Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Claude Louis-Combet

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coline
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptySam 8 Mai 2010 - 21:52

shanidar a écrit:
Blesse, ronce noire. Ce sont les derniers mots que Georg Trakl fait prononcer à sa soeur, Gretl, dans le poème Révélation et anéantissement, écrit peu avant la bataille de Grodek (1914) d'où, la drogue aidant, il ne devait pas revenir.


Avant d'aborder ma lecture je suis allée voir tout ce que je pouvais trouver sur Trakl, poète dont je ne connaissais même pas le nom avant d'acheter Blesse, ronce noire.
Ce qui est assez amusant, c'est que je viens de lire Ordalie de Cécile Ladjali et qu'elle y parle de Trakl...Tout se rejoint dans nos chemins de lectures ...C'est formidable!

Je ne lirai ton commentaire qu'après avoir lu Blesse, ronce noire... Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 Icon_wink
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shanidar
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyDim 9 Mai 2010 - 12:11

Contrairement à toi Coline, j'ai attendu d'avoir fini Blesse, ronce noire pour aller voir du côté de Trakl et je compte emprunter l'un de ses recueils à la bibliothèque.
J'ai trouvé le texte de Louis-Combet plus respirable, plus aéré que d'autres, plus accessible mais toujours aussi profond, déformant (informant), poétique et intransigeant, fouilleur et lumineux.
J'ai également lu récemment le livre de Cécile Ladjali, Ordalie et toutes les correspondances sont d'une richesse vertigineuse (reste pour moi à découvrir Celan et Bachmann... en plus !).
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coline
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyDim 9 Mai 2010 - 12:27

shanidar a écrit:
J'ai trouvé le texte de Louis-Combet plus respirable, plus aéré que d'autres, plus accessible mais toujours aussi profond, déformant (informant), poétique et intransigeant, fouilleur et lumineux.
J'ai également lu récemment le livre de Cécile Ladjali, Ordalie et toutes les correspondances sont d'une richesse vertigineuse (reste pour moi à découvrir Celan et Bachmann... en plus !).

J'ai commencé Blesse, ronce noire...Comment dire qu'il est "lumineux" alors qu'il traite de l'inceste et pourtant, comme toi, c'est cet adjectif que j'emploierais...

Je vois que nous avons le même programme: Celan et Bachmann...On peut dire merci à Cécile Ladjali! Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 Icon_biggrin
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyLun 17 Mai 2010 - 18:54

BLESSE RONCE NOIRE

Ce titre aussi magnifique que sombre, Claude Louis-Combet l’a emprunté à un poème de Georg Trakl. Poète autrichien, mort d’une overdose (suicide ?) à l’âge de… ans, après la bataille de Grodek où il était pharmacien-infirmier.

Ce poème s’intitule « Révélation et anéantissement » et ces mots, « Blesse, ronce noire », Trakl les fait prononcer par sa sœur Gretl.
A partir de ces mots, Claude Louis-Combet réinvente leur histoire que l'on sait incestueuse.

Trakl et sa sœur :

Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 Georg-10

"Sœur, alors je te trouvai dans la clairière solitaireDe la forêt, et il était midi et grand le silence de l'animal ;Blanche sous un chêne sauvage, et l'argent de l'épine a fleuri.Immense mort et la flamme chantante dans le cœur."(Georg Trakl dans Printemps de l'âme)

Dans les poèmes de Georg Trakl, extrêmement sombres, surgit parfois, de façon plus ou moins évidente, l’image de la sœur. De sa sœur Gretl avec laquelle il noua toute sa vie, et dans la réciprocité du sentiment, une passion incestueuse , née alors que la fillette n’avait que 5 ans et lui 10. A l'automne 1897, Gretl était déjà « celle par qui la ténèbre arrive ».

Leur amour l’un pour l’autre a grandi très lentement, dans l’éloignement (le frère part faire des études de chimie qui ne l’intéressent pas) et l’écriture.
Lui envoyait ses lettres. Elle lui répondait mais n’expédiait pas. Elle les gardait pour elle, pour lui lorsqu’elle serait femme.

« Elle se trouvait très petite et très insuffisante face au génie de son frère. Elle apprenait par cœur les poèmes qu'il lui envoyait. Leur sens demeurait obscur mais elle ne s'en trouvait pas moins illuminée. Le temps passait ainsi »…

A 13 ans, elle écrivait en secret :
"Frère bien aimé, je sais que je n'aurai pas d'autre amant que toi et je crois que, même si tu as à toi toutes les femmes, tu n'auras pasd'autreamante que moi. Tu es parti mais tu ne m'as pas quittée. Tu es toujours ici. Tu me regardes. Regarde-moi encore. Je voudrais passer toute ma vie à être regardée par toi… ".

La complicité entre le frère et la sœur est celle des sentiments, celle de la chair et celle de l’esprit aussi.
Gretl est à la source des poèmes de son frère.

«L’élaboration de tout poème s’accomplissait dans le cours d’un véritable dialogue intérieur où il s’entretenait avec elle, la proche-lointaine, l’amante, du sens à quêter, du hasard de l’aventure de l’inflexion du nombre, de la nécessité de l’image ; où il s’interrogeait sur le rythme, le symbole, la croissance interne du texte comme si ce fût celle-même qui eût à lui donner forme. Comme d’autres, les spirituels et, en général, les êtres épris d’idéal, de pureté morale, se tiennent à l’écoute de leur conscience qui leur transmet la voix de Dieu, lui, le poète, à l’écoute de son cœur, entendait la femme-sœur qui le stimulait et le guidait sur son propre chemin d’expression. Elle était sa conscience de la beauté, car elle était la beauté même, et la conscience de sa conscience, car elle était comme son inconscient – éveillant en lui la part inévitablement obscure de ses émotions antérieures et les amenant à la transparence du verbe ».

« Il avait compris quel rôle essentiel il avait joué dans la culture du cœur, chez sa sœur. Car elle avait lu les lettres, relativement peu nombreuses, mais longues, détaillées et très intimes, qu'il lui avait adressées et auxquelles, toujours, se trouvaient joints les poèmes qu'il écrivait. Et il avait reconnu, dans les pensées et les sentiments qu'elle avait si généreusement consignés, la fécondation de l'esprit dont il avait été l'artisan, ainsi qu'il l'avait toujours espéré. Car cette sœur unique entre toutes les femmes, il avait voulu la conquérir par l'intelligence des mots avant de la posséder dans son corps. Et lorsqu'elle s'était donnée, sous le soleil et parmi les fleurs, déjà elle était pleine de lui. Il l'avait choisie, alors, dans la reconnaissance et la réminiscence et l'avait atteinte comme le dernier mot de la langue suprême ».

Eté 1907, leurs corps se découvrent et leur amour prend chair au cœur de la nature :
«Le visage d'angle n'a pas hésité longtemps au-dessus des eaux noires. Il a trouvé son point d'attaque. Il va enfoncer son coin. Quelle image, dans quel autrefois, a représenté la façon incisive dont un astre dévore un astre avant de se confondre avec lui en la même ombre : scène d'éclipse - angoissante, mystérieuse, adorable ? L'odeur des résineux engorge la ronde clairière jonchée de troncs abattus et de piles de bois, entre lesquels se haussent des bouquets de digitales et de jacinthes sauvages et prolifère l'essaim de toutes les fleurs de prairie. Des insectes bourdonnent continûment. Le monde des hommes est aboli dans les lointains et l'heure est seule.»

" Les mains découvraient le corps dans ses retraits. Les langues passaient à leur tour où les doigts avaient oeuvré ".


Ils savent qu’ils doivent payer pour toujours le bonheur de ces instants et de cet amour interdit.

Gretl se marie et se meurt à petit feu:
« Elle avait suivi son mari dans une ville lointaine, une autre capitale de brouillard et de solitude où elle se rongeait le cœur. Le sentiment de la faute ne la détruisait pas comme son frère. Mais elle était malade d'ennui, de nostalgie, d'impuissance à s'exprimer. Elle n'écrivait plus de lettres et n'en recevait plus. Ses sens s'étaient retirés sans un noyau de frigidité inabordable. Elle refusait toute intimité charnelle avec son mari. Fermée à clé dans sa chambre, elle buvait, se droguait, relisait insatiablement tout ce que son frère lui avait écrit. A l'extérieur, dans toute la maison, elle entendait son mari hurler des injures et la traiter de folle. Elle était ici comme en prison, son bagage toujours prêt sous la main pour le jour où elle s'évaderait. Elle ne mangeait pour ainsi dire plus. Son corps superbe s'était dégradé en carcasse crasseuse et moribonde. Elle avait alors vingt et un ans. »

Survient la guerre, la déchéance du poète, la drogue. Trakl mourra d’une overdose après l’horreur de la bataille de Grodek

Le thème de "Blesse, ronce noire" est violent mais l’inceste ici n’apparaît pas monstrueux. On lit une histoire d’amour désespérée, une tragédie.
La prose de Claude Louis-Combet est superbe et pure, d’une rare qualité littéraire.
Il ne place pas le lecteur en position de voyeur, il analyse la passion : sa naissance, les échanges épistolaires dans lesquels mûrissent le frère et la sœur mais aussi leur passion réciproque et leur désir l’un de l’autre, l’aboutissement, les terribles et inéluctables conséquences. Jusqu’à la mort. Et cette histoire, d’une grande beauté, nous émeut.
Comme Shanidar je ne peux dire que "Superbe!"


« Dans l'oeuvre de Trakl, il y a une ascension poétique jusqu'à l'inceste et à partir de là, la poésie se charge d'images d'enténèbrement, de culpabilité, de mort. L'inceste serait le passage à la ténèbre. »
(Claude Louis-Combet)
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyLun 17 Mai 2010 - 23:11

Un nouvel incontournable pour coline! Je vais bientôt aller y faire un tour...
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyMar 18 Mai 2010 - 0:18

J'ai acheté Blesse, ronce noire l'autre jour. Je pense le lire bientôt.
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyMar 18 Mai 2010 - 0:48

Marko a écrit:
Un nouvel incontournable pour coline! Je vais bientôt aller y faire un tour...

Il me semble que cet auteur peut t'intéresser aussi... Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 Icon_biggrin
Je ne lirai pas toute son oeuvre mais j'ai commandé encore D'île et de mémoire...

Odrey a écrit:
J'ai acheté Blesse, ronce noire l'autre jour. Je pense le lire bientôt.

Le genre d'ouvrage qu'il est difficile de conseiller...Pourvu qu'il te plaise à toi aussi! Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 32962
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyMar 18 Mai 2010 - 12:00

Je l'ai un peu feuilleté et j'aime bien son style. Après, on verra bien.
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyDim 6 Juin 2010 - 17:51

odrey a écrit:
j'aime bien son style.

Grand style, vraiment!
Je continue mon exploration de l'oeuvre:

D’île et de mémoire

« Le texte n’est pas d’abord orienté vers la communication, vers le partage en commun des images et des expériences. Mais d’être suffisamment ouvert et suffisamment clos pour laisser affleurer, par-delà son dit, la présence du silence et le sens de l’ineffable, c’est ce que le texte peut offrir de plus haut dans l’ordre des valeurs esthétiques.
[…] L’application à l’écriture, en toute sa rigueur de forme et en sa discipline morale, entretient le recueillement, le goût du silence, l’attention du cœur, le respect de la langue, le renoncement à l’extériorité. Elle institue l’âme en îlot et la tient serrée dans le noyau de solitude, au centre, là où l’amour transmue son désir d’éternité en exigence de création. La ligne bleue du texte dessine alors la frontière : entre fidélité au silence et tentation du cri. »

D’île et de mémoire est un court texte qui s’inscrit dans cette conception de l’écriture. Il dévoile juste ce qu’il faut d’intime pour que l’on suive le cheminement d’un homme qui deviendra un écrivain.

Enfant solitaire et rêveur, qui connaissait l’art de « se retirer, s’absenter ». Auquel déjà son imagination ne donnait pas accès au bonheur mais à un triste pressentiment :

« Déjà plongé dans ses jeunes abysses, à l’heure où le raptait la rêverie de fond, il se découvrait, avec hébétude et béatitude, promis par la seule loi de la croissance naturelle de son être, à la blessure, à la rupture, à la douleur, à la perdition. »

Adolescent, banalement curieux d’expériences, et soumis aux tentations de la sexualité, il se ressent, de par son éducation religieuse et la notion de péché qui lui a été inculquée, « réprouvé et déjà perdu.[…]La porte du Jardin d’Innocence était fermée et verrouillée dans son dos. »

Il lui aurait fallu pouvoir crier, mais l’adolescent choisit le silence et la solitude car il « entrait dans la vie avec un secret à la fois intolérable et indicible. »

Ni la religion ni l’amour ne le libèreront de son incommunication.

Son seul moyen d’être homme, « être homme du texte ». « L’heure du texte » est venue…
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyMar 22 Juin 2010 - 22:29

BLESSE, RONCE NOIRE

Citation :
« Silencieux, je restais assis dans une auberge abandonnée, sous les solives enfumées, seuls avec mon vin; radieux cadavre penché sur une forme ténébreuse; à mes pieds, gisait une brebis morte. Surgissant de l’azur décomposé, la silhouette blême de ma soeur apparut, et voici comment parla sa bouche sanglante : Blesse, ronce noire. » Georg Trakl, Révélation et anéantissement (trad. H. Stierlin)
C’est ce poème de Georg Trakl qui donne son titre envoûtant à ce roman de Claude Louis-Combet. Blesse, ronce noire. Ces trois mots résument à eux seuls la relation incestueuse qui unit le poète autrichien à sa soeur, Margarethe. De cette relation, on sait peu de chose, la famille ayant détruit leur correspondance. Il reste l’oeuvre de Trakl où la soeur et l’inceste apparaissent en filigrane.

C’est cet amour « maudit » qu’évoque Louis-Combet. Il en montre toute la beauté et la noirceur. Car la faute est partagée, voulue par le frère et par la soeur. Ils savent que cette transgression les condamnent. Ils savent aussi qu’ils ne connaitront pas de bonheur plus intense, plus pur que dans le partage du péché. Cependant Georg est rongé par l’offense faite à Dieu et c’est dans l’écriture qu’il se décharge en partie de sa culpabilité. En partie seulement puisque le poète se suicidera en 1914. Sa soeur suivra de peu.

Mais résumer le roman de Louis-Combet à une histoire sulfureuse d’inceste serait lui faire injure. Ce qu’il faut retenir de l’auteur c’est son écriture incroyablement belle. Tellement puissante qu’elle balaie d’un revers de main les considérations d’ordre morale. C’est de littérature avant tout qu’il s’agit. Le poète Louis-Combet parle au poète Trakl.

Dans une vie de lecteur, les moments de grâce sont assez rares. Mais quand ils arrivent, on comprend qu’on est prêt à se taper une foultitude de livres moyens voir médiocres pour connaitre de temps en temps un de ces petits miracles. J’ai eu mon moment de grâce, je suis heureuse.

Citation :
« Ainsi l’écriture, contrairement à la science, et notamment à la chimie, entretenait un rapport incomparable avec l’élémentaire. La poésie s’offrait par là comme une voie d’accomplissement de l’être. Elle avait pour mission de rappeler constamment à la conscience la mesure de l’écart, la radicalité de la rupture et la nécessité de la faute. L’oeuvre des mots était de s’appliquer à maintenir la tension du coeur au-dessus de cet abîme d’existence que laissait entrevoir la déchirure de l’enfance dans le mal. Alors pouvaient renaître, du fond de la mémoire, et processionner dans le vide aspirant de la page d’écriture, les images de l’ange, de la nuit, du berger, du jardin, de l’étranger, du promeneur, de l’orphelin – toute figurations de faute et de mort destinées à fixer, au regard de la soeur, le portrait du frère, ce portrait photographiquement matérialisé qui régnait dans son miroir et dont la face close finirait par s’éclairer de l’incandescence des mots. La mise à nu de l’être seul devait précéder, préparer, accompagner la dénudation charnelle de l’amour et du sexe. Comme les grands déchus des origines, entraînés tous deux selon le même orbite spirituelle, le frère et la soeur s’accordaient le luxe d’une séduction hautement esthétique et dédaigneuse des vulgarités. Le frère, naturellement, dominait. Son exigence d’expression s’enracinait en un désir plus mûr et une conscience plus aiguë. Mais la soeur ne cessait de se hausser. » (p.42)
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyMer 23 Juin 2010 - 21:15

odrey a écrit:
BLESSE, RONCE NOIRE


Mais résumer le roman de Louis-Combet à une histoire sulfureuse d’inceste serait lui faire injure. Ce qu’il faut retenir de l’auteur c’est son écriture incroyablement belle. Tellement puissante qu’elle balaie d’un revers de main les considérations d’ordre morale. C’est de littérature avant tout qu’il s’agit. Le poète Louis-Combet parle au poète Trakl.

Dans une vie de lecteur, les moments de grâce sont assez rares. Mais quand ils arrivent, on comprend qu’on est prêt à se taper une foultitude de livres moyens voir médiocres pour connaitre de temps en temps un de ces petits miracles. J’ai eu mon moment de grâce, je suis heureuse.


Bravo Odrey pour ce superbe commentaire...Il n'est pas si facile de parler de cet ouvrage...
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptySam 25 Fév 2012 - 15:52

Blesse, ronce noire

Voici une pépite noire, à la fois troublante et fascinante. Claude Louis-Combet nous fait revivre, à travers un long poème d'une prose tourmentée, le destin tragique de Georg Trakl, poète maudit, et de sa jeune sœur, « celle par qui la ténèbre arrive », qui s’aimèrent d'un amour proscrit, à la fois lumineux et désespéré. Ou plutôt ce que lui, Claude Louis-Combet, en recréée, les sources autres que les poèmes ayant été détruites par la famille,. Peu importe, d'ailleurs, on pourrait être dans une fiction, l’histoire n'en perdrait ni n’en gagnerait en intensité : c'est ce que semblent indiquer les personnages jamais nommés (seul le 4e de couverture leur donne une identité – par respect pour ceux qui se restent ?).

Citation :
Le garçon a tout juste dix ans et sa sœur vient d'en avoir cinq. De tous les êtres qui peuplent la maison, cette petite fille a été reconnue par son frère, depuis le commencement, comme celle par qui la ténèbre arrive. Cette nécessité s'est installé entre eux dès le temps des premiers regards et des premiers contacts et elle s'est développée comme une très obscure force d'attraction à partir des yeux noirs qu'ils ont, l'un et l'autre, et avec lesquels, la plupart du temps sans dire un mot, ils s'entendent, chacun s'émerveillant de la présence de l'autre et tous deux partageant constamment se silence occulte qui est, peut-être, l’âme en son fond, avec sa charge de rêve et de désir, et qui, chez les enfants qui s'aiment, fait de chacun le double fascinant de l'autre - ou sa promesse, tout au moins, l'annonce d'une identité merveilleusement élargie dans sa réplication.

Dès l'enfance ils vécurent dans l'évident éblouissement l'un de l'autre, le temps oeuvrant à intensifier cette passion indicible, souffre d'une souffrance infinie.

Citation :
Tu seras mon éternel amour parce que tu seras mon éternel péché. Toujours l'évidence la faute vous interdira de pécher.

La vie les éloigne sans jamais les séparer et ne fera qu'exacerber l'urgence de cette passion dangereuse. La permanence de leur amour, par-delà l’immédiate transgression, exige en contrepartie le renoncement au bonheur. Ils s'éloignent, ils s'égarent, ils se réfugient dans d’artificiels paradis, cheminement déchirant de l'amour fou à la folie ordinaire, ils finissent par se perdre dans les abîmes d'une stupeur abyssale. Ils vibrent du malheur des justes.

Claude Louis-Combet nous parle de cet amour impossible qui bouleverse la vie de ces pauvres enfants abandonnés de la vie, mais les engouffre vers des destins tragiques et dérisoires. Un style inimitable, vibrant et tourmenté, sublime cette passion, la dissèque, faisant la part belle à des sentiments d'exception. D'une poésie sauvage, il évite le scabreux, pour décrire le naufrage de ces deux amants indéfectibles. Les protagonistes jamais nommés (le garçon, la sœur, l’amante) en gagnent une présence étrange.

Un livre magique, tout à fait singulier, sombre, douloureux mais pourtant brillant et séduisant qui nous parle de la solitude de l'enfance, d’une douleur sauvage.
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptyMer 29 Fév 2012 - 14:59

topocl a écrit:
Blesse, ronce noire

une pépite noire, à la fois troublante et fascinante.


Jolie et juste définition pour cet ouvrage.
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptySam 17 Mar 2012 - 10:48

Blesse, ronce noire
Ce roman continue à me hanter. J'ai voulu aller un peu plus loin et j'ai voulu créer ma version illustrée. j'ai fait un petit leporello, qui , ma foi, m'a bien occupée. Je vous livre le résultat, qui sans doute, parlera plus à ceux (celles) qui ont lu le livre.
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MessageSujet: Re: Claude Louis-Combet   Claude Louis Combet - Claude Louis-Combet - Page 3 EmptySam 17 Mar 2012 - 10:52

Topocl...mais c'est extraordinaire ce que tu réalises!
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