Voici enfin ma présentation du black metal comme promis
ici.
[(avertissement: cet article n’est en rien un travail d’historien, il constitue plutôt une réflexion théorique sur le black metal et tout élément « historique » peut -être remis en question dans la mesure où aucun consensus n’a encore été clairement défini à propos de ce style et du metal en général, le schéma qui va suivre sera, par exemple, très différent de celui proposé par cet arbre généalogique du black metal)
Avant de me lancer dans une histoire et une analyse plus complète du black metal, je pense utile de situer cette musique au sein du mouvement metal lui-même.
Le metal le plus primitif est représenté par le heavy metal (et ce qu’on a fini par appeler parfois le « true metal » que je considère comme une catégorie particulière du heavy en général), avec le temps et le mouvement « extrémiste » (musical) du metal, le heavy a été modifié au point d’en arriver à un style particulier: le thrash. Par après, toujours emporté vers les extrêmes, ce thrash metal est devenu « death » puis « black ».
Dans cette vision des choses, le heavy représente le metal « basique » tandis que les trois genres qui en découlent sont des évolutions particulières de cet unique genre. Par la suite, les genres qui ont émergés (indus metal, neo metal, cyber metal, etc.) n’ont été que des mélange d’éléments metal avec d’autres styles musicaux dérivés du rap, de la pop, de l’électro, etc. Certes, thrash, death et black ont eux aussi subi ces influences, mais il s’agira toujours (aux yeux des puristes) de sous-genres non représentatifs du genre (si bien qu’on parle de thrash et death « old-shool » ou de « true » black metal).
En décrivant le black metal, je décris donc un genre très particulier puisqu’il représente à ce jour la dernière évolution strictement metal mais aussi le genre le plus élitiste, celui qui insiste le plus sur ses racines metal. Le black metal, c’est tout un symbole, avant même d’être une musique.
Les fondements du black metal peuvent raisonnablement remonter jusqu’aux années 80.
Les pionniers du black metal les plus souvent cités sont le « shock-rock » d’une manière générale (Kiss, King Diamond, Alice Cooper, Black Sabbath, très clairement plus pour le visuel que pour la musique), Merciful Fate pour le visuel et les thèmes, Hellhammer/Celtic Frost (les deux étant en réalité un seul et même groupe) et Venom pour l'aspect musical mais pas uniquement.
Merciful Fate-Sold my soul
Hellhammer-Triumph of death
Celtic Frost-Jewel Throne
Venom-Black Metal
Comme pour tout style musical, il est difficile de dire qui a tiré le premier. D’éternels débats entourent par exemple Venom quant à son identité « black metal » (Venom est parfois classé en « black’n’roll », mais la mésentente tient surtout du fait que l‘album phare du groupe s‘intitule « Black Metal », ce qui a défini le genre par la suite ). Traditionnellement, on considère que le premier groupe de black metal est Bathory (Suède-formé en 1983). Le black metal en tant que tel ne débutera quant à lui qu’à la fin des années 80 et son émergence définitive n’aura lieux qu’au début des années 90. Il aura donc fallu 10 ans aux idées de ces quelques groupes fondateurs pour se démarquer.
Venom-Black metal
Bathory-Valhalla
La musique de Bathory est fondatrice à plusieurs égards. Musicalement, elle pose les base d’un style lent, n’hésitant pas à répéter la même phrase sur plusieurs minutes, ayant souvent des riffs épiques, un enregistrement de mauvaise qualité (ce qui deviendra paradoxalement un critère par la suite), la voix est criarde, mais non gutturale (à la différence du death), elle évoque plus un « cri existentiel » qu’un grognement brutal (comme dans le death ou le thrash), d’autre part, Bathory sera représentatif d’une tendance qu’a le black metal à produire de longs morceaux (environs 9 minutes), même si, avec le temps et les différentes orientation, la durée moyenne des morceaux de black metal actuels tourne autour des 4-5 minutes. Au niveau de l’imagerie et des textes, Bathory aborde un univers sauvage, païen, vierge de tout élément chrétien, ce qui pose les base de plusieurs tendances: anti-chrétienne (propre à la quasi-totalité des groupes de black metal), païenne et nationaliste (glorification des « cultures originelles »). D’autre part, le groupe est originaire d’une région qui sera très productive en matière de black metal: la Scandinavie.
Les groupes apparus au début des années 90 appartiennent à ce que l’on a appelé la « première vague » du black metal. Les premiers groupes pour la quasi-totalité européens (le genre s’exportera surtout en Europe du nord et de l’est, la scène française dispose de quelques groupes reconnus, mais le sud de l’Europe et le monde anglo-saxon sont encore aujourd’hui peu productifs en la matière) et plus particulièrement scandinaves, ce qui est une première dans la mesure où depuis la naissance du heavy metal, toutes les innovations musicales provenaient du monde anglo-saxon, on peut donc voir le black metal comme une forme « européenne/nordique » du metal.
Musicalement, les premiers groupes de black metal se divisent en deux genres distincts: l’un plus proche du death et/ou du punk, l’autre plus lent et « épique », plus fidèle à l’héritage de Bathory.
Un bon exemple de la première tendance est Darkthrone (Norvège), mais on peut aussi citer des groupes tels que Beherit (Finlande) ou Mayhem (Norvège).
Darkthrone-Under a funeral moon
Beherit-Metal of death
Mayhem-De mysteriis dom satanas
La seconde tendance peut être représentée par toute la scène « pagan metal » qui insiste très largement sur l’aspect païen de leur musique, n’hésitant pas à utiliser quelques airs ou instruments traditionnels à leur pays dans leur musique. De bons exemples sont Moonsorrow (Finlande), Graveland (Pologne), Nydvind (France).
Moonsorrow-Tuulen Tytar
Graveland-White beasts of Wotan
Nydvind-King of the hill
Au-delà de cette première division, on peut en distinguer un très grand nombre. En effet, le black metal est un genre prolifique qui est caractérisé par le fait que ses fans, dès lors qu'ils notent une différence minime entre deux groupes, ont tendance à "créer" une nouvelle catégorie, ce qui, selon moi, entre parfaitement dans la logique très "conservatrice" du genre.
Parmis ces divisions, ou plutôt "oppositions", je vais insister sur une en particulier: black metal suédois et black metal norvégien (j'aurais aussi pu me pencher sur le cas de l'opposition -réelle cette fois-ci- entre le black metal norvégien et finlandais, mais elle est musicalement de peu d'intérêt).
Ce qui fait la différence fondamentale entre le black metal dit "suédois" et son équivalent "norvégien", c'est la référence au genres dont le black est dérivé. Le black metal suédois se tournera plus facilement vers le death metal, ce qui se traduit par des vocalises moins aiguës, une technicité plus importante et un son plus "clair" (ce qui peut s'expliquer par une longue tradition "death metal" en Suède), là ou le black metal norvégien préfèrera le thrash et le punk. Maintenant, si l'on parle bien d'un black "à la suédoise/norvégienne", la distinction n'a rien d'absolu et ne s'applique qu'à un nombre limité de groupe dans la mesure où certains groupes norvégiens (ou autres) adoptent le style "suédois" et inversement.
Quelques bons exemple de black metal suédois:
Marduk (suède)-Hearse
The Legion (suède)-Those Beyond
Naglfar (suède)- (il est vrai que Naglfar eu des débuts beaucoup moins "death")
Dissection (suède)-Thorns of Crimson Death (le groupe est souvent classé en black/death metal)
Quelques exemples de black metal norvégien (outre Darkthrone et Mayhem que vous avez pu écouter plus haut):
Gorgoroth (Norvège)-Wound Upon Wound
1349 (Norvège)-Legion
Aura Noir-Black Thrash Attack
Carpathian Forest (Norvège)-The Angel and the Sodomizer
Le cas de la Norvège:
Vous l'aurez compris, le black metal, c'est à priori une histoire scandinave, mais surtout norvégienne. En effet, les groupes les plus éminents sortent tout droit de Norvège tant et si bien que la Norvège se voit quasiment réserver un label "black metal". Si cette image tant à s'effriter de nos jours, force est de reconnaître que ce pays a longtemps été prolifique en groupes originaux dont l'influence est aujourd'hui largement reconnue. Pour encore parler d'eux, des groupes comme Darkthrone et Mayhem sont archi-cultes dans leur genre, mais il n'y en a d'autres, beaucoup d'autres dont la renommée a parfois dépassé les frontières du black metal (chose rare!): Borknagar, Burzum, Dimmu Borgir, Emperor, Enslaved, Immortal, Satyricon, etc.
Commençons par Burzum, s'il n'est pas le plus connu, il est probablement l'un des plus influents dans le genre. Je ne m'étendrai pas longtemps sur l'histoire du groupe et les éléments extra-musicaux, mais il faut savoir que ce qui a fait la renommée du groupe est en partie son leader (et unique membre…) Varg Vickernes, condamné à 16 ans de prison pour le meurtre d'Euronymous, guitariste légendaire de Mayhem, mais aussi pour ses opinions politiques très proches du néo-nazisme et son paganisme notoire (il est soupçonné d'avoir participé aux incendies d'églises en Norvège au début des années 90, mais aucune preuve n'a pu le démontrer). On notera toutefois que ça musique ne fait pas référence au nazisme, ni même au nationalisme ou au paganisme; ses textes ressemblent plutôt à des odes au grand nord, aux paysages enneigés, etc. Cependant, ses deux derniers albums (composés alors qu'il était en prison) sont plus ambigus (notamment à cause de la couverture sur laquelle est représenté un chevalier païen sur la cape duquel on peut apercevoir des swastikas). Musicalement, Burzum ouvre la voie à un black metal "ambiant" au rythmiques très lentes, quasi hypnotiques, et très répétitives. Le meilleur exemple reste sans conteste l'album Hvis Lyset Tär Oss-1994 (les paroles sont en norvégien) dont l'enregistrement froid (basse presque inaudible) et de piètre qualité en rebuteront plus d'un, c'est pourquoi je conseille Filosofem-1996 à la production plus léchée.
Burzum-Det Som En Gang Var (le morceau étant trop long, aucune version complète n'existe sur YouTube, il n'y a ici que la première partie)
Burzum-Tomhet (part.1 -même problème que pour le morceau précédent- je recommende vivement l'écoute de cet excellent morceau qui devrait convenir aux non-initiés, surtout pour la transition qui s'opère entre la première et la deuxième partie, qui n'existent théoriquement pas puisqu'à l'origine le morceau n'est pas découpé)
Burzum-Tomhet (part.2)
Burzum-Erblicket die Tochter des Firmament (de l'album Filosofem)
Dimmu Borgir: le groupe est aussi issu de la scène black metal du début des années 90, mais le groupe ne s'est pas spécialement démarqué à cette époque. En effet, sa reconnaissance viendra surtout avec la "seconde vague" du black metal (dont je parlerai plus bas) dans laquelle il apparaîtra comme une référence tout en bénéficiant paradoxalement de la même reconnaissance que le groupes du début des années 90. Il faut dire que sa musique reste relativement "classique" (avec un certain penchant pour Emperor) jusqu'à Spiritual Black Dimension (1999) où les éléments symphoniques vont prendre de plus en plus d'importance jusqu'à dépasser le stade de "samples" pour être joués par un véritable orcherstre symphonique sur l'album Death Cult Armageddon (2003).
Dimmu Borgir-Under Korpens Vinger (sur l'album For All Tid)
Dimmu Borgir-The Promised Future Aeons (sur l'album Spiritual Black Dimension)
Dimmu Borgir-Perfection or Vanity (sur l'album Puritanical Euphoric Misanthropia-instrumental, orchestrations avec samples)
Dimmu Borgir-Allegiance (splendide intro de l'album Death Cult Armageddon)
Dimmu Borgir-Progenies of the Great Apocalypse (sur l'album Death Cult Armageddon, je rappelle la présence d'un véritable orchestre symphonique sur l'album…)
Dimmu Borgir-Alt Lys Er Svunnet Hen (sur l'album Stormblåst MMV, réenregistrement de l'album Stormblåst originellement édité en 1995, beaucoup plus proche du black metal traditionnel)
Emperor est aussi un groupe phare du black metal norvégien du début des années 90. Les membres ont aussi connu des déboires avec la police (incendis d'églises, meurtres, etc.) mais ce qui m'intéresse ici est leur musique. C'est en effet l'un des premiers groupes de black metal à inclure des orchestrations à leur musique (sous forme de samplers).
Emperor-The Loss and Curse of Reverence (alterne beaucoup entre des passages très "hard" et d'autres plus "symphoniques", mais la musique reste encore très "black")
Immortal est un autre groupe mythique de la scène black metal du début des années 90. Ses premiers enregistrements sont dans le plus pur style norvégien de l'époque (cru, mal enregistré, très orienté punk ou thrash) mais déjà le groupe acquière une certaine renommée. Les albums phare de groupes sont (à mon avis) Blizzard Beasts (1997) et At the Hearth of Winter (1999) développant plus ou moins le même style mais le premier souffre d'une très mauvaise production ne rendant malheureusement pas toute leur qualité.
Immortal-The Call of the Wintermoon (sur l'album Diabolical Fullmoon Mysticism)
Immortal-Blizzard Beasts (sur l'album du même nom, la première minute est en réalité l'introduction de l'album)
Immortal-At the Heart of Winter (encore une fois issus de l'album éponyme)
I-Moutains (I est en fait le projet solo du chanteur/guitariste d'Immortal, il y développe une musique similaire mais beaucoup plus personnelle et très franchement… fantastique!)
Il me reste encore à parler de Satyricon, Borknagar et Enslaved, mais je traiterai leur cas avec la "seconde vague" du black metal.
Les "vagues" du black metal:
Lorsqu'on parle du black metal, il est une césure qui revient régulièrement: les deux "vagues" du black metal. La première est constituée par les groupes du début des années 90 dont la plupart des "piliers" n'existent plus, sont en léthargie ou fonctionnent au ralenti (à quelques exceptions près). Vers la fin des années 90, le genre a pris beaucoup d'importance et commence à se détacher de l'univers "underground" pour se populariser, ce qui se traduit par un soucis croissant de qualité d'enregistrement, à défaut -selon les puristes- de qualité musicale, voire au mépris de "l'essence" du black metal, ce qui conduira à la revendication de l'étiquette "true black metal" qui est donc bien un produit de la seconde vague, quoiqu'on en dise. Les groupes de la seconde vague donc se caractérisent par une popularisation du genre ce qui offre à certains groupes la possibilité d'obtenir de plus gros contrats, permettant de meilleures promotions, de meilleurs enregistrement et parfois malheureusement des contraintes commerciales…
Mais la seconde vague, ce n'est pas que la "commercialisation" (toujours relative en metal) du genre, c'est aussi l'ouverture du black metal vers d'autres pays (jusqu'au "Tiers-Monde"), d'autres genres musicaux et une expérimentation de plus en plus osée (ce qui renforce l'idée d'un "true black metal" conservant l'identité musicale du genre). Cependant, ce fait ne doit pas faire oublier que le black metal de la première vague était déjà en soi un ensemble d'expérimentations musicales, ce qui est encore une fois nié par l'idée d'un "true black metal" créé ex-nihilo…
J'ai déjà présenté beaucoup de groupes de la première vague, mais je vais ici les mettre un peu en ordre par "sous-genres" (parmis eux seront présentés des groupes antérieurs à la première vague me se rattachant clairement à elle).
Black ambiant:
Darkspace (Suisse)-
Forest Silence (Hongrie)-At the Dawning of Chaos
Paysage d'Hiver (Suisse)-
Shinning (Suède)-Ren Djävla Angest
Xasthur (USA)-Telepathic With the Decease
Folk black metal:
Finntroll (Finlande)-Födosagan
Hantaoma (France)-
Aes Dana (France)-Ventres Noirs
Pagan black metal:
Primordial (Irlande)-The Gathering Wilderness
Black metal norvégien (style):
Enthroned (Belgique)-Crimson Legion (il y a en beaucoup dans ce cas, mais Enthroned ne mérite franchement pas toutes les élonges qu'on fait à son propos: c'est juste nul…)
Otargos (France)-Havocalypse (à noter la phrase d'intro: "Maybe is anti-god bringing darkness Inside of light" que je trouve -philosophiquement parlant- très intéressante)
Windir (Norvège)-The Spirit Lord
Black metal suédois (style):
Negator (Allemagne)-Eisen Wider Siechtum
Les groupes de la seconde vague sont très nombreux et parmis eux se trouvent beaucoup d'opportunistes. Pour les présenter, je vais les consigner à des sous-genres plus précis mais qui restent bien entendu arbitraires.
Black metal "expérimental" (fourre-tout…):
Kadenzza (Japon)-Mononoke
Samaël (Suisse)-Slavocracy
Satyricon (Norvège)-KING (Satyricon est un peu comme Dimmu Borgir un groupe issu de la première vague, mais son évolution la plus intéressante -vers l'indus- se positionne très en dehors des "canons" du black metal de cette époque, c'est pourquoi je le place d'avantage dans la seconde vague, à l'inverse de Dimmu Borgir qui prend ses racines dans la première vague…)
Negură Bunget (Roumanie)-Cunoaşterea tăcută
Black metal progressif:
Enslaved (Norvège)-Ruun
Borknagar (Norvège)-Origin (Enslaved comme Borknagar sont issus de la première vague, mais leur travail me semble tellement précurseur de la seconde que j'ai préféré les placer ici)
Blut Aus Nord (France)-Metamorphosis
Black metal symphonique:
Anorexia Nervosa (France)-Codex Veritas
Graveworm (Italie)-Losing My Religion (ouch! Ça fait mal aux oreilles tellement c'est moche!)
Oriental black metal:
Melechesh (Israël)-Ladders to Sumeria
Narjahanam (Bahreïn)-Al Jihad (الجهاد) (paroles en arabe)
Rotting Christ (Grèce)-Enuma Elish (excellent!!!)
True black metal:
Nehëmah (France)-Conscience in Evil
Lucifugum (Ukraine)-Nakhristikhryaschakh (comme beaucoup de True black metal, ça ne vole pas très haut)
Les "OVNIs" (Drone ou autres):
Bunkur (Pays-Bas) (le lien conduit à leur MySpace)
Sunn O)))-I Took the Night to Belive
Maintenant que nous avons exploré l'aspect purement musical, il est tant de voir ce qui rend la Black Metal si particulier. À la différence de beaucoup d'autres sous-genres du metal, le black est souvent accompagné d'un fort message idéologique, religieux/spirituel, voire même politique. Mais avant d'aller plus loin, je me permet un rapprochement, voire une affiliation, personnel entre black metal et romantisme. Cela peut sembler "bizarre" au premier abord, mais je suis convaincu que le romantisme a très fortement inspiré le black metal, et si ce n'est pas le cas, les deux sont comparables sur bien des points…
Tout d'abord, l'un comme l'autre émergent dans les classes moyennes avec une certaine opposition pour le "classicisme" (au sens stricte du terme pour le Romantisme, au sens d'une musique conventionnelles comportant une bonne dose de "politiquement correct" pour le second). L'un comme l'autre ont un certain dégoût pour le rationalisme et les philosophies systémiques (c'est pourquoi l'une des références philosophiques les plus souvent admises en black metal se limitent presque toujours à Nietzsche). Ensuite, les deux ont tendance à se tourner vers le nationalisme et, en conséquence, parfois vers le racisme. Paradoxalement, alors que les deux se présentent comme une révolte contre l'ordre établi, un retour aux passions, à une spiritualité quasi mystique -donc sans intermédiaire- ils finissent souvent par glorifier un temps révolu, une culture originelle à laquelle il faut revenir, un
système dans lequel chaque être humain a sa place naturelle. Pour le romantisme, cela se traduisait par un rejet de la culture chrétienne catholique, mais pas nécessairement protestante. Pour la black metal, le rejet de la culture judéo-chrétienne est quasi systématique lorsque celle-ci n'est pas reprise dans une optique "sataniste" (ce qui se passait aussi dans le romantisme). Enfin, j'ajouterai que les deux prennent leurs racines dans la culture européenne (et à priori germanique). (je pourrais aussi parler de la reprise de la musique romantique lorsqu'il y a des orchestrations en black metal symphonique)
La philosophie développée par le black metal est souvent négative, voire nihiliste. Le positivisme logique et l'optimisme chrétiens sont rejeté comme étant les refuges du "faible", le "fort" lui est capable d'affronter la réalité: le néant de la vie, une vie qui ne prend sens qu'en regard de la mort qui se montre comme une fin en soi (il n'y a ni paradis, ni récompense à espérer une fois mort: juste le néant).
Lorsque la spiritualité entre en jeu, on retrouve souvent le satanisme (sous toutes ses variantes, théiste ou LaVeyen).
Enfin, au niveau politique, comme on peut s'y attendre, on retrouve avant tout l'extrême droite, et plus particulièrement le néo-nazisme. Là où les courants idéologique et religieux/spirituels du black metal ne bénéficient pas d'associations notables, le black metal "nazi" lui se rassemble autour d'une petite scène appelée NSBM (National-Socialist Black Metal) qui dispose d'un site web on ne peut plus explicite: nsbm.org
Un groupe comme Burzum est souvent affilié à cette scène alors qu'il en est étranger, ce qui montre que les groupes dont les membres sont d'extrême droite ne se liguent pas nécessairement au sein de la NSBM (un groupe comme Graveland nie aussi toute affiliation, même si à l'inverse de Burzum les références idéologiques sont flagrantes pour qui maîtrise un minimum les codes du genre). Finalement, le seul groupe plus ou moins important qui ne rejette pas son association avec la NSBM est le groupe allemand Absurd.
Absurd (Allemagne)-Der Hanker
Exemple de musique nationaliste (mais pas "nazie"):
Forteresse (Québec)-Une Nuit Pour la Patrie
Mais le black metal ne se limite pas à ces groupes aux orientations politiques douteuses ou à des idéologies fondamentalement négatives. Bien sûr, le metal (et à fortiori le black metal) est une musique de révolte, mais celle-ci n'est pas omniprésente et certains groupes parviennent à dépasser ce stade pour développer leur musique dans le sens d'un art au sens plein du terme, ce qui pour moi signifie que c'est une musique qui
pose des questions. Cette musique "philosophique" (au sens plein du terme) se retrouve bien entendu dans le black metal, et ce d'autant plus que l'extrémisme de certains groupes (tant idéologiue, musical que politique) appelait une contrepoids, trouvé dans la seconde vague. Des groupes comme Negura Bunget, Enslaved ou encore Borknagar entre parfaitement dans cette optiques. Ils tentent, chacun à des degrés différents, de faire coïncider une importante recherche musicale avec une recherche spirituelle (et donc philosophique). Parfois, cette recherche se retrouve chez des groupes à priori plus "traditionnels" comme Otargos, Blut Aus Nord ou Darkspace qui tentent chacun à leur manière de "transcender"* la négativité ou le satanisme en leur donnant une nouvelle dimension.
D'un point de vue culturel, certains groupes proposent des alternatives (parfois mal acceptées par les fans de la première heure) au black metal "européaniste"/"occidentaliste" en l'adaptant aux musiques de leurs pays, comme Rotting Christ ou Narjahanam; un groupe comme Melechesh (Israëlien d'origine, tout un symbole en regard de la scène NSBM) joue même la carte de la multi culturalité (de même que Samaël).
Voilà pour cette présentation (fort incomplète à mon goût) de cette musique complexe qu'est le black metal. En espérant vous avoir donné l'envie d'approfondir ou au moins d'avoir relativisé les préjugés (positifs ou négatifs) que vous pouviez avoir sur le genre.
*excusez-moi ce terme pompeux de la philosophie, mais il était adapté dans ce cas-ci.