Laurent Mauvignier

églantine a écrit:

coline a écrit:

mimi54 a écrit:

Apprendre à finir

Lecture coup de poing, plutôt que coup de cœur, car peut-on être habitée par cette histoire ? En tout cas, en ce qui me concerne, c’est l’intensité, et le style qui m’auront marquée.

C'est toujours comme cela avec Mauvignier...On ne peut pas penser lecture-coup de coeur ...Mais quelle littérature! Quelle force!...On en ressort sonné et... admiratif!...

Oui , je viens de terminer "Apprendre à finir"  :
C'est d"une telle force que je ressens des tensions presque physiques en refermant ce livre ........
En lisant les premières pages , c'est une grande perplexité qui m'a envahie : comment un homme peut traduire si brillamment la complexité psychologique d'une femme trompée, son cheminement intérieur  ........ cette femme  qui passera par un tumulte de violence , espoir , rancoeur , vengeance (par l'aliénation et la dépendance de son mari que lui offre le destin ,à travers l'accident de celui-ci  ),pour enfin accepter ce qui fut longtemps pour elle l'impensable ..... la mort de son couple ...
Un texte court , dense , oppressant : Laurent Mauvignier nous renvoie à la trivialité de la vie ...à laquelle personne n'échappe d'une manière ou d'une autre ....et il le fait avec brio : le lecteur se trouve englué dans cette histoire ....la nôtre , la sienne , la leur ......impossible de ne pas être touché car il parle de nous , de lui , d'eux  ....dans la banalité de la douleur affective ........toujours unique mais universelle ....

Quel écrivain français aujourd'hui a une si grande force dans une telle simplicité d'écriture? Il me fascine pour cela.

Terminée la lecture "Des hommes" ....
A chaud :   une petite déception par rapport à "Apprendre à finir" et "Le lien" qui m'avait enthousiasmée .....
Dans la deuxième partie du livre où il réveille les souvenirs de la guerre d'Algérie  , le style change .....Je ne retrouve pas "la griffe Mauvignier" qui lui confère une place à part dans la littérature actuelle .....
Mais un très bon moment de lecture quand même !!! J'y reviendrai peut-être pour un commentaire plus fourni .....

Ce que j'appelle oubli

Une très longue phrase pour un livre très court.. basé donc sur un fait-divers survenu à Lyon en décembre 2009 , des vigiles ont défoulé leur violence et battu à mort un homme qui avait bu une bière dans les rayons.. Que dire.. Que la même violence règne dans l'écriture , la même rage devant la bêtise, les fausses excuses, ce qu'on devine dans la connivence de ces hommes qui se déchaînent comme une meute. Et que je suis sortie de cette lecture un peu ..laminée.
C'est un texte qui bien sûr prête à la lecture sur scène, j'ai vu qu'il avait donné lieu également à une mise en scène chorégraphique d'Angelin Preljocaj ici

..et il n'aurait pas subi comme lui, quand les coups ont plu et qu'il n'a pas eu un geste à part ce réflexe vieux comme la mort de vouloir s'en protéger, les mains devant le visage comme pour refuser de voir et de comprendre ce qui allait arriver plus que pour parer les chocs- et, ce que je me dis, c'est que ton frère, quand un mot surgira pour s'évanouir aussi vite que cette fulgurance au moment de saisir qu'il était mort, oui, ton frère, il sera pour toi comme une lacération dans ta vie, et tu voudras comprendre, des années entières à te torturer l'esprit pour vouloir revivre chacune des minutes et des secondes entre les palettes et les chariots élévateurs, pour comprendre, parce que- n'est-ce pas? -tu diras, je veux comprendre, je veux savoir...

Marie a écrit:

Ce que j'appelle oubli


C'est un texte qui bien sûr prête à la lecture sur scène, j'ai vu qu'il avait donné lieu également à une mise en scène chorégraphique d'Angelin Preljocaj ici

Texte interprété et mis en scène aussi par Denis Podalydès à La Comédie française:
clic

Ceux d'à côté .


Une fois de plus je "trainaillais" à faire mon commentaire :   il  me semble  souvent que mes petits mots de petite  lectrice ne rendent pas hommage à l'écrivain ....
Il a fallu une discussion qui eu le mérite d'écorcher ma sensibilité dès lors qu'on touche à mes "best" pour me donner l'allant de défendre bec et ongles ce Mauvignier qui , décidément semble susciter des réactions très tranchées .


Ceux d'à côté  , c'est encore une fois une histoire dure et âpre , traitée à "la sauce Mauvignier" : l'histoire d'un viol : Ce n'est pas la voix de la victime que choisit l'auteur pour nous faire entrer dans l'atrocité de ce drame , mais celle du violeur en parrallèle à celle de la voisine de  Claire , la victime .
Dérangeant à bien plus d'un titre donc que ce roman .

Car Mauvignier , par ce choix si peu orthodoxe , met en lumière d'autres souffrances que celle du viol : celle en amont du violeur qui traine la souffrance de la culpabilité et de son histoire qui en a fait un homme dangereux pour la société ....sa solitude dans l'errance et le fardeau de ce crime non puni le conduisant à porter le poids d'une double culpabilité .

Citation :

Lui aurait voulu aimer cette femme qu'il a si violemment abimée. Gratte ses plaies, son acte, sa mise au ban personnelle. "Alors, voilà au moins une chose que je sais. Au moins une. Il y a ceux qui savent et les autres, ceux qui n'ont que la douleur d'être humiliés pour se rappeler qu'ils sont vivants. Allez dire ça à ceux pour qui la vie est faite. Leur raconter que les victimes et les bourreaux c'est au même dégoût qu'ils se découvrent, aux mêmes fatigues qu'on les reconnaît. Et leur dire qu'on est quelques-uns à marcher au-dessous de l'humanité. Qu'on aurait bien voulu mais qu'on n'a pas choisi comme eux croient à tout bout de champ qu'on choisit sa vie, avec ceux qui disent que, eh oui, mon garçon, quand on veut, on peut. Ben voyons.”

Puis en parrallèle , la souffrance de Catherine qui" vit sa vie par procuration" : Catherine fait partie de ces êtres qui trainent leur carcasse lourde du poids de la vie , inadaptés qu'ils sont à ce qui les entoure :le temps passe , plein de vide et sans attente .Ainsi Catherine s'exprime :

Citation :

Moi, je montais derrière, sans rien demander, parce que les gens qui sont tout seuls, ils montent derrière et ils osnt déjà bien contents de ne pas Passer un dimanche de plus à se dire, qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui, bon, il ne fait pas beau, je vais me lever tard, parce que, pour ça, je m'arrangeais toujours pour me coucher à n'importe quelle heure, encore plus tard, le plus tard possible, le samedi, soûle, pour me réveiller le dimanche vers une heure, histoire d'avoir réglé son sort au matin, de pouvoir traîner longtemps avec ma fatigue devant le café, en attendant d'appeler ma mère qui me dirait comme tous les dimanches, tu viens de te lever, toi, dis, tu as fumé, la voix que ça te fait, dis donc, pour chanter, comment tu veux, si tu fumes.

"C'est tellement vaste quand il n'arrive rien".

Le crime produit sur son pallier , et dont son amie est victime lui donnera une raison d'être :  l'empathie lui donne enfin une raison d'exister ....mais aucune pureté là dedans , ce serait méconnaitre Mauvignier qui souligne le caractère pernicieux de cette vertu .....entachée par la jalousie de Catherine à qui le désert de sa vie deviendrait insupportable sans "la vie des autres" qu'elle vole à leur insu pour s'en nourrir et "devenir"!
" Deviens ce que tu es" : impossible pour Catherine , dès lors elle puise ailleurs ...
 ....Jalouse du malheur des autres , c'est exister quelque part !

L'écriture de Mauvignier n'a rien de confortable , ses thèmes choisis non plus , ni sa façon de les traiter :
Très rapidement j'ai compris qu'une "lecture à voix haute intérieure" me semblait le seul moyen d'accéder à la profondeur de ses écrits . Les mots alors prennent un sens et deviennent musique ....lancinante , hâchée , essoufflée quelquefois ....
Son" style" est unique , caractérisé par l'absence de style justement: et c'est par ce biais qu il atteint les couches profondes de l'âme du lecteur .
Tout comme avec Sylvie Germain qui choisit une voie complètement opposée ,, je ressens l'impérieuse nécessité de lâcher l'intellect pour  avoir la grâce d'accueillir en moi leur art unique et mystérieux .

Dire que Laurent Mauvignier "écrit mal " c'est ne pas avoir percé le mystère de cet artiste ....
Encore une belle découverte .Merci Monsieur Mauvignier . 

TOUT MON AMOUR

«Tout mon amour » est la première pièce de Laurent Mauvignier.

Le Père et la Mère sont réunis dans la maison du grand-père qu’ils viennent d’enterrer. Ils ont peu de chagrin dans ce deuil, le grand-père n’a pas laissé de bons souvenirs, que des reproches qu’il continue de distiller dans l’esprit du Père.
Ils veulent surtout vendre rapidement sa maison, située en lisière d’un bois où Elisa, leur fille, a disparu dix ans plus tôt à l’âge de six ans. Enlevée ? Morte ?
Le temps a passé, pour eux et leur Fils, dans cette absence qui a fait son œuvre en chacun.

Qui est la jeune fille qu’ils ont aperçue, à l’écart, au cimetière et qui se présente maintenant sur le seuil de la maison prétendant être leur enfant disparue ?
Réelle ou projection d’une image mentale ?
Faut-il la croire ?
Faut-il la rejeter ?

«J’ai fait le tour du lac. Je suis entrée dans le bois, j’ai marché dans l’ombre… ».

« Dégage…Cinglée » lui dira la mère.
Ce à quoi répondra la jeune fille : «Je comprends qu’elle ne veuille pas ».

Le Fils est convié par le Père à venir rejoindre ses parents devant cette situation qui est en train de bouleverser encore leurs vies dévastées et de ranimer toutes les souffrances. Un drame psychologique et familial a lieu où participent les vivants, et où les morts et les « disparus » ont leur mot à dire.

Peut-on faire le deuil d’un enfant, d’une sœur ?
Jusqu’où peut-on être porté à croire l’impossible par la seule force de l’amour ?
D’un retour d’Elisa est-il encore temps ? Est-il trop tard ?


Élisa dit à son père : « Les portes, ça ne me fait plus peur. On peut les traverser sans les ouvrir et les ouvrir comme ça, tu vois ».


vidéo: Laurent Mauvignier parle de "Tout mon amour"

Autour du monde


Laurent Mauvignier aurait pu choisir d’écrire 14 nouvelles, ce n’est pas son choix, son texte est construit autrement et ses 14 histoires, ne répondant pas aux codes de la nouvelle, sont enchaînées les unes aux autres, reliées par une photographie.

C’est comme si ces 14 histoires qu’il nous raconte, et qui ont comme seul point commun de se passer le 11 mars 2011, jour du tsunami à Fukushima, en subissaient les répercussions en 14 points différents de la planète : Japon , Mer du Nord, Bahamas , Tel-Aviv, Moscou, Dubaï , Tanzanie , Rome , Golfe d’Aden , Slovénie , Thaïlande , Floride, Des Moines, Orlando, Paris.

Toutes ces histoires ont une thématique forte et chacune pourrait être en elle-même le sujet d’un roman. Le moment que Laurent Mauvignier révèle dans ces récits est un moment d’importance, de bascule, de bouleversement, au moment même où a lieu le tsunami au Japon.
Je n’en dévoilerai rien pour ménager les effets de surprise, le suspense.

Inconditionnelle de Laurent Mauvignier, je suis ses publications ... y reviens.
La langue de Mauvignier évolue mais elle est encore reconnaissable entre toutes, et de plus en plus belle. Les phrases longues qui ressassent (et Dieu sait qu’elle ressassaient merveilleusement pour nous faire pénétrer au plus profond de ses personnages) laissent ici la place à un discours qui, choisissant de passer de l’un à l’autre de ses multiples personnages, a moins de temps mais s’avère tout aussi percutant et d’une clarté, d’une fluidité parfaite. Discours parsemé de petites « alertes », d’indices qui nous enchaînent à la lecture.
C’est remarquable ! Plus j’y pense et plus j’aime ce drôle de roman... majeur parmi les romans de cette rentrée littéraire.

Comme je vois que mon commentaire n'a pas suffi à attirer votre attention sur ce roman qui doit être un des meilleurs de la rentrée, je voudrais vous joindre différents liens que m'a fait parvenir mon libraire auquel j'ai dit de le mettre en évidence dans sa librairie:

Télérama

Bibliobs

Le Magazine Littéraire

La Croix

J'ai  aussi de très bons articles pris dans Les Inrocks et L'Humanité mais je ne peux pas y accéder sur le Net pour vous les indiquer.

je ne te lis que d'un œil coline, car je compte lire ce dernier opus et je préfère en savoir le moins possible ! (mais j'ai bien noté ton engouement !)

shanidar a écrit:

je ne te lis que d'un œil coline, car je compte lire ce dernier opus et je préfère en savoir le moins possible ! (mais j'ai bien noté ton engouement !)

C'est ce qu'il faut faire...lire d'un oeil...
Moi aussi je n'ai pas voulu trop lire les critiques avant de lire le roman. Mais maintenant j'ai un certain bonheur à y retrouver mes ressentis.
Allez-y les yeux fermés si vous voulez...mais allez-y, c'est du grand Mauvignier!

Bah moi je le voulais déjà bien avant ton bon commentaire mais trop cher pour l'instant donc j'attends ... Faut que j'aille à la médiathèque de toute façon.

Hanta a écrit:

Bah moi je le voulais déjà bien avant ton bon commentaire mais trop cher pour l'instant donc j'attends ... Faut que j'aille à la médiathèque de toute façon.

Oui pour moi pareil , et j'attends de le trouver à la BDP  !

Contente de lire vos réactions!

Sacrée Coline, tu me fais rire

Sinon, moi je me demande si je ne vais pas échanger mon dernier Ogawa contre le Laurent Mauvignier.

Une amie qui l'a lu m'a confirmé tout le bien que tu en dis, Coline.

Il me faut quelque chose de bon après vousavezquoi

Aeriale a écrit:

Sacrée Coline, tu me fais rire

Sinon, moi je me demande si je ne vais pas échanger mon dernier Ogawa contre le Laurent Mauvignier.

Une amie qui l'a lu m'a confirmé tout le bien que tu en dis, Coline.

Il me faut quelque chose de bon après vousavezquoi

Je n'ose pas insister pour le Mauvignier, après j'aurais peur que tu aies de trop grandes attentes...