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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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James Agee est né dans le Tennessee en 1909. Après des études à l'université Harvard, le magazine Fortune lui commande en 1936 un reportage sur les conditions de vie des pauvres de l'Alabama. Il le réalise avec le photographe Walker Evans. Finalement refusé par le journal, ce texte, devenu un classique, est publié en 1940 sous le titre Louons maintenant les grands hommes. En 1958, James Agee reçoit le prix Pulitzer pour Un mort dans la famille. Il a par ailleurs publié des ouvrages de poésie, des recueils de nouvelles, des romans et des essais. Il a aussi été un critique de cinéma influent pour magazines Time et The Nation et a collaboré l'écriture des scénarios de The Afriean Queen et La Nuit du chasseur. Il est mort en 1955. Source: Editeur
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: James Agee Dim 11 Avr 2010 - 22:54
Brooklyn existe
Citation :
Présentation de l'éditeur En 1939, James Agee fut chargé par la revue Fortune d'écrire un article sur Brooklyn pour un numéro spécial consacré à New York. Son projet, rejeté à cause d'une divergence artistique, resta inédit jusqu'en 1968. Traversant le quartier depuis les brownstones des hauteurs qui dominent le pont de Brooklyn jusqu'aux quartiers louches de Flatbush, Midwood et Sheepshead Bay, s'étendant silencieusement vers la mer, Agee a saisi en une quarantaine de pages remarquables l'essence d'un lieu et de ses habitants. Ses descriptions pittoresques, tendres et si justes de ce qu'il voit, des trottoirs paisibles dans la lumière de l'après-midi à la bousculade des terrains de jeux fréquentés par les immigrants, composent un tableau inoubliable qui perdure alors même que Brooklyn évolue.
Ce livre ne va probablement pas trouver beaucoup de lecteurs.. même qu'il est vraiment très bien.. mais je pense qu'on doit aimer New York et en plus, il est poète, on le ressent dans l'emploi de ses mots..
Moi j'aime bien lire des livres sur cette ville, mais j'ai surtout choisi ce livre parce que en quelques pages, j'avais le moyen de lui ouvrir un fil - et surtout voir si je voulais continuer avec cet auteur. Et je veux bien.
J'adore Walker Evans en tant que photographe - et lui ensemble avec cet auteur dans un livre, me tente énormément.. et celui pour lequel il a obtenu le Pulitzer sonne très intéressant je vais me mettre à la découverte
C' est bien que tu aies ouvert ce fil... J' allais le faire prochainement, mais c' est vrai que, à première vue, ce n' est pas un auteur d' abord facile, sauf pour son roman Une mort dans la famille et sa nouvelle La veillée du matin. Par contre Louons maintenant les grands hommes est un reportage sur les conditions de vie des "petits" blancs du Sud des Etats Unis. Mais qui dépasse le cadre du reportage. C' est une sorte de poème lyrique, fait d' empathie et d' amour pour ces familles de métayers dans la misère et le désespoir. Une prose exaltée, presque hallucinée et magnifiquement illustrée par le photographe Walker Evans. On peut considérer en fait Evans comme co-auteur. Agee lui ferait penser plutot au poète Walt Whitman, mais en moins serein.
Par ailleurs, impossible d' oublier qu' il contribua en tant que scénariste à African Queen et à ce chef d' oeuvre qu' est la Nuit du chasseur.
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: James Agee Lun 12 Avr 2010 - 8:12
Merci pour tes ajouts à ce fil.. il est en effet un écrivain qui m'attire autant par sa vie, personalité, ce qu'il a fait, que par ses écrits..
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: James Agee Dim 27 Fév 2011 - 11:44
Une mort dans la famille
Un roman intense, poignant, et souvent bouleversant. James Agee s'exprime par la narration, qui alterne entre monologues introspectifs et dialogues soutenus...il parvient ainsi à faire ressentir la force et la beauté d'un lien familial, tout en ramenant chaque être, enfant ou adulte, à sa solitude. La mort du père transcende, par la perception de l'angoisse d'une perte, la fragilité de chacun. Agee fouille dans ses souvenirs, creuse un traumatisme, et offre à chacun une voix personnelle avec beaucoup de justesse. Dans ce contexte, les préoccupations de l'enfance (le garçon et sa petite soeur) sont évoquées avec une évidence, une limpidité, qui dévoilent autant de lucidité que de tristesse. C'est en tout cas une lecture indispensable, malgré l'incertitude liée à l'édition posthume du roman. Il faut accepter des transitions ou des coupures, pouvant laisser perplexe sur le coup. Mais l'ensemble forme un tout remarquablement cohérent, tel le choix d'introduire le récit par le texte : "Knoxville : Summer of 1915", qui, sur quelques lignes, peut révéler la richesse sensible de tout de ce qui va suivre.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: James Agee Dim 27 Fév 2011 - 11:53
Avadoro a écrit:
C'est en tout cas une lecture indispensable, malgré l'incertitude liée à l'édition posthume du roman. Il faut accepter des transitions ou des coupures, pouvant laisser perplexe sur le coup. Mais l'ensemble forme un tout remarquablement cohérent, tel le choix d'introduire le récit par le texte : "Knoxville : Summer of 1915", qui, sur quelques lignes, peut révéler la richesse sensible de tout de ce qui va suivre.
La fameuse musique que tu avais mentionnée précédemment, tirée de l'oeuvre (musique de Samuel Barber) :
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: James Agee Jeu 7 Avr 2011 - 21:34
Louons maintenant les grands hommes (James Agee/Walker Evans)
Une oeuvre bouleversante mais infiniment douloureuse, constituée de morceaux éparpillés, dont la tonalité tient à la fois du reportage et de la confession. La commande du magazine "Fortune" (rédaction d'un article sur les conditions de vie de métayers en Alabama, en 1936) devient le fruit d'une révolte, d'une déchirure...pour James Agee, c'est même l'aveu d'une impuissance de l'artiste à "incarner" le réel, au-delà d'une représentation. L'écriture est vive, poignante, mais souvent difficile à suivre dans sa rage et son ampleur. Agee offre à la fois des descriptions d'une précision extrême, et des révélations intimes extrêmement violentes dans leur sincérité et leur brutalité. Il interroge en permanence la légitimité de sa position. La structure de prime abord anarchique de l'ouvrage révèle d'elle-même un chaos, entre beauté et souffrance, forçant le lecteur à s'immerger dans le texte. Les indispensables photographies de Walker Evans sont projetées en ouverture, poignantes et indéchiffrables car publiées sans repères ni légendes. Seule subsiste leur puissance d'évocation, qui révèle un miroir décisif à l'écriture d'Agee.
Tu en parles bien Avadoro... Louons maintenant les grands hommes est un livre extraordinaire, unique et inclassable, comme Les Imémoriaux de Ségalen... Un livre d' empathie et meme d' amour... Un livre de pur lyrisme, dans lequel on entre parfois difficilement, mais qu' on n' oublie pas...
... Il faut aussi rajouter que ce livre a un co-auteur, le grand photographe Walker Evans, qui accompagnait Walker Evans et dont le travail est vraiment beacoup plus et beaucoup mieux que celui d' un simple illustrateur.
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: James Agee Ven 8 Avr 2011 - 23:33
Certains passages sont d'une beauté sidérante...tu as raison de parler d'amour : dans l'instant présent, James Agee exprime la sensation que chaque être des trois familles peut représenter ce qui compte le plus pour lui au monde. Tout comme un lieu, un décor, une lumière peuvent représenter l'expression d'une grâce infime. Il va chercher l'émotion au-delà de la souffrance et du labeur quotidien, il transcende un contexte pour offrir une intensité intemporelle. Mais en même temps, Agee garde toujours conscience de la fragilité de sa présence, et sait qu'il ne pourra rien changer à la vie de ces familles. Ce qui provoque une fêlure déchirante, qui peut aller jusqu'à la honte de soi. J'ai relu quelques séquences aujourd'hui, et le texte gagne encore en puissance à la relecture, peut-être plus libéré et plus poétique alors que le regard n'est plus désarçonné par l'abrupte composition de l'oeuvre. Les descriptions sont hallucinantes, Agee ne reculant devant rien lorsqu'il mêle une image religieuse à la présence du désir charnel. C'est un lyrisme convulsif et démesuré, qui peut enfin trouver une forme de sérénité dans la dernière section "Sur le porche 3".
De son côté, Walker Evans ne doit jamais être oublié. Il apporte un équilibre face aux excès d'Agee...leurs personnalités, leurs méthodes de travail divergent mais Louons maintenant les grands hommes n'a pu naître que grâce à leur complémentarité et la force de leur lien.
kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
Sujet: Re: James Agee Mer 27 Avr 2011 - 10:36
Avadoro a écrit:
Les indispensables photographies de Walker Evans sont projetées en ouverture, poignantes et indéchiffrables car publiées sans repères ni légendes. Seule subsiste leur puissance d'évocation, qui révèle un miroir décisif à l'écriture d'Agee.
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: James Agee Ven 2 Aoû 2013 - 22:43
Je viens de terminer La veillée du matin, qui esquisse un prolongement d'Une mort dans la famille à travers ses fragments autobiographiques. Le poids d'une éducation religieuse laisse brutalement la place au doute, à un traumatisme face à l'apprentissage de la souffrance et à son incompréhension. Ce court récit est celui d'une révolte muette, incandescente dont le regard permet de mieux saisir James Agee adulte. L'écriture creuse une violence, bouscule et exprime une colère intacte.
Dans l'actualité récente, un ouvrage d'Agee vient de paraitre aux Etats-Unis : Cotton Tenants : Three Families. C'est un évènement puisqu'il s'agit d'un manuscrit redécouvert, le plus proche de l'article élaboré par Agee avec Walker Evans suite à ce moment de vie en Alabama (dont Louons maintenant les grand hommes était l'aboutissement, quelques années plus tard, transformant l'expérience journalistique en démesure littéraire).
tina Sage de la littérature
Messages : 2058 Inscription le : 12/11/2011 Localisation : Au milieu du volcan
Sujet: Re: James Agee Ven 2 Aoû 2013 - 22:51
La Veillée du matin, je viens de l'acheter la semaine dernière, justement. Une lecture à venir.
Tu as parlé de façon très convainquante de Louons maintenant les grands hommes, Avadoro. Et ce livre unique le mérite. Mais attention, ce n' est pas un livre facile. Et, oui, Les photos Walker Evans sont très explicites et facilitent la compréhension du texte...
Avadoro Zen littéraire
Messages : 3501 Inscription le : 03/01/2011 Age : 39 Localisation : Cergy
Sujet: Re: James Agee Dim 30 Nov 2014 - 0:40
Une saison de coton : trois familles de métayers
La publication de l'article rédigé par James Agee pour la commande du magazine Fortune, à la source du matériau qui allait devenir Louons maintenant les grands hommes permet d'enrichir la vision de son oeuvre tant les deux textes se complètent. Louons... prenait la forme d'une lente complainte, Agee projetant sa détresse, sa colère à chaque page et mêlant une fracture intime à la description flamboyante d'un quotidien. Une saison de coton place par contre l'auteur en position de retrait, adopte la rigueur et l'obstination du journaliste pour mieux saisir la dureté des conditions de vie.
La dénonciation d'un système économique qui favorise la dépendance d'êtres humains (les métayers), symboliquement emprisonnés par leurs dettes et la répétition implacable d'un travail saisonnier, apparait avec clarté et une immense sensibilité. Agee comme sujet s'efface devant la réalité qu'il contemple mais la violence de son constat conserve toute sa force. Il saisit sur le vif des émotions enfouies, brisées qui cherchent à s'épanouir sans pouvoir s'affirmer. Cette sensation de désillusion face à une réalité qui le bouleverse et la radicalité de sa position peut logiquement expliquer le fait que cet article soit resté à l'état d'ébauche, bien loin des intentions de Fortune.
Une phrase symbolise avec éclat cet état d'esprit : "Une civilisation qui pour quelque raison que ce soit porte préjudice à une vie humaine, ou une civilisation qui ne peut exister qu'en portant préjudice à la vie humaine, ne mérite ni ce nom ni de perdurer".
Des photographies de Walker Evans sont insérées dans l'ouvrage et lui offrent de nouveau la puissance d'un regard.
domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
Sujet: Re: James Agee Dim 30 Nov 2014 - 8:55
Ce ma fait sacrément envie, j'aime beaucoup sa phrase sur la civilisation (si on s'y tient, il n'y a pas beaucoup de 'civilisations' existantes ou ayant existé !) et si en plus il y a des photos de Walker Evans. Il faut absolument que je mette la main dessus !