Eternel problème des adaptations...
Sinon, pour en revenir au sujet, si je me souviens bien, dans les deux films il manque un détail qui se trouvait dans le (superbe) roman de Lem : les étranges structures qui se forment à la surface de la planète, comme une sorte de moyen de communication. Si je me rappelle bien, Lem les décrits lorsque Kelvin consulte des rapports trouvés dans la bibliothèque de la station.
Pour le Tarkovski, il n'avait pas les moyens de les montrer. Mais Soderbergh aurait pu avec la technologie actuelle. Je ne me rappelle pas qu'il l'ai fait en tout cas.
Simple détail ? Pas vraiment car pour moi le défaut du film de Soderbergh, c'est d'avoir quasiment axé tout le film sur les rapports entre Kelvin et son épouse "réssuscitée" (avec les conséquences psychologiques pour Kelvin qui en découlent).
Soderbergh fait de Solaris principalement un "psychodrame spatial" (c'est nouveau comme genre, ça
) alors que, dans le roman, Lem articule son roman sur deux sujets : le psychodrame en question mais aussi les questions que posent la planète doté d'intelligence aux scientifiques, qui a autant d'importance. Et le problème de la fameuse incommunicabilité qui est toujours le sujet-phare de Lem (idem dans
L'invincible).
En bref, si je me souviens bien, c'est comme si Soderbergh n'avait adapté que la moitié du roman.
Maintenant... par rapport à toutes les daubes qui sortent en SF, ce film reste très recommandable, même s'il n'est pas aussi fascinant et riche que le roman.
- Citation :
- Oui de la même façon que Stephen King n'aime pas ce que Kubrick a fait de Shining. Et Ligeti ce que Kubrick fait de sa musique dans 2001... Jalousie? Guerre d'égos? Ce doit être difficile pour un artiste d'être dépossédé de sa création pour en faire quelque chose d'autre. Surtout si ce quelque chose d'autre à une reconnaissance publique ou critique.
Hé bien, là encore, Kubrick n'a pris du roman de King que ce qui l'arrangeait.
Et si King n'aimait pas l'adaptation, ce n'était pas par jalousie ou problème d'égo mais parce que Kubrick avait complètement ignoré un sujet important pour King dans le roman : l'alcoolisme de Jack Torrance. Sujet très personnel (et autobiographique) car King avait lui-même eu des problèmes avec l'alcool un peu avant d'écrire Shining. De fait, l'alcoolisme de Jack est bien mis en avant dans le roman (et les dégâts que cela peut faire dans une famille, hôtel hanté ou pas), ce qui n'est pas le cas du film.
Autre raison : le commentaire vague de King sur le film à l'époque ("Kubrick, c'est Kubrick...") est assez éclairant si on connaît assez bien l'oeuvre de l'un et de l'autre.
King a toujours mis les émotions et les sentiments de ses personnages au coeur de ses romans ; à l'inverse, les films de Kubrick ont toujours été froids, cliniques, volontiers ironiques et distanciés. Et ses personnages ne sont en fait que des marionnettes plongées dans la folie et l'absurdité du monde.
En somme, Kubrick était un réalisateur trop
cérébral pour adapter King. Et c'est mon sentiment quand je (re)vois le film.
Par ailleurs, c'est aussi la raison pour laquelle je ne trouve pas que le Shining de Kubrick soit effrayant, ni qu'il soit un de ses meilleurs films.
A la limite, il est même souvent amusant (impression encore renforcée par l'interprétation allumée et grandiloquente de Nicholson).
Comme toujours, chez Kubrick, c'est superbement filmé mais je ne trouve pas cette adaptation très convaincante en tant que film d'horreur.
D'autant que la montée en puissance (contrairement au roman) est trop rapide : Torrance devient très (trop) vite cinglé dans le film.
A l'avantage du film, en revanche, je trouve l'idée du labyrinthe bien plus intéressante que celle de King (des sculptures en forme d'animaux qui prennent "vie")
D'ailleurs, il ne fallait pas trop compter sur Kubrick pour être fidèle à un roman : il en prenait la matière et en faisait
sa chose.
Regardez son adaptation de
Lolita par exemple, si on la compare à celle d'Adrian Lyne : d'une histoire dramatique (pathétique même), il en a fait une quasi comédie, toujours dans sa vision très dérisoire et mordante de la vie. Il humilie vraiment Humbert dans son adaptation.
C'est marrant, d'ailleurs : beaucoup de gens trouvent les films de Kubrick sérieux, voir graves (à cause de leur violence, notamment) alors que, si vous regardez bien, la dérision y est reine (et ce dès
L'ultime Razzia !).
Mais c'est un autre sujet.