Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 James Agee

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tina
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Avadoro
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Exini
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MessageSujet: Re: James Agee   agee - James Agee - Page 2 EmptyDim 30 Nov 2014 - 9:42

"Louons maintenant les grands hommes" est désormais dans ma LAL. Vous m'avez convaincu !

Créé à partir d'une ébauche de sujet en 1936 pour le magazine Fortune, fondé par co-fondé Henry Luce en 1930 ? Cela pourrait paraître étrange voire incongru aujourd'hui - Fortune s'occupant des pauvres ! Pas tant que ça en fait. Le premier numéro ayant été publié quatre mois après le jeudi noir(!), Henry Luce ne put qu'accepter un compromis avec une rédaction fortement opposée à un magazine entièrement axé sur l'intérêt du capitalisme et l'attrait de l'opulence à tout crin. La grande dépression le força à accepter une position pour partie "socialiste" et fortement liée aux problèmes sociaux. D'où certainement la demande faite à James Agee, qui fut refusée par la suite.
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Queenie
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MessageSujet: Re: James Agee   agee - James Agee - Page 2 EmptyVen 12 Déc 2014 - 10:47

Avadoro a écrit:
Une saison de coton : trois familles de métayers

La publication de l'article rédigé par James Agee pour la commande du magazine Fortune, à la source du matériau qui allait devenir Louons maintenant les grands hommes permet d'enrichir la vision de son oeuvre tant les deux textes se complètent. Louons... prenait la forme d'une lente complainte, Agee projetant sa détresse, sa colère à chaque page et mêlant une fracture intime à la description flamboyante  d'un quotidien. Une saison de coton place par contre l'auteur en position de retrait, adopte la rigueur et l'obstination du journaliste pour mieux saisir la dureté des conditions de vie.

La dénonciation d'un système économique qui favorise la dépendance d'êtres humains (les métayers), symboliquement emprisonnés par leurs dettes et la répétition implacable d'un travail saisonnier, apparait avec clarté et une immense sensibilité. Agee comme sujet s'efface devant la réalité qu'il contemple mais la violence de son constat conserve toute sa force. Il saisit sur le vif des émotions enfouies, brisées qui cherchent à s'épanouir sans pouvoir s'affirmer. Cette sensation de désillusion face à une réalité qui le bouleverse et la radicalité de sa position peut logiquement expliquer le fait que cet article soit resté à l'état d'ébauche, bien loin des intentions de Fortune.

Une phrase symbolise avec éclat cet état d'esprit : "Une civilisation qui pour quelque raison que ce soit porte préjudice à une vie humaine, ou une civilisation qui ne peut exister qu'en portant préjudice à la vie humaine, ne mérite ni ce nom ni de perdurer".

Des photographies de Walker Evans sont insérées dans l'ouvrage et lui offrent de nouveau la puissance d'un regard.

J'avais rien dit, mais sitôt lu ton post, j'ai cherché le bouquin. Et l'ai fini ce matin.
Je n'ai pas lu Louons...
J'ai vraiment beaucoup aimé Une saison de coton.
La forme journalistique, très précise, chirurgicale, dans la description de la vie de ces métayers (chaque chapitre traitant d'un thème : les vêtements - la santé - les loisirs...) pourrait sembler trop froide, impersonnelle, rébarbative... et bien non ! C'est captivant ! Et ça fait du bien cette distance de l'auteur (qui surgit dans des phrases lumineuses, avec justesse et empathie).
La précision de ses descriptions de la vie quotidienne de ces 3 familles est très visuelle, impossible de ne pas se rendre compte de leurs vies.

Je ne sais pas si j'ai envie de lire Louons...
Je ne sais pas si j'ai envie d'ajouter de l'implication à une situation tellement juste et parlante décrite ainsi. L'impression qu'en faire une fiction doit en rajouter à la lourdeur du propos. Alors que ce long documentaire est à la fois très journalistique et très littéraire, et se suffit à lui-même.

En lisant Une saison de coton, j'ai eu l'impression de découvrir la genèse de beaucoup d'histoires américaines - films ou livres.

Et, évidemment, les photos de Walker Evans sont absolument parfaites. Dans leur côté frontal, prises sur l'instant, des vérités sans fioriture. Elles illustrent à merveille les mots d'Agee.
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topocl
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topocl


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MessageSujet: Re: James Agee   agee - James Agee - Page 2 EmptyLun 30 Mar 2015 - 18:11

Une mort dans la famille

Citation :
Il sentait que son père avait beau aimer sa maison et les siens, il était pourtant trop solitaire pour trouver dans la satisfaction de cet amour familial l'aide dont il avait besoin ; que sa solitude même en était accrue, ou bien lui rendait plus difficile de ne pas se sentir seul.(...) Il savait qu' une grande partie de son bien-être tenait à ce qu'il s'attardait pendant quelques minutes loin de chez lui, dans un grand calme, à écouter remuer les feuilles, et regarder les étoiles ; et que sa propre présence, à lui, Rufus, était tout aussi indispensable à son bien-être. Il savait que tous deux savaient le bien-être de l'autre, et les raisons à cela, et à quel point chacun comptait plus pour l'autre, de cette façon incomparable et capitale, que qui ou quoi que ce soit dans le monde ; enfin que le meilleur de leur bien-être reposait dans ce savoir mutuel, lequel n'était ni caché ni révélé.


James Agee nous parle d'une famille où les enfants se savent protégés par leur père, et aimés par leur mère, intuitivement, sans que cela soit forcément dit, et que cela suffit pour que le monde soit beau. Rufus, six ans, que son père emmène au cinéma voir Charlot, et avec qui il s'arrête, rituellement, assis sur une pierre proche de la maison, transmettant par son silence l'intensité de ses sentiments. Et dont la mère, une fois sa vaisselle faite, se repose bienveillante sur le fauteuil à bascule de la véranda, s'en remettant à Dieu.

Citation :
Parfois ces soirs-là son père fredonnait un peu et un mot ou deux émergeaient de ce fredonnement, mais il n'achevait jamais fût-ce un lambeau d'air, car dans le silence il y avait plus de contentement, et parfois il disait quelques mots sans conséquences, mais jamais n'essayait d'en dire plus, ou de s'attendre à une réponse ; puisque dans le silence il y avait plus de contentement.

James Agee nous parle des quelques jours qui entourent la  mort de ce jeune père follement aimant quoique farouche, de la sidération face à ce tragique événement, de la bonté réciproque des survivants, ainsi que de leur entourage familial et amical, qui va étayer ces premiers instants.

Et curieusement, ce n'est pas le sentiment du tragique qui ressort de la lecture, mais l'émotion contenue dans  la bonté des personnages, de l'attention à l'autre. Cette délicatesse donne une lecture d'une incroyable et déchirante douceur. Chaque personnage,  vraiment chacun,  les sanglots au fond de la gorge, est  subtilement magnifié par sa générosité intrinsèque. Ils savent que c'est ensemble, dans l’humanité partagée, qu'est leur seule ressource. Les enfants déboussolés sont jetés hors d'un monde qu'ils croyaient bienfaisant, et qu'ils découvrent implacable. Ils observent cette étrange cérémonie entre adultes, reçoivent leur lot d'attention, et en retour sont le soutien volontaire et involontaires des grandes personnes. Chaque personnage, adulte ou enfant, éperdu de solitude et d'amour mêlés, trouve quelqu’un à aider et pour l’aider

Un seul personnage échappe à cette aura d'humanité, dans un monde ou croyants et non-croyants partagent amour et respect, un prêtre aveuglé par son intransigeance, symbole effrayant de ce monde inhospitalier.

Beaucoup de dialogues, aussi réalistes que travaillés, avec ce que cela implique de phrases non terminées, d’alternance de non-dits et  de courage à dire les mots aussi douloureux soient-ils, de silences partagés. Mais James Agee n'écoute pas que les mots, il traque les bruits, aussi insignifiants soient-il, frôlements, gouttes qui tombent, criquets qui s'acharnent… et aussi, une fois encore, l'épaisseur bienheureuse des silences.

Pour parler de cette histoire qui évoque sa propre enfance, James Agee a une plume tout à fait singulière, précieuse, d'une sensibilité infinie, et  qui laisse la lectrice tout a la fois remuée et bercée. Comblée.
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MessageSujet: Re: James Agee   agee - James Agee - Page 2 EmptyLun 30 Mar 2015 - 20:10

C' est vraiment bien vu, Topocl... "Emotion contenue", "bonté des personnages", "douceur déchirante".
Ce sont des mots qui ravivent mes propres souvenirs et m' ont donné l' envie de relire ce livre.
J' ai d' ailleurs un rayon "relectures"...
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MessageSujet: Re: James Agee   agee - James Agee - Page 2 EmptyLun 30 Mar 2015 - 21:12

Comblée ?

Waow !

Hop, sur le dessus de la PAL ! sourire
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MessageSujet: Re: James Agee   agee - James Agee - Page 2 Empty

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