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| Marie Cosnay | |
| | Auteur | Message |
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coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Marie Cosnay Sam 4 Oct 2008 - 22:54 | |
| MARIE COSNAY est née à Bayonne en 1965. Elle vit et travaille au Pays Basque. Elle y enseigne les lettres classiques. Marie Cosnay a écrit pour la scène et publié dans de nombreuses revues : Petite, Arpa, Présages, Rivaginaires, Florilèges, Le nouveau recueil et La polygraphe. Marie Cosnay publie un premier livre au Cheyne Editeur (Collection « Grands fonds ») en 2003 : Que s'est-il passé ?, puis un second deux ans plus tard, Adèle, la scène perdue et en 2008, Trois meurtres. Par ailleurs, elle a publié : - Villa Chagrin, éditions Verdier, 2006 - Déplacements, éditions Laurence Teper, 2007 - André des Ombres, éditions Laurence Teper - Les temps Filiaux, aux éditions Atelier On lui doit aussi des traductions : - Métamorphoses, Ovide, Livres X, XI, XII des, éduc.net, Musagora, 2006 - Hyspsipyle, traduction des fragments d’Euripide, étude, Cheyne éditeur, à paraître 2008 | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Marie Cosnay Sam 4 Oct 2008 - 23:01 | |
| ADELE, LA SCENE PERDUE
Jean Francois Magnier, créateur des éditions Cheyne, dit qu’il y a toujours en bibliothèques, une difficulté pour classer les ouvrages de sa collection Grands Fonds… Ce ne sont pas des romans, ce n’est pas non plus de la poésie…Et pourtant cela a à voir avec les deux… Marie Cosnay a vu publier chez Cheyne trois de ses ouvrages dans cette collection. Dont Adèle, la scène perdue.
« Parfois on rêve de recevoir un beau mensonge, des paroles dont on dit qu’elles sont dictées par l’amour. Dans l’instant on pleure dans les bras de personne, éperdument. »
85 pages… seulement… 85 pages pour écrire, d’une façon merveilleuse, le tourment d’une jeune femme dont elle parle parfois en disant Adèle, parfois en disant Je…
Cette jeune femme collectionne les aventures.
« Des hommes paraissent. Ce sont des morceaux d’hommes. […]Ces hommes, je ne les invente pas. Je les ai croisés, tenus dans mes bras. Voici ce qui vient dans ma vie, des morceaux de garçons, les mains, le buste, la courbe du visage, le regard clair, les genoux, le dos, encore le dos. […] Il y a la guirlande des jeunes hommes, les dos, les yeux clairs, une insouciance […]Quand il s’en va, le garçon de la nuit, : lui dire que c’était très beau et de ne pas revenir. Pleurer à mourir parce qu’il n’y a jamais d’après. »
Un matin elle quitte sa ville et elle part, son enfant à l’arrière de la voiture.
« Elle est partie à l’heure où les tueurs de bêtes criaient dans le pays. Elle a posé doucement l’enfant qui n’avait pas un an sur la banquette arrière. Le ciel s’écorchait à l’est sur le fleuve et les montagnes de soufre. Il y avait bien un pays qui vivait et ça ne la sauvait de rien.[…] Elle a pensé qu’on allait toujours ailleurs. »
A une croisée des routes, perdue, elle s’est arrêtée.
« Donc je me suis perdue ici. L’enfant criait beaucoup. Je l’ai nourri. Je suis un peu affolée d’avoir fait ce que j’ai fait, rouler pendant des heures en suivant rien que la route et je me suis parfois émerveillée de sentir que ça ferait bien des histoires, une histoire, avec le nom d’un hameau perdu dans les champs et le ciel qui est resté tout bleu tout le temps même vers le Nord et le grand ennui des arbres qui bordent la route. Ce n’était pas raisonnable comme peur car des routes il suffisait d’en prendre une et la suivre, il y aurait quelque chose au bout. »
Un homme a surgi qui l’a emmenée et qu’elle a follement aimé.
« Il y a eu des phares dans la nuit, violents. Un crissement de pneus. Le bruit des freins. Un homme debout devant moi. Un rire. »
« Elle s’efforçait de ne pas croiser son regard. C’était bon qu’il eût un regard dont on pouvait penser qu’il n’existait pas, tellement peu elle l’affrontait. Elle songeait : je ne le verrai plus si je le vois. Elle aimait à la folie le timbre de sa voix »
« Je ne disais rien mais sentais le besoin impérieux d’aller où je n’étais jamais, où je n’aimais jamais. »
« Elle ne pouvait pas comprendre qu’elle fut pareillement dans la catastrophe de l’avoir et la peur inimaginable de le perdre. »
« Il était italien. Il s’appelait Matteo.
« A l’instant où je l’ai vu, je l’ai connu sans connaissance."
Puis l’homme l’a abandonnée.
« Ce qui demeure c’est le sentiment de mourir encore après que tout est mort. Il avait un visage. Il était un visage et il a disparu. S’il se présentait, venant à ma rencontre, je ne sais plus de quoi je tremblerais. »
« Adèle a gardé de Matteo la lettre reçue après son départ : Il est des retours impossibles, des retrouvailles insensées. »
« Un homme est venu au croisement de deux routes faire de l’histoire dans mes parages et il est parti. Penser que lui, l’homme qui me laissa dans cette hébétude, avait un prénom, Matteo, des idées, quelque bonté. J’ai fait de lui l’impensable (étranger, même pas le père de mon enfant, homme de voyages)
« On a vécu un amour et l’amour désossé a dit non, il n’y a pas lieu. »
Mais la rencontre a déclenché en elle la remontée du souvenir, tragique, et la quête pour savoir quel sens donner à sa vie et à sa façon d’aimer.
« Mars 1965. Adèle n’est pas née. Celle qui sera sa mère empoigne contre son sein deux corps d’enfants. Un landau cabossé a roulé dans le fossé. Il fait l’équilibriste sur une roue. L’attroupement se fait. On lit dans les yeux de la foule qu’on voudrait bien donner du sens à ça. Le visage de la mère n’en a pas. Les nuques des enfants sont rompues. La main de la mère redresse les nuques. [.. ;] On voit les yeux ouverts des enfants et les rigoles mauves des veines et de fines rigoles de sang. […]On peut dire qu’il faut naître de ça. Pour Adèle, c’est le 10 mai 1966. »
J’ai placé volontairement de larges extraits de la prose subtile et profonde de Marie Cosnay, bien plus appropriée que la mienne pour vous convaincre, je l’espère, de ne pas oublier son nom .
« M’ont-ils abandonnée, ceux que je dresse à force de paroles, dont je recompose le corps si peu valide, où sont-ils passés pour que mes mains ne les touchent pas, pour que leurs pas ne s’inquiètent pas de mes pas ? »
« Sans toi je meurs peut-être au bord du chemin. Je tiens l’enfant dans mes bras et le hisse au-dessus de moi pour qu’il reçoive l’air. »
« On entend la voix qui suggéra le salut au croisement des routes, dans un éclat de rire qui ressemblait un peu à l’éclat de rire d’un voyou. »
Tout simplement magnifique! | |
| | | Chatperlipopette Zen littéraire
Messages : 7679 Inscription le : 24/02/2007 Age : 59 Localisation : Bretagne
| Sujet: Re: Marie Cosnay Dim 5 Oct 2008 - 10:44 | |
| Oui ces extraits sont vraiment magnifiques!!! J'en ai des frissons après la lecture! L'intime écrit avec pudeur et subtilité, la grâce de l'écriture: un univers qui appelle à la découverte! Merci, tout simplement | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Marie Cosnay Dim 5 Oct 2008 - 11:18 | |
| Merci pour ce fil - j'avais déjà noté après ton commentaire lors les lectures sous l'arbre.. mais là je prends encore plus goût à la découverte | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Marie Cosnay Lun 6 Oct 2008 - 23:22 | |
| TROIS MEURTRES
Plus hermétiques que Adèle, la scène perdue ces Trois meurtres…
Partant d’un fait divers, un été, la narratrice commence à écrire le récit du meurtre d’une jeune femme, Camille.
"Elle a l'air plus heureuse que n'importe qui. Elle dort. On préfère qu'elle veuille dormir de ce sommeil-là.[...] Quand on l'a vue comme ça, heureuse et facile, le regard facile avant qu'on lui ferme les yeux, le regard souriant, on a pensé à la blessure. Elle a été tuée d'un coup de couteau dans le coeur, il n'y en a eu qu'un, ça a été très friable, pénétrant, direct. Elle est morte. Elle a souri comme ça."
Tandis qu’elle écrit, elle apprend la mort de l’un de ses amis. Suicide.
" Ecrivant j'écris l'absence etaussi l'oubli de lui en quelque sorte. Cette nuit il n'était plus. On n'avait que fairedes deuils. J'ai mené ma mort, les nuits qui ont suivi la sienne."
" Je saisque l'ami est mort. Cette connaissance est venue tout d'un coup. Je ne suis pas sûre qu'elle dure. Sachant qu'il est mort, j'ai l'impression qu'il meurt encore. Quand je l'écris je l'oublie. Ce n'est pas exactement lui que j'écris. C'est comme si je disais: je pose l'ami mort au milieu. Pardonnez-moi, je ne bougerai pas, ne viendrai pas à vous, ne peux pas vous parler, mon ami est mort. Fuit alors l'ami, devenu l'amimort. Je cherche par-dessus les fils les toits et les masses des nuages."
"Marcher le pas suivant, et voir que meurt encore l'ami. Cette fois. Au début, il avait quelques notions, tout mort qu'il était, et nous. il acceptait qu'on le tutoie. On lisait même les vers classiques avec sa voix bien sonore dans la tête."
"J'avais le corps- celui de l'ami, j'avais aussi encore quelques extraitsde sa voix enregistrée, on ne sentait pas la texture de la voix avec la vraie présence, c'était devenue une voix abstraite ou fabriquée, c'était sa voix mais celle d'un mort."
Et ces morts, et ce récit qu’elle compose, une fois de plus sont pour elle source d’interrogation sur sa propre vie… Alors surgissent soudain de terribles images venues d’Algérie en 1962…
Le régal vient avec la musique et la créativité de cette écriture si poétique et au surgissement d’images dans des fulgurances exceptionnelles.
Dernière édition par coline le Mar 7 Oct 2008 - 0:15, édité 1 fois | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Marie Cosnay Lun 6 Oct 2008 - 23:47 | |
| J'aime vraiment beaucoup et je ne peux pas m'empêcher de faire un rapprochement avec Joyce Carol Oates qui utilise ce même procédé de narration intérieure, de phrases courtes, de tension presque lyrique, de souffrance à peine masquée derrière les petits riens du quotidien. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Marie Cosnay Mar 7 Oct 2008 - 0:17 | |
| - markofr a écrit:
- J'aime vraiment beaucoup et je ne peux pas m'empêcher de faire un rapprochement avec Joyce Carol Oates qui utilise ce même procédé de narration intérieure, de phrases courtes, de tension presque lyrique, de souffrance à peine masquée derrière les petits riens du quotidien.
DE Joyce Carol Oates, j'ai lu Délicieuses pourritures et Les chutes...Avec lequel me conseillerais-tu de continuer ? | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Marie Cosnay Mar 7 Oct 2008 - 0:21 | |
| Nous étions les Mulvaney, Johnny Blues ou Blonde mes préférés. Mais pourquoi pas te lancer dans le dernier qui vient juste de sortir: La fille du Fossoyeur J'en ai tenté une lecture en anglais un peu difficile mais je le reprends en français et je sens qu'il va être énorme! Elle parle à nouveau de traumatisme et de résilience et elle fait ça mieux que personne. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Marie Cosnay Mar 7 Oct 2008 - 0:33 | |
| - markofr a écrit:
- Nous étions les Mulvaney, Johnny Blues ou Blonde mes préférés. Mais pourquoi pas te lancer dans le dernier qui vient juste de sortir: La fille du Fossoyeur J'en ai tenté une lecture en anglais un peu difficile mais je le reprends en français et je sens qu'il va être énorme! Elle parle à nouveau de traumatisme et de résilience et elle fait ça mieux que personne.
D'accord...Je note... | |
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| | | | Marie Cosnay | |
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