Gaspar Noé

Oui. D'ailleurs lui même dit (dans une citation que tu as mis :)

G.Noé a écrit:

Mais, sans vouloir me comparer à ces immenses cinéastes, l’objet fini est à mille lieues de ces repères, certainement parce que les obsessions qui sont à l’origine de ce projet proviennent de mes 20 ans et qu’elles sont beaucoup moins adultes que celles de Kubrick, Lynch ou Anger.

C'est dommage d'ailleurs, car dans la forme ses films sont forts et viscérales parfois. Mais si ça ne te suffit pas, c'est clair que tu vas perdre ton temps.

Envie de voir Love qui est sorti aujourd'hui. Mais il ne passe pas dans le coin

Love


Un film qu'il sera facile de dénigrer et de rejeter mais que j'ai beaucoup aimé.

Gaspar Noé, en bon fan de Kubrick, nous a donné sa propre version d'"Eyes wide shut". Une version basique, adolescente, littérale et sans ésotérisme mais qui vise des sensations primaires n'excluant pas une mélancolie tenace et une certaine poésie. Tout son cinéma s'intéresse à la représentation des pulsions archaïques avec une esthétique autant déréalisée et onirique qu'elle est organique. C'est a priori racoleur et immature mais il s'en dégage quelque chose de troublant et parfois d'assez beau.

Love raconte une passion amoureuse rétrospective à travers le prisme de son échec et de la souffrance qu'il a généré. Murphy est un jeune américain apprenti cinéaste, sorte d'hétéro beauf a priori peu sympathique dont le fantasme ultime est de coucher avec 2 femmes (quelle imagination transgressive!), jaloux, impulsif, un peu prétentieux, s'accordant évidemment le droit de s'amuser en suivant son propre désir alors qu'il ne le supporte pas de sa compagne. Mais il est authentique dans son amour comme dans sa souffrance.

Il a désiré et profondément aimé Electra mais il a fini par mettre accidentellement enceinte la jolie voisine blonde. Le voilà enfermé dans les joies de la paternité et de la vie familiale, pleurant son amour perdu par sa faute. Il ne lui reste plus qu'à revivre mentalement les étapes de sa rencontre comme celles de sa déchéance. Car oui, Gaspar Noé montre bien la vie familiale comme la mort de la passion et du désir. Il montre surtout que l'amour est une drogue dure et que la descente fait mal.

Le projet de montrer des scènes de sexe non simulées (pour la plupart) comme faisant partie intégrante de l'intimité et de la passion amoureuse m'a semblé une vraie réussite. Toutes ces séquences sont formidablement cadrées, photographiées et filmées. Ce n'est pas racoleur, sordide ou même vraiment excitant, c'est juste beau et émouvant. Murphy a littéralement Electra dans la peau. Il lui donne autant de plaisir qu'il en retire lui-même, le climax de cette passion étant montré comme un véritable paradis perdu. Jusqu'aux très belles séquences de la rencontre au parc des Buttes-Chaumont. La 3D renforce la proximité et l'intimité. Elle est justifiée et très bien utilisée.



Gaspar Noé décline toutes les variations du désir, de la plus tendre à la plus crue. Nos amoureux cherchent à prolonger un désir qui commence à s'émousser en explorant une sexualité et des fantasmes plus tortueux. Ce qui donne droit à une forme alternative de l'orgie ritualisée de Eyes Wide Shut à travers la déambulation dans un club échangiste sur la musique du film "Assaut" de John Carpenter. Certains la trouveront dérangeante mais, en ce qui me concerne, la seule scène que j'ai trouvée vraiment dure est celle où père et enfant pleurent dans les bras l'un de l'autre dans la baignoire vers la fin du film. Ces deux souffrances respectives qui se rencontrent prennent aux tripes.

Il y a bien sûr quelques gamineries un peu faciles mais amusantes comme la fameuse éjaculation qui nous éclabousse à la figure   ou des expérimentations un peu psychédéliques pas nécessaires mais qui contribuent à la singularité de l'expérience.

Il y a aussi des clins d'oeil à la vie et à la filmographie de Gaspar Noé. Il joue lui-même un petit rôle où il est méconnaissable. On retrouve également sa compagne dans la vie, la réalisatrice Lucile Hadzihalilovic dans le rôle de la mère d'Electra.

A l'arrivée je ne me suis pas du tout ennuyé aux 2h14 de ce film qui raconte à sa façon très personnelle et pertinente, soutenue par une bande son riche et mélancolique, une histoire racontée 25000 fois. Il ne plaira pas à tout le monde mais je le recommande.

Tu vas vraiment finir par me désespérer de n'avoir probablement pas le temps d'aller le voir...

Queenie a écrit:

Tu vas vraiment finir par me désespérer de n'avoir probablement pas le temps d'aller le voir...

A Paris les films restent à l'affiche un bon moment !

Marko a écrit:

Queenie a écrit:

Tu vas vraiment finir par me désespérer de n'avoir probablement pas le temps d'aller le voir...

A Paris les films restent à l'affiche un bon moment !

Ouais.
Mais dans des endroits moins pratiques.
A des horaires chiantissimes.

J'ai le droit de râler et d'être un petit peu de mauvaise fois !

Oh ! un film cool à l'affiche ! y a plus qu'à zieuter voir s'il passe par-là...

Merci à Marko et une amie d'avoir fait un aussi bon topo de ce film, j'hésitais tellement à tenter... Et pourtant.

Wa. Quelle intensité.
Marko a raison : c'est foutrement bien cadré, incroyablement sensuel, romantique, tendre, bestial, et beau.
Les acteurs sont magnétiques.
Les textes sont parfaits.
Les couleurs, le cadrage, le montage, donne au tout une cohérence et un chemin non linéaire dans lequel le spectateur dénude petit à petit tous les rouages de ce couple. De l'explosion de l'amour jusqu'à son auto-destruction.
C'est aussi d'une tristesse tragique sur la fin. Et d'une lucidité terrible sur les relations humaines, et le mur dans lequel les êtres foncent souvent têtes baissées.
Le sexe est montré tel qu'il est. Cru, charnel, partagé, dans un tout relationnel où des tas d'enjeux se jouent. C'est beau et bien fait.
Un petit coup d'autodérision chez Gaspar Noé qui se glisse dans les textes et à l'image. (Est-ce bien la maquette de l'immeuble d'enter the void dans la chambre ?)

Un excellent film, qui évidemment, ne pourra être vu et apprécié par tous, mais qui prouve que Gaspar Noé a réussi son pari de faire un film d'amour avec du sexe, du vrai, parce que c'est lié, forcément. La Passion des débuts. La Déroute quand ça s'émousse. Les Accroches quand ça s'éteint.


(Je suis terriblement inquiète pour Electra. Il faut qu'on la retrouve !)

Oui c'est pas gagné pour Electra. Elle avait annoncé son suicide si leur amour échouait...