L'Europe de l'extrême droite, de 1945 à nos jours
Apparu dans une collection éditée par Complexe ayant pour but d'squisser un tableau des différentes mouvances politique de l'Europe (et plus précisément de l'Union Européenne), ce livre traite plus particulièrement - comme vous vous en doutez - de l'extrême droite.
Avant de commencer son exposer, Duranton-Crabol insiste sur un point très important, trop peu souligner dans nos médias: l'extrême droite n'est pas une droite capitaliste et libérale (au sens français du terme) radicalisée ni un groupe homogène de partis néo-fascistes/nazis, c'est un ensembles de groupes politisés souvent antidémocratiques et antiparlementaires qui ne se positionne ni vraiment à droite, ni vraiment à gauche. On y retrouvera les fascistes, les royalistes, la "nouvelle droite" (qui est peut-être la plus proche de la "droite"), et toute sorte de groupuscules nationalistes, xénophobes sans politique définie. Remarquons enfin que le racisme, s'il imprègne la pensée politique de la plupart de ces groupes, n'est pas toujours présent.
Ensuite, Duranton-Crabol va présenter les évolutions des différents mouvements d'extrême droite à travers les pays qui composent l'Union Européenne, à savoir (en 1990-91): la France, l'Italie, la Belgique, l'Autriche, la Suède, la Norvège, le Danemark, la RFA, l'Espagne, le Portugal, les Royaumes-Unis, Pays-Bas et la Grèce.
La question sur laquelle repose toute sa réflexion est "comment une droite radicale marginalisée au sortir de la seconde guerre mondiale par une défaite tant politique que militaire a-t-elle pu se reconstituer et renaître dans la vie politique"*?
Le travail de Duranton-Crabol est énorme à cause de l'éclatement des groupes d'extrême droite au sortir de la guerre. Le fascisme et le nazisme étant les plus touchés par le rejet de la population, l'extrême droite va se reformer en soutenant un discours (quelque peu hypocrite) critiquant ces deux régimes politiques. En réalité, plus que ces détours rhétoriques, l'extrême droite va se reformer sur une idée commune: l'anti-communisme et la xénophobie. Elle sera souvent renforcée par les mouvements de décolonisation ressentis comme une perte douloureuse par une partie de la population. Parfois violente et très activiste (comme en Espagne, en Italie ou en Belgique dans les années 80), elle peut se faire plus "respectable" en essayant de toucher un public plus large et en jouant clairement le "jeu démocratique" (comme la nouvelle droite). Cependant, l'extrême droite souffre d'une division très importante et les différents partis ou groupes politisés au sein d'un même pays ne s'entendent que rarement (il ne faut même pas parler des "internationales" qui, si elle font peur, traduisent rarement une entente entre les différents partis d'extrême droite d'Europe): certains se rapproche du fascisme historique, d'autres sont néo-nazis, d'autre encore son nationalistes écologistes, royalistes, socialistes-maoïstes nationalistes, etc.
Parfois très complexe en raison de l'incroyable morcellement de l'extrême droite, ce livre n'en est pas moins une excellente introduction sur le sujet qui donne à réfléchir sur notre démocratie et sur la diversité d'un discours d'extrême droite très divers et dont on retrouve des traces dans des partis "démocratiques" (les virements vers l'extrême droite des partis démocratiques ne datent pas de Berlusconi, Sarkozy ou (pour les belges) du CD&V-NVA)
Rappelons que la politique des pays qui composaient l'Axe n'étaient pas seulements fascistes: la France de Pétain n'est pas homogène, on y retrouvait des fascistes, mais aussi des autoritaristes, des royalistes, etc. ; Le Japon est un empire dirigé par une dictature militaire, l'Italie est un royaume dirigé par des fascistes (le roi a donné son appui à Mussolini), la République Slovaque est tiraillée entre conservatisme et fascisme, la Roumanie mène une politique nationaliste à relents fascistes (un peu comme l'Espagne de Franco), la Hongrie est un royaume, etc. L'extrême droite que rassemble l'Allemagne nazie dans son giron n'est pas homogène et la défaite de l'Axe aura des conséquence durables dans la politique européenne.