Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Jérôme Ferrari

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krys
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyJeu 28 Mar 2013 - 20:18

Il m'a bien plu ce Sermon. D'abord j'ai trouvé certains passages très drôles ! Mais quand même, relier St Augustin et un bar corse, il faut le faire ! Là je n'ai pas trop vu le rapport, mais ça donne un petit ton dramatique à l'histoire...
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tom léo
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyMar 23 Juil 2013 - 6:48

Des pages de fil que j'ai essayé de parcourir, et je ne vais pas recommencer à Zéro pour parler de ce livre, de son contenu. Juste quelques remarques et opinions personnelles :

En ce qui me concerne j'ai beaucoup aimé ce livre que je lis éventuellement avec des yeux similaires aux commentaires d'Emmanuelle Caminade.

D'abord le style et le langage m'ont parlé. D'accord, on pourrait discuter si les très longues phrases de certaines parties sont dans un français habituel ou pas, mais il me semble que cela reste lisible. Derrière l'apparente distance neutre, il se cache des tournures des phrases assez drôles, voir, ironique, cynique (peutèêtre trop?). Si vous parlez de livres de lui avec un style encore supérieure, je me sens vivement invité de les attaquer bientôt !

Mais ce qui me plaît avant tout c'est le contenu, le « propos ». Peut-être peut-il être mal compris, pris comme une morale, ou une description de plus en plus apocalyptique de l'être humain ? Je vois dans ce registre certains réticences ici et là, car j'étais assez étonné par le nombre d'avis négatifs. Certes, je ne peux pas prétendre d'avoir compris toutes les implications du roman, ni du Sermon en soi d'Augustin. Mais à mon avis il ne s'agit pas avant tout d'une condamnation (par exemple) de ceci et cela, ni de décrire juste des choses de plus en plus grotesques. A voir de plus près, chaque bribes d'histoire, de personne, de lieu dans ce roman est intimement atteint par le flux du temps : cela commence avec ces pages merveilleuses du début à partir d'une photo d'un « monde disparu », et cela continue ailleurs : la mort des uns et des autres, la guerre ici et là, les changements en somme dans une vie aussi etc.... Est-ce que cela est si loin ? A mon avis Ferrari décrit ici à partir de l'expérience de l'état transitoire de tout (et tout peut-être « monde », comme quelqu'un disait ici justement) – expérience en fin de compte partagé par nous tous, même contre notre volonté ! - notre place dans le monde et on est comme invité : Et qu'est-ce qui reste ? Sur quoi je batis vraiment mon édifice ?

Les parallèles avec Saint Augustin et la chute de l'empire romain semblent seulement à première vue inadaptés ou tirés de loin. Augustin, grand penseur, mais aussi prédicateur, se trouvait dans un charnier d'époque. Nous ne pouvons même pas imaginé ce qu'a signifié pour les Romains l'invasion des barbares : la fin d'un monde... Si là on transpose ce mot sur le roman, certes, on pourrait se retenir d'utiliser « empire » pour le monde corse ! Mais l'essentiel se trouve probablement dans les réponses d'Augustin : Au lieu de se révolter contre l'état éphémère inhérente de ce monde et aussi de nos répères si bien aimés, il faut lâcher prise. Comme si l'essentiel ne consiste pas à s'identifier à 100% avec un état (= un monde) somme tout transitoire, mais de se détacher. Des grands mots ? Cela peut sonner comme cela pour certains ou mettre de malaise (comme si cela impliquerait que ce monde n'aurait pas de valeur. Mais non, ce n'est pas ça!), mais pour moi cela me semble (« terriblement ») actuel et proche.

Voilà une/ma lecture du livre.
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Marko
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyMar 23 Juil 2013 - 8:57

Super Tom Léo! On te sent impliqué et touché par ce roman. Cela montre une fois de plus combien notre appréciation d'une oeuvre ou d'un auteur dépend de ce que nous y apportons (ou pas) de notre propre expérience et de nos références. En tout cas tu donnes envie de le lire.
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titete
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyMar 23 Juil 2013 - 11:14

J'ai aussi lu le Serment de la chute de Rome de Jérôme Ferrari, livre offert pour Noël. Je voulais écrire un commentaire mais par manque de temps, je n'en avais pas eu le temps et mes souvenirs se sont un peu envolés. Le livre m'avait moyennement plu. J'ai bien aimé le style, l'écriture tout en regrettant les passages vulgaires que j'ai trouvés particulièrement mal amenés, un peu comme collés là pour faire genre.

Je rejoindrais peut-être en partie ce qu'a dit tom léo sur le ressenti de lecture. Tous les personnages que l'on suit dans le livre recherche leurs racines ou recherche justement à s'en débarasser. J'ai eu cette impression étrange de voir une déclinaison d'un même personnage, d'une même idée. La quête du bonheur, parfois à travers un retour sur le passé, une nostalgie qui n'apporte souvent que souffrance  (pour le grand-père). Le sens de la vie qui s'échappe et même la sensation que les personnages fuient ce qu'ils sont, s'éloigent d'eux-mêmes cherchant autre chose et finissent pas être dégoûtés de ce qu'ils sont devenus.
J'y ai surtout vu la description d'un essai de construction humaine par un bâtisseur déboussolé, un peu perdu.

Par contre le lien avec Saint Augustin ne m'est pas clairement apparu et je n'y ai pas prêté une grande importance. Je lis donc avec intérêt vos commentaires.

Personnellement, après cette lecture, j'ai décidé de faire une pause quant à mes lectures contemporaines. Le sexe, partout, tout le temps, commence sévèrement à me fatiguer et m'ennuyer.
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shanidar
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyLun 2 Sep 2013 - 9:42

Le sermon sur la chute de Rome





Une sorte de leitmotiv contient à la fois toute l'impuissance et la désillusion du livre de Ferrari :

Rien ne s'est passé,

soupire Marcel (avec colère), confirme Matthieu (avec soulagement)… du grand-père au petit-fils les traces de l'histoire s'effacent quand on détourne les yeux, quand on accède à la petite vérité que l'homme naît pour mourir et qu'entre ces deux états : il ne s'est rien passé.

Parce que bientôt, plus personne ne se souviendra de ce fils, de ce mari, de ce père ou de ce grand-père que fut Marcel, un Marcel qui dès la première scène (celle ou il regarde la photographie de sa famille, cette famille, dans laquelle il ne figure pas encore) est déjà effacé, absent, néant, grand vide troublant de l'absence de soi.

Et Ferrari excelle à décrire la néantisation (volontaire, involontaire, à la grâce du temps, de cette historicité qui ne s'inscrit pas même dans la pierre, car qui peut dire aujourd'hui qui sont les noms des monuments aux morts ,des tombes des cimetières, des urnes des crématoriums ?). Le temps efface la présence des hommes, des hommes qui n'ont pas plus d'histoires que celles, anodines, emblématiques, inoubliables, racontées par Ferrari. Car là où devrait s'effacer la trace des uns ou des autres, l'écriture retient les noms, rappelle les vies, relate les rêves, les désillusions, les renoncements, les chutes et les empires qui s'effondrent sans que personne n'en prenne vraiment conscience.

Le Roi est mort vive le Roi ! Semble dire Ferrari !

 

Il suffit donc de détourner le regard, de s'effacer de l'histoire pour que la vie, la sienne et celles des autres n'existe pas. Nous fermons tous les yeux sur le monde et sur nos vies, nous passons notre temps à oublier , à refuser de voir et quand l'un d'entre nous a un sursaut (de quoi ? d'honneur ? de bravoure, de lucidité ?) nous le saluons et  nous retournons bien vite vers le confort de l'aveuglement. C'est finalement tellement plus simple que rien ne se soit passé.

 

Ainsi Matthieu pensait faire le bien, en ouvrant son bar, redonnant une vie au village, offrant du boulot à des filles perdues, se donnant à lui-même un but, un ombilic, loin des élucubrations de Saint-Augustin ou de Leibniz… mais l'évidence ne peut pas être tenue trop longtemps à distance : vouloir faire le bien n'efface pas la concupiscence, la jalousie, la colère, l'envie, ni la violence… Pour faire un monde ou un Empire, il faut du bien et puis du mal...

Et il faut fermer les yeux et se détourner pour que cette fois encore : rien ne se soit passé.

 

La scène finale, scène de violence quasiment biblique, où l'on pense au sacrifice d'Isaac, est d'une grande force et l'attitude de Matthieu, sa pétrification, est, à l'instar de son comportement durant tout le roman, la figuration inquiétante  d'une génération qui, lettrée, éduquée et pacifiée, se retrouve désarmée et muette face aux questions morales, face aux réactions d'honneur dont elle ne veut surtout pas entendre parler.

 

Un texte fort et inquiétant parce qu'il soulève la question de notre cécité et qu'il ne nous délivre pour seul conseil l'ambiguë sécurité que tout passe, que les empires s'effondrent, que d'autres suivent voués à la même perte, au même oubli et que la vie ne vaut la peine qu'à l'aune de ce qu'on veut y voir, y mettre, y construire ou en écrire...
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kenavo
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyLun 2 Sep 2013 - 9:48

ce commentaire est mon kif du jour, merci drunken 
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shanidar
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyLun 2 Sep 2013 - 9:55

kenavo a écrit:
ce commentaire est mon kif du jour, merci drunken 
J'ai longtemps attendu pour le rédiger, histoire de laisser infuser le texte dans ma mémoire et prendre la mesure de ce livre excellemment écrit. Je garde surtout intacte l'image d'Alice, la sœur de Matthieu, jeune femme en construction, scientifique, matérialiste et archéologue, qui part à la recherche de Saint Augustin, tombe amoureuse, fait voler en éclat sa vie, fait la morale aux autres, se tient présente aux moments difficiles, et qui me semble être l'un des personnages les plus énigmatiques et les plus aboutis de ce roman très réussi.
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kenavo
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyLun 2 Sep 2013 - 9:58

je ne peux que te donner raison...
et je serais très curieuse de voir tes réactions pour ses livres Un dieu un animal et Où j'ai laissé mon âme, mes deux 'chouchous' de cet auteur
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shanidar
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyLun 2 Sep 2013 - 10:02

kenavo a écrit:
je ne peux que te donner raison...
et je serais très curieuse de voir tes réactions pour ses livres Un dieu un animal et Où j'ai laissé mon âme, mes deux 'chouchous' de cet auteur
Ils sont précieusement notés dans ma liste à emprunter à la médiathèque !
C'est tellement magique de découvrir un nouvel auteur dont on sent qu'il pourrait vite devenir un incontournable !
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyMer 4 Sep 2013 - 21:49

kenavo a écrit:
ce commentaire est mon kif du jour, merci drunken 
Comme je te comprends ! Un inspiration pareille pour un commentaire donne forcément envie de le lire dentsblanches 
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyMer 18 Juin 2014 - 11:06

Jérôme Ferrari - Page 10 Ferrar11 Où j'ai laissé mon âme

Magistral !
Tout y est !

L'histoire est impeccablement orchestrée, écrite par la grâce des deux voix mêlées et pourtant bien distinctes des deux protagonistes, avec une vraie construction dans le temps, une langue discrète et parfois chatoyante, un sens du tempo et des échos qui de l'un à l'autre permettent de construire une histoire d'une rare et intense et subtile richesse. Une langue d'une beauté incandescente, sans accrocs, torrentueuse et irradiée.

Le propos interroge sur les grandes notions que sont l'orgueil, la loyauté, la dignité humaine, en une mise à nu qui ressemble trait pour trait à une mise à mort, chaque mot, chaque élan, chaque instant écrit dévoilant l'âme et incendiant le corps, là où ni le capitaine Degorce, ni son ancien lieutenant Andreani, ne sont ni pire, ni meilleur, ni digne, ni plus indigne. Le Bien et le Mal sont tour à tour décapités et laissent exsangue. Les deux hommes, celui qui a renoncé à la victoire parce que sa conscience le retenait mais que cela n'a pas empêcher de commettre les actes les plus vils (barbarie, mensonge, coups…) ou celui que la loyauté a poussé à torturer sans remords sont au bout du compte à peu près les mêmes : des soldats. Et on revient toujours à cette question lancinante : si la guerre donne à des hommes la liberté de tuer, le droit de devenir des justiciers, des tueurs, des hommes en arme, ce même esprit guerrier justifie-t-il que l'on torture (des terroristes pour éviter qu'ils commettent leurs attentats, des innocents que l'on croit être des terroristes, des femmes, des mineurs à qui l'on fait subir les pires supplices) ? Le statut de soldat pose à lui seul la question fondamentale de l'humanité d'hommes portant des armes, légitimé à porter des armes et à les utiliser.

Et de ces questions découle celle de savoir où s'arrêtent la dignité humaine ? A quel moment commence la torture ? Comment juger un homme, Degorce, torturé par la Gestapo, revenu de Buchenwald, puis de l'enfer de Dien Bien Phu et des camps Vietminh et qui se retrouve en Algérie, un homme à qui on ordonne d'étêter une cellule terroriste et qui doit pour se faire, mentir, torturer, jouer avec les corps, les âmes, les consciences et les cœurs de victimes qu'il voit comme de potentiels dangereux poseurs de bombes ? Comment juger cet homme ? Lui qui se juge déjà avec froideur, sait qu'il a perdu toute dignité, tout droit à la pitié mais aussi son orgueil, sa foi en Dieu et la bienveillance de ses proches. Un homme qui ne sait plus où il a laissé son âme. Et l'autre. L'autre qui est allé au bout de sa loyauté envers ses principes guerriers, qui n'a aucun remords hormis celui d'avoir un jour aimé Degorce, ce traitre, et qui sans faillir a obéi aux ordres de sa conscience, sa détermination, ce qu'il croit être juste…

En opposant, ou plutôt en mettant face à face en un jeu de miroir hideux, la loyauté et la vérité, l'orgueil et la dignité, Jérôme Ferrari montre à quel point ces hommes, entichés d'eux-mêmes et se prenant pour des rocs, des rochers, de l'acier, des armes de destruction/protection massive, ne sont que des grains de sable capable d'enrailler les rouages de ce qui fait le Bien, de ce qui fait le Mal et qui cimentent encore aujourd'hui le gruau du monde.

A travers les deux voix si différentes et pourtant si semblables de ces deux hommes (le haineux contre celui qui doute), Jérôme Ferrari prouve que les scrupules ne servent pas plus à la dignité humaine que l'assurance d'avoir toujours été loyal si ce n'est juste.

A vouloir la guerre l'homme récolte l'avilissement, d'où qu'il soit, de quelque camp qu'il se réclame, il a perdu irrémédiablement une part de son humaine condition.

J'ai trouvé ce livre époustouflant, d'une rare et belle subtilité, d'un intérêt historique sans faille, d'une précision humaine impressionnante.

Et je le répète, le thème abordé dans ce livre pourrait, je crois, intéresser Igor et topocl.
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyMer 18 Juin 2014 - 11:54

Comment résister à un tel commentaire?
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyMer 18 Juin 2014 - 12:05

Très beau commentaire Shanidar.
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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyMer 18 Juin 2014 - 12:43

topocl a écrit:
Comment résister à un tel commentaire?

C'est très simple. Tu lis toujours en premier le bas du commentaire. Là, forcément, tu tombes sur ça : "J'ai trouvé ce livre époustouflant, d'une rare et belle subtilité, d'un intérêt historique sans faille, d'une précision humaine impressionnante."

Du coup, fatalement, ta PAL est en grand péril. Donc, tu t'obliges à ne pas lire le reste, c'est super simple, juste une question de volonté. 
Spoiler:

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MessageSujet: Re: Jérôme Ferrari   Jérôme Ferrari - Page 10 EmptyVen 7 Nov 2014 - 9:21

Où j'ai laissé mon âme

J'aurais volontiers arrêté définitivement mon aventure avec Jérôme Ferrari après le sermon sur la chute de Rome. Mais ça sert à  ça, un forum, à changer d'avis. Je viens de lire d'une traite Où j'ai laissé mon âme et je vais une fois de plus remercier Shanidar.

Beau livre, très fort, très dense, très remuant.


Citation :
seul compte ce qu'il a fait, non ce qu'il a voulu.


La guerre d'Algérie et la torture : une guerre de plus dont les hommes sont revenus muets, marqués à vie. Sans doute pouvaient-ils refuser, mais bien peu l'on fait, facile à dire pour nous. Une chose est sûre, à la lecture  de ce roman, c'était quasiment infaisable. On le lit terrorisé en se disant : j'aurais pu en être, j'aurais pu être confrontée à ce choix-là, en fait à ce non-choix là.

Au-delà des idées, Ferrari nous offre un petit roman parfait de concision et de qualité littéraire. Roman du doute, magistral de maîtrise, qui égale Camus , sur des sujets assez proches (?). Quel est le pire des tortionnaires, du chrétien tourmenté, du terroriste charismatique ou du va-t-en-guerre droit dans ses bottes ? Dans ce trio fascinant et diabolique la violence avance triomphante, l'homme est toujours perdant, et Dieu semble s'en laver les mains.


Citation :

Il a le pouvoir de faire apparaître ou disparaître une paire de chaussures, de décider qui doit rester nu et combien de temps, il peut ordonner que le jour et la nuit ne franchissent pas les portes des cellules, il est le maître de l'eau et du feu, le maître du supplice, il dirige une machine, énorme et compliqué, pleine de tuyaux, de fils électriques, de bourdonnements et de chair, presque vivante, et il lui fournit inlassablement le carburant organique que réclame son insatiable voracité, il la fait fonctionner mais c'est elle qui régit son existence, et contre elle, il ne peut rien. Il a toujours méprisé le pouvoir, l'incommensurable impuissance que son exercice dissimule, et jamais il ne s'est senti aussi impuissant.


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