Alberto Savinio ou Andrea de Chirico, frère de Giorgio

Alberto Savinio, de son vrai nom Andrea Francesco Alberto de Chirico (Athènes,le 25 août 1891 - Rome, 5 mai 1952), peintre, pianiste, compositeur de musique, écrivain et journaliste.  


Andrea et son frère aîné Giorgio étaient si proches qu'on les surnommait les Dioscures, cependant, en 1914, afin de ne pas faire de l'ombre à son frère, Andrea prit un pseudonyme en italianisant le nom d'Albert Savine (1859-1927) - un obscur éditeur, traducteur et auteur français - pseudonyme avec lequel il signa ses articles dans "Les soirées de Paris" d'Apollinaire. Au décès d'Andrea, bien qu'ils fussent en froid, Giorgio, inconsolable, installa dans son atelier une photo de son frère disparu.

Citation :

Tout le mythe moderne encore en formation s'appuie à son origine sur les deux oeuvres dans leur esprit presque indiscernables, d'Alberto Savinio et de son frère Giorgio de Chirico.

(Anthologie de l'humour noir, André Breton)

Prix de piano et de composition au Conservatoire d'Athènes, Andrea écrit ses premières compositions dès l'âge de douze ans. A l'âge de 15 ans, il part étudier l'harmonie et le contrepoint auprès de Max Reger à Munich. Séduit par ses compositions, Diaghilev l'invite à Paris où Andrea se lie d'amitié avec Guillaume Apollinaire qui le fait collaborer aux "Soirées de Paris".
En 1914, il présente et dirige "Les chants de la mi-mort" en français. Apollinaire fait une saisissante description de l'énergie frénétique dont fait preuve Savinio :  

Citation :

" Il se tient à son piano, en bras de chemise, monocle à l'oeil, se démène, hurle, tandis que l'instrument fait ce qu'il peut pour atteindre au diapason enthousiaste du musicien".

A la déclaration  de la guerre, il retourne en Italie où il adhère au groupe néo-classique de la Ronda.
En 1926, il rejoint quelque temps le groupe Novecento mais, à l'inverse de son frère, n'ayant jamais été vraiment tenté par un retour à la peinture classique, il se tourne vers la "peinture métaphysique". Mais, cette même année, ne supportant plus la rhétorique fasciste de son entourage, il revient à Paris.  
Sa mythologie peuplée d'objets inquiétants, de créatures hybrides, et de personnages à têtes d'animaux  le rattache au mouvement surréaliste, dont il fréquente les membres dans les années 1930.
En 1934, de retour en Italie, il se tourne vers différentes formes d'expression en débutant une carrière d'auteur dramatique, créant ses propres décors et écrivant sa propre musique.
Entre autres oeuvres musicales, hors "Les chants de la mi-mort", il a composé deux opéras dont "Orfeo vedovo" en 1950 et Quatre ballets, entre 1922 et 1951.








Bibliographie (non exhaustive) :


Hermaphrodito (1918)
La casa ispirata (1920)
Angelica o la notte di maggio (1927)
Tragedia dell'infanzia (1937)
Achille innamorato (Gradus ad Parnassum) (1938)
Dico a te, Clio (1940)
Infanzia di Nivasio Dolcemare (1941)
Narrate, uomini, la vostra storia (1942)
Casa "La Vita" (1943)
Luciano di Samosata: Dialoghi e saggi (1944)
Ascolto il tuo cuore, città (1944)
La nostra anima (1944)
Sorte dell'Europa (1945)
Introduction à une vie de Mercure (1945)
Souvenirs (1945):
I miei genitori, disegni e storie di Alberto Savinio (1945)
Tutta la vita (1945)
L'angolino (1950)
Scatola sonora (1955)
Vita dei fantasmi (1962)
Nuova enciclopedia (1977)
Torre di guardia (1977)
Il signor Dido (1978)
Vita di Enrico Ibsen (1979)
Il sogno meccanico (1981)
Palchetti romani (1982)
La nascita di Venere (2007)


Traductions en français :


Vie des fantômes (Flammarion, 1965)
Maupassant et l"Autre", suivi de "Tragédie de l'enfance" et de "C'est à toi que je parle" (NRF/ Gallimard, 1977)
Achille énamouré (NRF/ Gallimard, 1979)
Encyclopédie nouvelle (NRF/ Gallimard, 1980)
Souvenirs (Fayard, 1986)
Enfance de Nivasio Dolcemare (Gallimard, 1989)
Capri (Ed. Le Promeneur, 1989)
Destin de l'Europe (Editeur Christian Bourgois, 1990)
Les rejets électifs (Editeur Le Promeneur, 1990)
Toute la vie (collec.folio, 1993)
Hommes, racontez-vous (Collec. L'étrangère/Gallimard, 1994)
Dix procès (Editions Allia, 2001)
L'Intensité dramatique de Léopardi (Editions Allia, 1998)
Capitaine Ulysse (Editeur Acoria, 1999)
Vie de Henrik Ibsen (Christian Bourgois Editeur, 1999)
Ville, j'écoute ton cœur (Collec. Le sentiment géographique/ Gallimard, 2012)





Ses éditoriaux publiés dans la presse italienne entre 1943 et 1952 ont été regroupés en un recueil sous le titre "Scritti dispersi" (textes dispersés)

Extraits :

Citation :

Les hommes ne trouvent-ils donc plus rien sur leur chemin qui les porte à s’arrêter, regarder, remarquer, méditer ? Le monde n’est aujourd’hui qu’une grande diarrhée mentale.


Qu'est-ce que la sagesse ? C'est l'élimination de tout geste et de toute parole inutiles. L'homme s'entoure de gestes absurdes, de paroles absurdes, de pensées absurdes, qui se sont accumulés en lui à travers les siècles et forment autour de lui un halo, non pas de lumière, mais de folie. Dans ce halo il se sent en sécurité, tranquille, confiant. Et il n'est pas certain qu'on lui ferait du bien en le lui enlevant. Les révolutions sont presque toujours des passages d'un halo de folie à un autre halo de folie".

Alberto Savinio (in "Opere- Scritti dispersi- Tra guerra e dopoguerra/ 1943-1952")

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Géniaaaaaal ! J'adorerais vivre dans son monde un petit moment (pas trop longtemps quand même)

colimasson a écrit:

Géniaaaaaal ! J'adorerais vivre dans son monde un petit moment (pas trop longtemps quand même)

J'aime le regard ironique qu'il porte sur le monde, mais je suis étonnée qu'il ne soit pas plus connu (sans doute son oeuvre fut-elle éclipsée par celle de son frère aîné), alors que Leonardo Sciasca tenait Savinio pour le plus grand écrivain de son temps, et que Vila-Matas l'évoque dans "Mastroianni-sur-mer" et le cite largement dans "Le mal de Montano".
Sinon,  en poursuivant mes recherches, j'ai découvert que, dans "Achille énamouré", paru en 1938, Savinio avait prévu la date exacte de sa mort (même prescience de la date de sa propre mort chez Henri Calet)  

Citation :

Mon intérêt pour les diverses formes d'expression ne privilégie pas l'un d'eux. Je vais de l'un à l'autre à la façon dont les gens changeaient de chevaux à la maison de poste. Mon amour sans partage est quelque chose qui est au-delà de toutes les formes.

Alberto Savinio

Constance a écrit:

Sinon,  en poursuivant mes recherches, j'ai découvert que, dans "Achille énamouré", paru en 1938, Savinio avait prévu la date exacte de sa mort (même prescience de la date de sa propre mort chez Henri Calet)  

Hasard ou fruit d'une véritable recherche ? Pour que tu le soulignes, je pense que la deuxième réponse est la bonne, et dans ce cas, quelle fut sa méthode ?

colimasson a écrit:

Constance a écrit:

Sinon,  en poursuivant mes recherches, j'ai découvert que, dans "Achille énamouré", paru en 1938, Savinio avait prévu la date exacte de sa mort (même prescience de la date de sa propre mort chez Henri Calet)  

Hasard ou fruit d'une véritable recherche ? Pour que tu le soulignes, je pense que la deuxième réponse est la bonne, et dans ce cas, quelle fut sa méthode ?

Effectivement, le hasard n'est pour rien dans la découverte de cette info ... quant à comprendre d'où leur venait cette prescience ... mystère, mystère.   

Je me demande si je ne me sens pas plus proche de cet univers que de celui du frère Giorgio...

colimasson a écrit:

Je me demande si je ne me sens pas plus proche de cet univers que de celui du frère Giorgio...

Peut-être penches-tu plus pour son imaginaire débridé, en opposition avec celui de Giorgio à la métaphysique ultra-conceptualisée, encore que cette époque créative de ce dernier ne soit pas représentative de la totalité de son oeuvre.

Son humour est différent...
Merci pour les ajouts.