Un bon début, ça aide...

Hank a écrit:

Les extraits de Leacock confirment un peu ce que je supposais. C'est assez agréable à lire sur quelques lignes, son sens de l'absurde est amusant comme ça, mais je pense que sur tout un bouquin, je décrocherais vite s'il n'y a rien d'autre à trouver dans ses histoires.

Comme le bouquin que j'ai lu de lui est un recueil de nouvelles, ça passe plutôt bien. Je ne suis pas sûre qu'il ait écrit des romans, mais si c'est le cas ils doivent être plus difficiles à apprécier dans la longueur. Il faudrait que j'essaie de lire autre chose de lui.

Hank a écrit:

colimasson a écrit:

Et voilà ! Encore un début qui me plaît ! Je vais finir par croire que tu le fais exprès !

Je vais essayer de trouver moins accrocheur.

Pourquoi serait-ce moins accrocheur ? (bon, j'avoue, ça m'enthousiasme un peu moins que les débuts que tu proposes habituellement... Mais je n'aime pas avouer que les autres ont raison ) Le thème a l'air bon. Le style est un peu trop descriptif et alambiqué, mais c'est peut-être le début qui veut ça ?

colimasson a écrit:

Pourquoi serait-ce moins accrocheur ? (bon, j'avoue, ça m'enthousiasme un peu moins que les débuts que tu proposes habituellement... Mais je n'aime pas avouer que les autres ont raison ) Le thème a l'air bon. Le style est un peu trop descriptif et alambiqué, mais c'est peut-être le début qui veut ça ?

Oui, c'est trompeur, Hamsun est plutôt du genre sobre dans sa façon d'écrire. Très sobre même, ce qui fait que ses livres ont assez bien vieilli (et ça non plus, ça ne saute pas aux yeux dans ces premières lignes, je trouve).

Quand il se réveillait dans les bois dans l' obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher
l' enfant qui dormait de son coté.
Les nuits obscures au delà de l' obscur et les jours chaque jour plus gris que celui d' avant. Comme
l' assaut d' on ne sait quel glaucome froid assombrissant le monde sous sa taie.

Cormac McCarthy - La Route

Vous l' avez sans doute reconnu ce début-là !
Je ne vous cache rien, je vous dis tout... J' essaye de me réconcilier avec McCarthy. Le dernier
livre que j' ai lu de lui, c' était Méridiens de sang et il m'a semblé qu' il y avait quelque chose de gratuit
dans la violence, peut etre parce que le style ne me semblait pas à la hauteur...
Un peu comme le film de Peckinpah, Les Chiens de paille...
Et puis, il y a tellement d' écrivains qui voudraient etre Faulkner !

Mais ce livre débute bien,alors...

Citation :

C'était le brigadier le Meheu qui tenait le fond du corps de garde, les coudes sur la table, contre l'abat-jour. Il ronflait. Je lui voyais de loin les petites moustaches aux reflets de la veilleuse. Son casque lui cachait les yeux. Le poids lui faisait crouler la tête... Il relevait encore... Il se défendait du roupillon... L'heure venait juste de sonner...
J'avais attendu devant la grille longtemps. Une grille qui faisait réfléchir, une de ces fontes vraiment géantes, une treille terrible de lances dressées comme ça en plein noir.
L'ordre de route je l'avais dans la main... L'heure était dessus, écrite.
Le factionnaire de guérite il avait poussé lui-même le portillon avec sa crosse. Il avait prévenu l'intérieur :
- Brigadier ! C'est l'engagé !
- Qu'il entre ce con-là !

Casse-pipe, Céline

Haute Enfance de Joyce Carol Oates (1976). C'est un livre à part dans l'oeuvre de JCO (son 8e) dans la mesure où il est construit un peu à la manière du roman de Virginia Woolf "Les Vagues" ou de certains romans de Lobo Antunes (je n'en connais qu'un pour l'instant). C'est une sorte de long roman-poème où les pensées de différents personnages, éloignés dans le temps et dans l'espace, évoquent leur histoire, leur souffrance, leurs désillusions, leur espoir. Différentes générations et l'entremêlement des souvenirs, des fantasmes... Un peu difficile à pénétrer au départ, le temps de repérer qui est qui, mais cela devient peu à peu limpide et il y a du souffle.

Et donc, le début:

La dernière année de ma vie, je rêvais souvent d'Evangéline dans sa mansarde, endormie sur son haut lit lunaire bercé par le vent, dans cette ferme pourrissante au bord de la rivière: je grinçais des dents comme elle, la voix rauque et pâteuse de sommeil. Mes doigts saignaient aux jointures, j'avais dû les mordre.
Je rêvais qu'elle murmurait dans son sommeil des mots que je n'entendais jamais, son visage enfantin crispé dans l'auréole blonde de ses boucles, le petit poing de son coeur battant d'un rythme dur et régulier bien que j'aie cessé de vivre.

La lune est une pierre. La lune n'est qu'une roche. C'est ainsi qu'il faut se la représenter, mais sans le poids, sans pesanteur. Dieu, non, on ne peut pas se le représenter ainsi.
Une idée chasse l'autre.
Dormant en haut de la maison, tu seras sans doute réveillé par le vent, le fouettement des branches du noyer de l'autre côté de la fenêtre, la lamentation dans le silo. Tu seras sans doute frôlé par la clarté de la lune. Le vent semble la pousser dans la chambre. Elle luit à travers l'étroite fenêtre, c'est un miracle qu'elle puisse te trouver, dans les ténèbres, derrière le chèvrefeuille qui recouvre le treillis. Tu es réveillé. Tu ne dormais pas. Quelqu'un gémissait: Dieu ne permets pas, Dieu aide-nous, Dieu je t'en supplie, implorant Dieu dans son sommeil, se mordillant les doigts, mais ce n'était pas toi - tu n'as pas fermé l'oeil de la nuit.
La lune est une roche, mais sans pesanteur. Elle n'a pas de lumière propre. Tu pourrais te coucher à plat à sa surface, bras et jambes écartés, le visage pressé contre la roche, tu pourrais la toucher, la palper - cela t'aide à penser à quelque chose de solide qu'on peut toucher comme les blocs, les rocs, les cailloux et les galets au bord de la rivière, dont tu peux être sûre que tu peux palper, saisir, ramasser s'ils sont assez petits - rejeter dans la rivière. Dieu, non: on ne peut pas le toucher. Ce n'est pas étonnant que les gens se moquent. Quand tu penses à Dieu, tu as envie de prier, c'est un besoin qui te serre la gorge, comme celui qui précède les larmes, tu as envie de te blottir, de geindre et de supplier; tu détestes le son de ta voix cajoleuse, Dieu aide-nous, Dieu ne permets pas que tu détestes cette désespérance, Dieu je t'en supplie, Dieu aide maman, aide-nous tous, cela te rend folle de t'entendre, on dirait ta soeur June qui pleurniche pour attirer l'attention sur elle, ou le bébé, ou maman, la nuit où on lui a fait tellement mal.

Je note ce titre Marko...Je sens qu'il peut me plaire...

coline a écrit:

Je note ce titre Marko...Je sens qu'il peut me plaire...

Dommage que ma lecture date un peu pour faire un post plus détaillé mais il m'a laissé un très bon souvenir. Il pourrait donner une adaptation théâtrale d'ailleurs en sélectionnant les passages.

En 1981, j' ai été victime d' une grave crise cardiaque. C' était l' été et je me trouvais à Venise,
afin de visiter la Biennale. La journée était torride, je n' avais cessé de marcher et je commençais
à avoir le souffle court.
Tandis que je traaversais les jardins, je ressentis le besoin de me reposer et je m' assis sur un banc
déjà occupé par des touristes... Ce fut à cet instant précis que je sentis monter dans ma poitrine une douleur qui d' emblée laissait présager une irrésistible aggravation.

Paolo MAURENSIG. - Le Gardien des reves

J' aime bien ce genre de début. Il laisse présager quelque chose qui est encore en suspens, un évènement qui va changer une vie...
Surtout quand on lit le 4e de couverture !
Mais c' est vrai, en tout cas je l' ai souvent constaté.
Autre exemple :

Je commençai à me sentir mal après moins d' une heure de route. ma brulure sur le coté se réveilla, mais je décidai pendant un moment de ne pas lui accorder d' importance.
L' inquiétude me gagna seule.
La plage était ment quand je me rendis compte que je n' avais plus la force de tenir
le volant. En quelques minutes ma tete devint lourde, j' eus l' impression que mes phares faiblissaient
de plus en plus et bientot j' oubliai meme que j' étais en train de conduire.
Et je me crus soudain au bord de la mer, en plein jour.
La plage était déserte, l' eau était calme, mais sur un poteau à quelques mètres du rivage, le pavillon rouge flottait.

Elena FERRANTE. - Poupée volée

Ces débuts sont plutôt accrocheurs en effet... Phrases courtes et percutantes... C'est à mon avis ce qu'on peut réserver de mieux à un début de roman (mais je ne parlerais pas forcément de la suite )

Le vieux chnoque agita la carte du trésor au dessus de la tete, et Handsfre observa l' homme cossu descendre de son tabouret et passer entre les tables.
Il était 22 heures et il ne voyait plus que très indistinctment le cow boy, le chatoiement de sa silhouette sous un auvent à travers les trainées de pluie sur la vitre...
Ils étaient quelques douzaines, des Mexicains en salopette et Stetson, des négociants, ainsi qu' un jeune couple d 'étudiants en archéologie, venus ici pour une fouille.
Le visage de la jeune femme était couvert de taches de rousseur, sa chevelure une flamme rouge.

Toby OLSON. - La Boite blonde

Depuis des mois, je tourne autour du livre de Toby Oson, romancier américain.
Le genre de livre qui m' intrigue et qui me fait envie...
Et qui, par ailleurs m' effraie... Ou plutot c' est le type qui présent le livre. Il s' est amusé à répertorier
toutes les références picturales, cinématographiques surtout...
Le genre de préface qui vous ramène à votre humble niveau de spectateur de cinéma.
Genre : Duchamp contrechamp. Une lecture cinéphilique de La Boite blonde.

Et donc ça commence avec Duchamp, normal.
Et puis le cinéma.

"Déjà le titre original, o combien cinégénique : The Blonde Box, soit la Boite blonde, ou pour des esprits plus pervers, la boite à blondes, intitulé alléchant sur les trottoirs de Sunset boulevard...
Il n' est guère besoin d' aller là-bas pour fantasmer une oeuvrette à la Frank Tasklin avec Marylin, ou plus cheap avec quelques starlettes recrutées par Russ Mayer ou Roger Corman...
Psychose, Si l' on évoque le chef d' oeuvre d' Hitchcock c' est qu' à plus d' un titre, il hante le roman
d' Olson...
Il n' en demeure pas moins vrai que la fascination tient grace qu mystère de la boite qu' on retrouve sublimé entre autres dans Mulholland Drive de Lynch.
A plus d' un titre, La Boite blonde nous rappelle dans ses expérimentations narratives, son jeu sur l' espace-temps, ses fulgurances et surtout son, approche du film noir classique, celui de Lost Highways...

Le roman s 'ouvre d' ailleurs sur unes cène digne d' un bon Huston ou Hawks... Sans oublier que la boite déjà évoquée s' apparente à la malette de En 4e vitesse de Robert Aldrich. Et s' il est question
explicitement de Citizen Kane, Welles laisse ici présager l' ombre de la Soif du mal.

Et ça continue pendant des pages. Son cités encore Peckinpah, L' homme qui tua Liberty Valance,
Tarantino, Kubrick, Wong Kar-Wai... et j' en passe...
Didier Roger (c' est le nom du préfacier) m' a tuer !
Vous croyez que c' est un pseudonyme d' ExPie ?

Mon cas n'est pas unique : j'ai peur de mourir et je suis navrée d'être au monde. Je n'ai pas travaillé, je n'ai pas étudié. J'ai pleuré, j'ai crié. Les larmes et les cris m'ont pris beaucoup de temps. La torture du temps perdu dès que j'y réfléchis. Je ne peux pas réfléchir longtemps mais je peux me complaire sur une feuille de salade fanée où je n'ai que des regrets à remâcher. Le passé ne nourrit pas. Je m'en irai comme je suis arrivée. Intacte, chargée de mes défauts qui m'ont torturée. J'aurais voulu naître statue, je suis une limace sous mon fumier. Les vertus, les qualités, le courage, la méditation, la culture. Bras croisés, je me suis brisée à ces mots-là. (...)


Violette Leduc, La bâtarde (1964).

Queenie en a parlé sur le forum. Ce qu'elle en dit affermit ma volonté de lire ce livre que je connais depuis environ une heure... Le fil ici.

Hank a écrit:

Queenie en a parlé sur le forum. Ce qu'elle en dit affermit ma volonté de lire ce livre que je connais depuis environ une heure... Le fil ici.

Encore un début alléchant. Je vais finir par ne plus le dire, tu as l'habitude
Petit tour sur le fil en question...

Citation :

J'ai longtemps cherché l'amour.
J'ai trouvé un chien.
Avant ce chien, j'avais trouvé des quantités de choses : un soulier jaune; un fauteuil en rotin; un bonnet qui m'allait comme un gant; j'avais même réussi à trouver un deux pièces ascenseur parking. J'en passe.
C'est fou ce qu'on peut trouver, en cherchant. Et même sans chercher.
Rien de tout cela, cependant, n'était l'amour, il fallait se rendre à l'évidence; le soulier n'était pas l'amour, ni le fauteuil, ni le bonnet; pas même l'appartement.
Peut-être aurais-je dû persévérer. Mais je décidai de changer de méthode.

Dans mon chien, Pierre Jourde

Intriguant...

colimasson a écrit:

Encore un début alléchant. Je vais finir par ne plus le dire, tu as l'habitude

Tu sais, nous autres les vieux, on aime bien les habitudes. Ca nous sécurise.

Citation :

Citation :

J'ai longtemps cherché l'amour.
J'ai trouvé un chien.
Avant ce chien, j'avais trouvé des quantités de choses : un soulier jaune; un fauteuil en rotin; un bonnet qui m'allait comme un gant; j'avais même réussi à trouver un deux pièces ascenseur parking. J'en passe.
C'est fou ce qu'on peut trouver, en cherchant. Et même sans chercher.
Rien de tout cela, cependant, n'était l'amour, il fallait se rendre à l'évidence; le soulier n'était pas l'amour, ni le fauteuil, ni le bonnet; pas même l'appartement.
Peut-être aurais-je dû persévérer. Mais je décidai de changer de méthode.

Dans mon chien, Pierre Jourde

Intriguant...

Oui, je ne connais Jourde que de nom, mais ces premières lignes incitent à s'y intéresser d'un peu plus près.

[quote="Hank"]

colimasson a écrit:

Tu sais, nous autres les vieux, on aime bien les habitudes. Ca nous sécurise.

Très bien vioque, dès maintenant je prendrais toujours la peine de me répéter

Citation :

Oui, je ne connais Jourde que de nom, mais ces premières lignes incitent à s'y intéresser d'un peu plus près.

Finalement, plus très sûre que ça en vaille la peine... Mais je sais pas, j'hésite. Bon, je vais lire d'autres bouquins de lui pour être sûre.

La Toyota de location, conduite par le Sénateur avec une impatiente allégresse, fonçait sur une
route en terre qui ne portait pas de nom, glissait dans les virages en dérapages ivres, puis sans
prévenir, pour une raison quelconque, la voiture sortit de la route de la route, versa cotré passager,
l' eau noire s' y engouffra et elle disparut rapiement.

Est-ce que je vais mourir , - Comme ça ?

Voilà un début sur les chapeaux de roues. Et c' est d' un auteur très mais vraiment très connu par les farpumés... QUI ?