Almudena Grandes [Espagne]

Tu sembles avoir nettement préféré le coeur glacé ; ça tombe bien, ce fut l'un de mes rares achats impulsifs. J'ai relu ce fil et ton précédent commentaire, ainsi que celui de Marie, donnent furieusement envie de s'y plonger !

Armor, à choisir, j'avais préféré Le coeur glacé, tellement glacé qu'il en était brillant . Mais celui-ci très instructif!

Oui, Le coeur glacé est au-dessus des autres. Mais cette série en cours est passionnante.

Oui, c'est très intéressant, mais je vais y aller avec quelques réserves.

Inés et le joie

A travers le portrait d’Inés, mêlant fiction et personnages historiques, Almudena Grandes nous propose de découvrir la vie des réfugiés républicains espagnols une fois qu’ils ont été sortis des camps où l'État français les avait parqués. C'est l'occasion de suivre un fait historique antifranquiste scrupuleusement gommé des livres, l'invasion du Val d’Aran, en 1944, d'en connaître les tenants et aboutissants, et ensuite la vie quotidienne mêlée de clandestinité de ces Espagnols installés à Toulouse et par la même de certains aspects du PC espagnol .

Almudena Grandes a le projet de parler de l’histoire de l’Espagne et des Espagnols  après la guerre d'Espagne dans une série de 6 romans dont Inés et la joie, 1000 pages, est le premier. A Grandes est donc ambitieuse. Malheureusement, un peu trop ambitieux et cela va gâcher une partie de la lecture.

Trop ambitieux ? Oui, et beaucoup d’autres trop : trop alambiqué, ce récit qui multiplie les allers et  retours dans le temps, dans un sens, dans l'autre, pour créer une complexité artificielle frisant parfois la confusion. Trop infatué, ce style perpétuellement exalté, ces phrases à rallonge, ces sempiternels recours aux anaphores. Trop pathétiques, ces amours systématiquement passionnées (le mot est faible), naissant toujours au premier coup d’œil, et ces tonneaux que l'on arrive à remplir avec les larmes des différents personnages au fil de la lecture. Trop énormes, les coïncidences heureuses ou malheureuses. Trop bourratives, les pages entières tournant autour de la cuisine, que l'on finit par ressentir comme un remplissage, comme s'il était besoin de remplir un roman qui finit par faire 1000 pages.

Tout ces aspects finissent par donner une curieuse impression d'un excès de tout, mais surtout de romanesque, y compris dans les pages purement historiques et amènent le lecteur à se demander si  l’idée qu’a l’auteur  que ce sont les passions qui  construisent l’histoire, ne l’ amène pas à finalement à nous manipuler, nous, pauvres lecteurs ignorants, à qui elle propose une version des faits qui est la sienne, mais sort d’une certaine objectivité. On s'interroge.

Il n'en demeure pas moins qu’Almudena Grandes s'est diablement bien documentée sur cet épisode caché de l'histoire, et ce malgré les silences organisés, qu’elle a su mener une fresque historico-familiale sur des décennies, où l’on apprend plein de choses, et que sa façon de mener son récit sur le mode d’un romanesque populaire l’emporte dans pas mal de passages.

Mais, puisqu’elle nous  gave parle au fil des pages de ses histoires de restaurant, je dirais que la carte était bonne, et que la cuisinière pleine de bonnes intentions, nous a fourni un repas qui sort de l’ordinaire, mais irrégulier, où l'on a dû laisser pas mal de gras au bord de l'assiette, et qui laisse une vague impression d'indigestion.

Les protagonistes

Dolores Ibarruri (La Passionaria)


Carmen de Pedro (photo que j'ai trouvée sur internet alors que A. Grandes dit qu'il n'y a pas de cliché d'elle (????))


Jesus Monzon


Santiago Carillo

topocl a écrit:

Carmen de Pedro (photo que j'ai trouvée sur internet alors que A. Grandes dit qu'il n'y a pas de cliché d'elle (????))

cette photo a été mise en ligne en 2012, le livre a été publié en 2010...

Igor a écrit:

Inés et la joie
Comme le dit Traversay, ce livre qui traite de la période  1936/1945 aurait pu s'appeler "Inés et la souffrance" tellement l'époque prête au drame et au malheur.
Mais le titre est finalement bien choisi puisque le personnage central "Inés" est douée d'un caractère positif et au final très enjouée. Les circonstances lui ont fait découvrir la vie et la liberté et malgré les malheurs quelle va traverser elle reste attachée à ces principes d’émancipation même si son crédo est orienté à faire la cuisinière.
Beaucoup de romanesque dans ce roman mais il nous éclaire sur un point historique du pourquoi les troupes alliées n'ont pas poussées jusqu"en Espagne pour la libérer de Franco et des phalangistes pourtant partie prenante des troupes de l'axe.
Une lecture parfois un peu fastidieuse mais toujours intéressante.
En bref, me concernant, un bon livre.    

Je suis curieux  ...
En quelques mots, pourrais-tu expliquer

Igor a écrit:

pourquoi les troupes alliées n'ont pas poussées jusqu"en Espagne pour la libérer de Franco et des phalangistes pourtant partie prenante des troupes de l'axe.

en quelques mots ?

La politique.
D'un coté une faction du parti communiste lance une offensive en solo (sans accords avec les troupes alliées).
De l'autre la diplomatie anglaise qui a certains accords avec franco, notamment commerciaux.

Igor a écrit:

La politique.
D'un coté une faction du parti communiste lance une offensive en solo (sans accords avec les troupes alliées).
De l'autre la diplomatie anglaise qui a certains accords avec franco, notamment commerciaux.  

Merci Igor ! Moi j'en étais resté à la stricte neutralité de Franco (et de Salazar itou ...) lors de la seconde guerre mondiale ...
Mais quand on gratte un peu, ça suppure toujours  

je vais compléter un peu  sur ce livre.
D'abord, il parle de l'invasion du Val D'Aran, 4000 ou 8000 je ne sais plus communistes espagnols réfugiés qui passent la frontière en 44 dans l'idée de renverser Franco croyant que les Alliés, évidemment, n'auront que cela à faire de leur porter secours, les petits naïfs. Seulement autant les objectifs des combattants sont  nobles , autant l’objectif de l'organisateur, qui ne représente finalement que lui-même au sein du PC espagnol, ne l'est pas. Et l'échec sera à la hauteur de l'impréparation.

Le PC retrouvant ensuite un semblant d'unité grâce au retour d'URSS de la Pasionaria,  la lutte armée est assez rapidement  abandonnée pour laisser la place à une action clandestine, d'entretien de flamme et de contact, de sapage souterrain essayant d'échapper à la répression, qui est largement mais bien incomplètement évoquée dans la deuxième partie du roman.

Car ce livre se place du côté d'une femme alors que ce sont les hommes qui agissent avec, prudence oblige,  un devoir de réserve même vis à vis de leurs épouses. (peut être cela fera-t'il l'objet d'un des autres opus de l'hexalogie?). Et ces femmes jouent leur rôle de port auquel se ressourcer, de maintien de la joie et de la famille, elles gagnent l’argent,t d'un ménage où les hommes placent leurs convictions (et leur goût de l'aventure) avant leur rôle nourricier. Car si les hommes se battent c'est pour que la vie continue à être belle, et qu'elle le soit un jour dans une Espagne libre.