Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Vercors (Jean Bruller)

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Suny
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyDim 28 Nov 2010 - 11:27

Excellent choix!!
Je l'ai lu il y a quelques années, il nous avait été chaleureusement conseillé par notre prof d'anthropo biologique, une bonne femme à l'esprit critique très prononcé : c'était tellement rare qu'elle nous recommande un bouquin les yeux fermés que j'ai aussitôt sauté dessus. Bon c'était il y a plus ou moins 6 ans, je me souviens juste l'avoir adoré, mais il fait partie des rares livres qu'il faut absolument que je relise Very Happy
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyMar 13 Déc 2011 - 22:30

Les animaux dénaturés est assez génial, il est divertissant avec un sens de l'humour au naturel et en plus c'est une incroyable synthèse à l'acuité incontestable sur un sujet pas tout à fait simple.

Il faut dire qu'il partait bien Jean Bruller, ce qui m'amène fort a propos à parler de ma dernière lecture :

Vercors (Jean Bruller) - Page 2 97888810
Les propos de Sam Howard recueillis par Joë Mab

Citation :
Jean Bruller, alias Vercors, n'attendit pas la publication du célèbre Silence de la mer pour exercer sa plume. Dès le début de sa carrière d'artiste talentueux, à l'aube des années 1920, il écrivit de brèves chroniques qu'il illustra lui-même, dans Paris-Flirt, une revue légère comme il en fleurit tant au cours des Années folles. Mais loin de se conformer aux scènes convenues du vaudeville, Jean Bruller inventa un monde fantasque où devisaient à l'envi Sam Howard et ses compères William Jackson Coops, Sidney Wiggs et George Clondyke. Leurs conversations jouent sur les défaillances du raisonnement, mettent en scène des situations absurdes ou déconcertantes, empreintes d'ironie amusée et de drôlerie burlesque. Pour illustrer leurs maximes, les différents protagonistes des Propos de Sam Howard convoquent des exemples qui sont autant de contes profitables, chargés d'enseigner des vérités pourtant difficiles à établir, tant la logique et le monde semblent se dérober.
Nous dit Portaparole qui édite aussi Le commandant du Prométhée et quelques autres textes de Jean Bruller. Qui se cache donc sous ce pseudonyme de Joë Mab pour publier alors qu'il est encore à l'école quelques histoires amusantes dans des revues légères. Si l'intention édifiante et la complexité du fond ne sont pas les mêmes on retrouve dans ces histoires le même esprit que dans Les animaux dénaturés avec un humour qui va tout seul et qui n'a jamais l'air forcé, à la fois recherché et nonchalant et qui n'a pas non plus à se forcer pour aller là où vraiment on ne peut pas l'attendre.

Les caractères de ces comparses dandys plus ou moins défaits sont rapidement esquissés et l'imaginaire et la loufoquerie mettent à mal toutes les bases solides d'un monde cohérent et maniéré. Il a un très beau sens de l'absurde jamais trop grinçant. La lecture est rapide, légère et attachante... Et illustrée par l'auteur, ce qui renforce cette esquisse des caractères.

Alors oui, ce n'est pas forcément indispensable, bien que ces histoires soient rescapées et issus des maigres archives les concernant à la BnF et au fond Vercors de l'université du Maine (si je ne me plante dans ma restitution rapide). Cette petite édition compense très bien la légèreté du matériau par la présentation de l'auteur sur cette facette moins connue (et son contexte et ses inspirations) et par une belle présentation du travail sincère qui motive justement ce type d'édition.

Plaisir. Cool

edit : c'est aussi dans cette collection que l'on trouve les 21 recettes pratiques de mort violente.
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyMer 14 Déc 2011 - 22:49

je n'ai pas eu de déceptions avec l'auteur. il dit quand même avoir pensé "littérature" et plus amusement ou gagne-pain avec Le silence de la mer. J'apprécie vraiment sa démarche et son intelligence. (Sylva aussi est très bien !).
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptySam 25 Aoû 2012 - 17:34

Ce que je crois (1975)

Ce que je crois est apparemment, d'après la forme du livre, une collection initiée par Grasset qui a demandé a des auteurs (beaucoup d'Académie française) leur pierre à l'édifice.

Compte tenu du titre les sujets abordés sont évidemment de fond et évidemment vus d'assez loin : religion, science, vie, arts... et sujets d'actualités dans la toute fin. C'est devant les pages d'une entreprise vaste et légère qu'on se pose. D'une certaine manière ça offre une alternative à l'autobiographie, alternative non sans risques puisque ce n'est pas si long pour des sujets si vastes.

D'autant plus que le choix et la croyance de Vercors sont ambitieux. Il déroule un principe qui oriente sa, la ou une, vision de la vie, de l'humanité surtout en le confrontant aux différents sujets en prenant le soin de revenir chaque fois sur ce principe pour trouver le sens et des réponses. S'il procède souvent par élimination dans ces exposés il faut reconnaitre bon nombre d'exemples peu pertinents et une légère tendance au surplace.

Toujours est il que pour simplifier ce qu'il croit c'est que l'humanité est une rébellion contre l'entropie physique, si tout tant à se disperser tout, et même, en s'organisant en structures toujours plus complexe, l'homme est arrivé à une forme de conscience, du moins de présence,de non acceptation de la dissipation. De cela découlent les arts, l'écriture, la littérature, les sciences et aussi des justifications aux luttes contre les injustices et les systèmes totalitaires comme le nazisme.

Si la démonstration est parfois bancale ou peu pertinente, malgré toute la sympathie et l'admiration que j'ai pour le bonhomme et ses capacités de synthèse, l'organisation ou ne serait-ce que la recherche avouée et motivée d'un système complet n'est pas dénuée de piquant. Encore moins si on prend cet exemple vieillit d'une pensée résolument progressiste qui a fois en beaucoup de choses dont le progrès et se défie d'angélismes d'un passé revisité ou de spiritualités exotiques. Une espèce d'avatar positif d'un monde moderne de juste avant. Il y a une capacité à placer un rapport de valeurs à travers une logique extrêmement matérielle. Surprenant.

C'est tout un rapport à des imageries et courants modernes qui peuvent se retrouver détournés : sélection naturelle, loi du plus fort, certaines formes de progrès, détournés par le pire des arguments qui n'est pas la négation mais la transformation par une explication comme scientifique (à défaut de pouvoir se réaliser tout à fait en tant que telle). La réflexion sur une évolution par seuils rendant possibles de plus grandes complexifications du monde et de la pensée n'est pas sans attrait non plus.

Une drôle de lecture pas palpitante tout du long, un tantinet anachronique mais à laquelle on peut reconnaitre une belle détermination et des événements qui laissent songeur. Et une occasion de se demander ce qui a réellement vieillit en dehors de l'intention, quelle différence dans la vision du monde implique la distance que le lecteur (relativement jeune en tout cas) va sentir, créer face à ce qui est une vision positive d'un progrès et d'une évolution qui a parfois l'air un peu injuste encore, un peu trop tranchée dans ses catégories (pas forcément sans arguments), quelles questions ça pose d'oser ou non lire le monde avec de tels choix.

Lesquels me direz-vous, on n'y comprend goutte à ton charabia ! Je ne sais pas trop à vrai dire. ça tiendrait à une vision matérialiste connotée négativement au profit d'une vision plus spirituelle et plus libre. Si je crois, moi, que le progrès peut-être spirituel sans être matériel (ce n'est pas nié dans le bouquin mais des traits de sociétés primitives (ou une porosité aux animaux et végétaux) sont assez déconsidérés) je me demande si dans une pensée commune actuelle il n'y a pas une facilité à trouver des équivalences de choix et de pensées pour des raisons de confort. Cette facilité apparait plus difficile devant le broyeur d'une vision progressiste pas franchement timorée. jemetate

L'exposition d'un des enjeux, emblématique, du Ce que je crois de Vercors (il est question de conférences données à de jeunes allemands après la guerre et donc dans les débuts de la guerre froide) :

Citation :
En conséquence, grande redevenait pour eux la tentation de ne croire qu'à ce qu'on leur avait appris ; et c'était contre ce danger d'une rechute menaçante que les plus sages d'entre eux aspiraient à entendre des hommes impartiaux, qui pourraient les éclairer sur ce qu'il fallait penser. J'irais donc leur expliquer contre quoi justement nous, résistants français, nous nous étions battus : bien moins contre l'Allemagne que contre le nazisme ; parce que le nazisme s'était attaqué pour le détruite à tout ce qui fait la dignité humaine ; et que le malheur des Allemands (et ce qui ferait de nouveau le leur si l'Allemagne retournait à ses vomissements) c'était qu'ils avaient fait passer, afin de réduire les autres peuples en esclavage, leur qualité d'Allemands avant leur qualités d'Hommes : au lieu que, pour que puisse exister un monde humain, un monde de solidarité humaine face aux agressions aveugles de la nature, il fallait faire passer cette qualité d'Hommes avant la qualité d'Allemands - comme de Français, de Russes ou d'Américains.
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyVen 20 Sep 2013 - 22:49

Les armes de la nuit (1946)

Pierre est très attendu par ses amis lorsqu'il revient d'un camp en Allemagne, amis, compagnons de résistance. Est-il toujours lui même, presque méconnaissable mais surtout inaccessible. Dans ce texte assez court Pierre est à la fois acculé et abandonné. Il ne peut pas revenir.

Son ami narrateur conclut :

Je ne sais pas.
Je ne sais pas. Je ne sais pas.


Pierre n'est pas une invention, c'est (surtout ?) Pierre Daix, qui préface "l'édition collective" : Les armes de la nuit et La puissance du jour. Qui insiste sur le fait qu'en 45-46 évoquer certains des éléments sur les camps n'est pas anodin, sur le fait qu'on ne sait pas qu'il y aura un après. Un après à ce constat extérieur de cette fracture d'avec des "victimes qu'on ne peut pas aider". Pierre dit qu'il a perdu sa qualité d'homme. Tout le monde veut l'aider, l'entoure d'attention et de ménagements, est démanger par un besoin de savoir, un besoin de voir revenir à lui-même avec volonté et orgueil cet homme.

Vercors dit donc simplement ce qu'il a sentit, constaté, d'effroyable, exprime la volonté et l'impasse. Un geste insuffisant. En même temps pour y parvenir il efface d'une certaine manière la victoire de la survie et d'un comportement exemplaire. Car comment le voir autrement, même si. Il empêche la légende de prendre le pas sur ce geste vers l'autre. Un geste dans toute sa petitesse maladroite et essentielle.

C'est difficile d'imaginer que ça pourrait s'arrêter là. Parce que ça pourrait, et ça a du pour certaines personnes.  C'est réconfortant de trouver la suite, de pouvoir lire la première préface au livre. De pouvoir lire ensuite celle à La puissance du jour.

Pierre Daix a écrit:

Le nombre de ceux qui ont fait la queue pour mourir et ont réchappé à la balle dans la nuque est probablement encore plus faible. Eux non plus n'en parlaient à personne parce que ça ne leur semblait pas de mise face au nombre des morts et disparus. Au surplus, qui de nous n'a pas entendu les : "Comment ça se fait que vous soyez revenu ?", mêlés au rejet agacé : "Vous êtes vivant, qu'est ce que vous demandez de plus !"
(...)
Mais Les armes de la nuit touche directement à ce qu'à notre retour nous demandions de plus que les attentions qu'on nous donnait. Ce plus, c'était la réception d'un message : ce qui nous était arrivé interpellait aussi ceux qui n'avaient jamais cessé de dormir dans leur lit et qui nous regardaient comme si nous débarquions d'un autre monde que le leur. C'est exactement là que réside l'universalité des Armes de la nuit. Si Pierre a perdu sa qualité d'homme, ce n'est pas affaire privée. C'est la nôtre. Qui que nous soyons.
et première préface :

Vercors a écrit:

   "Est-ce un récit fermé sur lui-même ? Ou la première partie d'un plus long récit ? Ce n'est pas moiqui peux répondre, - pas encore. Il n'est pas interdit de penser qu'il me faudra peut-être un jour écrire la suite. J'aimerais dire : j'espère qu'il le faudra. Non pas pour moi : pour mon héros. Car on dira de lui peut-être, la dernière page tournée : "Mais vous l'abandonnez !" Oui, je l'abandonne. Que faire d'autre ? Que feriez-vous, vous-même ? La nature du crime commis contre lui, le monde jamais n'en a connu de pareille. Comment secourir la victime ? O temps abominables ! C'est l'infernale horreur de ce crime, que la victime ne puisse être secourue. Nous ne pouvons qu'assister impuissants à ses efforts pathétiques, à ses espoirs, à ses échecs. Ne se surmontera-t-elle pas dans l'avenir ? Ah ! je l'espère. Je l'espère de toute mon âme. Mais, aujourd'hui, je ne le sais pas, et ni moi ni personne ne peut rien pour elle, - sinon elle-même. Elle seule. Nul plus que moi ne sera heureux si je puis un jour reprendre la plume, et dussé-je secouer tout l'oubli du monde, relater les étapes de la guérison."
Avec les qualités de Vercors, de simplicité, de finesse dans sa manière d'aborder les problèmes directement mais avec pudeur, d'accepter et de montrer les erreurs, de faire vivre son intention et quelques doutes dans sa langue.

C'est frappant, ça renvoie à beaucoup de choses, ça pose une ombre sur l'histoire, mais une ombre qui s'étend.

J'ai été surpris de ne pas avoir entendu parler de ce(s) texte(s) avant de tomber dessus par hasard.
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyMar 24 Sep 2013 - 22:20

La puissance du jour (1951)

La suite espérée. On parcourt le temps écoulé depuis qu'on a quitté Pierre pour arriver à l'heure du livre. Ces années d'immédiate après-guerre dévoilent le retour difficile de cet homme marqué à lui-même.

Destin particulier et histoire mouvementée donne un récit complexe qui par son jeu de dialogues aurait de faux airs de Malraux (faux). Nettement moins exalté et plus soucieux de faire parvenir à la lumière les enjeux pesés.

Parce qu'il ne faut pas la négliger il y a l'histoire : les actions du groupe de résistants auquel appartiennent Pierre, le narrateur, Nicole (jeune et éprise de Pierre qui met en mouvement ce retour par une manigance particulière) et quelques autres. Qu'en reste-t-il ? Quel est le poids de ces actions, chacun découvrant une part d'ombre et un prix élevé à son action ? Quel impact, quel résultat sur l'histoire. Mis en rapport avec les actes d'un préfet, exécutant zélé, ça reste compliqué et anxiogène. Et l'Espagne ?

Avec une manie du décorticage minutieux comme dans Les animaux dénaturés il s'agit aussi pour Pierre et le narrateur qui observe de mettre le doigt sur la "qualité d'homme". Individualité, orgueil, caractères innés, impératifs moraux et actions. Ce qui se résout de façon positive dans une lutte active qui pourrait très sommairement (ça serait faire l'impasse sur la question et ça serait une erreur) se résumer en : "on ne nait pas forcément avec et ça se travail cette qualité d'essayer d'avoir l'action juste, utile ou positive".

Et un des mouvements du livre est par là-dessus de faire que la réflexion, les inflexions du cheminement et les éclairages nous sont refusés. Il en résulte une confusion choisie qui rebondit de petit pas d'aventures en retraits méditatifs. Et c'est vrai que nous sommes loin de la blessure, rupture qui habite les personnages. Il reste à faire encore ce pas vers eux. Complexes, imparfaits, mal connus, presque anonymes.

Pas la lecture la plus évidente qu'on puisse imaginer (malgré la langue toujours limpide dont use Vercors), pas la plus neutre, pas la moins torturée (parce qu'on sent le caractère volontaire et l'inquiétude d'être juste avec ses personnages et de faire passer son message) et pas la moins structurée avec ce que ça implique de manque d'évidences.

Avec de la retenue il y a l'humanité brute et un élan qui habite habituellement les pages de l'auteur. ça doit bien être le genre de livre qu'on doit pouvoir relire presque malgré soi bien plus tard et s'y perdre autrement.

L'effort de remise en cause ou de réalisation de disparition de ces actes de résistance, de leur effacement dans la vie publique (et la réintégration à des postes à responsabilités de personnalités compromises) sans que le trait soit trop marqué, ça tient du constat, pour ces années, ce contexte ça fait un drôle d'effet.

Ça donne le vertige, on pourrait presque parler de maladresse, c'est fort. Et tout ce souci est très attachant (et appelle à l'humilité).
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptySam 5 Oct 2013 - 13:39

Vercors en introduction  à l'édition collective de Les armes de la nuit et La puissance du jour a écrit:


Quand, pendant l'été 1945, il [Vercors] assista au retour des déportés, ce n'est pas l'envie d'écrire, c'est l'envie de hurler qui lui fit composer Les armes de la nuit. Et quand, cinq ans plus tard, sous le titre de La puissance du jour, il entreprit d'en écrire la suite, c'est (comme il le fait dire à son héros) parce qu'il lui fallait constater avec horreur et angoisse que « le monde des hommes n'a pas compris encore le danger qu'il a couru » .Que ce danger subsiste. Et que n'importe qui a la chance d'être tant soit peu écouté n'a pas de plus pressant devoir que de tenter de se faire entendre.
Peu importent alors les petites manies et petites manières du roman contemporain. Peu importent même les règles. Il ne s'agit plus de ces devoirs d'école sur lesquels on se fait juger digne ou non du titre de romancier. Il s'agit de l'avenir de l'homme. Il s'agit de savoir si l'existence qui s'ouvre à l'humanité future sera celle de la personne humaine ou celle du singe parlant.
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptySam 5 Oct 2013 - 16:59

Les armes de la nuit

C’est à peur près impossible de parler de ce livre. Indécent je dirais.
J’ai été gênée au début de l’idée de faire du romanesque avec un homme qui revient des camps. Mais finalement, non, il a raison,  Vercors, et il pratique une compréhension intime de l’homme en tant que bourreau qui, dès 46, lève cette idée absurde que de l’enfer on peut revenir.
C’est complètement idiot, comme commentaire , de dire que c’est bouleversant n’est ce pas ?
Mais c’est tellement utile de relire ça de temps en temps. Des fois que certains voudraient faire croire que c’était un détail.





je vais faire une pause avant de passer à La puissance du jour.
Difficile de rester trop longtemps à ce régime.
Et en même temps, on ne peut pas enchainer avec une joyeuseté.
Rolin, Olivier, peut-être?
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyMer 9 Oct 2013 - 18:10

La puissance du jour

Un peu compliqué à commenter, ce livre. J'aurais aimé être totalement enthousiaste.

D'abord, l'impression nettement prédominante de cette beauté pure que j'ai trouvée dans les autres textes de Vercors.

La guerre est finie, chacun a repris (ou pas), ses activités ordinaires. L'esprit d'aventure et d’amitié du réseau manque sans doute beaucoup, la conscience s'est mise au travail, chacun ressasse et tente de digérer à sa façon les bouleversements que la vie a semés en lui. C'est l'occasion de débats sans concessions, de belles confrontations, qui me rappellent d'autres lectures comme Le sang des autres de Simone de Beauvoir ou Les justes de Camus. Autant dire, du très bon.

Chacun sa vérité et chacun sa douleur, autour de thèmes comme la légitimité, la culpabilité, le pardon. Tout cela très résumé car c'est beaucoup plus complexe et nuancé que ça. Ou pour dire autrement : quel monde voulons-nous, et que sommes-nous prêts à faire, ou à accepter, pour l'atteindre ?

Il y a là une intensité dramatique faite d’épure qui accroche sérieusement le lecteur. Questions sans réponse, bien évidemment, et c'est peut-être le reproche que je ferais à Vercors, qui, choisissant l’ optimisme, offre une solution presque trop facile et  emmène si vite Pierre, héros un peu « trop beau » du tréfonds du désespoir à la limpidité lumineuse d'un nouveau départ.

Et…je dois avouer que je n'ai pas trop compris le rôle de la chirurgie du cerveau dans tout cela.
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyMer 9 Oct 2013 - 20:54

Jamais lu Vercors. Il va falloir rattraper ça...
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyMer 9 Oct 2013 - 21:28

oui, cette fameuse opération... je n'ai pas vraiment saisi non plus, le narrateur non plus d'ailleurs. on peut quand même essayer de regarder le problème.

si on résume : un homme, sans le savoir (il croit que c'est une autre opération), se fait enlever un bout de cerveau et se retrouve guérit.

on a donc un fait, un état matériel mais lié et avec un impact sur la conscience de l'individu qui cependant ignore ce fait. ça pourrait être aussi les analogies avec la société et l'action de résistance "oubliée" mais efficace, ou autrement le fait à l'origine de "ne plus être un homme" qui altère mais peut-être oublié ou dont l'existence ou la survenance ne nie pas la conscience (ce qui se rapprocherait des choix de Pierre pour la suite et de certaines de ses paroles) ?

certainement encore autre chose que nous ne saurons jamais.

la fin trop belle je ne sais pas. c'est lumineux, encourageant, le comportement reste relativement destructeur et très fluctuant... reste la lumière, l'espoir partager.
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyJeu 10 Oct 2013 - 10:15

Ca tient la route, tes explications.
N'empêche qu'à la lecture ça m' a paru tout à fait fumeux et que ça m'a privée d'un plaisir complet de lecture.
Le bilan reste dans un très franc positif, cependant

Et c'est vrai que le côté « béatitude de la foi retrouvée » est nuancé par la tuberculose. Compliqué pour Vercors, qui manifestement voulait faire passer un message d'espoir (sinon, avoir résisté était un non-sens), de ne pas tomber dans le "happy end". Il s'en sort bien

Je trouve tous ces textes que je qualifierais de classiques de cette époque (notamment ceux que j'ai cités) montrent des héros qui sont tellement des héros, et  tellement des hommes en même temps... ça a un côté un peu... fané. Mais j'aime le parfum des choses fanées.Le monde est autre maintenant, le monde auquel ils ont aspiré est arrivé d'une certaine façon mais il est tellement cabossé, il a laissé la place à des dérives   tellement arrogantes . Il doit se retourner dans sa tombe, parfois, Vercors (et pas mal d'autres avec lui).
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyJeu 10 Oct 2013 - 12:08

Suite à une discussion entre amis ce week-end, je viens de commander celui-ci qui, semble-t-il est une petite merveille:

Vercors (Jean Bruller) - Page 2 41z06010

Présentation de l'éditeur
En ce jour d'été 1944, Luc, caché sur une colline, assiste impuissant au massacre d'Oradour-sur-Glane tandis qu'un officier allemand peint la beauté du paysage. Quand les cris se sont tus, l'officier est heureux : " ... aujourd'hui, dit-il, j'ai enrichi l'humanité d'une beauté nouvelle. Le reste est silence. " Pour Luc, au contraire, poète avant le drame et tentant de mettre un nom sur les corps calcinés, le bruit et la fureur ne font que commencer. Les mots, désormais, ne seront plus jamais les mêmes... Vercors condense ici nombre des interrogations qui l'ont saisi au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Qu'en est-il de l'art face à la barbarie ? Qu'en est-il de notre humanité ? Le travail d'Els Baekelandt donne toute sa force déchirante à ce texte d'une éternelle actualité.

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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyJeu 17 Oct 2013 - 13:39

topocl a écrit:
Je trouve tous ces textes que je qualifierais de classiques de cette époque (notamment ceux que j'ai cités) montrent des héros qui sont tellement des héros, et  tellement des hommes en même temps... ça a un côté un peu... fané.
Un peu comme chez Malraux (mais autrement) ? clown 

(et oui je reviens sur le fil parce que je me souvenais qu'il fallait que je relise une remarque plus tard).
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MessageSujet: Re: Vercors (Jean Bruller)   Vercors (Jean Bruller) - Page 2 EmptyJeu 17 Oct 2013 - 13:44

je crois que j'ai encore un petit chemin à parcourir avant d'être prête pour Malraux. Nizan d'abord.
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