Retour d'exil d'une femme recherchée de
Hélène Castel.
Le procès
d’Hélène Castel en 2006 a fait grand bruit. Et deux ans auparavant, en mai 2004, son arrestation au Mexique aussi, quelques jours avant la péremption de sa peine.
Fille du sociologue Robert Castel, Hélène est née en 1960.
Elle a participé le 30 mai 1980 avec des amis squatteurs à un hold-up de la BNP à Paris qui a mal tourné. Le groupe a fait ouvrir les coffres avant
d’être encerclé par la police. Le directeur de la banque a été blessé, l’un des malfaiteurs tué. Trois des braqueurs ont été arrêtés et trois autres sont parvenus à s’enfuir. Parmi eux, Hélène Castel, 20 ans.
Elle s’enfuit et s'exile au Mexique.
Elle sera jugée par contumace et condamnée à perpétuité.
Au Mexique, sous
une nouvelle identité, Florencia Rivera, elle devient psychothérapeute et élève sa fille qui a 17 ans lors de son arrestation.
«Ma fille savait juste que j’avais fui la justice de mon pays il y a vingt-quatre ans, après avoir fait une grosse bêtise.»Elle s’apprêtait à lui dire toute la vérité sur son «
accident de jeunesse » lorsque elle fut arrêtée.
Le 12 mai 2004, au commissariat de Veracruz, elle
décline son état civil mexicain :
«Je ne peux me résoudre là, devant un étranger, à abandonner l’identité précieuse que j’ai mis tant d’années à me forger."Mais
une photo sur un bureau lui saute aux yeux :
«Une photo de moi à 20 ans avec mon véritable nom dessous, Hélène Castel. Ça m’a fait une sacrée impression. C’était vraiment une rencontre, des retrouvailles.» Elle va passer 88 jours en prison au Mexique puis sera extradée vers la France.
Onze mois
d'incarcération à Fleury-Mérogis, et elle subira un procès aux Assises où elle sera condamnée à 2 ans de prison avec sursis. Elle n'y retournera pas .
«Si ce procès a pu avoir ce résultat, c’est parce que j’avais vécu la réinsertion et pu me reconstruire avant. J’aimerais aider les gens en détention préventive à préparer ainsi leur défense avant leur procès.»«Il y a trois espaces dans ma vie où se trouvent des gens que j’aime : la France, le Mexique et ce pays lointain qu’est la prison.»Hélène Castel a grandi très seule. Sa mère psychiatre et son père sociologue sont trop occupés ailleurs pour s’occuper
d’elle. Mais elle ne leur reproche pas :
«Mes parents mettaient leurs engagements professionnels et sociaux devant. C’est ce qui m’a construit, même si j’ai eu du mal à trouver ma place vers 18-20 ans.»«Face à l’encre, au papier, face à mon père en plein travail, je n’avais plus de place… Je passais silencieuse, telle un fantôme diaphane […] Ce don d’effacement est devenu mon art».Livrée à elle-même, bonne élève, elle passe son Bac et s’inscrit à la fac
d’histoire que très vite elle
déserte. Elle vit dans des squats, prend des psychotropes…
«La défaite cuisante de toutes nos utopies - génération perdue face à un individualisme qui s’annonçait féroce - me laissait démunie. Il me fallait partir […] Je nageais en plein romantisme. »«Sortir du marasme et larguer les amarres».
C’est pour cela qu’elle dit avoir adhéré au «
projet insensé»
d’aller voler
une banque. Avec des armes !
Elle n’a cependant jamais été impliquée dans des groupes politiques comme
Action directe.
Aujourd’hui psychothérapeute à Paris, Hélène Castel lit des textes sur scène,
Femmes de parloir.
Ce livre,
Retour d'exil d'une femme recherchée, est le témoignage sur un parcours hors normes et passionnant… Ce qu’elle évoque dans ce livre où elle assume ses actes, les regrette et tente
d’en expliquer le contexte, c’est son parcours : sa
dérive, sa reconstruction douloureuse et magnifique en
exil, puis son expérience de la prison, au Mexique et en France.
Au cours de ses mois
d’internement, elle ne cesse
d’écrire. Elle se prépare à son procès riche du bagage de son expérience, de sa réflexion, de sa capacité
d’analyser. Et aussi de la maîtrise des mots qui la place du côté des privilégiés.
C’est
d’ailleurs dans le cadre
d’ateliers
d’écriture qu’elle va rencontrer Nancy Huston, sa «
marraine »…
Alors ses mots, elle les met, à travers ce livre, au service de ceux qui, en prison, n’ont pas la maîtrise du langage. Elle
dénonce le système carcéral qui, dans les moindres
détails,
déshumanise et
détruit au lieu de permettre la reconstruction.
« N’est-ce pas pourtant, comme le dit Maître Leclerc (son avocat), la fonction de la Justice de « ramener dans la famille humaine ceux qui en sont exclus » ? »Nancy Huston écrit dans sa préface:
"Ce qui était grave, c'était la prison. C'était à cela qu'elle avait envie de réfléchir, de cela qu'elle avait envie de parler. C'étaient les lumières de l'ombre que, désormais et de façon urgente, elle avait à cœur de partager."