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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Yoshida Shuichi Jeu 12 Aoû 2010 - 20:34
kenavo a écrit:
eXPie a écrit:
"Everyman is an island. John Donne"
tiens, moi j'aime mieux : No man is an island Jon Bon Jovi
J'étais resté à I am a rock, I am an island (Simon & Garfunkel, ici).
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Yoshida Shuichi Mar 21 Aoû 2012 - 21:56
Le Mauvais (Akunin, 悪人, 2007) traduit en 2010 par Gérard Siary et Mieko Nakajima-Siary, 382 pages, Editions Philippe Picquier.
Ce roman est composé de quatre parties : 1/ Qui voulait-elle rencontrer ? ; 2/ Qui voulait-il rencontrer ? ; 3/ Qui a-t-elle rencontré ? ; 4/ Qui a-t-il rencontré ? ; puis vient un épilogue : "Le mauvais que j'ai rencontré". Le "mauvais" est visiblement dans le sens de méchant (il a été traduit en anglais sous le titre "Villain").
On comprend que l'on va assister à une reconstitution. On va aborder l'histoire par morceaux, à travers plusieurs points de vue. Le roman est raconté au présent, de manière factuelle, souvent comme un compte-rendu. Il expose les faits.
Citation :
"La nationale 263, route de quarante-huit kilomètres qui relie les villes de Fukuoka et de Saga, franchit du nord au sud le col de Mitsuse dans la zone montagneuse de Sefuri." (page 7).
On peut prendre un tunnel (cher) ou bien passer par le col, la route étant alors effrayante. Des rumeurs sinistres circulent sur des affaires anciennes (brigands à l'ère d'Edo) ou d'assassinats.
Citation :
"Mais au début janvier de cette année, il a neigé dans le Nord de Kyûshû, chose rare, et cette nationale 263, qui relie Fukuoka à Saga, puis l'autoroute Nagasaki, qui relie Saga à Nagasaki, sont remontées à la surface de la carte routière, telles des artères saillant sous la peau, parmi les routes aux innombrables ramifications qui, comme autant de vaisseaux sanguins, sillonnent tout le pays. Ce jour-là, la police arrêtait un jeune employé de chantier, domicilié dans la banlieue de Nagasaki, soupçonné d'avoir étranglé Yoshino Ishibashi, représentante en assurances, domiciliée à Fukuoka, et d'avoir abandonné son cadavre. C'était un jour de neige, chose exceptionnelle dans le Kyûshû, une nuit de plein hiver où l'on avait fermé le col de Mitsuse." (pages 9-10).
Que s'est-il réellement passé ? C'est ce que l'on va savoir, progressivement, en suivant au plus près Yoshino, la représentante en assurances, et ses copines ; ses parents, qui tiennent un petit salon de coiffure, et qui sont anéantis par la mort de leur fille unique et par ce qu'ils vont découvrir ; Yûichi, le jeune employé de chantier souvent mutique, mais qui se dévoue pour ses grands-parents chez qui il habite ; et bien sûr ces derniers. Sans compter d'autres personnages très importants.
Entrons un instant dans la maison des grands-parents :
Citation :
"Norio entre dans le vestibule après Yûichi et sent l'odeur particulière des maisons où il y a un malade. Même si Yûichi vit avec eux, c'est la maison d'un vieux couple, il suffit d'y poser le pied pour avoir la sensation que toute couleur a disparu. Le seul objet à garder une couleur gaie, ce sont les chaussures de sport rouges, pourtant sales, que Yûchi a ôtées." (page 98).
La force du roman est que, tout en étant fouillés, il reste une part de mystère chez ces personnages, qui ont une vraie épaisseur. Ce qui contribue à l'intérêt du roman, c'est qu'on voit tout de suite que la victime n'est pas forcément la personne la plus sympathique du monde (on n'est vraiment pas dans un roman manichéen) ; les parents, le réalisant, n'en reviennent pas (est-ce nous qui l'avons élevée ? nous n'aurions jamais dû la laisser habiter loin de nous, toute seule), mais elle reste leur fille, bien sûr ; et puis l'intrigue incorpore des éléments contemporains (réseaux sociaux, journalistes à l'affût) sans qu'ils fassent gadget. Et on voit comment ces personnages réagissent au drame, sans que ce soit racoleur.
C'est donc un bon roman, pour moi le meilleur de l'auteur (jusqu'au prochain ?). Comme dans Parade, finalement, on ne connaît jamais vraiment la vie des autres. Car, même si l'on connaît les faits, on manque quelque chose.
Et puis j'aime bien "[...] Tsuruta était en train d'expliquer au jeune barman, qui soutenait que le meilleur film de Rohmer était Conte d'été, que c'était à son avis Le Genou de Claire." (page 91).
A noter qu'on peut lire les 79 premières pages sur le site de Philippe Picquier, ici.
Dernière édition par eXPie le Mar 21 Aoû 2012 - 23:08, édité 1 fois
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Yoshida Shuichi Mar 21 Aoû 2012 - 21:56
Le roman a été porté au cinéma par Sang-il Lee en 2010, film qui a eu 15 nominations à la Japanese Academy. Il a remporté 5 prix : meilleurs acteur et actrice, meilleure musique (Joe Hisaishi)...
et meilleurs acteur et actrice de second rôle.
Yûichi (Satoshi Tsumabuki) :
Yoshino, avec son père et son téléphone portable rose...
Yoshino au restau avec ses copines et son téléphone portable rose... (elle vient de finir ses bons gyozas à l'ail, miam)
Le film n'a pas remporté le prix du meilleur film, ni du meilleur réalisateur, ni du meilleur montage, mais a quand même eu une nomination dans toutes ces catégories... Qu'en dire ? Il est vraiment très inférieur au roman, qui parvenait à approfondir les personnages. Ici le réalisateur est obligé de recourir à l'ajout de dialogues pour expliciter ce que l'on apprend dans le roman (par exemple : un personnage parle à un chauffeur de taxi, presque comme s'il se parlait à lui-même... le résultat n'est pas très bon. L'ordre de certaines scènes a été changé, et pas pour le meilleur (voir à l'écran quelqu'un qui est recherché avant qu'on ne le trouve, c'est beaucoup moins fort que de le voir pour la première en même temps que la police, non ?)
D'une manière générale, la réalisation fait un peu téléfilm (argh, les ralentis, pitié !), et la fin semble prendre plus de place que dans le roman, tirant le film vers une tonalité un peu différente du livre.
Je ne comprends pas bien qu'il ait eu tant de nominations et de récompenses, mais je venais de lire le livre avant. Ça a dû jouer. On peut voir la bande-annonce, mais attention ! Elle "spoile" pas mal... Il est bien sûr difficile de "vendre" un roman ou un livre sans vraiment en parler...