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| Marie Uguay | |
| | Auteur | Message |
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jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Marie Uguay Mar 26 Fév 2013 - 12:12 | |
| Née le 22 avril 1955 et décédée à l'âge de 26 ans le 26 octobre 1981, Marie Uguay est l'étoile filante de la contrée des poètes québécois. Rapidement, son oeuvre est parvenue à la maturité. Perdant sa jambe à la faveur d'un cancer des os, Marie Uguay finit tout de même par succomber à des souffrances subséquentes. Son oeuvre, relativement courte, est composée de : - Signe et rumeur, 1976 - L'outre-vie, 1979 - Autoportraits, 1982 (posthume) Certains recueils comprenant quelques pièces additionnelles furent publiés chez Noroît et Boréal. Le Journal de Marie Uguay est paru en 2005. Dans Derniers poèmes, je fus enthousiasmé à la lecture de la dernière page. Nous parlons d'une prose poétique assez ample : - Citation :
- Parfois lorsque je te regarde marcher je voudrais être toi et me tenant un peu en retrait soudain me fractionner et m'introduire dans ta démarche, en connaître de l'intérieur le pourquoi de sa lenteur parfois et de sa belle souplesse, connaître des épaules trop arrondies le verdict d'accablement, de fatigue, ou d'habitude simplement prise à trop rester assis et puis cette puissance encore intacte de la respiration et le poids de la main, ce qui la fait frémir, se relever en colère ou plonger comme pour effacer le visage. Mais lorsque j'atteindrai la voix j'atteindrai l'immobilité convenue de mon désir, connaître ce qui domine dans les inflexions lentes de la voix, ses pauses faciles; longues plages de silence que tout semble menacer sans cesse et les mots qui doutent trop et que la gorge noue. J'aimerais vivre le long délassement de ton corps dans le matin. Les hanches étroites, dures, brunes, où les muscles gonflent légèrement sous l'effet du lever, le dos qui s'étire dans son harmonie de rivière noueuse. Dos immobilisé un instant sous le cône froid de l'aube, la nuque penchée le corps encore maintenu dans la surdité et la lenteur du matin. J'aurais tant de tendresse à être ce corps en éveil.
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| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Re: Marie Uguay Jeu 28 Fév 2013 - 13:13 | |
| Dans Autoportraits, Marie Uguay se trouve à obliquer dans le cadre des références sourdes : - Citation :
- le cri d'une mouette crée la profondeur de l'air
divise les rues en espaces incertains le vent est gris et sans effusion et nous sommes assis à la table où l'on a déposé des tasses de café des fruits nous ne parlons plus attirés par la fraîcheur de l'herbe et des nuages et tout ce qui passe projette ses ombres sur nos regards la pièce sent le bois coupé et l'eau dehors nous savons que tout se prépare lentement à paraître Si nous en croyons une chronologie historique, Marie Uguay a précédé les actions sourdes. Il n'en reste pas moins que son univers renvoie à une pléthore de signes et qu'il en est ainsi chez une bonne part des poètes québécois. | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Re: Marie Uguay Ven 1 Mar 2013 - 10:36 | |
| L'outre-vie - Citation :
- Accords brefs et mon rêve
Votre sourcillement d'indifférence Je vous vois de si loin et vos doux encerclements de silence Que de rues dissoutes par mon désir Ce sera un petit jour qui se déchire à pleines poussières Vous m'écouterez sans hâte et sans frémissement - Citation :
- Chaque tendon de mon corps est relié aux armes de
[la terre Je suis au coeur d'un puits qui ne rayonne pas aux limites sanglantes du soir
Ta solitude est une colonne torride | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Re: Marie Uguay Sam 2 Mar 2013 - 22:58 | |
| Deux extraits d' Autoportraits : - Citation :
- lac mégantic juillet tranché dans le fruit
puis je regarde la nature le soir courante comme un [paysage japonais
l'amoncellement de textures le vent fumeux s'évadant vers quelque abandon de [l'horizontal
les montagnes piquantes ne nous brisent plus l'échine elles aiment mieux se glisser en nous maintenant tant de bontés nous regardent sans nous [reconnaître
été corps toujours recommencé et les conifères toujours au bord de l'éclatement définitif - Citation :
- et ce visage est tellement venu longtemps et tellement
[souvent comme un très lointain et très précaire sentiment comme une très lente fatigue du jaune s'en allant derrière le soir d'un coffee shop à l'atmosphère très vieille europe où l'on servirait des pâtisseries hongroises des croissants parfumés aux amandes au milieu perdu de new york
et ce visage est tellement venu longtemps et souvent et à peine pourtant regardé mais toujours désiré [pareillement comme tous ces gens assis sur les banquettes de cuir qui attendent un éblouissement définitif quelque espace s'ouvrant vers quelque paysage parfaitement accessible et parfaitement beau Marie Uguay est un nom à retenir. | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Re: Marie Uguay Dim 3 Mar 2013 - 11:22 | |
| Franchement, Marie Uguay a tout pour évoquer une perspective : - Citation :
- Saisir
cette souche nouvelle entre les plans feuillus humides et chantants des miroirs
Tout autour refluent les clartés Jet nostalgique des nuques et des tailles Retirement des prunelles et les arcs blancs de nos défis
Le sol sous nous à l'exacte béatitude des fenêtres Dépouillées des voiles Nos origines colmatées Méandres de découvertes Hanches-terrasses Centre des sources
Nous sommes hors des nuits étroites dans l'arborisation de nos rêves avec le sourire incessant des sens lieux conquis
L'outre-vie
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| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Re: Marie Uguay Lun 4 Mar 2013 - 10:38 | |
| Dans le Journal de Marie Uguay, nous pouvons lire une poésie épurée des préoccupations quotidiennes couchées sur papier par Marie. Tout d'abord, considérons le point de vue quotidien : - Citation :
- J'écris pour ne pas être détruite par moi-même. J'ai toujours senti ma condition féminine comme une menace pour mes capacités créatrices. On m'a tellement dit que féminité et génie étaient irréconciliables, que l'épanouissement de l'un se fait au détriment total de l'autre. Pour rien au monde, me suis-je dit, je ne renoncerai à la poésie, et la féminité m'a semblé un fardeau, un barrage à mon épanouissement. Avec l'âge et l'évolution des idées sur la femme, j'ai changé d'opinion et je crois que ces deux entités sont parfaitement conciliables. Mais, malgré cela, toute une enfance en moi continue de se haïr, regrette d'être une femme et place l'homme au-dessus d'elle dans un univers de réalisation et de possibilités ardentes qui lui sont refusées.
Marie Uguay, Journal, 2005, Boréal, p. 48 Comparons ensuite avec cet effort d'épuration de la parole poétique : - Citation :
- Le désir était de fer au contact des plus belles images. Ce lieu tranchant, cette porte ouverte sur le monde et sur toutes les blessures, ce coeur recueilli et délaissé à la fois. J'aimerais que tous les arbres m'accueillent, les terres les plus inaccessibles, que les soleils m'accueillent, me recueillent et m'endorment. Toutes les nuits sont des parfums et parlent encore de vous dans un triste secret, parlent de vous à moi seule et par mon seul désir.
[Poèmes en prose]
Ibid., p. 57 | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Re: Marie Uguay Mer 6 Mar 2013 - 9:33 | |
| Marie Uguay fut assez accomplie comme poétesse. Elle n'a pas tant écrit, mais elle avait déjà atteint la maturité de sa démarche littéraire quand elle fut aux prises avec la perte de sa jambe et les cancers qui l'ont rongée. Sa démarche débuta avec Signe et rumeur. Je retiens trois extraits pour vous évoquer ce que cette femme savait déjà dire à son premier recueil de poésie : - Citation :
- j'ai fait cette démarche apaisante
de te dessiner à chaque souvenir qui me revient comme un matin fragmentaire comme une avance vers la mémoire entière de ton visage - Citation :
- tout repose
dans le plein songe âpres démarcations des paysages nous allons aux solitudes quotidiennes de nos proches départs intérieurs - Citation :
- au bord de quel rivage
ce détachement parfait cette disponibilité nouvelle cet apaisement des alentours et de l'heure cette très calme habitation de l'histoire | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Marie Uguay Dim 10 Mar 2013 - 2:46 | |
| Dans le Journal de Marie Uguay, un poème de L'Outre-vie a été noté à la page 70 : - Citation :
- Il est regardé et il l'ignore
isolé vers une improbable merveille Il n'y a pas de circonstances pour nous Son corps est un point fixe une multiplication de paysages
Les plages ont fleuri durant la nuit Il pose des mains incrédules sur mon visage Il est au bord du vertige et il ignore la chute Ses lèvres engendrent mes jours D'autres amours sont venues d'autres s'en sont allées Et il ne rêve jamais en plein soleil | |
| | | GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: Marie Uguay Sam 6 Avr 2013 - 11:50 | |
| Toujours aussi étanche au flux poétique, j'ai été touché parfois comme lorsqu'on se mouille le bas du pantalon en voulant traverser une rivière à gué. Mais j'ai bien failli vaciller - jack-hubert bukowski a écrit:
- Citation :
- Parfois lorsque je te regarde marcher je voudrais être toi et me tenant un peu en retrait soudain me fractionner et m'introduire dans ta démarche, en connaître de l'intérieur le pourquoi de sa lenteur parfois et de sa belle souplesse, connaître des épaules trop arrondies le verdict d'accablement, de fatigue, ou d'habitude simplement prise à trop rester assis et puis cette puissance encore intacte de la respiration et le poids de la main, ce qui la fait frémir, se relever en colère ou plonger comme pour effacer le visage. Mais lorsque j'atteindrai la voix j'atteindrai l'immobilité convenue de mon désir, connaître ce qui domine dans les inflexions lentes de la voix, ses pauses faciles; longues plages de silence que tout semble menacer sans cesse et les mots qui doutent trop et que la gorge noue. J'aimerais vivre le long délassement de ton corps dans le matin. Les hanches étroites, dures, brunes, où les muscles gonflent légèrement sous l'effet du lever, le dos qui s'étire dans son harmonie de rivière noueuse. Dos immobilisé un instant sous le cône froid de l'aube, la nuque penchée le corps encore maintenu dans la surdité et la lenteur du matin. J'aurais tant de tendresse à être ce corps en éveil.
Et donc merci d'humidifier un tant soit peu la sécheresse de mon éponge poétique ... - Spoiler:
Kif du jour : répondre sur une thématique aquatique ... Quitte à paraître pompeux !
- jack-hubert bukowski a écrit:
- Dans Autoportraits, Marie Uguay se trouve à obliquer dans le cadre des références sourdes :
- Citation :
- le cri d'une mouette crée la profondeur de l'air
divise les rues en espaces incertains le vent est gris et sans effusion et nous sommes assis à la table où l'on a déposé des tasses de café des fruits nous ne parlons plus attirés par la fraîcheur de l'herbe et des nuages et tout ce qui passe projette ses ombres sur nos regards la pièce sent le bois coupé et l'eau dehors nous savons que tout se prépare lentement à paraître Si nous en croyons une chronologie historique, Marie Uguay a précédé les actions sourdes. Il n'en reste pas moins que son univers renvoie à une pléthore de signes et qu'il en est ainsi chez une bonne part des poètes québécois. Curiosité : j'ai du rater quelque chose mais référence et action sourdes m'interpellent. J'aimerais comprendre un peu mieux ces termes ... Peux-tu me guider ? | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Marie Uguay Sam 6 Avr 2013 - 12:11 | |
| - GrandGousierGuerin a écrit:
- jack-hubert bukowski a écrit:
- Dans Autoportraits, Marie Uguay se trouve à obliquer dans le cadre des références sourdes :
- Citation :
- le cri d'une mouette crée la profondeur de l'air
divise les rues en espaces incertains le vent est gris et sans effusion et nous sommes assis à la table où l'on a déposé des tasses de café des fruits nous ne parlons plus attirés par la fraîcheur de l'herbe et des nuages et tout ce qui passe projette ses ombres sur nos regards la pièce sent le bois coupé et l'eau dehors nous savons que tout se prépare lentement à paraître Si nous en croyons une chronologie historique, Marie Uguay a précédé les actions sourdes. Il n'en reste pas moins que son univers renvoie à une pléthore de signes et qu'il en est ainsi chez une bonne part des poètes québécois. Curiosité : j'ai du rater quelque chose mais référence et action sourdes m'interpellent. J'aimerais comprendre un peu mieux ces termes ... Peux-tu me guider ? Ok... Tout d'abord, Emmanuelle Laborit, actrice sourde française a écrit une autobiographie sous le titre Le cri de la mouette en 1994. Quelques personnes en ont parlé sur le forum. Pour répondre à ton questionnement de ce qui a pu précéder les actions sourdes, Marie Uguay est morte le 26 octobre 1981. J'ai beaucoup étudié à propos du parcours de défenseur de droits des personnes sourdes au Québec, Raymond Dewar. Or, il a été décédé des suites d'émanations de monoxyde de carbone à son domicile à Dollard des Ormeaux (sur l'Île de Montréal) au Québec le 27 octobre 1983. Il était à préparer sa prestation éventuelle à la pièce de théâtre Les enfants du silence. Il a été retrouvé mort peu après ce qui devait constituer la première théâtrale. Edité : Dans la poésie québécoise, nous utilisons beaucoup la métaphore sourde. Il y a beaucoup d'efforts de métaphorisation pour tenter de donner des images à la difficulté d'acquérir une parole. Le Québec a eu un destin assez muet résultant de la situation coloniale. Je vous l'ai montré dans le fil de Kim Doré. Je crois avoir lu Paul-Marie Lapointe qui utilisait cette figure métaphorique. Le père d' Hector de Saint-Denys Garneau vivait avec des troubles auditifs, ce qui l'aurait contraint à une vie de pauvreté mais la mère avait un héritage familial... c'a sauvé un peu les choses. Hector de Saint-Denys Garneau a été assez inspiré dans sa quête et je crois que la figure de son père n'y fut pas étrangère. | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 43
| Sujet: Re: Marie Uguay Lun 8 Juil 2013 - 2:01 | |
| Je repasse cet extrait d' Autoportraits déjà retranscrit plus haut sur le fil : - Citation :
- lac mégantic juillet tranché dans le fruit
puis je regarde la nature le soir courante comme un [paysage japonais
l'amoncellement de textures le vent fumeux s'évadant vers quelque abandon de [l'horizontal
les montagnes piquantes ne nous brisent plus l'échine elles aiment mieux se glisser en nous maintenant tant de bontés nous regardent sans nous [reconnaître
été corps toujours recommencé et les conifères toujours au bord de l'éclatement définitif Depuis que la tragédie s'est fait sentir à Lac Mégantic suite à ce déversement important de pétrole résultant d'un accident de train, je me tiens loin des rumeurs et des bruits de l'actualité pour garder une distance... ce poème se remémore. Il paraît qu'il y a de beaux paysages dans le secteur. Dommage que l'industrie pétrolière s'en soucie comme d'une guigne... | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
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| Sujet: Re: Marie Uguay Mer 30 Nov 2016 - 12:01 | |
| Dans Derniers poèmes, Marie Uguay a écrit ceci : - Citation :
- petites chaises jaunes
où nous nous enfonçons dans l'obscurité venue du lac et de la nuit la nappe où nous avons déposé des tasses de café des fruits bouge lentement ses jupons de bal petits pieds pâles comme des lunes qui font chuchoter le gravier perpétuent dans leur danse le jaillissement des fontaines perdues Dans cet dernier extrait, nous pouvons encore une fois confirmer l'influence prégnante d' Anne Hébert chez les poétesses québécoises tout comme il y a eu des émules chez d'autres poètes et que Geneviève Desrosiers soit aujourd'hui celle qui inspire la génération des poètes post-2010. | |
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