Yorgos Lanthimos

Dans ce cas, ça ne relève pas vraiment de la parodie dans le sens où le réalisateur cherche à tourner un genre au ridicule. Au contraire, j'ai l'impression que son message est très sérieux. En revanche, je suis tout à fait d'accord lorsqu'il dit que son film flirte avec l'absurde...

Marko a écrit:

Citation :

-Canine est un film sur la famille en Grèce qui témoigne de la force du patriarcat, toujours aussi prégnante depuis l'Antiquité. Cloîtrés chez eux, les enfants deviennent dépendants et crédules. L'extérieur n'y est jamais montré, son existence repose sur notre imagination. Il y a quelque chose de l'ordre de la manipulation psychologique et de l'ambiguïté des bonnes intentions : est-ce qu'en protégeant ses enfants du monde extérieur, on ne donne pas naissance à des monstres ?

- Je poursuis avec un interview sur MK2 >Yorgos, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire Canine ?
Y.L. : "J’ai essayé d’imaginer à quoi ressemblerait la famille dans quelques années. Quelle serait sa forme? Et si elle venait à disparaître, jusqu’où un homme pourrait aller pour la garder soudée? Mon film décrit un univers fermé, une maison où les enfants ignorent tout du reste du monde. L’extérieur n’y est jamais montré, son existence repose sur notre imagination. Je n’ai pas voulu écrire une allégorie ou faire le film métaphore d’un système politique. Par contre, j’aimerais que l’on puisse s’y retrouver, associer son expérience intime." (MK2).
-Alors, Canine a-t-il touché quelque chose de votre expérience intime? Pas chez moi...

- Cinétrange met l'accent, comme vous l'avez fait plus haut, sur le parallèle dressage-éducation ajoutant que face à la situation donnée:

Citation :

"La grande intelligence du cinéaste est de partir de ce postulat sans en expliquer les raisons".

.
Quand la genèse de l'intention ne va pas de soi chez un réalisateur ça me dérange. Si le sens n'est pas en première ligne, ni même caché, simplement absent, alors que reste-t-il en dehors de ce défilé d'actions lentes et froides? Haneke est moins glacial, ses fins-de-monde peuvent s'ancrer dans nos réalités sociétales, historiques, écologiques; les parents pètent les plombs, les protagonistes ont quelque chose à se reprocher, la jeunesse est addicte, la pianiste empêtrée dans une lourde relation avec la mère qui s'immisce n'a de désir que sado-maso, Le Temps du loup est l'anticipation d'un désastre qui a du sens comme en avait déjà en 1980 le Malevil de Christian de Chalonge.
Reste la forme. Un univers replié sous les strates d'une glace qui ne fondra pas parce qu'elle n'a rien à révéler.

C'est peut-être pour ces mêmes raisons que tu évoques que le film ne parvient pas franchement à convaincre le spectateur... Parce qu'il ne s'inscrit dans aucun contexte particulier dans lequel on peut s'identifier ou se projeter, j'ai eu du mal à me sentir concernée par le propos du film alors que son sujet touche quand même -dans la moindre mesure- chacun d'entre nous...

Sortie le 2/01/13 :


Alps

Citation :

Alps est le nom d’une société secrète. Alps propose d’étranges services au moment du décès d’un proche. Est-ce qu’il s’agit de tromper la mort ou la vie? Qu’importe, avant tout, il s’agit d’obéir à Mont Blanc. Et pour Mont Blanc, il faut respecter les règles, toutes les règles…

Quoique certains l'affirment, Alps n'est pas la suite de Canine, le précédent film de Yorgos Lanthimos, même s'il en partage de nombreux ingrédients. A commencer par l'étrangeté de son scénario dans la mise en place d'une sorte d'installation conceptuelle, un jeu dont le spectateur connait certaines règles mais pas toutes. L'interprétation "blanche" des acteurs, le montage sec et brutal, la lenteur de son rythme, une sophistication qui confine au maniérisme, tout concourt à créer une atmosphère opaque, malsaine et (volontairement ?) artificielle. Qui sont les membres de ce club Alps ? Quelles sont leurs motivations ? Au spectateur de chercher les réponses s'il le souhaite. Dans ce film qui se complait davantage dans la cruauté que l'émotion, la provocation et l'ambigüité semblent définitivement être les bases du cinéma de Lanthimos. Les limites de l'exercice sont atteintes. Le cinéaste grec, talentueux, c'est indéniable, saura t-il se renouveler ?

Il persiste et signe manifestement. Je suis curieux de le voir quand même.

Marko a écrit:

Il persiste et signe manifestement. Je suis curieux de le voir quand même.

Pareil.

Alps

Une petite société secrète ? se trouve le nom de "Alpes" (parce que blabla), en fait ils sont quatre : un moustachu, un coach, une gymnaste et une infirmière... on pourrait dire qu'ils offrent leurs services dans les situations de deuils. Et que leur moustachu de chef est timbré.

ça joue beaucoup sur la platitude désincarnée des dialogues entre amusement et effroi de la vacuité et sur le lent développement ou pourrissement des situations représentées par le film. Des rapports un peu biaisés entre les gens, rapports de besoins, d'affection, rapports de force et de violence aussi. Et puis sur le même mouvement presque absent ça se confronte et se veut (ou se retrouve) intrusif par rapport à la famille, intrusif dans la mesure où il y a quand même demande ou acceptation.

Le film tient sur l'étrangeté et ses actrices principales (qui sont très bien). Surprenant, pas complètement abominable malgré quelques excès, pas si mal ou pas aussi mal que ça pourrait l'être. Il faut croire que la déformation (possible) de réalité à du bon.

Suis curieux de voir Canine maintenant.

The lobster

Je n'ai toujours pas vu Canines mais je suis allé voir, ne m'arrêtant pas à la présence de Colin Farrell,  The lobster. Sorte de fable humoristique noire autour d'une vision sociale du couple. Quand une relation de près de douze années s'achève, notre héros est comme tout célibataire envoyé dans un hôtel où il dispose de 45 jours pour trouver une nouvelle partenaire. En cas d'échec c'est la transformation en bestiole de son choix... Il y a certes des rebelles à tout ça mais n'en racontons pas trop.

Par la musique, les fringues et les décors le film se déréférence assez d'une époque particulière pour ne pas avoir l'air d'une critique convenue d'un concept de couple à tout prix et plus encore il amène bien tout ce qui revient à une négation de l'intimité.

C'est assez marrant tout en maintenant une tension raisonnable par le jeu du scénario qui flirte avec de l'espionnage ( ?), un aspect qui renforce le sentiment de détachement et de froideur contrainte.

La notion de point commun prend aussi des tournures amusantes et le film s'il a des temps un poil plus mou que d'autres tient franchement bien la mesure et fait plutôt mouche.

Bizarre mais pas trop non plus, bien construit, un bon moment !

Une variante salutaire du concept de la comédie romantique ?

J'avais beaucoup aimé Canine, pas vu Alps, mais je suis vraiment ravie d'avoir vu The Lobster. Voilà longtemps que je n'avais pas vu un film aussi "barré" et en même temps tellement "construit". J'ai eu l'impression de naviguer entre Beckett et Bioy Casares, avec un soupçon de Zamiatine. Références littéraires, ce que je trouve cohérent puisque le film m'a plus évoqué du théâtre, même si j'y ai vu de très nombreuses références cinématographiques et suis convaincue d'en avoir raté plein.

(Au passage, ceux qui l'ont vu, à quoi vous a fait penser les scènes dans la forêt avec les "Solitaires" et leurs ponchos imperméables ? ça titille quelque chose au fond de ma mémoire inconsciente mais impossible de mettre un nom dessus... qui pourrait rejoindre les scènes au ralenti... un film de guerre ? mais lequel ? C'est comme avoir un mot au bout de la langue et ça m'énerve.) 

J'ai beaucoup apprécié, aussi, la progression de mes sentiments. Ce que j'ai résumé par : "Au début, tu trouves le film bien délirant. Et puis tu te mets à y voir de plus en plus de ressemblances avec le monde actuel... Ça perturbe mais c'est aussi très drôle. Enfin... drôle... est-ce que c'est le bon mot ? Ça fait peur, aussi, quand même". Film poil-à-gratter. Glaçant, de ce point de vue.

Précision importante : je suis vraiment contente d'avoir vu le film en ayant rien lu à son propos.

pour les scènes en forêt (et d'autres) ce n'est pas impossible oui mais je sèche aussi pour le moment. J'ai bien aimé aussi l'approche et les fragments certainement très choisis de ce qui est montré de la ville.

J'arrête pas de demander quand est-ce qu'il sort depuis 1 mois 1/2 (disons 2). Je vais pouvoir enfin savoir si ça vaut le coup d'oeil. Et vos commentaires me font saliver d'avance !

Exini a écrit:

J'arrête pas de demander quand est-ce qu'il sort depuis 1 mois 1/2 (disons 2).

Je n'en avais même pas entendu parler. Mais dans quel monde je vis ?! Je n'avais d'ailleurs pas plus entendu parler des précédents, on ne peut pas reprocher à Lánthimos d'être envahissant question promo.

Il a été primé au festival de Cannes et à la vue de l'extrait et au synopsis, je m'étais dit qu'il ne fallait pas que je le rate, en fait.

J'ai beaucoup aimé les trois premiers quarts, un peu moins ensuite (le personnage interprété par Léa Seydoux me semble avoir quelques faiblesses, un manque de cohérence), mais ça reste quand même bien.
La mise en scène est remarquable, les images sont très belles, les acteurs très bons et, surtout, le film est franchement original, burlesque et horrible en même temps.
Comme l'écrit MezzaVoce, il y a quelque chose d'une pièce de théâtre dans ce film.

Chouette musique aussi (j'ai bien aimé les jeux interdits sur l'air de Jeux Interdits). On peut trouver plein de choses dans ce film, plein de choses, des détails, de la symétrie (je n'ai pas bien compris la référence à Nick Cave : Where the Wild roses grow... ça m'a semblé être une fausse piste).

Pour les ponchos, je ne sais pas... Je ne sais pas pourquoi, j'avais un peu pensé à How I Live Now (mais ça n'a rien à voir)... Le Village de Shyamalan ?

Le film baigne dans une atmosphère surannée, qui rajoute à son étrangeté.

Ecoutons Από μέσα πεθαμένος, de Δανάη Στρατηγοπούλου (cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Danái_Stratigopoúlou ).

eXPie a écrit:

J(je n'ai pas bien compris la référence à Nick Cave : Where the Wild roses grow... ça m'a semblé être une fausse piste).

Je me suis aussi interrogée et je me suis dis qu'à sa sortie cette chanson de Nick Cave a été prise pour une mignonne bluette amoureuse (peut-être l'effet Kylie Minogue ) alors que l'histoire est terrible. Du coup The Lobster est dans le même registre : la recherche avide, maladroite et désespéré de l'amour mène à l'absurde. Notre besoin de consolation est impossible à rassasier.

Bon, pour être honnête, j'avais discuté très récemment de cette chanson avec un ami alors j'y ai vu un signe du réalisateur à mon intention. Voilà voilà...