Les Deux Sacrements
Heinrich Böll
Difficile de parler de ce livre d’Heinrich Böll qui m’a semblé vraiment différent de tous ceux que j’ai pu lire jusqu’à présent. Le récit, si l’on peut parler de récit, s’étale sur trois générations d’architectes et le fil rouge en est une abbaye, l’abbaye St Antoine que le grand père édifie, puis que le fils détruit pendant la seconde guerre mondiale et que le petit fils veut rebâtir ensuite et détruit à nouveau de façon symbolique. Cette abbaye est en fait un fil rouge en filigrane que le lecteur (enfin moi) suit tant bien que mal. Il est difficile de trouver une véritable trame à ce récit, car les narrateurs et les époques où ils se trouvent changent sans cesse et nous laissent un peu perplexes et sans cesse sur nos gardes, qui raconte ? quand ? C’est une sorte de jeu de piste très dense en plusieurs dimensions et les thèmes en sont multiples.
Toutefois, il me semble que la montée du nazisme et les années qui suivent sont au centre du roman, d’où les deux sacrements, les hommes qui ont reçu le sacrement (virtuel) du buffle sont des êtres inflexibles, brutaux qui saccagent ce qui les gêne sur leur passage et les autres sont ceux qui ont reçu le sacrement de l’agneau, des victimes nées que l’on peut sacrifier sans regret. Encore que la dichotomie que l’on croit par moment claire soit bien plus floue en réalité, certains personnages se situant dans les deux camps sous la houlette trouble de Hindenbourg dont le nom et l’influence sur le destin des hommes est omniprésent.
Un drôle de roman donc, marqué de façon indélébile par l’Histoire, dont on se demande si ce n’est pas elle le personnage principal finalement. Un roman qu’on lâche, mais qu’on reprend comme s’il était aimanté et que l’on termine parce qu’on ne peut pas faire autrement.
Je m’aperçois que ce que j’ai écrit ne veut pas dire grand-chose, mais je ne sais quoi en dire d’autre. Du coup je suis plongée dans les entretiens d’Heinrich Böll avec Martin Wintzer, critique littéraire et spécialiste de la littérature allemande. Intéressant de voir le rapport de Böll à l’écriture, au romanesque, à l’histoire, à la religion, et à bien d’autres sujets.
Merci à animal de m’avoir fait replonger dans l’univers de cet auteur.