Tom Robbins

nezumi a écrit:

C'est une bonne chose que cette traduction. Dommage que Robbins peine à trouver son public en France même si la critique (surtout branchée, du reste) l'accueille plutôt bien. Il est culte aux USA mais j'ai l'impression que son style et son humour ne prennent pas vraiment ici. J'espère que les parfumés le découvriront à l'occasion de cette sortie, c'est un très bon cru (à base de betterave essentiellement), je crois que j'avais griffonné quelques mots dessus sur le fil.

je reprends d'un autre fil (a propos de la sortie en vf de Jitterbug perfume) ce message de nezumi. pour re répondre de façon un peu plus développée.

Peut-être que la réception dépend de l'image que l'on cherche à donner et qui croit être recherchée parfois, inévitable pendant. Tom Robbins a un sacré sens de l'humour et ai parfois un peu provoquant ou décalé mais peut-être qu'il est au moins aussi vif et drôle que juste provoquant, la situation alternative un peu loufoque va toujours donner l'impression de venir avant, du coup les provocations et le politiquement incorrect sont différents du destroy pour le destroy. Surtout que le bonhomme est calé sur certains sujets et intelligent, il balance une quantité phénoménale de chose qui risquent de provoquer une certaine réflexion l'air de rien et avec le sourire. La situation n'est absolument pas fermée.

Rien à voir avec du branché de la branche tarantino & co.

Et peut-être qu'à cela peut s'ajouter le décalage de l'auteur américain et cool en plus. Pourtant il y colle bien à cette image, il est cool. Malgré tout il va parler d'Europe, d'Asie, de tout et encore autre chose... pour assumer et illustrer le potentiel non-sens de la remarque je vais faire un parallèle avec Jack Kerouac, du moins avec ma lecture de Sur la route. J'ai toujours cru, et crois encore, que j'aurai du lire un puissant et authentique hymne à la liberté à l'américaine. Grands espaces, poussière et cheveux au vent et soirée moites bien arrosées. Alors que non, quelque chose dans l'écriture peut-être, et caché en partie par cette image, pour l'histoire triste d'une certaine aliénation. Un léger malentendu en somme ?

En tout cas Tom Robbins j'espère bien y revenir ! (c'est rare qu'on rigole vraiment en lisant un livre).

Fierce Invalids Home from Hot Vlimates

Switters fringuant agent de la CIA abominablement bavard voue un culte au sexe opposé (surtout les très jeunes), boit très volontiers et autres mais n'en est pas moins consciencieux bien qu'à contre courant. De Seattle à la Syrie en passant par le Pérou et Rome Il est le prétexte ambulant de Tom Robbins pour un beau paquet de péripéties gentiment tordues, de digressions capilotractées parfois fascinantes et d'une accumulation monstrueuse de jeux de mots des plus rustiques aux plus gratuits. Le tout sur fond d'histoires d'amour(s) qui s'attardent sur des "détails" très explicites et de questionnement mystico-religieux qui ne font que détailler un regard particulier sur le monde de l'an 2000 point de vue USA et international. Toujours dans les digressions une quantité de détails affolants et inattendus qui font rebondir le discours de façon singulière. Et puis vous pouvez y aller les aurores boréales de 1938 et les apparitions de Fatima (Portugal) vous pourrez trouver des choses dessus. Les gardes fou du personnage sont sa grand-mère Maestra invariablement indomptable et un collègue parfait américain Bobby Case, et aussi Domino, nonne plus âgée et deuxième grand grand amour de sa vie et partie prenante dans cette histoire à coucher dehors.

ça fait du bien une petite lecture de Tom Robbins, ça réveille un peu et on ne risque pas de tout voir venir 100 pages à l'avance. J'avoue quand même que je pense qu'il dilue un peu pour respecter le format 400 pages, mais ça fait partie du caractère alors... L'accumulation de connaissance et de références fait elle aussi toujours effet. Autre effet toujours au rendez-vous la mise en scène du sexe, de la drogue et d... e la religion pour secouer le cocotier du confort habituel d'une vision monolithique de nos vies occidentales aux fortes implications. On trouve quatre parties là dedans : la religion chrétienne, l'Islam, le bouddhisme (zen) et une alternative mystérieuse et frappa-dingue du côté de la jungle amazonienne et des indiens culturellement colonisés mais pas complètement. Peut-être le surjoue-t-il mais l'ambition est intéressante même si on croit retrouver parfois malgré l'irrévérence une partie de l'américanisme critiqué.

D'une allure fantastiquement plus baroque et non sans une certaine surprise cette lecture m'a rappelé les derniers William Gibson. Une même interrogation d'identité par rapport à des normes floues et partiellement partagées avec ou sans détournement. Et puis les deux ont ce regard langoureux et rock'n'roll pour des personnages atypiques des deux sexes.

J'aurais été plus à l'aise si j'avais pu le dévorer par plus gros morceaux, le Switters n'est pas forcément un plat qui se mange tiède.

Citation :

"Humanity is generally offensive," he told her happily. "Life's an offensive proposition from beginning to end. Maybe those who can't tolerate offense ought to just go ahead and end it all, and maybe those who demand financial compensation for offense ought to have it ended for them."

Citation :

"Faites de beaux rêves, monsieur," she called as she put out the light.
Switters had always loved that expression, "Make fine dreams." In contrast to the English, "Have sweet dreams," the French implied that the sleeper was not a passive spectator, a captive audience, but had some control over and must accept some responsiblity for his or her dreaming. Moreover, a "fine" dream had much wider connotations than a "sweet" one.

Citation :

"My grandmother," he said, "confessed to me once that before she'd ever let herself become deeply involved with a man, she'd make sure to get him drunk. Maestra claims you can never know who a person really is unless you've seen how they behave when under the spell of Bacchus. It's a hard and fast rule with no exceptions: a bad drunk will make a bad husband. Or wife, for that matter. Sobriety, for some people, is a thin and temporary disguise."

Le titre est emprunté chez Rimbaud, en vf on trouve : Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds.

Bientôt traduit en français ?

Ton commentaire fait envie en tout cas.

déjà traduit, voir deux pages avant (la 6) la lecture de Queenie.

- B comme bière (b is for Beer, 2009). Traduit de l'américain en 2012 par François Happe. Gallmeister. 153 pages. Illustrations de Les LePere.
Le livre est sous-titré : "la bière expliquée aux (grands) enfants".

Citation :

"Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi votre papa aime tant la bière ? Vous êtes-vous demandé, le soir avant de vous endormir, pourquoi il est un peu "bizarre" après avoir bu de la bière ? Peut-être même vous êtes-vous demandé d'où vient la bière, parce que vous vous doutez bien qu'elle ne sort pas du pis des vaches. Eh bien, Gracie Perkel se posait exactement les mêmes questions." (page 11).

Gracie interroge donc sa maman, mais cette dernière est un peu occupée avec le linge, et oriente sa fille vers un spécialiste du sujet :

Citation :

"- Si tu as des questions sur la bière, tu devrais aller les poser à ton père.
"Gracie portait des pantoufles jeannot lapin moelleuses et duveteuses, n'empêche, c'est quand même sur la pointe des pieds qu'elle pénétra dans l'antre de son père. Celui-ci regardait un match de football sur leur nouvel écran plasma ; si l'université de l'Etat de Washington était en train de se faire battre, il allait être d'une humeur grincheuse. Oh oh. Un gros mot. Washington était effectivement en train de perdre. Mais Gracie fut soulagée quand elle vit que l'Oncle Moe était venu regarder le match et, bien sûr, taper quelques bières à son père. [...]
Il avait une tête qui faisait penser à un évier rempli de la vaisselle de la veille, et sa moustache ressemblait à un moineau mort, mais ça ne la dérangeait pas." (pages 13-14).

L'oncle Moe étant moins concentré sur le match de football, il fait goûter un peu de bière, en douce, à sa nièce de (presque) six ans.

Citation :

"L'oncle Moe tendit sa canette - et, comme ça, tout simplement, dans le dos de son papa, Gracie Perkel prit sa première gorgée de bière.
- Beeerk ! (Elle fit la grimace.) C'est vraiment amer.
- C'est pour mieux étancher ta soif, mon enfant.
- Pourquoi c'est amer, Oncle Moe ?
- Eh bien , c'est fait avec du houblon." (pages 14-15)

L'oncle Moe lui parle des Egyptiens qui, selon lui, auraient inventé la bière. Puis :

Citation :

"- À propos d'inventions, est-ce que tu savais que la boîte de conserve a été inventée en 1811, mais qu'il a fallu attendre 1855 pour qu'on invente l'ouvre-boîte ? C'est un fait. Pendant les quarante-quatre ans qui ont séparé les deux inventions, les gens qui avaient faim devaient s'armer d'un marteau et d'un ciseau pour avoir accès à leur porc aux haricots. Une veine pour eux qu'à cette époque-là on ne vendait pas la bière dans des boîtes de conserve, tu crois pas ?" (page 17).

On apprend d'autres informations de première importance : "même la plus mauvaise bière industrielle bière contient son pack de six vitamines", et "En Chine, le mot qui désigne la bière signifie “pain liquide” " (page 18).
Pendant que papa est aux toilettes (à force de boire...) :

Citation :

"- Ecoute-moi bien, lui confia l'OncleMoe en chuchotant presque. Lundi, on annoncera ta maman que je t'emmène au zoo de Woodland Park. Mais à la place, on prendra discrètement le bus pour aller jusqu'à la brasserie Redhook. On suivra leur visite guidée et tu pourras voir par toi-même de façon précise comment on fait la bière. Très instructif, ma chère, très instructif. Après la visite, je te ferai entrer en douce dans le bar et on pourra observer le barman en train de donner à boire aux singes. C'est bien mieux que le zoo." (page 19).

En voilà, un beau programme !
D'ailleurs, la petite Gracie repart toute sautillante.

Citation :

"Son anniversaire mettait tellement de temps à arriver qu'elle avait peur de se retrouver adolescente avant même d'avoir eu ses six ans, mais maintenant, il y avait au moins une chose qu'elle pouvait attendre avec impatience." (page 19).

Citation :

"La semaine passa aussi lentemant que les gaz intestinaux d'un bonhomme de neige." (page 43).

Bien sûr, tout ne se déroulera pas comme prévu. Mais alors, vraiment pas.
N'empêche qu'on apprendra plein de choses sur la bière, et ça, c'est l'essentiel !

aaaaah le bon souvenir.

la brasserie mentionnée a l'air de proposer une vaste gamme !

animal a écrit:

aaaaah le bon souvenir.

Hé hé !
Par contre, sur ma photo, la bière à côté n'était pas terrible. Heureusement, la Tripel Karmeliet qui a accompagné une partie de la lecture, elle assurait pas mal.

Merci pour le titre en tout cas, c'est grâce à toi que j'ai lu ce bon petit bouquin !

animal a écrit:

la brasserie mentionnée a l'air de proposer une vaste gamme !

Ca se trouve bien à Seattle, comme le lieu où se déroule l'histoire.

on va dire merci à nezumi alors.

eXPie a écrit:

Le livre est sous-titré : "la bière expliquée aux (grands) enfants".

Un grand enfant de 39 ans !

eXPie a écrit:

Citation :

" Il avait une tête qui faisait penser à un évier rempli de la vaisselle de la veille, et sa moustache ressemblait à un moineau mort, mais ça ne la dérangeait pas." (pages 13-14).

Jeannot lapin, c'était mon doudou quand j'étais petite.
Oui, oui, tout le monde s'en fout mais moi ça a illuminé mon visage de lire ce nom dans le texte

animal a écrit:

on va dire merci à nezumi alors.

Oh oui. Un Grand Merci à Nezumi pour la découverte de cet auteur ! (et ça fait longtemps que j'en ai pas grignoté un d'ailleurs...)

Féroces infirmes retour des pays chauds


J’ai été complètement emportée par ce livre qui m’a un peu donné le tournis mais que j’ai lu de bout en bout avec un grand sourire, parfois même avec de grands éclats de rire. Pourtant, c’est loin d’être si léger que ça en a l’air, pas mal de thèmes essentiels sont abordés, la spiritualité, la religion, le langage, le sexe et l’hypocrisie ambiante... Switters, personnage parfois déroutant mais si attachant, aime discourir et ne se prive pas d’exposer dès qu’on lui laisse la parole ses théories pseudo-philosophiques souvent fumeuses, délirantes, fantaisistes pour le moins mais ô combien inspirantes pour certaines. J’aurais envie de citer des dizaines de passages, mais j’ai trouvé celui-ci particulièrement jubilatoire

Citation :

Alors, mon petit kumquat vaporeux, je suis obligé de demander : qu’a fait Jésus pendant tout ce temps ? Marie multiplie ses apparitions, exige sans arrêt d’être reconnue, endosse des patronymes grandioses et demande qu’on lui confère le statut paritaire de co-rédemptrice. Alors que pendant les cinq derniers siècles, et les quinze précédents, on n’a pas vu un poil de la barbe du fiston. Qu’est-ce qui se passe chez lui ? De son vivant, il avait l’air moins timide. As-tu remarqué que Marie ne le cite dans aucune de ses déclarations ? Dieu, oui, mais pas le Christ. De leur côté, les Evangiles font à peine mention d’elle, et aux rares occasions où elle déboule sur scène, Jésus ne fait pas preuve d’un enthousiasme délirant à son sujet. Il va même, dans Matthieu je crois, jusqu’à la snober et, demandant : « Qui ça, ma mère ? », répondre que celles qui obéissent aux ordres du Seigneur ont toutes les qualités maternelles requises. Serait-ce un motif de vengeance ? Jésus serait-il aux arrêts, enchaîné dans les caves de Marie ? Le tient-elle d’une façon ou d’une autre, le ferait-elle chanter ? Je suppose qu’on pourrait voir dans ses vierges activités le retour d’une sorte de matriarcat, voire une résurgence de la primauté religieuse des déesses sur les dieux. Peut-on y renifler le signe avant-coureur d’une révolution de palais qui coûterait à ce brillant parvenu de Lucifer sa place de numéro deux du Ciel – voire le lessivage public d’un linge familial bien sale ?

Les dialogues sont extra, Switters se retrouve dans les situations les plus invraisemblables mais qu’importe si c’est complètement barré, c’est aussi brillant, provocateur, ça va à toute vitesse, l’écriture de Robbins est très visuelle avec plein de métaphores savoureuses (et pourtant en général je n’aime pas trop ça). Bref, c’est un pur régal et une sacrée découverte que j’ai faite grâce à la chaîne et à Queenie qui m’a offert ce livre. Un grand merci !

Je me demande maintenant si j’essaie un autre de ses livres, ou si je reste sur cette excellente impression.

Cooooool !

Laisse reposer quelques temps, mais tu ne devrais pas être déçue si un jour tu tentes l'expérience avec un autre de ses livres !

Je me fais une petite note pour début 2015, une année entre deux, ça devrait être bon !

Yep !

Et moi, faudrait que j'en lise un nouveau également.