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| Alejo Carpentier [Cuba] | |
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Auteur | Message |
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Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Lun 26 Déc 2011 - 22:27 | |
| En effet, heureusement que je n'ai pas commencé par celui-ci. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mar 27 Déc 2011 - 13:39 | |
| je n'ai pas été trop contaminée par l'aspect politique du propos, je pense même qu'on pouvait occulter certaines références explicites sur la révolution castriste en en faisant une révolution parmi d'autres. J'ai d'autant plus apprécié La danse sacrale que ce texte remet en mémoire un pan d'Histoire en lui donnant le regard d'un cubain, d'un bourgeois, d'un révolutionnaire (avec toutes les interrogations que ces 3 appartenances soulèvent inévitablement). J'ai aimé aussi que Vera au fil du texte trouve sa voix et prenne la place du narrateur, qu'elle devienne aussi consciente de son propre engagement politique, alors même que russe, elle a fuit la révolution bolchévique et déteste viscéralement l'idée même de révolution. J'ai été d'autant plus touchée par son engagement de blanche pour permettre aux noirs cubains d'obtenir les mêmes droits que les blancs, en utilisant le médium de la danse. On trouve souvent dans les textes de Carpentier, l'idée que l'Europe des années 40-50 était plus ouverte aux différences raciales, ce qui me parait très étonnant, voir illusoire mais il faut se rappeler que les Etats-Unis ont opprimés les minorités raciales jusqu'au milieu des années 70... L'Europe pouvait donc faire figure d'Eldorado inversé... Quant au sexisme d'Enrique, il rejoint un peu l'attitude du narrateur du Partage des eaux, vivant une sexualité sans entraves, sans volonté de se marier, d'avoir une descendance, de ne connaitre qu'une seule femme... je crois que là encore, Carpentier donne à voir l'état d'esprit des hommes de son époque, libres mais demandant aux femmes de ne pas se comporter comme eux (les choses ont-elles beaucoup évoluées ?), couchant et découchant comme bon leur semble mais désirant retrouver la chaleur d'un foyer et d'une bobonne mitonnant de bons plats. Il y a peu de jugement dans le discours de Carpentier, alors même qu'il envisage des thèmes compliqués et polémiques (révolution, immigration, minorités raciales, rapport hommes-femmes, rapport entre bourgeoisie et prolétariat, entre culture de salon et culture de rue), il fait un constat et laisse chacun prendre ou laisser ce qu'il désire. Je ne crois pas que Carpentier, dans ses livres, défende de thèses et c'est peut-être pour cela qu'il est encore lisible (tellement lisible) aujourd'hui. Il tend une image de son époque, celle des révolutions, celle des guerres mondiales, celle d'avant la libération sexuelle et il serait sans doute anachronique de vouloir y voir une carte postale de notre modernité. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mar 27 Déc 2011 - 18:12 | |
| J'avoue n'avoir pas pu à la fin du livre faire abstraction du caractère propagande de la révolution cubaine, faite par un auteur qui à une époque au moins a été un officiel du régime. Et la vision de la révolution russe et de l'évolution du système politique en URSS est aussi des plus sommaire, à part une rapide allusion au pacte germano-soviétique, surtout rien de critique. C'est pour ces aspects que le roman m'a paru daté.
J'ai surtout été déçue je pense par le côté "classique" voire conventionnel du récit, ce genre de roman traversée du siècle, de guerre en révolution, cela a déjà été fait pas mal de fois, avec son lot de bons sentiments et d'émotions déjà lues, il me manque l'audace formelle et conceptuelle du Partage des eaux. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mar 27 Déc 2011 - 20:28 | |
| je suis d'accord avec toi sur l'aspect plus consensuel de La danse sacrale au niveau de la construction et même d'un point de vue des thèmes abordés, on n'y trouve pas la transversalité temporelle du Concert baroque ou la gageure spatiale et culturelle du Partage des eaux, mais j'ai retrouvé dans La danse sacrale certains éléments se rapportant aux autres livres qui donnent à ce dernier roman une valeur au sein de l'oeuvre, une place, une raison, une articulation. Ce livre est en tout cas le témoignage d'un engagement, le récit d'une époque, on peut être en désaccord avec les partis pris, on peut regretter le manque de lucidité vis à vis de certaines politiques, mais au moins je trouve chez Carpentier une ouverture d'esprit et une forme narrative aboutie (tout comme j'aime certains livres d'Aragon en dépit de ses choix politiques et de son aveuglement). J'ai hâte de poursuivre la découverte de cet auteur. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mar 27 Déc 2011 - 21:30 | |
| C'est sans doute le livre qui parle le plus directement de l'expérience de l'auteur, et peut être le moins "littéraire" dans le sens d'une transmutation, d'une mise à distance. Et cela me convient moins peut être. Mais c'est romanesque à souhait, et dans son genre bien fait. Mais cela ne m'intéresse pas beaucoup. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mar 27 Déc 2011 - 21:38 | |
| Après tout ça je tente un retour sur Le Partage des eaux. Qui se présente sous la forme du journal d'avant et de voyage d'un homme, un musicien qui a enterré ses ambitions très personnelles vis à vis de la musique, ce que sa passion a d'essentiel derrière une vie terne et embrumée par l'alcool entre une femme peu présente et une amante et ses amis, intellectuels dans le temps, qui forment une brume molle autour de sa conscience. Des vacances se télescopent avec une proposition du conservatoire pour aller retrouver dans la forêt équatoriale des instruments primitifs d'aujourd'hui. Et c'est un départ et une fuite qui dépasse le bon temps de l'équipée avec Mouche qui lui devient insupportable vers un retour aux sources en avant dans une vie différente. Enfin ce n'est pas aussi simple que cela. Avec sa construction classique et solide, l'auteur tresse dans son récit l'enchevêtrement des thèmes et des manières, des motifs. D'entrée on ne comprend pas tout, surtout quand on n'y connait rien en musique et à l'espagnol, il y a part de mystère ! Et ça tombe bien aussi. Peut-on ne pas s'identifier à cet ennui qui écrase notre bonhomme, peut-on ne pas se laisser prendre au cheminement condensé de cet homme qui redécouvre à travers le voyage le souvenir de son enfance et ses racines intimes, cet homme qui recherche une naissance de la musique pour enfin comprendre et exprimer son apparition, ou son apparition à sa conscience, cet homme qui va rencontrer une incarnation de la femme libérée à sa manière, qui donne l'impression de vivre un choix naturel, complètement. C'est extrêmement bien écrit et décrit, la puissance de captation du lecteur est merveilleuse, on a envie de se perdre dans cette dissolution ébahie et consciente, cette sensation de révélation. Pourtant de multiples autres figures habitent le récit : chercheurs d'or, indiens, missionnaire, et les époques entre en collision comme naturelle avec toujours l'ombre d'un universel possible à la fois montagne et gouffre au pied de l'homme. Et pourtant malgré cette tentation apaisante point de primitivisme heureux, des détails très concrets empêchent que ça ne prenne complètement. Tout ce mouvement, se retour d'une culture sur elle même, de l'homme sur lui même à son échelle, d'un temps plus grand dans ses pensées, d'un homme vers une femme matrice dans ses désirs, d'une musique vers le besoin de musique (et la grande tentation humaniste qui va avec en parfait double de la face aiguisée de la culture), la recherche du besoin d'expression plus précis à travers ce besoin de l'origine et de l'authenticité de la musique, ne mène qu'à détacher l'autre vanité, pas celle des intellectuels surréalistes ou non qui se contentent(-eraient ?) de répéter ce qui est dans l'air du temps pour croire se sauver d'un désarroi existentiel mais celle aussi de notre homme qui est juge et erreur. A lui aussi sa révélation, pourtant si importante échappe, son rêve comme celui du chercheur (d'or) se dissout et devient un ailleurs qu'il nous reste à imaginer (à l'image ou non de fray Pedro). Après l'envolée, quand se referme le livre on retrouve, changé(s), le plancher des hommes. On trouve tout ce qui fait le livre solide à l'ancienne, un peu comme du Malraux (le choix de destins individuels et la présence de la mort , quelque chose de cette construction ?) sans la même tonalité bien que la culture soit présente, la mise en œuvre et en mouvement d'une réflexion et la capacité d'un récit à plusieurs strates chacune d'importance pour le sens final. Et des moments incroyablement porteurs, dans cet échappement, ce dépaysement qu'on peut qualifier de merveilleux, de salvateur. Sans négliger bien sûr ce qu'une telle lecture peut nourrir dans son lecteur, dans l'expérience faite et les graines laissées dans les recoins de la pensée. Pour avoir suivi le fil, je pense que j'entrevois de quoi ça cause côté structure et côté vision de la femme peut-être. Il faut écouter les parfumées qui insistent sur les bienfaits de cette lecture. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mar 27 Déc 2011 - 21:43 | |
| C'est vraiment un livre marquant, qui je pense supporte, voire demande plusieurs lectures. Après l'avoir emprunté en bibliothèque je vais l'acheter, parce qu'il fait parti de livres qu'il est bon de sentir autour de soi pour pouvoir y replonger ou juste sentir sa présence. Merci à Kenavo (qui doit me maudire) d'avoir tellement insisté sur l'auteur. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mar 27 Déc 2011 - 22:23 | |
| j'ai relu vos interventions sur la fin du livre et celle du missionnaire. je vois ça d'une façon plutôt simpliste en fin de compte, après le voyage il n'y a pas de fin pour autant. il y a (eu) changement mais le problème est entier, peut-être seulement plus conscient, il n'y a donc pas d'arrêt, donc une forme de recommencement, qui tendrait à quelque chose de meilleur. mais c'est incertain. c'est le point commun aux personnages je crois. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mer 28 Déc 2011 - 9:13 | |
| - Arabella a écrit:
- Merci à Kenavo (qui doit me maudire) d'avoir tellement insisté sur l'auteur.
je suis très loin de te maudire.. au contraire.. je suis trop contente que vous êtes plusieurs à l'apprécier même si on ne se retrouve pas pour La danse sacrale, c'est déjà un plaisir de partager le plaisir de lecture d'un même auteur Merci aussi pour ton commentaire Animal, livre qui se trouve tout en haut de ma PAL et qui ne devrait pas tardé d'être lu avec tant de congé en vue | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mer 28 Déc 2011 - 11:21 | |
| animal, ton commentaire me donne envie de reprendre le Partage des eaux... Tu soulignes le flou spatio-temporel dont se sert Carpentier dans ce roman, c'est peut-être ce qui en fait sa modernité, son actualité ; il ne s'agit pas d'une simple initiation, d'un passage à l'âge adulte, d'une prise de conscience du monde, il s'agit peut-être aussi à travers cette quête d'une musique première, primaire, d'une recherche de spiritualité sans recours aux dieux, une forme de retour à la terre, à soi-même sans le passage par la mystique religieuse, un retour aux sources qui seraient de l'ordre d'une re-connaissance de l'intime et de la nature qui nous environne. Un questionnement aussi sur ce que nous faisons de notre destinée, ce que veut dire s'engager. | |
| | | animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Jeu 29 Déc 2011 - 21:56 | |
| Il insiste après le roman proprement dit sur ses inspirations très réelles de lieux et de personnes. Pour moi ça renforce l'idée du choix de construction et de mise en mouvement. J'essaye de réfléchir à ta vision du rapport aux dieux, à la nature première et à la destinée... est-ce que tu dirais que tes autres lectures de l'auteur colorent cette vision ? si elle n'est pas religieuse, ou pas explicitement, la mystique est très présente dans l'origine supposée de la musique, dans la recherche aussi ? et finalement dans le respect d'une nature qui est à la fois plus primitive (si on doit choisir un sens commun pour ce mot) et toujours très marquée culturellement, différente, plus libre à sa manière mais elle aussi très cadrée j'ai trouvé. Comme s'il faisait malgré tout le pont au dessus de cette origine tout en essayant de se placer dans son courant. Peut-être que la modernité se retrouve autant dans le point de vue large dans le temps et l'espace et rapprochant , condensant les visions que dans les possibilités d'engagement ?
(j'ai toujours une superposition avec Malraux qui me vient pour cette modernité que certains trouvent datée, voir encore le fameux lien de kenavo ! peut-être d'ailleurs que le fait qu'on lise le rapprochement en train de se faire participe à la fascination provoquée par ces auteurs auxquels on attribue (ou pas) des qualités particulières. A la différence d'une vision par après qu'on trouverait plus actuelle ?)
(ce que je raconte comme bêtises qui m'ont surtout l'air de beaux raccourcis a peu près plaisants... ) | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Ven 30 Déc 2011 - 19:25 | |
| on ne retrouve pas vraiment de questionnement sur la nature, ou sur la religion (à moins de vouloir voir les révolutionnaires comme des sorte de Messie, de Prophètes, d'Illuminés), dans La danse sacrale Carpentier s'intéresse plus au relations antithétiques : les hommes/les femmes, le révolutionnaire/le bourgeois (qui peuvent batailler dans un même homme), le blanc/le noir ; nous sommes très loin du retour à la nature du Partage des eaux et comme le soulignait Arabella, ce roman est non seulement plus conventionnel mais également peut-être un peu trop biographique (donc daté) ; le propos échappe à cette modernité que nous évoquions sans doute parce que l'idée de révolution n'a plus beaucoup d'écho aujourd'hui, ou plus de la même manière. La modernité du Partage des eaux vient aussi du fait qu'il s'agit d'un individu et non d'un groupe, d'un mouvement politique, de résistants, nous avons juste à faire à une entité qui s'en va et découvre, un être qui part à la recherche de lui-même, d'une forme d'origine, ce qui correspond, sans doute mieux aux quêtes actuelles, plus individuelles, plus personnelles, plus 'décroissantes'. Dans La danse sacrale, les 'héros' sont des révolutionnaires dont le temps a passé. Il faut le lire à la manière d'un témoignage, d'un regard porté sur une époque. Dans Concert baroque, on retrouve ce qu'on pourrait appelé de l'a-chronie, l'absence de repère temporel laisse le lecteur plutôt perplexe, les époques se téléscopent (jazz et musique baroque se mélangent) ; je crois que dans ce livre Carpentier voulait surtout se questionner sur les relations entre l'Europe et l'Amérique Centrale, sur la façon dont les européens ont contaminé, abimé, détruit la culture méso-américaine, et comment (par le ryhtme, par le jazz, la peinture ou d'autres formes artistiques) l'Amérique centrale est revenue par vagues successives pour réinvestir l'Europe (en passant par l'Afrique...). Cela peut paraitre compliqué, présenté ainsi, mais le livre est très court et en passant par le biais de l'empereur Montezuma (destitué par Cortès) dont Vivaldi tire un opéra, Carpentier met en avant toutes les ambiguités qui hantent les relations compliquées entre l'Europe et l'Amérique Centrale (faut-il rappeler que l'année du Mexique a été annulée en France en 2011 ?) et ce ne sont que des pistes... Carpentier est d'une richesse, vertigineuse ! | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Ven 30 Déc 2011 - 20:52 | |
| Je compte mettre Concert baroque et Siècle de lumière en lecture, un jour ou l'autre. Cela donnera une image plus complète de l'écrivain. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Sam 31 Déc 2011 - 17:03 | |
| - Arabella a écrit:
- Je compte mettre Concert baroque et Siècle de lumière en lecture, un jour ou l'autre. Cela donnera une image plus complète de l'écrivain.
j'ai La harpe et l'ombre dans ma PAL et compte bien me procurer rapidement Le Siècle des Lumières... | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Alejo Carpentier [Cuba] Mer 11 Juil 2012 - 12:08 | |
| La harpe et l'ombre
publié en 1979, ce livre est le dernier écrit par Alejo Carpentier et il arpente les terres déjà fortement balisées par l'écrivain : la relation entre l'europe et les amériques, les convergences temporelles, l'érudition transversale (de Sénèque aux scaldes scandinaves). La harpe et l'ombre commence par le désir du pape Pie IX de béatifier Christophe Colomb, qui deviendrait ainsi le premier saint marin de l'histoire chrétienne et qui permettrait de représenter lien emblématique entre l'est et l'ouest, cependant le Pape hésite car Colomb n'est pas sans tâches. La seconde partie du livre est la confession sur son lit de mort d'un Christophe Colomb désabusé et lucide. Menteur, falsificateur, esclavagiste, grand buveur et mauvais marin, voici comment se présente l'homme auquel l'Eglise s'intéresse. On devine vite le dénouement de l'histoire, mais lire les longues phrases de Carpentier reste un plaisir envoutant. Ce livre qui n'est pas tout à fait un roman , pas plus qu'un testament, mais qui se trouve à la croisée des genres, s'achève par une sorte de procès de Colomb au cours duquel Léon Bloy ou Jules Verne prendront la parole. Jouant avec les chronologies, les références littéraires, les astuces politiques, Carpentier crée une nouvelle fois un livre à forme hybride, au style léché et à l'humour incisif. Sans être indispensable, La harpe et l'ombre marque par le discours sous-jacent : l'homme qui a découvert l'Amérique était plein de défauts, il n'est même pas celui qui a découvert l'Amérique et pourtant l'évocation de son nom ouvre une page d'histoire aux images infinies. L'Histoire se construit sur des mensonges et notre culture (comme nos relations aux autres) est le résultat de ces falsifications. On peut donc légitimement se demander quelle valeur a cette culture au regard de celle des indigènes qui subirent le poids des conquérants, conquérants qui annihilèrent souvent les erzatz des civilisations amérindiennes. Ainsi, loin de la réhabilitation désirée par l'Eglise (dont on connait aussi les exactions inquisitrices) Christophe Colomb apparait comme un homme, simplement un homme et non pas un héros, ni un saint, un type dont certains défauts sont excusables et d'autres condamnables ; le propos de Carpentier n'étant pas de l'accabler mais de tenter de le montrer au plus près, justement, de cette humanité qui est la notre. | |
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