Giorgio de Chirico : La fabrique des rêves

Bellonzo a écrit:

Ce que je sais de Giorgio de Chirico c'est que certaines de ses toiles me semblent le chaînon manquant entre par exemple l'hermétisme d'un Antonioni,qui sait m'émouvoir,et l'inquiétude proche de la panique que les nouvelles de Dino Buzzati provoquent chez moi à chaque (re)lecture.Très belle compagnie pour Giorgio.

Belle présentation de Ella pour ce fil que je découvre en retard grâce au portail (merci Queenie !).

Pour Antonioni je suis entièrement d'accord avec Bellonzo. De Chirico semble avoir directement influencé certains de ses cadrages et on trouve dans l' Avventura des plans qui sont tout droit sortis de ses tableaux. Même sentiment d'errance métaphysique dans des espaces vides, de rêve éveillé où les rares objets ou monuments (vestiges d'un passé mythique d'époques différentes) semblent nous renvoyer une image qui serait un mélange de familiarité et d'étrangeté. Avec des signes hermétiques, difficiles à décrypter, des présences fantômatiques, un silence où pèse quand même une sorte de menace... Dans certains films de Lynch (Twin Peaks ou Inland Empire notamment) un personnage entre, durant son rêve, dans un tableau ou un décor de cinéma qui devient labyrinthe dans lequel il se perd et cherche une issue. Le surréalisme permet cette expression symbolique ou métaphorique de l'espace mental d'un individu en faisant de la toile ou de l'écran un lieu de projection, dans tous les sens du terme, de son psychisme plus ou moins inquiet. Je ressens ça en voyant les peintures de De Chirico.

Chirico n'a pas inspiré que les surréalistes dont il a été le précurseur (Le manifeste du suuréalisme de Breton ne date que de 1924, bien après les tableaux métaphysiques de Chirico, Picasso dans sa période surréaliste, ainsi que Max Ernst, Miro, Magritte sont également tous postérieurs ...), il a également aussi inspiré Andy Warhol :
"J’adore son œuvre et cette façon de répéter les mêmes peintures encore et encore. J’aime beaucoup cette idée, j’ai donc pensé qu’il serait formidable de le faire." A. Warhol.

Merci Ella pour cette belle présentation de l'oeuvre de Chirico.
J'ai beaucoup aimé l'exposition qui lui est consacrée. Les toiles sont nombreuses (il y a même quelques sculptures) mais ce n'est pas indigeste. L'ordre choisi est chronologique et cela permet de voir la continuité dans son oeuvre tant sur le plan fomel parfois que sur le plan thématique (jusqu'à la fin, il convoque les grands mythes et même si je n'aime pas la manière dont est peinte une toile comme Le Retour d'Ulysse je ne peux m'empêcher de trouver le sujet humoristique et émouvant qui dresse le portrait du peintre ou de l'homme en général condamné à n'être plus qu'un héros en chambre, en miniature).
Il était intéressant de voir également qu'il a passé beaucoup d'année à se "copier" non pas manque d'idées mais pour détruire la valeur commerciale de ses tableaux. D'ailleurs, ce procédé va séduire Warhol qui va l'utiliser, certes d'une autre façon, dans ses sérigraphies mais cela c'est une autre exposition que je me réserve pour plus tard.

Madame B. a écrit:

il convoque les grands mythes et même si je n'aime pas la manière dont est peinte une toile comme Le Retour d'Ulysse je ne peux m'empêcher de trouver le sujet humoristique et émouvant qui dresse le portrait du peintre ou de l'homme en général condamné à n'être plus qu'un héros en chambre, en miniature).

Madame B. a écrit:

ce procédé va séduire Warhol qui va l'utiliser, certes d'une autre façon, dans ses sérigraphies mais cela c'est une autre exposition que je me réserve pour plus tard.

j'aimerais moi aussi voir l'expo Warhol, mais je ne sais pas si je retournerai à Paris avant la fin, elle se termine quand ?

Vu l'expo, qui se finit le 24 mai.
Il y a beaucoup de toiles (et des dessins) ; certaines paraissent dispensables, redondantes, mais sont justement là pour montrer les répétitions, notamment la période "Autopastiche de ses tableaux métaphysiques" (voir post de Ella plus haut).
La question étant de savoir pourquoi il s'est répété, sciemment, à des années d'intervalle. Manière de nier l'unicité de l'Oeuvre ou panne créatrice ? se demande le texte de l'expo.

A part ça, les portraits et autoportraits sont généralement très bien ; les places mystérieuses très intéressantes en quelques exemplaires, et moins intéressantes parvenu à la quinzième, où cela reste bien, mais intellectuellement. Heureusement, d'autres thèmes arrivent, les chevaux, notamment.

Un aspect intéressant de l'exposition, ce sont les copies d'oeuvres de maîtres, faites par Chirico, avec sa touche personnelle.

Il y a une immense toile, un Caprice à la manière de Véronèse, qui m'a vraiment "interpellé", comme on dit. C'est une manière de pastiche, la toile doit faire quelque chose comme trois mètres de haut. "Collection particulière".
Wouah. J'imagine la baraque, elle doit être à l'avenant.
C'est assez différent du reste, ça paraît moins "réfléchi".

Les toiles viennent de collections privées, d'Italie, des Etats-Unis, etc.
C'est vraiment une occasion unique de les voir ainsi réunies.

J'y suis allé dimanche matin à l'ouverture, il y avait très peu de monde, même pas eu besoin de l'ipod pour ne pas entendre les discussions débiles.

Expo à voir, donc.

on reparle de Yves Tanguy, son fil est ici
et j'ai trouvé sur lui:

Citation :

La vision, en 1923, du tableau de Georgio de Chirico, « Le Cerveau de l’enfant », le décida à devenir peintre.

le voici:



Le Cerveau de l'enfant

Visible dans le petit musée "Hotel Fabregat" à Béziers, un tableau du peintre (collection ayant appartenu à Jean Moulin):

et on relance de deux énigmes :

Quelques-une en plus...


Gladiateurs au repos, 1928



Les gladiateurs, 1928



Nature morte, 1929

René Crevel a trouvé les bons mots, et toi une bonne toile de Chirico pour l'illustrer.

colimasson a écrit:

René Crevel a trouvé les bons mots, et toi une bonne toile de Chirico pour l'illustrer.

Crevel fut un grand critique d'art ... quant au choix de la toile, je suis ravie de ton commentaire démontrant ta subtile compréhension d'une démarche synesthétique, car il a été longuement médité afin d'être au plus proche de la critique de Crevel.

Un régal de texte. J'aime beaucoup ces dialogues entre peinture et écriture. ça vaut tous les commentaires plus académiques.

Marko a écrit:

Un régal de texte. J'aime beaucoup ces dialogues entre peinture et écriture. ça vaut tous les commentaires plus académiques.

Je préfère également cette interaction entre littérature et peinture, qui sort des voies conventionnelles.