2011 Localisation : France
Sujet: Re: Julie Otsuka Mer 31 Juil 2013 - 20:55
Certaines n'avaient jamais vu la mer
C’est une longue plainte, ressemblant à une litanie du fait de la construction et du style de l’auteur qui peuvent surprendre. Celle de ces japonaises embarquées pour les Etats-Unis et qui n’ont pas vécu ce qu’elles espéraient. J’ai aimé la puissance de l’écriture de l’auteur qui ne m’a pas dérangée. Il me semble que la répétition du nous était nécessaire pour démontrer qu’il s’agit d’un groupe, que chacune avait pris avec elle, la cause des autres. Elles sont un tout… Un tout qui est souffrance, soumission, espérance parfois…. Au départ murmures, leurs voix montent de plus en plus, cris déchirants quand le malheur les frappe, résignés face à ce qu’elles pensent être leur devoir, étouffés si elles ont peur…. Je suis restée avec ces femmes une demi-journée et je ne les oublierai jamais.
Dernière édition par Cassiopée le Mer 31 Juil 2013 - 23:04, édité 1 fois
coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
Sujet: Re: Julie Otsuka Mer 31 Juil 2013 - 23:00
Cassiopée a écrit:
Certaines n'avaient jamais vu la mer je ne les oublierai jamais.
Il me semble que moi non plus je ne les oublierai pas. Un livre marquant.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Julie Otsuka Lun 2 Sep 2013 - 21:05
Couverture : Hiroshige : Soleil du soir, bouquet de pins, oiseaux voyageurs.
Quand l'Empereur était un Dieu (When the Emperor was Divine, 2002), traduit de l'américain par Bruno Boudard en 2004. Phébus. 181 pages. Egalement disponible en 10/18. Le livre commence ainsi :
Citation :
"La pancarte avait fleuri du jour au lendemain. Sur les panneaux d'affichage, sur les arbres, au dos des bancs installés aux arrêts d'autobus. Placardée à la vitrine du bazar Woolworth's. Placardée à côté de l'entrée de la YMCA. Agrafée sur la porte du tribunal d'instance et clouée, à hauteur d'homme, sur chaque poteau téléphonique le long d'University Avenue. La femme se rendait à la bibliothèque pour rapporter un livre lorsqu'elle la remarqua sur la vitre d'un bureau de poste. C'était à Berkeley, par une journée ensoleillée du printemps 1942, et elle portait de nouvelles lunettes grâce auxquelles, pour la première fois depuis des semaines, elle pouvait voir distinctement tout ce qui l'entourait." (page 15).
Il n'est pas précisé que la femme est d'origine japonaise, mais le lecteur connaît le sujet : la mise en camps, aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre Mondiale, des Américains d'origine japonaise. Le principe de précaution, déjà...
Les personnages de cette histoire sont une famille comprenant un père, une mère et deux enfants, un garçon et une fille. Les enfants sont très intégrés : ils ne comprennent pas le japonais, le garçon a son gant de base-ball, lit des comics... Revenons à la mère.
Citation :
"Elle s'essuya le front avec son mouchoir. Il y avait un soleil radieux et elle n'aimait pas transpirer en public." (page 19).
Habitudes japonaises...
Le père a déjà été emmené, un soir. Il est parti en pantoufles. Maintenant, c'est la mère et les enfants, comme tant d'Américains d'origine japonaise, qui doivent faire leurs cartons et préparer des affaires pour partir pour une destination inconnue, pendant une durée indéterminée. Déjà, on les regarde avec suspicion. Les Américains d'origine chinoise font bien savoir qu'ils sont d'origine chinoise, et surtout pas japonaise.
Quand reviendront-ils ? Que deviendra leur maison pendant ce temps ? Pour le moment, des problèmes se posent : que faire des animaux ?
Citation :
"Elle retira le tissu vert et défit la fermeture en fil métallique qui commandait la porte. - Sors de là, dit-elle. L'oiseau monta sur sa main d'un air méfiant, puis la regarda. - C'est moi, le rassura-t-elle. Le perroquet battit des paupières. Ses yeux étaient noirs, globuleux et dépourvus de pupille. - Viens ici ! croassa-t-il. Viens ici tout de suite ! Il avait exactement les mêmes intonations que son mari. Si elle fermait les yeux, elle pouvait facilement s'imaginer que son époux se trouvait dans la même pièce. La femme ne ferma pas les yeux. Elle savait très bien où se trouvait son époux. Il dormait sur un lit pliant - un lit pliant ou peut-être un lit superposé -, dans quelque tente du fort Sam Houston, où il faisait toujours beau." (page 32).
Le poulet, lui, passe à la casserole.
Puis vient le départ, le trajet en train, interminable : des pierres qui sont parfois lancées sur le train, brisant des vitres... Il faut donc baisser les stores lorsque l'on traverse les villes, et les remonter après.
Citation :
"La fille tira sur le cordon suspendu au bas du rideau et la voiture se retrouva inondée de soleil. - Tu crois qu'on verra des chevaux ? lui demanda son frère. - Je n'en sais rien, répondit la fille. Puis elle se souvint de l'histoire qu'elle avait lue dans National Geographic à propos des mustangs. C'étaient les Espagnols qui les avaient amenés ici, il y avait plusieurs siècles de cela, et des milliers de ces animaux erraient à présent en toute liberté. Chaque automne, ils descendaient des collines pour aller paître dans les hautes plaines du désert." (pages 45-46).
Ensuite, c'est la longue détention, dans des conditions déplorables, pour dire le moins.
"Si Julie Otsuka a choisi la fiction, elle avoue volontiers que l'histoire qu'elle raconte évoque de très près celle de ses grands-parents, paisibles Californiens qui n'avaient aucune raison de cacher leur ascendance japonaise, arrêtés et déportés par le F.B.I. en décembre 1941, au lendemain de l'attaque de Pearl Harbor, et qui furent maintenus derrière les barbelés, dans des conditions inimaginables, jusqu'à l'été de 1945" (dit la quatrième de couverture).
Oui, enfin, les conditions inimaginables ont été quand même, semble-t-il, plus inimaginables encore pour ceux qui ont été faits prisonniers par les Japonais pendant la guerre, ce que Julie Otsuka ne cache pas (mais les Etats-Unis étaient une démocratie qui a mis en camp ses propres citoyens, c'est vrai). Les récits que les survivants font à la radio sont édifiants (humiliations, tortures...), et montés en épingle par les journaux qui en font leurs choux gras... Cela ne facilitera pas la vie des Américains d'origine japonaise dans l'immédiate après-guerre.
Citation :
"Nous écoutions les interviews à la radio. Dis-moi, soldat, est-ce que cela vous a fait quelque chose de perdre votre jambe ? Nous nous regardions dans le miroir et nous n'aimions pas l'image qu'il nous renvoyait : cheveux noirs, peau jaune, yeux bridés. Le visage cruel de l'ennemi. [...] Nous ignorions les regards furtifs que nous lançaient les inconnus croisés sur les trottoirs. Vous êtes quoi ? Japonais ou Chinois ?" (pages 152-153).
Je ne pense pas gâcher trop le suspens (il n'y en a pas vraiment, et ce n'est pas ce qui constitue l'intérêt du livre) avec ce qui suit.
Citation :
"Le Service du transfert des populations avait renvoyé les gens chez eux en donnant à chaque personne de quoi payer son billet de train, ainsi que vingt-cinq dollars en espèces. - C'est absurde, avait dit notre mère. Trois ans, cinq mois. Vingt-cinq dollars. Pourquoi pas trente-cinq ou quarante ? Pourquoi pas cent ? Pourquoi même se donner la peine de nous verser de l'argent ? Nous apprîmes plus tard que vingt-cinq dollars était la même somme que celle qui était allouée aux criminels à leur sortie de prison." (page 150).
Un roman bien écrit, au sujet très fort, renforcé par la sobriété du style. En le lisant, on pense plus à un document qu'à un roman. Très bon (comme l'ont déjà écrit une très large majorité de Parfumés avant moi).
GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
Sujet: Re: Julie Otsuka Mer 4 Sep 2013 - 22:19
@eXPie : chouette commentaire ... que tu as mené avec ta patte ... J'aimerais te voir étendre tes griffes sur tant d'autres sujets
uolav Agilité postale
Messages : 663 Inscription le : 27/11/2009 Age : 61 Localisation : CAEN
Sujet: Re: Julie Otsuka Jeu 23 Jan 2014 - 9:07
Je viens de terminer Certaines n'avaient jamais vu la mer et je rejoins le cercle de ceux qui ont aimé ce court livre. Le style est très concis, le récit impersonnel mais on peut facilement le lire d'une traite. C'est en plus un excellent témoignage sur cette partie de l'histoire que j'ignorais totalement. Un très gros coup de coeur, je l'ai d'ailleurs offert à une amie.
Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
Sujet: Re: Julie Otsuka Mar 6 Mai 2014 - 9:14
Buddha in the Attic - Certaines n'avaient jamais vu la mer.
Je rejoins les avis ultra positifs.
Un "Nous". Certaines d'entre nous. Quelques-unes. Quelques autres. Une. Toutes. Des phrases courtes. Des instantanés d'évènements, de détails, de frôlements d'émotions. Qui en disent long. Très long. La sobriété presque journalistique (hé, c'est un peu comme des phrases accroches de titres de journaux, ou de twitter !) rend les choses palpables dans une immédiateté efficace. Un livre marquant, pour une partie de l'Histoire que je ne connaissais pas.
Le style peut faire systématique à force, heureusement Otsuka parvient à garder son rythme et à glisser des petits rebonds qui nous empêche de nous ennuyer. En changeant de points de vue, en passant rapidement à un nouvel évènement marquant. Ça aurait fait plus de pages, ça aurait été pu devenir pénible. Là, c'est parfait.
(Et Nezumi a raison : livre parfait à lire en anglais)
Si je croise Quand l'empereur était un dieu, je le prendrais.